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2.5 Une nouvelle approche des mécanismes de mémoire: des bibliothèques à l’hypertexte et les bases de données

2.5.3 La supériorité des travaux mentaux (software)

Il est vrai que dans la Civilisation Occidentale, depuis le deuxième millénaire après J.C., le développement d’un série d’événements liés entre eux, mais ayant des caractéristiques différentes, tels le développement du papier, l’apparition des Universités, la formation des bibliothèques non ecclésiastiques, les études pour les mécanismes de mémoire, mais aussi pour les mécanismes en général, les traductions des textes grecs, l’invention de la typographie, a créé l’environnement convenable, une superstructure invisible, pour la culture d’une pensée claire qui concernerait par ailleurs le fonctionnement et l’évolution de la superstructure elle-même.

D’ailleurs, une des caractéristiques des personnes qui se sont intéressées à ce domaine d’exercice de la pensée était qu’ils considéraient la plupart des éléments qui les entouraient comme des mécanismes, même l’homme lui-même (Descartes).

Il n’est peut-être pas accidentel le fait que deux des personnes qui ont joué une rôle important au développement de l’idée du mécanisme dont nous faisons la rétrospective sommaire (Leibniz, Descartes) avaient effectué des études de droit, entre autres, même s’il est considéré que leurs préoccupations principales étaient les mathématiques et la philosophie. Peut-être ils ont inclus ce domaine dans leurs études parce que la préoccupation avec les lois s’appliquant sur le comportement humain leur permettait d’étudier les procédures chaotiques de la société et la

83 Grant, Edward, Physical Science in The Middle Ages, Cambridge University Press, Royaume-Uni, 1977-1990

manière dont elles pourraient s’organiser dans un système complexe unitaire.

Descartes par exemple dans son mémoire pour la Faculté de Droit de Poitiers travaillera sur la notion d’un système total en étudiant la distinction entre le Droit Civil (jus civillis) et le Droit International (jus jentium) qui incorpore une législation commune à tous les états et est connu en tant que le « droit naturel ».

Malheureusement la mentalité qui dominera et qui se propagera avec l’évolution de la technologie et de la connaissance affronte la technologie et la philosophie comme deux mondes séparés, sans liaison entre eux. La machine de mémoire que les scientifiques-intellectuels du XXe siècle ont finalement construite avait une telle puissance et un tel succès auprès de la société en tant qu’outil de mémoire et de calcul qu’elle a anéanti leurs inquiétudes philosophiques, tandis que de l’autre côté et pour une longue période de temps les gens de l’esprit la méprisait.

Cette mentalité a eu des résultats désastreux.

Il est vrai qu’il y a toujours eu un malentendu entre les « gens de l’esprit » et ceux qui s’intéressaient à l’évolution des machines. L’époque la plus intéressante où il y a eu un recouvrement de ces deux tendances fut le XVIIe siècle, où les hommes d’esprit était les polytechniciens, comme Pascal qui conçut une des premières machines à calculer, la Pascaline, comme il l’appelait84 (1623-1662) ; Leibniz, qui avait créé aussi une machine similaire (1646-1716), Descartes qui avait créé un automate anthropomorphe qu’il appelait « ma fille Francine » 85.

Leibniz lui-même malgré ses vastes connaissances, qui recouvrent tous les domaines connus à son époque, avoue : « Il n’y a point d’art mécanique si petit et si méprisable qui ne puisse fournir quelques observations ou considérations remarquables, et toutes les professions ou vocations ont certaines adresses ingénues dont il n’est pas aisé de s’aviser et qui néanmoins peuvent servir à des conséquences bien plus relevées 86 ».

Or depuis ce temps on peut déjà remarquer les deux directions différentes, qui agrandiront au XXe siècle avant de commencer à re-converger comme mentalité, comme nous avons déjà mentionné, seulement les dernières années, où l’ensemble des mécanismes commence à prendre progressivement une signification

84 Breton, Philippe, Une Histoire de l'informatique, Editions Points, 1990, p. 74

85 Breton, Philippe, Ibid., p. 45

86 Leibniz, Gottfried Wilhelm, Discours touchant la méthode de la certitude et l’art d’inventer, publication électronique

culturelle, comme soutient avec l’ensemble de ses travaux le pionnier dans ce genre de recherche Gilbert Simondon.87

Un indice de cette tendance de la distinction de l’intellectuel du technique est la remarque de Leroi-Gourhan qui compare le métier à tisser mécanique de Jacquard (1752-1834) au système de l’organisation de la bibliothèque et note : «Les fiches perforées représentent une étape supplémentaire, comparable à celle des premières machines automatiques. (…) C’est le même principe que celui de Jacquard pour le métier à tisser et il est curieux de constater qu’il a fallu plus d’un siècle pour que la matière documentaire rejoigne l’étape franchie aux XIXe siècle par le tissage88

Nous pouvons définir comme point de référence de la distinction des deux parties, qui est incontestablement la cause d’un retard important d’une partie de la civilisation qui contient ses éléments les plus importants, comme la philosophie, l’époque où une partie de la cybernétique est détaché et, sous le nom de l’informatique, jouera le rôle primordial dans la nouvelle société de l’information pour ce qui concerne la structure économique et bureaucratique, sans contenir pour autant pendant une longue période la partie culturelle et philosophique, où la cybernétique offrait un champ de développement.

