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L’influence des facteurs environnementaux sur l’état de santé humaine constitue un autre aspect important de la problématique de recherche des indicateurs de durabilité suivant une approche épidémiologique anthropocentrique.

Smith et Desai (2002) offrent une vue synthétique de l’importance des facteurs environnementaux sur l’incidence des maladies humaines, en montrant que ces facteurs jouent différemment dans les pays développés et dans les pays moins développés. Pour les pays développés, le plus lourd fardeau global des maladies est attribué aux accidents de la route et aux cardiopathies ischémiques, tandis que dans les pays moins développés le plus

Tableau 1.1 - Contribution des facteurs environnementaux aux états de santé-maladie Proportion attribuable aux facteurs environ. (%) FGM attribuable / pays développés (%) FGM attribuable / pays moins développés (%)

Pollution atmosphérique Condition des logements Pollution aérienne dom

estique

État sanitai

re et

hygiène Pollution chimique Facteurs professionnels Agents infectieux carcinogènes Stress, milieu dégradé Utilisation du territoire Infections respiratoires aiguës 50 0,8 4,7 X X X Diarrhées 85 0,3 6,9 X Pathologies périnatales 15 0,3 1,1 X X X X Infections infantiles 7,5 0 0,4 Cancer 22 0,3 0,9 X X X X Dépression 7,5 0,6 0,3 X Malnutrition, anémies 9 0,1 0,4 X Cardiopathies ischémiques 9 0,9 0,2 X X X X AVC 9 0,5 0,2 X X X Tuberculosis 22,5 0,1 0,7 X X Accidents de la circulation 27,5 1,2 0,6 X X Anomalies congénitales 7,5 0,2 0,2 Paludisme 80 0 2,1 Pathologies maternelles 7,5 0 0,2 X MST & SIDA 5 0,1 0,1 Broncho- pneumopathies obstructives 41,5 0,9 0,9 X X X Chutes 27,5 0,4 0,6 X Guerres 60 0,4 0,9 X X Suicides 5 0,1 0,1 X Violences 17,5 0,2 0,2 X X Maladies dues à l’eau et à l’alimentation 85 0 1,1 X Alcool 7,5 0,3 0,1 X Noyades 27,5 0,1 0,3 X Total 10,5 23,1

FGM = Fardeau global de maladies, exprimé en années de vie ajustées sur l’incapacité AVC = Accident vasculaire cérébral

MST = Maladies sexuellement transmissibles

Ce tableau montre aussi que l’écart économique suit l’écart de l’influence des facteurs environnementaux sur l’incidence des maladies. Si, dans les pays développés, les maladies les plus fréquentes sont peu influencées par les facteurs écologiques, par contre, dans les pays moins développés, le milieu naturel est le principal déterminant du fardeau global de maladies. Selon le niveau de développement atteint par les sociétés, les facteurs environnementaux évoluent de l’épidémiologie microbiologique vers une sorte d’épidémiologie anthropique, c'est-à-dire, en se rattachent premièrement aux catastrophes provoquées, telle la pollution aérienne et chimique, deuxièmement, aux facteurs concernant le mode de vie, les conditions d’hygiène et du logement et, troisièmement, aux agents pathologiques entraînés par le mode de production alimentaire, comme les résidus des pesticides persistants, les additifs alimentaires industriels, les hormones et les OGM.

En dépit de leur approche anthropocentrique, Smith et Desai (2002) illustrent le poids de la dégradation de l’environnement sur la santé humaine, qui tend à être cumulatif, autant à l’échelle des environnements du travail et du logement qu’à l’échelle urbaine. La dégradation du milieu urbain superposée à la dégradation du milieu agricole et des écosystèmes qui les soutiennent augmentera certainement le fardeau de maladies attribuables à l’environnement, si des actions de neutralisation des impacts humains et de coopération sociale ne sont pas posées avant un seuil de non-retour.

L’étroite relation entre le niveau de vie et la perte de la qualité de vie, celle-ci exprimée en années de vie ajustées sur l’incapacité, est illustrée par la différence d’incidence et de type de maladies entre les pays développés et les pays moins développés. Selon le tableau, les populations des pays riches perdent deux à trois fois plus de temps de vie que ceux des pays moins développés à cause de la dépression, des cardiopathies ischémiques, des AVC, des accidents de la circulation et de l’alcoolisme. Les pays pauvres, par contre, perdent vingt-trois fois plus de temps de vie que les pays riches en luttant contre les maladies diarrhéiques, sept fois plus à cause de la tuberculose, six fois plus contre les infections respiratoires aiguës, quatre fois plus contre la malnutrition et l’anémie, trois fois plus contre le cancer, sans mentionner les maladies éradiquées dans les pays riches comme

les infections infantiles et les pathologies maternelles, le paludisme et les maladies dues à la qualité de l’eau ou de l’alimentation.

La disparité de qualité de vie due à l’incidence de maladies infectieuses est énorme et même certaines données peuvent être sous-estimées dans les pays pauvres à cause d’un manque de notification, comme celles concernant le SIDA, l’alcoolisme, la dépression et la violence. Aussi, certaines maladies des pays riches semblent peu comparables telles que les AVC, les cardiopathies ischémiques et la dépression, attribuables à la longévité accrue dans ces pays.

Le Tableau 1.1 semble suggérer l’importance de la combinaison de trois variables, le milieu, la santé et l’égalité, pour la construction d’un indicateur de santé, tout en mettant l’accent sur la priorité de la santé humaine, tel que nous avons fait. La perception de l’environnement physique, mais, principalement, de l’environnement social comme extérieur à la maladie humaine semble défavoriser la compréhension de la maladie comme résultat d’un déséquilibre dans la relation de la société avec le milieu. Le « mirage » d’indépendance de la santé humaine par rapport aux conditions du milieu touche aussi l’ordre de la structure productive de bien-être, l’organisation sociale et la définition des indicateurs avec lesquels la qualité de vie humaine est mesurée.

L’influence du facteur environnemental sur l’incidence de la maladie est variable selon la cause attribuée à la maladie. La prise en compte de cette influence comme une pondération valable dans l’évaluation de la durabilité urbaine suggère, donc, un concept anthropocentrique d’environnement et de santé, ce qui renforce l’idée d’opposition entre santé humaine et santé environnementale. Pourtant, la définition de santé comme la capacité de fonctionner conduit à percevoir le développement humain en discontinuité par rapport à l’évolution des autres espèces, avec un accroissement de maladies nouvelles, d’allergies inexplicables, de cancers rares ou précoces et d’une méfiance permanente par rapport à l’environnement. L’eau, l’air, la nourriture, les personnes, les animaux et les plantes, tout peut être perçu comme un vecteur potentiel de contaminants hasardeux, de microorganismes pathogéniques crées par des relations malsaines de production de biens en utilisant les ressources d’un milieu détérioré.

En illustrant la relation entre l’espace, la santé et l’inégalité, le Tableau 1.1 permet d’introduire la problématique ainsi que fonder l’hypothèse d’appartenance sociale et environnementale comme condition de la durabilité. Les données en santé humaine11 doivent confirmer la pertinence de la combinaison de ces trois variables dans l’analyse de la ville et du quartier, le caractère innovateur de cette analyse et son utilité pour la prise de décision en vue du développement urbain durable.