• Aucun résultat trouvé

Au niveau social, ce développement est basé sur l’abondance et sur la surconsommation de ressources, stimulé quotidiennement par la publicité omniprésente, associant l’estime de soi et l’estime sociale à l’ostentation de symboles de statuts. Cela entraîne des effets pervers sur la santé physique, mentale et sociale des consommateurs (Offer 1996; Offer 2006). La solitude, l’individualisme, la sédentarité, l’obésité, l’augmentation de l’incidence du diabètes et du cancer en Amérique du Nord et dans toutes les sociétés qui ont adopté le mode de vie nord-américain semblent être reliés au manque d’activité physique quotidienne, à une habitude alimentaire pauvre en fruits, végétaux et

légumes frais, mais riche en viandes rouges; il faut enfin relever la surconsommation de drogues tels le tabac et l’alcool (Mills and Waite 2009)25. L’incidence accrue de ces maladies suggère que le modèle de développement des pays riches ne satisfait pas l’idéal d’une vie en santé.

Par contre, l’insécurité alimentaire, la pauvreté et les maladies provoquées par les déséquilibres environnementaux, subis principalement par les pays pauvres mais aussi dans des quartiers sensibles des pays riches suggèrent l’égalité comme un déterminant de la santé et de durabilité des sociétés (Wilkinson et Marmot 2003), autant au niveau local qu’au niveau global. Pourtant, l’idéologie néo-libérale visant diminuer le rôle de l’état dans la protection du bien commun, la privatisation des services et infrastructures publiques, abandonnés à la politique des marchés, conduit à la concentration de la richesse et baisse la qualité de vie des plus pauvres.

L’utopie de l’égalité d’accès aux ressources environnementales prône en faveur de la réduction des inégalités socio-économiques parmi les états et à l’intérieur de ceux-ci, ainsi que l’accès équitable aux bénéfices du développement (Escobar 1995). La question qui ressort de l’utopie de l’égalité mondiale et locale est de savoir quel est ce niveau de vie, maximal, moyen ou égal, auquel tous devraient avoir le droit d’accéder sans compromettre l’équilibre de l’écosystème. Différemment du seuil de pauvreté qui établit une limite inférieure pour un niveau de vie humaine jugé digne, la limite supérieure est basée sur la durabilité.

La quête d’un indicateur de durabilité urbaine veut répondre à cette question avec pour but de dégager un niveau de vie durable dans la stratification sociale de la ville de Maringá, en proposant un indicateur, suivant une approche épidémiologique, qui prend en compte le concept de durabilité comme synonyme de la santé écosystémique.

25

Les couches les plus pauvres et plus illettrées dans ces pays sont les plus touchées par les conséquences du

way of life nord-américain, peut-être comme une façon de compenser leur exclusion économique en

consommant des symboles d’inclusion imposés par la publicité. Il semble que seulement la population ayant accès à une formation de qualité peut développer un jugement critique envers la publicité et les objets de consommation. L’argument du libre arbitre du consommateur, avec lequel la stratégie de marketing défend son produit, dépend du niveau de connaissance, de conscience et de liberté.

Dans les pays tropicaux, généralement pauvres, les maladies provoquées par la présence abondante d’organismes pathogéniques dans des écosystèmes exubérants en biodiversité s’ajoutent aux problèmes exprimés par les inégalités socio spatiales des villes, beaucoup plus accentuée dans les pays du Tiers Monde que dans les pays riches.

Ces signes suggèrent deux variables marqueurs de dégradation de la santé humaine et sociale : la première correspond à l’inégalité locale de répartition des richesses comme cause des maladies, autant physiques que mentales et sociales (Wilkinson and Marmot 2003); la deuxième semble être une répartition du développement humain inadéquate à la dynamique de l’écosystème (Sachs 1996).

Les recherches de Margulis (1998) suggèrent que le développement humain et l’évolution biologique ont un seul moteur : la symbiose. Elle permet la complexification de la biosphère, car la quête humaine de qualité de vie est analogue au principe de lutte pour la qualification de la vie. S’il y a une différence entre l’évolution biologique et le développement humain, cette différence peut être le fait que seul ce dernier oserait l’immortalité.

Tenant pour acquis le caractère téléologique de la nature, tel que suggéré par l’évolutionnisme, cette recherche insiste sur l’espoir de trouver des indices de durabilité urbaine capables de satisfaire autant les besoins de l’être humain que les besoins des autres espèces, en vue de la continuité illimitée de l’écosystème terrestre duquel l’être humain semble être le produit le plus achevé. Ainsi, un indice tel l’IDH ou un de ses composants semble être mis en question autant par les moyens que par les implications sur la société et sur le milieu entraînés par l’augmentation de cet indice. Certaines valeurs qui composent le concept de développement peuvent être transformées en indices, comme l’indice d’équité de sociale, l’indice de respect aux lois environnementales ou l’empreinte écologique, tels que décrit par le modèle proposé dans cette thèse, qui permet de raffiner la mesure du développement en vue de la durabilité.

En plus des indices ou indicateurs, les seuils de durabilité constituent un outil auxiliaire des indices permettant de mieux encadrer le développement dans une perspective plus objective et à plus long terme.

Une source qui contredit la dévalorisation de la densité et la quête de la banlieue pour une vie plus saine, proposée par McHarg, est l’idée d’empreinte écologique, « ecological footprint », développé par Lyle A. Walker, William E. Rees et Wackernagel (Walker and Rees 1997; Wackernagel and Rees 1999).

