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Le papier, comme nous avons déjà vu, a une relation directe avec l’université. L’activité qui suit le matériau du papier et celle de l’université sont directement associées entre elles pendant les premiers pas de leur existence. L’un système a besoin de l’autre pour son évolution et de ce fait l’un soutient l’autre.

Leur relation étroite commence avant le développement de la typographie et elle est surtout liée au développement de la bibliothèque de l’université.

Pour préparer leurs cours, les professeurs vont avoir besoin de textes, d’ouvrages de références, de commentaires… « Il était donc indispensable qu’ils puissent disposer commodément de ces instruments de travail – et par suite que l’université organisât une bibliothèque où ils pourraient les consulter. Mais il n’était pas toujours possible, ni facile, d’acheter des textes déjà copiés ; la création des ateliers où des artisans copieraient à bon compté et dans les moindres délais les ouvrages indispensables, s’imposait donc »179.

Le système éducatif nouveau se développe donc en raison du nouveau moyen d’enregistrement de la mémoire. Il est clair qu’il est difficile de définir l’influence de l’un système sur l’autre. Mais ce qui est sûr, c’est que l’université s’intéresse à développer ses connaissances et que le nouveau système en offre la solution. Le papier et toute la procédure nouvelle qui s’ensuit donne ces possibilités en créant une autonomie qui lui permet de se détacher des archives de l’église.

Avec le développement du nouveau moyen se développent et circulent des nouvelles idées qui influenceront par la suite l’université.

Ayant comme motif la relation entre université et papier, un nouveau système est mis en place, système qui se substitue progressivement à la

178 La première forme de l’écran a été le tube cathodique, ensuite la projection, puis la TFT, une technologie qui a presque fait disparaître la troisième dimesion, et qui ressemble au papier.

Actuellement une nouvelle version d’écran est préparée, qui aura caractéristiques de tissu.

179 Febvre, Lucien, Martin, Henri-Jean, L'apparition du livre, Albin Michel, Paris, 02/1999

connaissance que réserve l’église dans ses bibliothèques. Ce système est mis en place d’une manière propre autonome qui constitue la suite du processus de recopiage des livres qu’assumait jusqu’alors l’église seule et qui commence à décliner progressivement.

Peu à peu, se forma ainsi dans chaque centre universitaire une véritable corporation de professionnels du livre, clercs, ou bien souvent laïques […] qui furent vite considérés comme faisant partie de l’Université dont ils étaient les

« suppôts ». Comme tels, ils jouissaient de certains privilèges, notamment de l’exception de la taille et du guet, et relevaient sur le plan judiciaire des autorités universitaires (c’est là le privilège de commitimus, remontant pour eux au début du XIII siècle)180.

La nouvelle entreprise artisanale qui se développe aide et soutient par son produit les travaux de l’université à travers l’enregistrement des idées anciennes et nouvelles. Il n’est donc pas accidentel que le grand développement des manufactures de production de papier a lieu aux endroits ou existent des universités.

Lucien Febvre constate que les universités, désireuses de disposer de papier à moindres frais et en quantité suffisante, encouragent également l’installation de moulins à papier. La création de battoirs à Corbeil, Essonnes, Saint-Cloud, et surtout autour de Troyes est, par exemple, grandement favorisée par les universités de Paris.…181

Cette alliance est clairement entrevue aux lois que parvient à obtenir l’université concernant les manufactures de papier avec lesquelles elle collabore.

« En mars 1489 (…), des lettres de Charles VIII confirment les privilèges de l’Université de Paris et fixent la liste des personnes autres que les maîtres, écoliers et régents qui seront admises à en jouir : vingt-quatre libraires, quatre parcheminiers, quatre papetiers parisiens, sept fabricants de papier de Troyes, Corbeil et Essonnes, deux enlumineurs, deux écrivains et deux relieurs. Longtemps, le titre de « papetier juré de l'Université » sera convoité par les négociants parisiens et les fabricants de papier troyens. Sorte de titre de noblesse et de surcroît fort

180 Febvre, Lucien, Martin, Henri-Jean, L'apparition du livre, Albin Michel, Paris, 02/1999, p.23

181 Ibid, p.53

avantageux, il comportait des exemptions d’impôts et des avantages multiples que 1’Université s'appliquait jalousement à sauvegarder182 ».

Dès le milieu du XIVe siècle, l’université de Paris, désireuse de s'approvisionner au meilleur compte, obtient de Jean le Bon le droit d’avoir, à Essonnes et à Troyes, des fabriques de papier dont les propriétaires seraient exemptés d’impôts et de taxes en qualité de suppôts de l'Université.

Les moulins à papier se multiplient dès lors autour de Paris ; un centre se développe près de Corbeil et d'Essonnes ; plus près encore de la capitale, à Saint-Cloud en 1376, deux papetiers, bourgeois de Paris, prennent à bail emphytéotique de l’évêque de cette ville « un grand moulin » pour faire au dit moulin « d'ores en avant papier et autres choses et ouvrages telles comme bon leur semblera pour leur proufit, excepté qu’il n’y pourront à nul temps advenir mouldre ni faire mouldre grains quelconques » 183. C’est la période où l’étudiant participe directement à cette procédure comme copieur de ses livres.

Aux premières étapes de développement de ce réseau, l’Université essaiera de contrôler le livre, tant intellectuellement qu’économiquement. Comme mentionne Lucien Febvre :

« Pour exercer un contrôle intellectuel et économique sur la circulation des livres, l’Université avait voulu en effet que les ouvrages indispensables aux études des maîtres et des écoliers fussent soigneusement vérifiés dans leur texte, afin qu'il ne s’y glissât point d’erreurs qui eussent pu en dénaturer le sens. Pour permettre dans les meilleures conditions la multiplication des copies, sans altération du texte et sans spéculation abusive de la part des copistes, l’Université mit au point un système fort ingénieux de prêt de manuscrits contrôlés et soigneusement revus, à partir desquels des copies pouvaient être faites contre une rémunération tarifée (« taxée ») (…) Le manuscrit de base, « l'exemplar », revenait après copie au stationnaire et ce dernier pouvait alors le louer une nouvelle fois. (…) Le prix de location (…) était fixé par l’Université et les stationnaires ne pouvaient le majorer.

Ils avaient, d’autre part, l’obligation de les louer à tous ceux qui le désiraient. Si un

« exemplar » était reconnu défectueux, il était retiré de la circulation »184.

182 Ibid.

183 Ibid.

184 Ibid.

Le papier n’a cessé, pendant toute la durée du fonctionnement de l’Université, de jouer un rôle important.

Tout d’abord un papier spécialement traité, le diplôme, qui rappelle parfois la thèse-image du XVIIe siècle, représente tout le service et les crédits de celui dont il porte le nom.

En plusieurs langues d’ailleurs le diplôme s’appelle aussi « papier ». « As-tu obtenu ton papier ? », voici une expression courante en Grèce entre les étudiants.

L’Université a alors fait une longue route, des fabriques du papier et de l’industrie de recopiage de livres, à la bibliothèque et aux presses universitaires, et finalement de la « thèse image - cérémonie » à la « thèse - évolution de la connaissance », archivée et protégée en tant que produit intellectuel, dans un système d’accès libre à la connaissance.

L’Université du XXIe siècle présente, tout comme la société, un état hybride. Sa structure et son organisation centrales sont désormais basées sur la technologie numérique, or plusieurs de ses activités fondamentales essentielles sont toujours basées sur le papier, c’est-à-dire conservent la même structure qui existe depuis l’apparition de l’Université.

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