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Tenant la contradiction entre le besoin humain de qualité de vie et la capacité de charge de l’écosystème comme axe de la problematique de cette recherche, le développement des villes se comprend comme l’expression la plus frappante de cette contradiction.

Enracinée dans la naissance de l’humanité, la contradiction entre le développement humain et la durabilité de l’écosystème planétaire n’est devenue sujet de recherche qu’à la fin du 20e siècle. Le rapport du Clube de Rome (Meadows 1972) est peut-être le premier à suggérer un indice de durabilité défini par la limite de ressources disponibles par rapport à

la population humaine sur la planète, en proposant la réduction du taux de natalité avant que le seuil de durabilité ne soit dépassé. Depuis, deux révisions ont identifié le ralentissement de la croissance démographique planétaire, sans, toutefois, arriver à consensus sur un seuil de stabilité durable (Meadows, Meadows et al. 1992; Meadows, Randers et al. 2004).20 En même temps, d’autres méthodes et indicateurs ont été proposés en vue d’une répartition plus égalitaire de la richesse générée par l’exploitation de ressources. Commandé par l’ONU à la Comission mondiale pour l’environnement et le développement, le rapport Brundtland (Nations Unies. Commission mondiale sur l'environnement et le développement. and Brundtland 1987) montrait que les pays développés, ayant alors seulement 26 % de la population mondiale, consommaient 86 % des ressources non renouvelables.

La définition de développement durable comme « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » (Nations Unies. Commission mondiale sur l'environnement et le développement. and Brundtland 1987), avoue les contradictions du modèle de développement poursuivi depuis la Révolution industrielle, en évoquant les inégalités socioéconomiques internes des pays pauvres et les inégalités internationales comme obstacle au développement durable; elle suggère ainsi l’élaboration de critères et d’indicateurs de qualité environnementale comme une des fonctions essentielles du PNUE.

L’IPCC, créé par l’UNEP-ONU, utilise des indicateurs climatiques pour démontrer l’effet de l’émission humaine des GES sur le climat (IPCC 2006), dont les rapports montrent des scénarios suggèrant la retenue du développement basé sur des sources non renouvelables et le besoin urgent de technologies non polluantes. En même temps, l’IPCC avoue l’incertitude dérivé de la complexité du modèle et le besoin de recherches qui puissent modéliser le climat avec plus de précision.

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Poussée par la première crise du pétrole et par la perspective d’une hécatombe nucléaire, la production littéraire concernant le développement et ses perspectives a été abondante pendant les années 1970, jusqu’à la fin du bloc communiste, marquée par la chute du mur de Berlin en 1989. Depuis, la littérature s’est concentrée sur la crise environnementale globale, ciblant en même temps le gaspillage de ressources et l’inégalité socio- économique planétaire.

La contestation de la méthodologie, des résultats et de l’analyse diffusés dans ces rapports par un groupe de chercheurs classés comme sceptiques, a mis en évidence le caractère parfois idéologique de la recherche. Toutefois, l’IPCC a répondu aux critiques en reconnaissant des erreurs commises par certains de ses chercheurs, tout en confirmant l’origine humaine du réchauffement et la validité des scénarios.

Pour l’instant, l’identification du stress écosystémique suivant une approche épidémiologique semble être une piste très pertinente pour modéliser la durabilité, autant à l’échelle locale qu’à l’échelle globale. De plus, l’utilisation des indices et des indicateurs urbains pour comparer les villes est devenue monnaie courante dans des politiques régionales de marchandisation de la ville, généralement entamés par les entreprenneurs et par la mairie avec l’objectif de séduire un public cible en leur faisant remarquer certaines caractéristiques urbaines uniques par rapport aux autres villes. Mais cette politique entraîne des consequences : en même temps que la ville renforce son rôle de centre d’attraction, elle appauvrit les villes vidées de leurs emplois, en bouleversant l’ordre fragile de communautés humaines auparavant stables.

À Maringá, ville sélectionnée pour l’étude de cas du projet de recherche, la fertilité du sol, la baisse valeur foncière et la facilité d’occupation promue par la voie ferrée ont été les atouts diffusés par la companie CTNP afin d’attirer des acheteurs. Récemment, ces valeurs ont été remplacées par d’autres comme la beauté de la ville, de ses parcs, du dessin de son système de voirie, etc. qui expriment plutôt une image de qualité de vie dans le centre-ville, sans la démontrer avec des indicateurs objectifs dans la banlieue ou dans les villes de l’aglomération.

