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Le noyau urbain originel constitué de huit blocs rectangulaires, aujourd’hui appelé Maringá Velho, ‘Vieux Maringá’, a été le premier campement des ouvriers du chemin de fer et des bouchers, au milieu de la forêt Atlantique. Comme ce noyau ne suffisait pas aux intentions de la compagnie colonisatrice Companie Melhoramentos Norte do Paraná - CMNP, un avant-projet d’expansion a été commandé au bureau de l’ingénieur Jorge Macedo Vieira, 30 à São Paulo, par le directeur de la CMNP en exercice, Cássio Vidigal, en prévoyant une ville pour soixante mille personnes.

Comme référence pour le dessin du plan de la ville, Vieira avait reçu le plan du chemin de fer incluant les courbes topographiques et les rivières de l’aire choisie. Ce sont ces éléments qui ont conditionné l’avant-projet du premier plan de la ville de Maringá, en suivant l’idée de cité-jardin d’Ebenezer Howard (1969).31 Son plan a établi le système de

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La compagnie Parana Plantations, initialement de capital anglais, est devenue Companhia de Terras Norte do Paraná, ou CTNP, lors de sa vente à des entrepreneurs brésiliens. Après la construction de la voie ferrée, elle est devenue Companhia Melhoramentos Norte do Paraná, ou CMNP (Santos, 1975).

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Formé en Europe, ayant son bureau à São Paulo, ce planificateur prolifique a avoué n’avoir jamais mis les pieds à Maringá avant le 40eme anniversaire de sa fondation.

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Selon la préface écrite par F. J. Osborn dans cette traduction française, le texte de cet ouvrage a été publié pour la première fois en 1898 et réédité en 1902. Suite à cette publication, mais surtout après celle de 1945, plusieurs expériences de Cité-Jardin ont été faites partout dans le monde en adaptant ses principes aux intérêts locaux.

Figure 3.2 - Plan préliminaire de la ville de Maringá conçu par Macedo Vieira

Ces deux aires constituent aujourd’hui le Parc Ingá et le Parc des Pionniers, qui ont été agrandis de 300 m par Vidigal, tel que le montre la Figure 3.3. Afin d’augmenter le nombre de lots, Vidigal a optimisé le plan en diminuant la largeur des voies, en adaptant à la nouvelle ville l’ancien site déjà occupé du Vieux Maringá, ignoré par Vieira. En précisant la division des blocs et lots, ainsi que la l’hiérarchie des voies, Vidigal a défini aussi la ville ouvrière, les autres aires résidentielles et commerciales, il a augmenté la zone industrielle à l’ouest, le long de la voie ferrée, en la dépassant avec de dessin de l’expansion nord. Malgré son attention pour éviter l’occupation des pentes plus inclinées, laissées aux réserves forestières des parcs, Vidigal n’a pas fait apparaître ce souci dans son dessin pour l’expansion au sud, ce qui a mis fin à la continuité du Parc Ingá et du Parc des Pionniers le long des rivières, au mépris d’une des plus grandes contributions du plan de Vieira à la mitigation des impacts urbains sur l’écosystème local.

Figure 3.3 - Plan pilote de Maringá, modifié par Vidigal

Malgré les chemins dessinés par Macedo Vieira sur les parcs dans le but de relier les quartiers, ces débuts de ceinture verte ont servi plutôt à structurer le zonage et à séparer les classes sociales. Les principales caractéristiques urbaines de la cité-jardin adoptées par Macedo Vieira sont exprimés par les généreux parcs urbains, le système bien hierarchisé de rues et d’avenues dimensionnées pour abriter des généreux trottoirs et jardins centraux, les rues dessinées en courbe ou en ligne droite selon la topographie afin de retenir l’érosion et d’obtenir une déclivité adéquate pour le système de drainage et, finalement, le boisement des voiries d’éviter la poussière ou la bouée après la déforestation.

