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Dans le cas général, il est nécessaire d’intégrer l’ensemble des déflexions introduites par la matière rencontrée le long du trajet des photons. Le calcul doit être réalisé dans le cadre de la relativité générale afin d’évaluer les trajectoires perturbées par les modifications de la métrique en présence de matière. Dans cette étude, on se placera dans un modèle d’Univers de type ΛCDM.

Dans des conditions d’homogénéité parfaite, il n’est pas possible de générer des effets de lentille gravitationnelle. Dans la suite, on considère que les fluctuations de densité, à l’origine du phénomène de lentille gravitationnelle, sont des perturbations de la métrique et de faible amplitude donnant lieu à un effet de lentille faible.

Par ailleurs, on considère que les zones où se produisent les déflexions sont petites par rapport au trajet total. Par conséquent on peut diviser le parcours des photons en trois zones. Des trajets non perturbés (rectilignes pour un Univers euclidien) séparés par une zone d’interaction de taille négligeable devant les distances totales. Cette hypothèse correspond au régime des lentilles minces (voir figure 3.1). C’est une hypothèse largement vérifiée pour l’étude des effets de lentille gravita-tionnelle du CMB. Un amas de galaxie par exemple a une dimension typique de l’ordre du Mpc qui est négligeable devant les distances parcourues par les photons du CMB de plusieurs Gpc.

Finalement, on considère que les angles de déflexion sont faibles et que les photons ne s’écartent donc presque pas de leur trajectoire non perturbée. On peut alors évaluer le potentiel perturbateur sur le trajet que les photons auraient parcouru en l’absence de fluctuations de densité (c’est-à-dire une ligne droite pour un Univers homogène et plat). Cette hypothèse est connue sous le nom d’approximation de Born. Dans le cadre de cette approximation, on peut considérer que la déflexion ne se fait que dans le plan perpendiculaire à la ligne de visée. L’effet de lentille gravitationnelle « n’allonge » donc pas le trajet. Il existe en principe une composante longitudinale mais il a été montré dans Hirata & Seljak (2003b) qu’elle était négligeable étant donnés la résolution et le niveau de bruit de Planck et des expériences à venir.

3.3. HYPOTHÈSES

Figure 3.1 – Approximation des lentilles minces. Si la distance entre le déflecteur et la source et le déflecteur et l’observateur est suffisamment grande on peut se placer dans le régime des lentilles minces et considérer que la déflexion se produit de façon instantanée au niveau du déflecteur et que le reste du parcours se fait de façon non perturbé, c’est-à-dire en ligne droite pour un Univers euclidien. Une justification géométrique est donnée par le schéma ci-dessus dans lequel on voit que la zone (en rouge) sur laquelle le trajet réel (en trait plein) dévie fortement du trajet rectiligne tangent (en traits pointillés) est très faible comparé à l’ensemble du trajet.

3.3.1 Équation de lentille

Une lentille (L) dévie la trajectoire lumineuse des photons provenant d’une source (S) d’un angle

α(voir figure 3.2). La source apparaît donc à un observateur (0) comme l’image (I) située dans une direction différente. Il est possible d’exprimer cet angle en fonction des positions angulaires de la source et de son image et des distances angulaires entre l’observateur, la lentille et la source. Si on reprend les notations de la figure 3.2, dans l’approximation des petits angles, un calcul géométrique conduit alors à l’équation suivante :

θI = θS+DLS

DOS

α (3.1)

qui correspond à l’équation géométrique de lentille. On pourra chercher à l’inverser afin de reconstru-ire le champ source, c’est-à-dreconstru-ire le champ observable en l’absence de déflexion par effet de lentille gravitationnelle. Le rapport DLS

DOS est maximal quand le déflecteur est placé à mi-chemin entre la source et l’observateur. Les déflecteurs situés dans cette région produisent donc les plus forts angles de déflexion.

Lorsqu’on s’intéresse au CMB il est plus intéressant de travailler à partir de la différence de po-sition angulaire, introduite par l’effet de lentille gravitationnelle, au niveau de la surface de dernière diffusion. D’après la figure 3.2, on constate qu’une source repérée par la position angulaire θS sera observée avec une position angulaire différente θI à cause de la déflexion d’angle α introduite par l’effet de lentille gravitationnelle. Cette différence de position angulaire s’écrit :

δθ= θI− θS= DLS

DOS

α (3.2)

En intégrant cette équation le long de la ligne de visée, on peut alors définir un champ de déflexion

den tout point du ciel. Pour une source située à la distance comobile χ, dans un Univers plat, on peut écrire (voir Lewis & Challinor (2006)) :

d(ˆn) = −2Z

χ

0

χ− χ

χΨ(χn; η0− χ) (3.3) où ˆn est un vecteur unitaire sur la sphère définissant une position angulaire, η est le temps conforme et l’indice 0 désigne la valeur présente. Le champ Ψ correspond au champ de potentiel gravitationnel tri-dimensionnel. Pour le CMB on suppose que la source est située au niveau de la surface de dernière diffusion et que cette dernière possède une épaisseur négligeable. La distance χcorrespond donc à celle de la surface de dernière diffusion.

