• Aucun résultat trouvé

Depuis les origines de l’urbanisme dans la critique de la ville industrielle, l’objectif principal, prétendu par la planification urbaine, a été la qualification de la vie humaine. Cependant, il y avait peu d’indicateurs objectifs de qualité de vie pour diriger les projets qui se sont suivis, c’est pourquoi la plupart des propositions sont basés sur des arguments idéologiques.

Le Plan Haussmann, pour la ville de Paris, a détruit de grandes parties des anciens quartiers gothiques pour ouvrir de larges avenues avec l’argument sanitaire de combattre la tuberculose et le choléra, mais aussi permettre le contrôle sur la ville moyennant les défilés ostentatoires de l’armée napoléonienne et empêcher les barricades sur les étroites rues médiévales.

L’urbanisme moderne s`appuie sur la rationalité, sur la fonctionnalité et aussi sur des arguments sanitaires pour proposer des dessins qui organisent la ville comme une énorme industrie, où les hommes sont comparés à des machines (Corbusier 1924) ou à des pièces remplaçables au besoin (Nietzsche, Colli et al. 1968). La métaphore machiniste est consonante avec le rapide développement industriel et la reconstruction ayant suivi la Seconde Guerre mondiale et à la critique du machinisme qui l’a succédée (Choay 1965). Au Brésil, elle a coïncidé avec l’expansion des frontières agricoles vers l’intérieur du pays, comme la construction de la nouvelle capitale, Brasília, fondée en 1962, a été un repère, symbole à la fois d’une architecture socialiste voulue par Niemeyer et de la dictature militaire qui l’a utilisée jusqu’à 1985. Cependant, plusieurs villes brésiliennes ont été fondées ou transformées durant cette période en suivant la logique fonctionnaliste.

Actuellement, ce sont principalement des valeurs du marché qui orientent la production de l’espace urbain. Dans cette logique, les hommes sont considérés surtout comme des consommateurs de symboles de qualité de vie. Ainsi, l’idée de planification des villes comme planification des réseaux d’infrastructures aboutit à la stratégie du « city marketing », où chaque mairie, en partenariat avec l’initiative privé, joue avec la communication sur une image de qualité de vie qui vise à attirer les entreprises et à promouvoir la prospérité de l’économie locale. Les petits villages ont peu de chance de s’en sortir dans ce réseau de compétition économique qui mène vers une sorte de développement douteux, promouvant des valeurs individualistes et en reforçant la compétition dans les relations humaines.

Au Brésil, le cas de la ville de Curitiba, connue internationalement pour son réseau de transport et ses programmes de recyclage de déchets, ainsi que pour la transformation des espaces dégradés en aires vertes, a été étudié par Sanchez (Sanchez 1997). Le maire de la ville de Curitiba, Jaime Lerner et ses successeurs, diffusent l’image de « ville du premier monde » alliée à l’offre de terrains ou d’installations, d’exemptions d’impôts et d’autres bénéfices afin d’attirer les entrepreneurs. Suivant cette stratégie de marketing, il faut cacher la laideur des favelas qui se multiplient dans la grande région environnante - un effet collateral du marketing dirigé aux classes riches et moyennes, qui attire aussi les pauvres.

Cette laideur contradictoire est nettoyée ou maquillée par des projets visant à assainir et à re-urbaniser des établissements marginaux avec peu de discussions avec ces populations. Enfin, il paraît que la planification urbaine, toujours sous un objectif apparemment social, a plutôt servi aux intérêts des groupes dominants, sans toucher directement à la racine du problème urbain : l’inégalité.

En dépit de ces intérêts cachés, l’argument appuyant le plus les actions urbanistiques demeure encore celui de l’amélioration de la qualité de vie des habitants. Malgré les nombreuses interprétations de la qualité de vie selon l’idée dominante, la continuité de cet argument permet à la population d’exiger de la planification et de la gestion urbaine un plus grand respect vis-à-vis des besoins de la majorité.

La crise de l’urbanisme, surtout de l’urbanisme technocratique, paraît être causée par son manque de support démocratique. Le détour vers l’urbanisme des réseaux, un domaine plus attaché au génie d’infrastructures et de transports, démontre bien la difficulté des urbanistes à jouer le rôle d’agents démystificateurs de la ville qui leur incombe et d’intégrer la population dans la gestion urbaine (Dupuy 1991).

La consultation publique - qui est semblable à une consultation au sujet de la santé sociale et environnementale de la ville - peut démontrer les intérêts de la population sur des actions spécifiques. Toutefois, au Brésil, le budget participatif8 semble être la pratique démocratique la plus innovatrice. Cette pratique, qui est un outil de participation populaire très utilisé par le Parti des Travailleurs, attire l‘attention des citoyens sur l’ensemble de l’administration publique et incentive les communautés à s’organiser pour demander ce qui leur manque. Même si ce mécanisme peut entraîner une liste infinie de nécessités, parfois contradictoires et irréalistes, ce ne sera qu’avec la participation active de la population que la démocratie arrivera à remplacer la technocratie, l’autocratie ou la personnalisation du mode de décision (Cordeiro 1982). La participation dans la discussion d’actions ponctuelles sur un quartier ou sur la ville entière exige que tous y soient impliqués. Chacun peut

8

Le budget participatif est un mécanisme de consultation publique, par région urbaine, sur l’application de l’argent alloué à son territoire.

prendre conscience de sa responsabilité sur ce qu’il fait de sa propre vie et aussi de ce que sa vie a apporté à l’ensemble communautaire, local et planétaire.

Dans cette méthode de gestion participative, les professionnels de l’urbanisme, avec leur connaissance et leurs analyses, occupent le rôle important de qualifier les discussions en présentant des indicateurs précis pour la prise des décisions, en offrant d’autres choix d’action, et en prévoyant des budgets et des résultats pour chaque option possible. De cette façon, en plus d’une gestion démocratisée, on favorise la perception de la responsabilité individuelle dans la construction du collectif, ainsi que la démocratisation de la connaissance sur l’urbanisme et sur sa technique (Lacaze 1993).

Consonante avec la démocratisation du savoir urbanistique, cette étude recherche a pour objectif de se focaliser sur la construction d’indicateurs de base pour le développement urbain durable.

Le seuil de développement, où la cause de mortalité passe des maladies infectieuses aux maladies dégénératives, est appelé de « transition épidémiologique » (Wilkinson 1996), qui apparaît lorsque la moyenne du PIB dépasse les 5.000 dollars américains.

Le fait qui ressort de cette hypothèse est que la longévité n’élimine ni les facteurs environnementaux qui produisent l’état pathologique, ni les facteurs physiologiques comme le vieillissement et les maladies qui l’accompagnent ou la mort.

Le revers de la longévité comme indicateur de santé et de développement paraît être le taux d’avortement avec la baisse de fécondité en dessous de 2,1 par femme et l’euthanasie. Ces indicateurs révèlent que la valeur subjective de la qualité de la vie est confrontée à l’objectivité quantitative de sa durabilité et de sa reproduction. Pourtant, la seule garantie d’éternité est d’avoir un enfant et, ainsi, d’assurer la continuité d’une partie du gène individuel (Dawkins 1990).

Dans une perspective plus pratique, avoir un enfant suppose au moins la possibilité d’une vieillesse au sein d’une famille, qui est le milieu affectif le plus favorable à la santé, le moins cher pour l’état et le moins nuisible au milieu. Sans le sacrifice de la qualité de vie pendant l’âge reproductif pour avoir un enfant, même la possibilité d’avoir accès à un foyer

public d’accueil à la vieillesse reste incertaine, à cause du manque de personnel ou de la crise économique.