Selon Peter Hall (1996 p.93), les dessins d’Howard ne concernaient pas seulement un nouvel ordre spatial et sanitaire de la ville, mais il avait rapport aussi à l’assainissement social. Tel que décrit par Howard dans ses diagrammes de la cité-jardin, son objectif était de promouvoir la liberté et la coopération en diminuant l’inégalité sociale et la spéculation immobilière, et ce strictement dans la logique de l’économie libérale victorienne. Les digrammes et le dessin de la ville constituaient un outil stratégique de cette logique. Toutefois, l’idéal libéral et coopératif d’Howard n’était pas exempt de contradictions. Son idée d’assainissement urbain incluait aussi un assainissement social en plaçant hors de la

ville les orphelinats, les maisons de convalescence, les asiles pour aveugles et pour sourds, ainsi que les fermes pour les épileptiques.

À Maringá, en dépit de l’héritage autochtone de la propriété commune ou de l’idéal coopératif des communautés créés par les jésuites, les contradictions de l’ordre social imprégné dans l’idée de cité-jardin sont reproduites par la politique locale de colonisation du territoire. La croissance rapide de la population dans la région nord du Paraná, dans les années de sa colonisation de 1930 à 1960, est surtout le résultat de la venue de migrants de la région sud-est et du nord-est du pays et, en moindre mesure, de l’immigration japonaise et européenne en quête d’une meilleure qualité de vie.

La croissance initiale, essentiellement rurale en fonction de la culture du café, a été suivie, entre les années 1970 à 1990, par une phase de forte décroissance rurale vers les villes; elle a été provoquée par les gelées successives en 1969, 1972 et 1975, cette dernière ayant touché la totalité de la culture du café au Paraná. Cette migration interne due à la crise du café, durera jusqu’à 1990, en contribuant à l’urbanisation rapide des villes moyennes dans l’État du Paraná, ainsi qu’à l’avancement de nouvelles frontières agricoles vers l’ouest, sur l’État du Mato Grosso et vers le nord du pays, sur les territoires de Rondônia, Acre et Amapá.

Dans la région de Maringá comme dans le nord-ouest du Paraná, les paysans victimes des événements climatiques extrêmes succombent à la crise du café et vendent leurs propriétés aux fermiers qui ont été épargnés par la crise. Ces fermiers ont rapidement augmenté la taille de leurs fermes ce qui leur a permis d’introduire de nouvelles cultures mécanisées comme le blé, le maïs et le soya. Ayant un pouvoir de pression plus important sur les systèmes de financement, ces propriétaires se sont organisés en formant la plus grande coopérative de la région, la Cocamar, dédiée à l’exploitation de la monoculture de soya ainsi qu’à l’industrie de l’huile végétale, majoritairement destinée à l’exportation (Serra 2009).

Les fermiers qui se sont établis sur le sol sablonneux de l’arénite Caiuá - un sol trop fragile pour la production de cultures temporaires de céréales - sont revenus aux cultures extensives d’élevage du bétail. Toutefois, les choses ont évolué après la crise du pétrole des

années 1970. Stimulés par le programme Proalcool ces fermiers ont aussi organisé des coopératives pour la production de l’agrocombustible, l’éthanol, qui a eu une deuxième vie avec la crise des années 2000, en devançant même la culture de soya dans certaines régions de ferrasol, jusqu’à Maringá.

Si, d’un côté, la reprise de la croissance économique, poussée par les coopératives, a contribué à diminuer l’exode des villageois et des chômeurs, de l’autre, elle n’a pas rétrocédé ni la concentration des terres, ni l’urbanisation démographique (Serra 2009). Malgré le dépeuplement vérifié dans la majorité des petites villes du Paraná pendant les deux décennies suivant la crise du café, la population urbaine des villes moyennes n’a jamais cessé de croître, en recevant principalement des paysans et villageois en quête d’une vie meilleure dans le milieu urbain. Que ce soit à cause de l’expansion de la production de bétail, ou à cause de la mécanisation des nouvelles cultures agricoles, les petits fermiers dépossédés et les travailleurs ruraux saisonniers ont été repoussés vers les moyennes et grandes villes. Là, ils ont constitué la population des ensembles d’habitation sociale, les conjuntos, comme c’est le cas de Maringá (Serra 2009).