L’équation précédente correspond donc à un réarrangement de la position de chaque point source. Si on considère un champ à deux dimensions, P , subissant un effet de lentille gravitationnelle, on peut déterminer le champ image, ˜P, en estimant la position image de chaque point source. Cette opération peut s’écrire sous la forme :

˜

CHAPITRE 3. EFFET DE LENTILLE GRAVITATIONNELLE SUR LE CMB

Figure 3.2 – Notations pour l’équation de la déflexion Une source (S) est repérée par un vecteur angulaire θS par rapport à une direction arbitraire fixée pour l’observateur (O). Une lentille gravitationnelle (L) produit alors une déflexion d’angle α et l’image de la source possède finalement une direction appararente θI. On note DOLla distance angulaire entre l’observateur et la lentille, DOS la distance angulaire entre l’observateur et la source et DLS la distance angulaire entre la lentille et la source.

où g correspond à la fonction de réarrangement qui est donnée par l’équation et s’exprime de la façon suivante :

g(ˆn) = ˆn + d(ˆn) (3.5) Cette équation décrit la transformation entre le champ source et le champ image. Il est courant de décrire cette transformation à l’aide de son Jacobien J, ou de la matrice d’amplification a = J−1

qu’on exprime généralement sous la forme (Bartelmann & Schneider (2001)) :

a−1 = J = ∂g(ˆn) ˆn  =  1 − κ − γ1 −γ2 −γ2 1 − κ + γ1  (3.6) Dans le cadre des effets de lentille faibles, le terme κ s’interprète comme une convergence, c’est-à-dire qu’il correspond à l’amplification isotrope d’un élément de surface. Il est relié au champ de déflexion par l’équation κ = 1

2∇ · d. Les termes γ1et γ2 correspondent à un cisaillement (shear en anglais), c’est-à-dire un étirement dans deux directions propres perpendiculaires. Ils traduisent les déformations à surface constante.

Le cisaillement est l’observable la plus importante lorsqu’on étudie l’effet de lentille gravitation-nelle des galaxies car il décrit la déformation des images. C’est la mesure statistique des corrélations des ellipticités des galaxies qui permet de détecter l’effet de lentille gravitationnelle. Cette mesure peut se faire sans connaître la distribution des galaxies sources. Pour le CMB, en revanche, on dis-pose de nombreuses contraintes sur la distribution du champ non lentillée. Ses propriétés sont bien connues. Il est ainsi intéressant de tenir compte en plus du cisaillement, des effets de convergences sur des échelles de la taille des perturbations. On s’intéressera alors généralement à la déflexion di-rectement qui intègre l’ensemble des effets produits par le réarrangement des points par les lentilles gravitationnelles.

3.3.2 Potentiel de lentille

Dans le cadre de l’approximation des petits angles (effet de lentille gravitationnelle faible), l’in-tégrale de l’équation 3.3, est évaluée dans le cadre de l’approximation de Born, c’est-à-dire le long du chemin non perturbé. Dans ce cas, on peut relier le gradient transverse à un gradient angulaire sur la sphère à une distance χ par la relation ∇= ∇Ψ/χ (voir Lewis & Challinor (2006)). On peut

3.3. HYPOTHÈSES

alors réécrire l’équation 3.3 sous la forme d’un gradient de potentiel :

d= ∇φ (3.7)

où le champ φ désigne le potentiel de lentille. Il s’écrit sous la forme :

φ(n) = −2Z χ

0

χ− χ

χχ Ψ(χn; η0− χ) (3.8) et représente l’intégrale le long de la ligne de visée du champ gravitationnel à trois dimensions.

Les propriétés statistiques du potentiel de lentille dépendent de la géométrie de l’Univers et du potentiel gravitationnel sur la ligne de visée. Si on considère que le champ gravitationnel suit une évolution linéaire à partir de perturbations initiales gaussiennes, on peut considérer dans une bonne approximation que le champ φ est un champ scalaire gaussien. Dans la pratique, l’évolution récente des structures à petite échelle n’est pas linéaire mais le grand nombre de structures à petite échelle rencontrées sur la ligne de visée rend la distribution gaussienne (voir Hanson et al. (2010a)). Les non-linéarités modifient tout de même le spectre de puissance du potentiel de lentille principalement à haut `. Pour obtenir un calcul précis il est donc nécessaire de se baser sur des simulations des structures et de leur évolution et procéder par lancé de rayon. Il est tout de même possible de prendre en compte les corrections non linéaires au niveau du spectre de puissance à l’aide d’une approche paramétrique comme HALOFIT couplé au code CAMB.