La diffusion d’autres indicateurs d’ordre plutot socio-economiques comme l’IDH a étés mis en place par les agences statistiques d’état, comme l’IPARDES, au Paraná pour répondre aux demandes des bailleurs de fonds. Ainsi, plusieurs indicateurs sont devenus des outils courants pour établir des politiques d’aide au développement municipal et

régional, aboutissant à des indices complexes comme l’IDH et le GINI, diffusés par l’IPARDES, par municipalité.21

En ce qui concerne l’administration municipale, certains indicateurs et indices urbanistiques ont été incorporés dans les lois pour controler l’utilisation et l’occupation du sol urbain, visant à obtenir une qualité spatiale basée principalement sur des critères fonctionnelles et esthétiques, comme le taux d’occupation du terrain, le nombre d’étages, le taux de perméabilité, la largeur des voies, la largeur des aires de préservation le long des rivières, etc. Quoique supposés reliés au développement, ces indices ne le mesurent pas et leur application ne le produit non plus; toutefois, ces indices soutiennent une sorte de développement assumé par les décideurs, généralement un consultant et son équipe, comme le meilleur, selon l’idéologie de la classe representé par le consultant.

La plupart de ces indices sont hérités des plans et des politiques d’utilisation et d’occupation précédentes, mais, pour la plupart, sans un débat participatif au sujet de leurs fondements techniques, scientifiques, esthétiques ou idéologiques. Étant donné que les plans directeurs ont étés élaborés en conformité aux exigences de la Constitution fédérale et de l’État du Paraná - une fois approuvé par les instances de l’État - le texte du plan directeur et de ses lois sont vite oubliées, ce qui demontre le peu de résonance autant chez l’administration publique que chez les contribuables. Les enquêtes préalables au plan, les présentations et débats réalisés avec des représentants de la communauté locale ou la formation des fonctionnaires pour l’application des outils de contrôle urbain semblent être insuffisants pour éviter le retour aux vieilles pratiques clientélistes et corrompues.

Toutefois, l’approbation de l’Estatuto da Cidade en 200122 impose la création d’outils de communication plus efficaces en vue d’une participation effective et continuelle des citadins dans la gestion des villes. Suivant la logique participative voulue par cette loi, des bulletins publiés régulièrement par les media, qui exposent des indicateurs clairs et

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Les indicateurs et indices, mis à jour selon la disponibilité des données de chaque municipalité, peuvent être obtenues sur le site http://www.ipardes.gov.br

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Cette loi fédérale approuvée en 2001 exige, entre autres, l’application de mécanismes de participation populaire, autant lors de l’élaboration des plans urbains que dans leur approbation ou modification.

objectifs de qualité de vie urbaine pourront stimuler l’intérêt des citadins pour leur ville et les motiver à la participation, surtout lorsque ces indicateurs montrent l’état de leur quartier par rapport au reste de la ville. Les indicateurs de durabilité proposés par cette recherche constituent un premier pas vers la piste participative, visant la démystification de la ville et une participation plus critique de la gestion urbaine. La recherche d’indicateurs de durabilité, telle que proposée par cette recherche, permettra de mieux justifier ces requis urbanistiques et d’éviter l’hermétisme technocratique des lois urbanistiques.

Une autre justification au recours à des indicateurs est donnée par l’urgence de l’établissement d’une politique de durabilité, celle-ci imposée par la crise environnementale galopante. Celle-ci exigera aussi des critères clairs et consensuels pour la définition des plans d’action, notamment lorsque l’effectivité de ces plans implique un engagement des citadins ou un changement de leur façon de vivre vers une façon durable. Suivant la définition de durabilité comme santé écosystémique, les inégalités socio économiques et le mode de consommation semblent être des variables incontournables pour la construction d’un indicateur permettant d’évaluer la durabilité des villes brésiliennes.

Cependant, les indicateurs et indices tel que proposés par cette recherche échappent au cadre traditionnel des indicateurs généralement marqués par la compétitivité entre les villes. Cherchant surtout la coopération comme valeur de base à la durabilité, les résultats de cette recherche visent d’abord aider la correction des inégalités spatiales à l’intérieur de la ville comme un premier pas pour la correction des inégalités régionales et nationales, considérant l’inégalité comme un symptôme de dégradation de la santé humaine et systémique.