En plus de ce groupe de main d’œuvre excédent, il y a les commerçants, les travailleurs qualifiés et les étudiants de la classe moyenne qui ont été attirés par les possibilités générées par la concentration d’industries principalement agricoles et vestimentaires dans cette ville, mais aussi par l’université publique locale l’Universidade Estadual de Maringá. Pour abriter cette population, les banlieues et le centre-ville se sont élargis, ce qui a eu pour effet d’attirer aussi les investisseurs du secteur de la construction et les spéculateurs immobiliers. Les banlieues se sont répandues horizontalement au point de former avec deux autres villes, Sarandi et Paiçandú, une agglomération de 20 km de long, totalisant alors une population estimée à 441.191 personnes, dont 318.952 à Maringá. Au centre-ville de Maringá, le gabarit des bâtiments prévu par Howard dans son modèle est passé de 6 étages à 12, puis à 20 et maintenant à 40 étages, cachant ainsi sa cathédrale, qui est le principal monument et symbole de la ville.

Cette population est répartie dans les différentes zones suivant les prix des terrains et des logements. Ce phénomène a alors conduit à produire des espaces de ségrégation,

typique des villes capitalistes tel que l’ont démontrées les données du Recensement 2000 de l’IBGE (2003).

Les périphéries les plus éloignées, incluant celle constituée par les deux villes agglomérées, accueillent les populations les plus pauvres. La classe moyenne est repartie dans toute l’agglomération, notamment dans la ville principale, selon leur pouvoir d’achat. Les plus riches, déjà installés ou venus des villages proches, se protègent dans les quartiers bien situés, dans les tours du centre-ville ou dans des condominiums muraillés dans des zones proches au centre-ville, ou bien dans la zone rurale.

À Maringá, proprement dit, - une ville considérée riche dans l’État du Paraná - 9,1 % de la population vit en dessous de la ligne de pauvreté, laquelle est basée sur le revenu des familles.32 De ce group, 63 % ne sont pas propriétaires de leur logement (Baroni, Corrêa et al. 2004).33 Dans les villes voisines de Sarandi et Paiçandu, ces pourcentages pourront être plus élevés, étant donné l’indicateur GINI. Cependant, au Brésil, le taux de la population en dessous de la ligne de pauvreté est supérieure à 25 % (Soria 2003),34 tandis que la moyenne mondiale est de 16,6 %.

L’écologie humaine régionale semble suivre la dégradation du milieu. Les derniers fragments de la forêt semi-décidue saisonnière du Paraná, réduite à moins de 5 % de sa surface originelle, sont menacés par les activités agricoles ou par l’expansion urbaine. Le sol, majoritairement du type ferralsol rouge35 est l’un des plus fertiles au Brésil, cependant, après la destruction de sa couche végétale native, son exploitation exige des traitements constants contre l’érosion et l’utilisation de plus en plus d’engrais. Peu à peu, les rivières

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Familles qui survivent avec un revenu égal ou inférieur à un demi-salaire minimum par mois.

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Selon les auteurs de l’Atlas Social de Maringá, la moyenne de personnes par famille est de 3,8. Le salaire minimum national établit par la Loi fédérale No 10.888, le 24 juin 2004, était de R 240,00, ce qui donne US 0,64 par jour, par personne, au taux de change de l’époque.

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Pour la définition de la pauvreté dans le monde, le PNUD établit le seuil de revenu à 1,00 par jour par personne.

