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1.1 Problèmes de définition de l’objet de la recherche

1.1.2 Industrie du spectacle et spectateurs, deux acteurs importants de l’environnement sous développement

Parallèlement aux évolutions que nous avons mentionnées plus haut, une situation culturelle nouvelle est ante portas, pendant laquelle la civilisation numérique devient un bien en la possession de chacun. Dans cet environnement qui évolue constamment, l’industrie intervient vigoureusement et change le status quo.

Suivant la logique développée par Kodak au XIXe siècle, qui créa un «réseau»

d’appareils photographiques destinés au grand public, des films, et des laboratoires pour les développer, et proposa au grand public d’assumer la création de ses propres images avec la phrase « appuyez sur la touche, nous faisons le reste », l’industrie contemporaine propose beaucoup plus9.

Le citoyen moyen du XXIe peut avec 1500 euros avoir un système de traitement audiovisuel de qualité professionnelle qui à la fin du XXe siècle coûtait au moins 150.000 euros, et il a aussi la possibilité d’utiliser une grande quantité de matériel par l’accès à un nombre infini de tous les types de documents qu’envierait le chercheur le plus illustre du siècle précédant, tandis qu’une représentation de la terre par satellite, à laquelle on a facilement accès aujourd’hui, serait capable de mettre un citoyen du siècle passé en prison pour espionnage. Il possède aussi un micro-outil, dont il ne se sépare jamais, qui contient des informations sur des éléments de l’atmosphère, la presse quotidienne, des informations utiles, et qui a la possibilité de devenir lui-même un émetteur et transmettre des images, des sons et des données (il s’appelle pour le moment téléphone portable).

De nouveaux objets d’usage quotidien hybrides et avancés sont donc crées, tels le téléphone portable - caméra - baladeur audio, ainsi que l’ordinateur multi-outil ; objets qui permettent le développement d’un nouvel «art numérique populaire».

Outre la possibilité de création artistique personnelle, ces mécanismes constituent souvent les «bornes» d’un réseau plus large de production et surtout de diffusion d’œuvres et jeux audiovisuels. Ces réseaux étudient les nouveaux modes de divertissement, de communication et de traitement des données, avec la collaboration des industries de divertissement et de communication traditionnelles, qui participent elles aussi, avec une certaine angoisse, à la recherche et l’amélioration, car elles sont obligées de se transformer elles-mêmes en industries hybrides (combinaison de compagnies de communications et de discographie, de téléphonie, d’informatique etc.) sous un rythme relativement accéléré.

9 Santorineos, Manthos, Apparition de nouvelles conditions de la vie de l’ artiste, dues à l’ évolution technologique, Maîtrise sous la direction de Frank Popper, Université Paris 8 VIncennes, 1982

Parallèlement, la plus grande partie de l’industrie du spectacle (cinéma, musique et, pendant la dernière décennie, les jeux interactifs) laisse de côté les intermédiaires locaux et entre dans la maison de chacun.

Hormis l’épanouissement des nouveaux mécanismes culturels de la part des industries de production, une confusion particulièrement importante domine : des industries très puissantes, comme celles de la musique et du cinéma, sont menacées par l’échange gratuit et sont obligées de se réformer ; les compagnies publicitaires traditionnelles affronteront très prochainement des problèmes dus au contact direct du public avec les produits et le marché via l’Internet.

Alors, tandis que les entreprises du spectacle et de la communication cherchent désespérément de nouveaux moyens pour développer leurs produits, le nouvel art numérique populaire se développe de manière menaçante, sous différentes formes, vers les professionnels des média et de l’information.

L’exemple le plus représentatif est les Blogs, qui sont en réalité une plateforme susceptible de contenir potentiellement n’importe quoi et qui offre souvent des informations plus objectives.

Manuel Castells, à travers une cartographie du réseau10, qu’il considère comme l’axe central de la civilisation nouvelle, et à travers l’étude de ses caractéristiques particulières, donne une image de l’environnement où coexiste la civilisation qui devient caduque avec la civilisation nouvelle qui est encore au stade d’installation.

Manuel Castells énonce les impasses des formes de « divertissement » avancées mais traditionnelles, telles la télévision, l’industrie de musique etc., qui sont incapables de continuer à s’évoluer en utilisant le nouvel environnement malgré leur supériorité économique et administrative, et cela parce que, comme il le signale, elles voient le réseau seulement comme un canal de transfert de biens (nouvelles, vidéo et son).

Contrairement aux intentions des compagnies, le public utilise les propriétés du réseau à sa propre façon et selon ses propres besoins. Il échange gratuitement des pièces de musique et de vidéo, télécharge gratuitement des logiciels, cherche des

10 Castells, Manuel, La galaxie Internet, Editions Fayard, Paris, 2002

informations, communique avec ses amis, joue des jeux sur le réseau et met en avant ses propres idées.

Castells formule déjà, du point de vue du sociologue, son avis concernant l’existence d’un système qui a les qualités d’un organisme vivant, chose que les représentants des sciences cognitives (Fransisco Varela11, Joël de Rosnay12) ont déjà signalée en étudiant aussi ses possibilités éventuelles d’autorégulation. Cinq ans après Castells, Joël de Rosnay, étudiant lui aussi cet environnement, parle de l’indépendance de ses habitants, les «hommes symbiotiques», comme il les appelle, ainsi que de la possibilité de production et d’indépendance, propriétés qui créent progressivement une conscience nouvelle ; une conscience selon laquelle chacun peut communiquer avec son voisin dans le réseau, qui peut se trouver en réalité à une distance de plusieurs kilomètres, afin d’échanger des informations ou encore du matériel, via la procédure d’échange connue comme peer to peer, qui laisse du point de vue juridique plusieurs trous mais qui a créé un grand groupe de personnes, jeunes pour la plupart, qui s’en préoccupent.

Les conditions paraissent donc mûres pour le passage à une étape suivante.

C’est le moment où la technologie ancienne recule pour céder la place à la technologie nouvelle, qui influencera et donnera une forme nouvelle à l’ensemble des choses, comme il s’est passé quand les calèches ont donné leur place aux voitures et ainsi changea par la suite la ville, quand le télégraphe a donné sa place au téléphone et changèrent les conditions de vie, ou quand la bibliothèque des monastères a donné sa place à la bibliothèque universitaire, etc.

A ce moment historique crucial où domine l’hybridation, avec le transfert du divertissement de masse, de l’espace extérieur, à la maison, via le «Home Theatre»

et le «Media Center», et avec le transfert de l’activité sociale de la maison à l’espace public via le téléphone mobile, les ordinateurs portables, les palmtops, et d’autres gadgets d’usage quotidien, certaines questionnes essentielles émergent :

Existe-t-il un art numérique autonome ? Vers quelle direction se développera-t-il ? Par quoi se caractérise-t-il ? Quel rôle jouera-t-il dans la société nouvelle ? S’agit-t-il d’un seul art ou de plusieurs ? Comment se définissent ses limites ? Quel est le domaine de l’art traditionnel le plus proche, le domaine des arts

11 Varela, Franscisco, Autonomie et connaissance, Seuil, Paris, 1989

12 Rosnay, de, Joël, Le macroscope, Editions du Seuil, Paris, 1975

plastiques, du cinéma, des jeux ? Sinon, est-ce qu’il définit un domaine nouveau que nous ne connaissons pas encore aujourd’hui ?

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