Les propriétés statistiques du potentiel de lentille sont décrites par son spectre de puissance car c’est un champ gaussien. On peut alors écrire les relations suivantes :

hφi = 0 (3.9)

`mφ`0m0i = δl`0δmm0C`φφ (3.10) Le spectre de puissance du champ φ est relié à celui du champ de déflexion. D’après l’équation 3.7 en calculant le gradient dans l’espace des harmoniques sphériques, on obtient :

C`dd = `(` + 1)Cφφ

` (3.11)

On peut voir sur la figure 3.3 le spectre de puissance du potentiel de lentille, calculé avec CAMB à partir des paramètres cosmologiques estimés sur les données correspondant à sept années d’obser-vation de WMAP.

3.3.3 Ordres de grandeur et validité des approximations

On trouvera une discussion intéressante sur la validité des différentes approximations sur lesquelles reposent les résultats précédant dans Lewis & Challinor (2006) et Hanson et al. (2010a). Nous reprenons ici un certain nombre d’ordres de grandeur qui confortent les hypothèses que nous avons utilisées. L’élément le plus important est la validité de l’approximation des petits angles. C’est la condition nécessaire pour utiliser l’approximation de Born qui permet d’évaluer le potentiel sur la trajectoire non perturbée des photons. Si cette approximation n’était pas vérifiée, il faudrait ré-soudre le problème beaucoup plus complexe de lancé de rayons sur la trajectoire, en tenant compte de l’ensemble des déflexions rencontrées. Ce qui nécessite de réaliser des simulations de la densité de matière à trois dimensions, en prenant en compte son évolution au cours du temps.

Afin d’estimer un ordre de grandeur de la déflexion des photons, on peut considérer que l’effet qu’ils subissent au cours de leur trajet est une succession d’interactions avec les grandes structures. La taille typique des puits de potentiel est de l’ordre de 300Mpc. Elle est donnée par le maximum du spectre de puissance de la matière. La déflexion moyenne introduite par ces structures est de l’ordre de 10−4 radians (voir Hanson et al. (2010a)). La distance de la surface de dernière diffusion, à l’époque actuelle, étant de l’ordre de 14000Mpc, les photons du CMB qu’on observe ont subi une cinquantaine d’interactions en moyenne. L’écart type de l’amplitude des déflexions est donc de l’ordre de 501/2×10−47.10−4 radians soit environ deux minutes d’arc. Ce résultat est du même ordre de grandeur que celui de la section 3.4.2 déterminé à partir du spectre de défléxion attendu avec la mesure des paramètres cosmologiques effectuée par WAMP, dans un modèle ΛCDM. L’approximation des petits angles devrait donc être bien vérifiée, ce qui renforce ainsi la validité de l’approximation de Born.

CHAPITRE 3. EFFET DE LENTILLE GRAVITATIONNELLE SUR LE CMB

Figure 3.3 – Spectres de puissance de la déflexion. Le calcul est effectué avec CAMB dans un modèle ΛCDM à partir des paramètres cosmologiques déterminés par l’équipe de WMAP intégrant sept années d’observations.

On s’attend par ailleurs, à ce que la déflexion soit corrélée sur de grandes échelles. Comme on a vu dans la section 3.3.1, la déflexion possède une amplitude maximale quand le déflecteur est placé à mi-chemin entre la source et l’observateur. Les objets situés dans ces régions contribuent donc plus fortement à la déflexion. L’ordre de grandeur de l’échelle des corrélations peut donc être estimé en évaluant la taille angulaire d’une structure de 300Mpc, placée à mi-distance entre l’observateur et la surface de dernière diffusion. Ce qui donne une taille angulaire d’environ 300/7000 ≈ 0.043 radians, soit ∼ 2.5° (voir Hanson et al. (2010a)). Cette valeur est en accord avec les résultats attendus à partir du spectre de la déflexion calculé avec les paramètres cosmologiques issus des mesures de WMAP. En effet sur la figure 3.3 on voit que le spectre de puissance angulaire de la déflexion est maximal vers ` ∼ 50, ce qui correspond à une échelle angulaire de quelques degrés.

Enfin, à très petite échelle angulaire (bien en dessous de la minute d’arc), on peut trouver des régions isolées du ciel où l’angle de déflexion est grand, notamment quand la ligne de visée est quasiment alignée avec un objet très massif. Cependant, seul un très petit nombre de rayons sont affectés. Dans tous les cas, cet effet est totalement négligeable dans le cas de Planck, étant donnée la taille du lobe instrumental. Pour les expériences futures, il est possible de suivre l’approche de Hirata & Seljak (2003b) en considérant ces régions comme des avant-plans à soustraire quand on s’intéresse à l’effet de lentille gravitationnelle sur le CMB.