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Sol riche en fer, aluminium ou silicate, consolidé sous l’effet de la forêt tropicale et d’un climat très humide et très chaud.

ont été contaminées par des produits agricoles, par l’érosion des terres arables et aussi par les égouts urbains industriels et domestiques.

En dépit de cela, la ville de Maringá, avec ses deux parcs boisés du centre-ville, ses arbres exubérantes le long des voies et son plan originel inspiré de l’idée de Cité-Jardin d’Howard, présente une image de respect vis-à-vis de la nature, au point d’avoir reçu, au début des années 80, le titre de « la ville la plus verte du Brésil » et de devenir une référence nationale quant à l’arborisation des voies. Depuis, le même titre a été décerné à d’autres villes plus vertes ou plus cohérentes avec l’évolution de l’idée de préservation de la nature et de dessin urbain écologique.

Les derniers fragments de forêt et les larges avenues boisées, légués par le projet de Macedo Vieira, constituent la caractéristique la plus marquante de cette ville, qui fonde fièrement son identité sur le concept de Cité-Jardin. Pourtant, l’hiérarchie des voies dans les nouveaux lotissements est peu cohérente avec le projet originel et avec la topographie. Le schéma directeur de voirie tracé pour l’expansion urbaine, sous la pression des lobbyistes et des « vereadores »,36 est constamment sujet à des modifications pour l’adapter aux soumissions de projet de parcellement selon les intérêts des entrepreneurs.37 Le dessin des rues secondaires des nouveaux quartiers est inadéquat à la topographie, tandis que les bordures de protection des rivières, souvent concédées à des organismes privés, ne dépassent pas les 60 m. Autour des bordures de protection des rivières dégradées, le dessin sinueux de la voie paysagère apparaît comme le seul héritage de la Cité-Jardin qui a été poursuivi dans les aires d’expansion. En dépit des limites du schéma d’Howard, la voie paysagère constitue un pâle souvenir de l’idée d’une ville intégrée au milieu naturel, en contraste avec les rues en carré des nouveaux quartiers, qui suivent strictement la structure du parcellement rural.

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Ce sont des élus locaux qui composent la Câmara de Vereadores, ou Chambre Législative Municipale.

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En méprisant les caractéristiques climatiques de la région, ayant un taux de pluviosité annuelle de 1600 mm et une fréquance d’evenements climatiques extrêmes en accéleration, le schéma de directrices du système de voirie a prévu une avenue canal sur la rivière Betty, suivant une pratique d’enfermement des courses d’eau qui favorise l’imperméabilisation urbaine et les inondations dont les mauvaises conséquences sont bien démontrées par des inombrables exemples diffusés largement par les journaux nationaux.

Le chemin de fer et la route interurbaine sont presque coïncidents avec la ligne qui délimite le bassin des rivières Ivaí, au sud, et Pirapó, au nord. La voie ferrée et la route servaient de barrière à l’expansion vers le nord, afin de protéger le bassin d’approvisionnement d’eau, la rivière Pirapó. Cette dernière est, encore aujourd’hui, la principale source d’eau potable utilisée par la municipalité, ainsi que la principale zone d’expansion et de densification urbaine. Mais la rivière Pirapó est menacée par les industries qui se développent le long de l’autoroute qui relie Maringá à Londrina; ce cours d’eau est également encerclé par un bassin de plus en plus occupée par des cultures qui exigent l’utilisation intesive de pesticides. Même s’il y a une bordure de protection minimale de 30 m, la capacité de la rivière Pirapó de subvenir à la demande de Maringá atteint sa limite. Tout comme la majorité des grandes villes situées sur l’aquifère Guarani - un réservoir d’eau souterraine qui couvre le quart du Brésil et du Paraguay, la moitié de l’Uruguay et l’extrémité nord-est de l’Argentine - les compagnies d’approvisonnement d’eau de la région de Maringá et de Londrina commencent à puiser sur cette ressource, en dépit de la protection des ressources hydriques de surface.