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En plus de la perturbation mentale et sociale causée par l’inégalité économique et sa cristallisation spatiale (Castells 1972; Gottdiener 1985; Singer 1985), les maladies physiques font, semble-t-il, partie des conséquences; dès lors, on peut considérer qu’il existe bien un lien entre les maladies et le lieu. Selon la définition de santé proposée par

Dubos comme étant la capacité de fonctionner, toutes les maladies humaines ont donc forcément une relation environnementale. Cependant, pour la recherche d’indicateurs représentatifs du lien entre la santé et le milieu, il faut cibler les maladies pour lesquels ce lien est plus significatif, de façon à pouvoir identifier les caractéristiques des espaces urbains où la santé humaine et la santé biologique sont en conrrespondence.

Il paraît évident que les maladies infectieuses et parasitaires ont une relation plus directe avec l’équilibre du milieu, sans qu’il y ait trop d’interférence des déterminants internes au corps malade, tels les caractéristiques génétiques et psychiques, ou même les facteurs sociaux, comme les habitudes alimentaires des individus, etc. Cependant, les caractéristiques génétiques, tout comme les habitudes alimentaires ont une influence sur l’incidence de néoplasies, diabètes, infarctus et AVC. Cela pose problème lors de l’interprétation d’une corrélation significative entre ces incidences et les variables spatiales, ainsi que pour distinguer l’influence des facteurs internes de l’influence des facteurs externes.

La relation humaine avec les maladies infectieuses et parasitaires prend la forme d’une dispute biologique pour l’espace, semblable et parallèle à la dispute entre les êtres humains pour l’espace dans une ville. En suivant une interprétation anthropomorphique de l’écosystème, il est possible de dire que les vecteurs des maladies humaines font partie du mécanisme naturel d’homéostasie; il est déclenché pour récupérer le territoire envahi par une espèce ravageuse - dans ce cas, l’espèce humaine - et ainsi rétablir l’équilibre perdu. La prévention de la maladie humaine implique donc un respect de cet équilibre, en réduisant l’impact de son niveau de vie sur le milieu.

Dans l’histoire des villes brésiliennes, il est fréquent de percevoir le conflit entre les populations humaines et les autres espèces. Un siècle après les mesures sanitaires d’éradication lancées par les épidémiologistes Oswaldo Cruz, Adolfo Lutz, Vital Brazil et Carlos Chaggas il a eu une presque extinction des forêts dans les villes. Cependant, certaines maladies, initialement localisées en milieu forestier ou rural, telles que la malaria et la trypanosomiase, se retrouvent en milieu urbain, suite à une adapatation des vecteurs de ces maladies. Par exemple, la dengue, endémique en Afrique, est apparue dans la zone

urbaine de Rio de Janeiro dans les années 80, puis s’est disséminée à São Paulo; depuis, elle s’est répandue à l’intérieur du Brésil, touchant principalement la région où habite la population la plus pauvre du pays : le Nord-est, où elle est maintenant endémique. La dégradation de l’environnement citadin et le changement climatique semblent faciliter l’apparition importante de cette maladie en milieu urbain; ainsi que son expansion vers la région subtropicale (IRD 2006). Une autre leçon donnée par d’autres pandémies comme celle sdu SIDA ou de plusieurs souches de la grippe est que ces pandémies semblent résulter d’une globalisation en vitesse accélérée des maladies générées par le contact entre la population humaine, les espèces domestiquées et les espèces sauvages.

Paradoxalement, des nouvelles maladies infectieuses émergent à la mesure que les populations s’urbanisent et que les frontières d’exploitation avancent sur les aires forestières sauvages. Dans le même temps, on observe dans la population urbaine des pays développés, une recrudescence des allergies, des cancers, des maladies mentales et d’autres maladies non virales. L’OMS parle même d’une pandémie d’obésité qui déclenche le diabète et des maladies vasculaires. Ces problèmes de santé sont reliés à l’urbanisation et à l’abandon du mode de vie traditionnel (Ramachandran, Snehalatha et al. 2004), depuis la production des aliments jusqu’à la façon de les consommer, au profit de la restauration rapide, d’une technologie agro-industrielle de production à large échelle de plus en plus artificielle, laquelle est dépendante de pesticides et les additifs chimiques (Lefèbvre 2008).

Depuis le milieu du 19e siècle jusqu’aujourd’hui, les acquis technologiques ont permis de faire baisser la mortalité et d’augmenter la longévité à des taux inédits, conduisant à une croissance démographique exponentielle. Toutefois, ces progrès n’ont pas pu éliminer les inégalités sociales et de santé, ils n’ont pas su éviter l’érosion accélérée de la biodiversité en échelle planétaire. Étonnamment, la source première de découverte de nouveaux principes actifs contre les nouvelles maladies et contre la recrudescence des anciennes maladies provient des cultures autochtones et de la biodiversité forestière. Ce constat doit permettre de ce rendre compte que le développement humain et l’assurance de sa qualité de vie, voire de son existence, sont reliés à la conservation des cultures autocthones et du milieu où elles ont évolué.

Il paraît évident que l’idée de qualité de vie et de développement humain, basée sur l’exploitation du milieu sans limites, doit être revue. L’émergence, la résurgence ou la recrudescence des maladies virales ou bactériennes, en plus d’avoir parfois un effet d’immunisation sur l’organisme malade, semblent bien indiquer les différents degrés de déficience du rapport humain avec le milieu vivant, plutôt que d’un danger à l’existence de l’humanité. Ce constat joue en faveur de l’idée d’équilibre environnemental et de développement humain, considéré comme résultat d’un équilibre coopératif pour la survie du plus grand nombre d’individus et de variétés d’espèces en vue de la complexification de l’ensemble (Lovelock 1987).

L’ignorance biologique, les contradictions entre le civilisé et le sauvage - résumé par le besoin humain de stérilisation hygiéniste et le vouloir-vivre des autres espèces - pointent la nécessité d’une révision de ce qui est considéré normal et de ce qui est pathologique dans la façon humaine de vivre, ainsi que dans l’idée de qualité de vie et de développement urbain. Cette révision a commencé à voir le jour avec la notion de durabilité, définie selon les variables de santé. L’analyse du développement et de la pathologie urbaine à partir de la ville de Maringá va permettre de vérifier la validité des concepts choisis.