Philippe Breton89 divise la culture de l’informatique aux domaines suivants : pendant les années 4O, la période du renouvellement scientifique et technologique qui a évolué en dehors des domaines scientifiques «traditionnels» de la connaissance, d’où émergeront les champs spécialisés Cybernétique (1948), Intelligence artificielle, théories de l’auto-organisation (1956), la théorie des Systèmes, et l’Informatique.

A partir des années 60, la technologie des communications de masse (téléphone, télévision etc.), la Télématique. Par la suite il considère qu’il existe trois Informatiques différentes : la Première est celle qui a posé les principes de base et a introduit les grandes innovations (40-60), la Deuxième (60-70) est celle qui se caractérise de la construction de grands systèmes centralisés, qui, comme soutient l’auteur, a été créée dans une certaine mesure pour se distinguer du courant

87 Simondon, Gilbert, L'invention dans les techniques - Cours et conférences, Editions du Seuil, 2005

88 Leroi-Gourhan, André, Le geste et la parole.2 La Mémoire et les rythmes, Albin Michel, 1998, (première ed. 1964) p.73

89 Breton, Philippe, Une Histoire de l'informatique, Idem.

«métaphysique» de la Cybernétique, et la Troisième est celle que nous connaissons aujourd’hui, et qui contient une diversité infinie de moyens et de méthodes.

Pendant les années 40 et 50 la Cybernétique et l’Informatique son développement auront pendant une certaine période un sort commun ; or l’auteur soutient que : « … la cybernétique et ce qui sera l’informatique, eurent pendant quelque temps leur destin liés. Mais plusieurs événements importants ponctuant cette période contribuèrent à cristalliser progressivement, dans des creusets séparer, ces deux domaines90», tandis qu’à un autre moment il mentionne « L’informaticien des années 40, soucieux de créer un «modèle réduit du cerveau», a était remplacé par l’expert – informaticien, metteur en scène souverain empiétant parfois sur le rôle des décideurs. […] Le mathématicien – programmeur cède progressivement la place a l’informaticien – gestionnaire 91».

Bien sûr cette conclusion n’est pas tirée tant par le fait qu’il n’existe pas de personnes qui, pareils aux philosophes du XVIIe et XVIIIe siècle, mettent en avant les parties philosophiques et culturelles, que par le fait que le nombre des personnes, et l’ensemble de la recherche et de l’industrie qui représente l’opinion contraire en général, est particulièrement important et a une grande influence au domaine de l’industrie, à la société et aux média, surtout à cause du grand profit que promet ce domaine.

Notons aussi ici qu’étudier les éléments, ainsi que tirer certaines conclusions est relativement facile jusqu’à la révolution numérique, mais depuis 1940 l’existence de plusieurs et divers domaines de recherche des trois éléments (homme, systèmes de mémoire et traitement de la connaissance et de la communication) rendent l’étude très difficile, surtout lorsqu’elle s’effectue de la manière traditionnelle (papier-centrique), qui ne permet d’avoir des conclusions qu’à la condition d’accepter un nombre de contraintes spécifiques. Ce n’est que via un mécanisme comme celui que nous décrivons qu’il est possible d’étudier dans un ensemble interconnecté les 100 dernières années de l’évolution de l’homme.

Or à l’époque où sont posées les bases tant pour la science que pour la technologie (XVIIe et XVIIIe siècles) la partie intellectuelle l’emporte sur la partie technologie car les personnes ayant des sensibilités particulières créent le « mental

90 Breton, Philippe, Une Histoire de l'informatique, edition du seuil 1990 , p.151

91 Breton, Philippe, Ibid., p140

ware » correspondant, un système de référence, neutre et détaché de diverses déviations idéologiques, qui peut être appliqué à n’importe quel système.

En réalité, avec les scientifiques éminents de la cybernétique, tels Wiener, MacCoulloch, Turing, Von Neumann, Shannon et autres, clôt encore un cycle de création d’un mécanisme de pensée.

2.5.4 Descartes (1596-1650) et la combinaison des deux univers de signification

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