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Simulation de l’effet de lentille gravitationnelle

Au cours de leur trajet depuis la surface de dernière diffusion jusqu’au détecteur, les photons du CMB sont déviés par l’effet de lentille gravitationnelle produit par les grandes structures (voir figure 3.2). Le signal du CMB mesuré dans une direction correspond donc au signal provenant d’une position légèrement différente au niveau de la surface de dernière diffusion (équation 3.12). Il n’est ainsi jamais possible d’observer directement le signal du CMB non lentillé tel qu’il apparaît lors du découplage. Le déplacement total des photons détectés, dépend du déplacement produit par le potentiel gravitationnel intégré sur l’ensemble du parcours (voir équation 3.3). Simuler l’effet de lentille gravitationnelle nécessite alors d’estimer le signal du CMB en chaque point du ciel, après la déviations des photons par les grandes structures. La technique consiste à modéliser la déflexion des photons et à en déduire le signal lentillé, à partir d’une carte du CMB non lentillée, sensée représenter le signal au niveau de la surface de dernière diffusion.

Pour estimer la déflexion dans chaque direction, il est possible de procéder par lancé de rayon. C’est une technique qui consiste à suivre la trajectoire complète des rayons lumineux tombant dans chaque pixel de la carte et à modéliser l’ensemble des interactions qu’ils ont subi, afin d’en déduire la carte lentillée. C’est une méthode très lourde car elle nécessite de simuler l’ensemble des structures gravitationnelles de l’espace ainsi que leur évolution dans le temps, jusqu’à des échelles suffisamment fines, ce qui nécessite des simulations N-corps précises, très gourmandes en temps de calcul. Cette technique présente toutefois des avantages pour certaines études. Elle permet notamment de prendre en compte les effets non linéaires présents à petite échelle, ou encore les corrélations avec les amas SZ. Elle a récemment été employée pour réaliser des simulations précises pour l’expérience ACT Das & Bode (2008).

Il est possible de s’affranchir de la simulation des structures gravitationnelles. Il existe en effet une méthode alternative pour déterminer les déplacements en chaque point, qui ne nécessite pas de simulations N-corps, ce qui simplifie grandement la procédure. D’après l’équation 3.7, on peut écrire le champ de déflexion comme le gradient d’un champ de potentiel φ, appelé champ de potentiel de lentille. C’est l’intégrale sur la ligne de visée du champ gravitationnel à trois dimensions qui est un champ gaussien dont le spectre de puissance peut être calculé avec CAMB pour un modèle d’univers donné (voir section 6.1.2). L’estimation du champ de déflexion nécessite alors simplement de générer une réalisation du champ gaussien φ et de calculer son gradient. C’est cette méthode que nous avons utilisé.

On pourrait être tenté d’utiliser le développement limité donné par l’équation 3.15 et générer la carte lentillée à l’aide d’un produit du gradient de température par le gradient du potentiel. Cependant, cette approche ne conduit pas à des résultats suffisamment précis. La convergence de l’expression approchée est en effet très lente Hanson et al. (2010a).

6.3.1 Simulation sur la sphère

Pour simuler l’effet de lentille gravitationnelle sur la sphère nous utilisons le code LENSPIX, développé par Antony Lewis, qui est librement utilisable et disponible sur internet. On trouvera des détails sur son fonctionnement dans Lewis (2005) et Hamimeche & Lewis (2008). Il permet de simuler des cartes lentillées de température et de polarisation et possède de bonnes performances. Grâce à une architecture parallélisée, il est capable de générer des cartes HEALPix en haute résolution (nside égal à 2048) en seulement quelques minutes. Pour obtenir ces performances, l’estimation du champ de déflexion est effectuée à partir du gradient du potentiel de lentille comme expliqué ci-dessus et les valeurs lentillées sont obtenues grâce à une interpolation du champ non lentillé. Récemment, une méthode de simulation de cartes lentillées a été développée dans Lavaux & Wandelt (2010). Elle utilise une méthode alternative d’interpolation : FLINTS (pour Fast and Lean Interpolation on the Sphere), qui est une méthode plus précise et rapide, qui tient compte des propriétés statistiques de la carte. Nous avons toutefois utilisé LENSPIX pour l’ensemble de nos simulations car le code FLINTS n’existait pas auparavant mais également car LENSPIX répondait déjà aux besoins de Planck.

La première étape de la procédure consiste à simuler des réalisations gaussiennes du CMB non lentillées et du potentiel gravitationnel intégré, à partir de leur spectre de puissance. Cette étape utilise les librairies HEALPix. La méthode utilisée est donc celle décrite dans la section 6.2.1. Toutefois, les effets de la fonction fenêtre des pixels (voir section 6.2.1) ne sont pas pris en compte. Il ne doivent de toute façon pas être intégrés car ils sont dûs à la méthode de production des cartes

6.3. SIMULATION DE L’EFFET DE LENTILLE GRAVITATIONNELLE

et ne correspondent pas à un effet physique. De manière plus générale, les cartes du CMB non lentillées ne doivent contenir aucun effet instrumental.

La seconde étape consiste à calculer le gradient ∇φ du potentiel de lentille φ afin d’en déduire la carte de la déflexion d (voir l’équation 3.7). Il faut faire particulièrement attention à ce calcul pour des simulations sur la sphère. En effet, les coordonnées du vecteur de déflexion ne sont pas données simplement par des dérivées spatiales (comme sur le plan) mais par des dérivées covariantes sur la sphère. Ainsi, le gradient doit être évalué sur la sphère le long des géodésiques. Les calculs sont effectués dans l’espace des harmoniques sphériques, ce qui simplifie grandement les équations. Les détails peuvent être trouvés dans Lewis (2005).

