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d’institutionnalisation de l’immatériel

Comme nous l’avons décrit plus haut, la plupart des concepts de la civilisation occidentale jusqu’à la fin des années 60 s’inscrivent sur le papier, sur cette surface fine – sans épaisseur – qui est inventée par une civilisation non occidentale175 et transportée dans la vie occidentale 200 années plus tard.

La découverte de l’existence du papier, son importation en Europe et puis sa production sont beaucoup plus importantes encore que l’invention de la typographie. Sans l’existence du papier la typographie n’aurait pas été développée.

Or l’événement le plus important, pour ce qui concerne l’évolution de la civilisation, et qui rend le rôle du papier un paramètre important, est la combinaison du papier et de la validation légale de tout ce qui est placé sur le papier, ainsi que ceux qui font ce placement,. L’argent, la fortune, les relations professionnelles, la propriété, plusieurs œuvres d’art, ainsi que la thèse et le diplôme, tout cela est basé sur cette double subsistance.

Avec la civilisation électronique (environ en 1960) et surtout plus tard avec la civilisation numérique (depuis 1990) la Domination du Papier à la Civilisation Occidentale tend à décliner.

Il y a une transition progressive où s’allient les deux données (le papier et le medium numérique), transition qui se caractérise d’une ample charge sentimentale en faveur de ce support bidimensionnel qui est directement lié à notre existence.

175 Le papier a été inventé en Chine (250 avant Jésus Christ), et il est transporté en Europe pendant le 13ème siècle : «dans les annales dynastiques chinoises, l’invention du papier est précisément date de la première année de Yuan Xing (+105) et attribuée a un personnage identifie, le marquis Cai Lun, haut fonctionnaire de la Cour des Han.» Biasi (de), Pierre Mark, Le Papier. Une aventure au quotidien, Découvertes Gallimard, 1999-2003, Paris, p.15

Néanmoins, le nouveau support présente plusieurs différences et surtout beaucoup plus de facilités, par rapport à la forme d’un arbre réduit en pâte. Déjà il est apparent que la fonctionnalité l’emportera sur le sentiment.

MacLuhan, accordant une grande importance à la typographie et la comparant aux autres moyens de communication, a montré le rôle important des moyens de communication à la formation de la perception, mais il a méconnu l’importance de l’élément matériel où est appuyé le développement de la typographie. La « Galaxie Gutenberg »176 n’aurait pas existé sans le papier et sans l’université, sans le sub-strat sur lequel étaient imprimées les significations et sans un sus-strat, celui des personnes éduquées qui utiliseraient le medium.

Le papier alors aux débuts du XXIe siècle, à cette période hybride de l’organisation de la société, la phase papier-numérique, tient une place dans une grande partie des activités ; avec une production mondiale approchant les 300 millions de tonnes, la consommation de papier progresse invariablement de 3% par an. 177

Avec l’invention et le développement de la technologie numérique commence un remplacement progressif du papier par un enregistrement numérique qui parfois est présenté à travers un écran et parfois est imprimé de manière mécanique sur le papier.

La différence importante ne réside pas tant au medium par lequel il est présenté mais au moyen de stockage et de traitement.

Tant par rapport au moyen de stockage, de classement et de traitement de la connaissance que par rapport à sa représentation, la technologie numérique passe presque à travers les mêmes étapes que le papier (à savoir, du fixe au portable et des institutions au grand public) sans contradictions extrêmes ou conflits.

Le matériel sur lequel est étayée la civilisation nouvelle est confus et plus compliqué que le papier. A l’encontre du papier, ce matériel présente plusieurs faces, comme écran, papier imprimé, mémoire de l’ordinateur. Il n’a pas une image explicite de ce qu’il est. Il se présente à travers un ensemble d’outils qui participent

176 Mcluhan, Marshall, La galaxie Gutenberg, Paris, 1971

177 Pierre Mark, Le Papier. Une aventure au quotidien, Découvertes Gallimard, 1999-2003, Paris, p.107

à la procédure, comme un clavier qui rappelle la machine à écrire, un écran qui rappelle la télévision, une souris qui rappelle le pantographe.

Si l’on considère que la matière première pour la création du papier est la pâte qui au début est constituée de loques et plus tard de bois, nous pouvons dire qu’en ce qui concerne la technologie numérique la matière première de la civilisation numérique est le silicium.

Peu nombreux sont ceux qui auront vu ce petit cristal noir qui change la vie du XXIe siècle. Or ces éléments (papier et silicium) présentent tous les deux un ensemble d’affinités qui influencent directement les caractéristiques des changements qu’ils provoquent.

Tous les deux sont de valeur médiocre, nous ne nous centrons pas sur eux en tant que matériaux mais sur leur contenu, c’est-à-dire au résultat, et de ce fait ce n’est pas eux qui agissent mais l’information qu’ils portent.

Les matériaux eux-mêmes ne joueront jamais un rôle important, ne seront pas mythifiés, comme c’est le cas de l’or ou de l’argent, aucune guerre ne sera faite pour eux, comme pour le pétrole.

Tous les deux ont influencé et influencent toujours l’humanité discrètement, engendrant une subversion silencieuse, au centre de laquelle se trouve l’homme ordinaire et non ces leaders. La plupart des fois l’homme ordinaire n’a pas la possibilité de les exploiter car il ne connaît pas comment le faire ou ne s’y intéresse pas, or il est important qu’il les possède et cela induit progressivement des changements importants. Un changement important est la capacité de ces moyens de créer des superstructures. La technologie numérique a les devants à ce point, car les superstructures qu’elle crée présentent des caractéristiques d’organismes évolutifs.

La période alors pendant laquelle cette recherche a lieu se caractérise d’une situation hybride. La civilisation basée sur le papier coexiste avec la civilisation numérique.

Nous sommes clairement situés dans une période entre le papier et un écran qui évolue constamment, qui finira par ressembler au support de papier178.

Tels sont également les outils dont dispose l’étudiant-chercheur pour sa recherche, outils qui correspondent à l’environnement de recherche.

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