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Les différentes langues en contact sur le territoire marocain, l’arabe, l’amazigh et le français, conjuguées à la politique d’arabisation ont conduit à un système éducatif clivé (Tullon, 2009). Le rapport de la COSEF (Commission Spéciale Éducation Formation) utilise les termes d’incohérence linguistique scolaire pour qualifier la situation marocaine (Zerrouqi, 2015).

Deux périodes de bilinguisme éducatif se sont succédées dans le pays (Messaoudi, 2013). La première période s’étend de l’indépendance du Maroc en 1956, jusqu’aux années 1970. Durant cette période, l’enseignement au primaire s’effectuait dans les deux langues, en français et en arabe, alors que l’enseignement au secondaire s’effectuait uniquement en français. La langue arabe était cependant conservée pour l’enseignement de la littérature arabe, de la grammaire et de la pensée islamique. Cette période post-indépendance est donc caractérisée par un enseignement majoritairement en français. La seconde période est marquée par une politique d’arabisation du système éducatif entre 1981 et 1986. Désormais, l’enseignement se fait en langue arabe au primaire et au secondaire, reléguant le français au statut de langue seconde (Tullon, 2009). Cependant, la politique d’arabisation n’a pas touché l’enseignement supérieur qui demeure en langue française, excepté pour certaines disciplines liées à la religion ou à la littérature arabe. En conséquence, « une fracture

linguistique » (El Amrani, 2013, p. 55) ou « hiatus linguistique » (Bourdereau, 2006, p. 27)

s’est créé entre un enseignement scolaire arabisé et un enseignement supérieur en français. Rappelons également qu’à partir de 2003 l’amazigh est enseigné à l’école à hauteur de trois heures par semaine.

Cependant, il est important de noter que le système éducatif marocain que nous venons de décrire ne vaut que pour les établissements publics. En effet, dans les établissements privés, le français est enseigné en tant que langue seconde, mais est aussi une langue d’enseignement. Ainsi, à la sortie du baccalauréat, deux catégories d’élèves

apparaissent : les élèves qui ont une bonne maitrise du français car ils ont pu bénéficier de l’enseignement privé, souvent doublé avec des heures supplémentaires dans les Alliances Françaises ou Instituts Français du Maroc ; et les élèves qui maitrisent moins bien le français, qui ont fait leur scolarité dans le public. Pour ces derniers, la langue représente un obstacle considérable pour suivre des études supérieures en français.

Il apparait donc que le système éducatif marocain a pour conséquence de reproduire les élites marocaines en place (Tullon, 2009) qui baignent déjà dans un environnement où la langue française est très présente.

Pour conclure, le paysage marocain se caractérise par son multilinguisme. En effet, nous avons vu que cohabitent l’arabe moderne standard, l’arabe médian, l’arabe dialectal et le français. La description du paysage sociolinguistique marocain nous permet de mieux comprendre la complexité de la situation dans laquelle évoluent les apprenants marocains. Ce contexte est capital car c’est sur la base de celui-ci que nous définirons les critères de sélection des sujets de notre étude. Ainsi, tout apprenant marocain scolarisé doit au cours de son apprentissage, composer avec au minimum trois systèmes linguistiques différents : celui de la langue maternelle (l’arabe dialectal darija et/ou amazigh2), celui de la langue de

scolarisation (l’arabe standard) et enfin, celui de la langue étrangère (le français). Nous allons maintenant décrire les systèmes linguistiques de l’arabe et du français.

2 Notons que les amazighophones se retrouvent dans une situation particulière, car en plus de la langue de scolarisation et de

la langue étrangère, ils doivent également apprendre l’arabe dialectal marocain, la darija, cette dernière ayant le statut de langue véhiculaire entre arabophones et amazighophones (Ziamari & De Ruiter, 2015)

L

ES SYSTEMES PHONOLOGIQUES DU FRANÇAIS ET DE L

ARABE

II.

Après avoir décrit la complexité du contexte sociolinguistique marocain, nous présentons les systèmes phonologiques du français et de l’arabe. Il ne s’agit pas de proposer une description exhaustive des systèmes phonologiques des deux langues en question dans notre étude, mais plutôt de décrire ces systèmes dans un but précis. En effet, tous les modèles de perception (et dans une moindre mesure, de production) de la parole en L2, malgré leurs différences, accordent une place centrale à l’expérience linguistique en L1. Précisément, c’est à partir des différences entre les systèmes phonologiques de la L1 et de la L2 que les modèles prédisent les difficultés de perception en L2. Ainsi, nous nous concentrerons sur la description des aspects segmentaux des systèmes phonologiques français et arabe, sur lesquels nous nous appuierons dans le Chapitre 2 pour comparer les différents modèles de perception de la parole L2. Cette comparaison nous permettra ensuite de sélectionner le modèle qui nous parait le plus adapté quant à la perception des quatre voyelles cibles (/ɔ̃/, /ɑ̃/, /i/, /e/) de notre étude.

Nous avons vu que plusieurs variétés d’arabe sont parlées sur le territoire marocain et il en est de même pour le français. Plusieurs variétés de français sont parlées dans l’espace francophone mais également en France. La norme du français oral varie selon les continents : Europe, Amérique, Océanie, Afrique, ce qui donne lieu à des variétés d’expression très différentes (Lyche, 2010). Ainsi, nous précisons que dans le cadre de ce travail nous prenons comme norme le français de référence (Detey & Lyche, 2016). Il renvoie à l’usage décrit dans la plupart des ouvrages d’orthoépie qui sont à la base de l’enseignement du français langue étrangère (FLE). En ce qui concerne la langue arabe, nous venons de décrire, dans la partie précédente (cf. I. Contexte sociolinguistique marocain, p. 33), les différentes variétés qui coexistent sur le territoire marocain. Nous avons fait le choix de décrire les systèmes phonologiques de l’arabe standard moderne et de

l’arabe dialectal marocain. En effet, il nous semble capital de décrire le système de l’arabe dialectal, puisque c’est la langue maternelle des sujets de notre étude. Cependant, la description de ce système linguistique n’est pas chose aisée. Peu d’études, peu de descriptions linguistiques ont été faites de l’arabe dialectal marocain. Notre description de ce système ne se veut donc pas exhaustive. Le manque de références et de consensus entre les auteurs sur le système linguistique de l’arabe marocain nous enjoint à décrire également le système linguistique de l’arabe standard moderne, langue officielle du Maroc.

Dans un premier temps, nous décrivons les systèmes vocaliques puis, dans un deuxième temps, les systèmes consonantiques du français, de l’arabe standard moderne et de l’arabe dialectal respectivement, afin d’en faire ressortir les différences, différences qui sont à la base des modèles de perception de la parole L2.

Les systèmes vocaliques du français de référence, de l’arabe