Connaissant la valeur de la déflexion en chaque direction, on peut finalement générer les cartes lentillées. Pour chaque pixel de la carte non lentillée pointant dans une direction ˆn, il faut alors évaluer le signal non lentillé dans la direction ˆn0 déterminée à partir de la valeur de la déflexion dans cette direction en suivant l’équation 3.12. Sur la sphère la direction ˆn0 est estimée en se déplaçant d’une distance |∇φ| sur une géodésique dans la direction donnée par ∇φ. Il faut pour cela faire l’approximation que le gradient reste constant sur cette distance, ce qui est compatible avec l’hypothèse de Born faite pour le calcul de l’intégrale du champ gravitationnel (voir section 3) et qui correspond à une bonne approximation étant donnée l’amplitude des déflexions. À partir de la décomposition en harmoniques sphériques am

` du champ non lentillé il est facile d’estimer sa valeur dans une direction arbitraire ˆn0 en faisant une transformée inverse :

T(ˆn0) = T (θ, ϕ) = X `=0 m=` X m=−` am` Y`m(θ, ϕ) (6.7) où les Ym

` sont les fonctions de base des harmoniques sphériques. Cette technique permet d’estimer la valeur exacte du signal, cependant, lorsque la direction ne coïncide pas avec le centre d’un pixel de la carte, il n’existe pas d’algorithme rapide pour effectuer une transformation en harmonique sphérique inverse. Le temps de calcul devient alors rapidement trop important même pour des cartes possédant une résolution bien inférieure à celle de Planck.

Le code LENSPIX propose alors le choix d’estimer la valeur du signal grâce à une interpolation. Ce n’est plus une méthode exacte mais elle permet toutefois d’atteindre une précision de plus de 0.1% sur les spectres de puissance jusqu’à ` égal à 2000, ce qui est largement suffisant pour les besoins de Planck. La technique employée est basée sur une projection cylindrique équidistante d’une carte suréchantillonnée, suivie d’une interpolation cubique. C’est cette option que nous avons utilisé pour simuler nos cartes car c’est la seule envisageable étant donnés la résolution requise et le nombre important de réalisations dont nous avons besoin.

6.3.2 Simulation sur le plan

Pour réaliser des simulations de l’effet de lentille gravitationnelle sur le plan, nous avons utilisé une méthode similaire à la méthode précédente sur la sphère. La première étape de la procédure consiste donc à déterminer le champ de déflexion. Pour cela on génère tout d’abord une carte du potentiel de lentille φ. C’est un champ gaussien dont le spectre de puissance est connu et qui peut être calculé par CAMB, par exemple, pour un jeu de paramètres cosmologiques donné. On peut donc employer l’outil de génération de cartes gaussienne décrit dans la section 6.2 pour simuler une réalisation. Le champ de déflexion est alors déduit de l’équation 3.12. La détermination du champ de déflexion nécessite alors d’estimer le gradient du potentiel de lentille (voir équation 3.7). Le calcul est effectué dans l’espace de Fourier, en utilisant la propriété de la transformée de Fourier de la dérivée d’un fonction :

d(n) = −∇φ(n) = dx dy  =   −TF−1hikxˆφi −TF−1h ikyˆφi   (6.8)

où, ˆφ représente la transformée de Fourier du champ de potentielle de lentille. On obtient finalement une carte à deux dimensions, dont chaque pixel donne la valeur du vecteur de déflexion dans la direction donnée par le centre du pixel, qui permet de simuler l’effet de lentille gravitationnelle sur une carte de température de CMB non lentillées.

CHAPITRE 6. SIMULATION ET ANALYSE DE SIGNAUX POUR PLANCK

(a) Carte du CMB non lentillée (b) Carte du CMB lentillée

(c) Différence (d) Carte du potentiel de lentille

Figure 6.4 – Simulation d’une carte du CMB lentillée dans le plan. La carte lentillée (figure (b)) est générée à partir des simulations gaussienne des cartes du CMB (figure (a) et du champ de potentiel de lentille (figure (d)). On remarque sur la figure (c) que l’intensité des différences entre les cartes du CMB lentillées et non lentillées est la plus intense dans les régions où le gradient de la carte du champ de potentiel de lentille est le plus marqué. Chaque carte correspond à une zone de 10 degrés de coté.

La seconde étape se base sur une réalisation d’une carte des anisotropies du CMB idéale. C’est un champ gaussien qui peut être simulé de la même façon que le champ φ à partir de son spectre de puissance. Pour obtenir la version lentillée de la carte des anisotropies, il faut alors appliquer l’équation 3.12 en utilisant le champ de déflexion calculé précédemment. Pour simplifier la procédure, on fait appel au principe du retour inverse de la lumière, qui permet d’évaluer le trajet des photons dans le sens opposé à leur propagation. On part donc du centre de chaque pixel de la carte lentillée et on détermine le vecteur de déplacement dans le pixel correspondant de la carte de déflexion, calculée à l’étape précédente. On en déduit finalement la position de laquelle proviennent les photons sur la carte non lentillée (qui correspond à la surface de dernière diffusion).

La dernière étape est la partie la plus délicate de la procédure. En effet, comme le champ de déflexion est un champ aléatoire, l’amplitude et la direction du vecteur de déflexion prennent des valeurs avec une dispersion aléatoire qui dépend de la réalisation du champ considéré. Les photons proviennent donc, en général, d’une position qui ne coïncide pas avec les pixels de la carte non lentillée. Pour estimer l’amplitude d’un pixel de la carte lentillée, il faut donc interpoler le signal non lentillé à la position correcte. Pour éviter d’avoir à interpoler aussi le champ de déflexion, on génère des cartes de déflexion avec la même résolution que celle choisie pour les cartes lentillées, ce