Ils définissent l’empreinte écologique comme l’aire productive requise par une population donnée, soit un individu, une ville ou un pays, pour produire leurs biens de consommation et pour absorber leurs résidus (Walker and Rees 1997 p97). Cette définition essaye de mesurer l’impact du niveau de consommation humaine sur l’environnement, en utilisant une unité facilement compréhensible : le territoire.

Cette idée a permis de comparer le niveau de vie des populations de divers pays, comme la Chine et les EUA, et d’estimer combien de planètes seraient nécessaires pour soutenir l’un ou l’autre niveau de consommation, en supposant un niveau de vie équivalent dans tous les pays. Par exemple, le niveau de vie canadien, si partagé par toutes les personnes au monde, exigerait au moins deux planètes Terre.

Le concept d’empreinte écologique demontre un souci de partage équitable des ressources de la planète et cherche une sorte d’ascèse du niveau de consommation, autant comme une solution pour éviter le collapsus de l’écosystème terrestre, que pour éviter la misère de la grande majorité des personnes sur la planète. L’augmentation de la densité urbaine serait une des stratégies suggérées.

L’optimisation de l’utilisation de l’espace afin de réduire la consommation de matériaux de construction, d’énergie en chauffage, ainsi que les dépenses en transport de personnes et de produits, en construction des réseaux d’infrastructures, entrainerait aussi la réduction des aires imperméabilisées, l’avance des aires agricoles sur les aires forestières, etc. ce qui serait le moyen de mitiger l’impact urbain sur l’environnement naturel.

Si la densité est un facteur déterminant de l’économie de ressources et, par conséquent, de la protection des milieux de vie biologique, selon McHarg, elle est un facteur de détérioration de la qualité de vie humaine. La contradiction entre qualité de vie humaine et qualité de l’environnement apparaît à travers le dilemme de la densité.

Toutefois, la densification seule ne résout pas tout le problème. Dans des conditions optimales, où toutes les personnes vivraient dans des tours d’appartements, à la canadienne, l’empreinte serait déjà de 0,9 planète incluant le transport, l’infrastructure et l’entretien de l’habitation (Walker and Rees 1997 p 107). De plus, la production de nourriture, de vêtements, de véhicules, la transformation de produits miniers et autres contribuent aussi à l’empreinte. Son évaluation n’exclut pas la consommation d’énergie de source non renouvelable, ce qui implique déjà une empreinte non mesurable en termes de territoire.

Walker et Rees prévoient la consommation de combustibles fossiles comme un composant d’une empreinte équitable et durable, en supposant que le reboisement d’un territoire pourrait compenser les émissions de GES (Walker and Rees 1997). Cependant, les vieilles forêts boréales ne constituent pas des puits de carbone, au contraire, les vieux arbres qui ont fini leur cycle de croissance constituent un réservoir de combustible pour le feu de forêt naturel. Ce sont justement les forêts jeunes qui sont résistantes aux déclenchements naturels d’incendies et qui absorbent plus de carbone qu’elles n’en émettent26.

Même si la jeune forêt boréale constitue un puits de carbone, la stratégie de planter des arbres pour compenser l’utilisation des combustibles fossiles et ainsi d’éviter le réchauffement climatique semble illogique. Le carbone séquestré et enfoui pendant les cinquante millions d’années de l’ère carbonifère n’est pas absorbable dans les troncs des arbres, mêmes s’ils sont plantés sur toute la surface cultivable de la planète. Le territoire nécessaire pour abriter un reboisement suffisant afin de capturer toutes les émissions du siècle passé et celles à venir n’existe pas. Un enfouissement technologique des GES ou l’utilisation massive du bois comme matériel de construction demandent aussi de l’énergie et du territoire. Enfin, la seule alternative durable semble être l’utilisation des énergies

26

Stephane Dion, ancien ministre de l’Environnement du Canada, a confirmé que en plus de ne pas retenir le carbone, à cause du réchauffement climatique et de l’avance de la tordeuse d’épinette ver le nord, on prévoit une augmentation des incendies de forêt au Canada, ce qui contribuera aux émissions de carbone naturelles Dion, S. (2006). Les actions entreprises par le Canada pour la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. Le Protocole de Kyoto: quel bilan un an après?, Montréal, CEDRIE/CÉRIUM/ CREUM/CRDP/Université de Montréal.

renouvelables comme le solaire, l’éolienne, la géothermique, l’hydroélectrique, les marées, etc. en évitant au maximum leurs impacts environnementaux.

Alors, l’utilisation du carbone implique une empreinte écologique presque éternelle. Au contraire de ce que dit Beauchamp (1993),les tourbières, les réservoirs de pétrole, de gaz et de charbon ne semblent pas une erreur de la nature. Selon Lovelock (1987; 1988), ces énormes dépotoirs de la matière dont la vie est faite constituent un excédent qui a été écarté pendant des milliers d’années pour améliorer l’écosystème et favoriser l’épanouissement de la vie jusqu’à l’apparition de l’Homo Sapiens.

La continuité de la pollution atmosphérique par les émissions des GES, incluant la contamination de la chaîne alimentaire par des pesticides, engrais, égouts domestiques et industriels, par la destruction naturelle de la protection du sol, ainsi que la prolifération des OGM et la contamination biologique, complexifie le scénario favorable au développement de maladies nouvelles. Selon l’idée de santé de McHarg, celles-ci constituent des indicateurs d’un état pathologique qui peut être localisé ou systémique, temporaire ou chronique, constructifs ou destructifs, compte tenu de la réaction physique, psychique et sociale.