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Le test de Shyam-Sunder et Myers

APPLICATIONS EMPIRIQUES DE LA PECKING ORDER THEORY AU

3.2 Le test de Shyam-Sunder et Myers

En 1999, Shyam-Sunder & Myers (1999) introduisent un nouveau test empirique de la

Pecking Order Theory sur une série temporelle. L’idée est de vérifier si, comme le prédit le

modèle, les variations du montant de la dette sont réellement motivées par un besoin de financement externe (ou déficit de financement interne), ce dernier résultant de la différence entre les opportunités d’investissement rentables et les capacités de financement interne. Autrement dit, la dette devrait augmenter lorsque l’entreprise est en déficit de financement, et diminuer en cas d’excédent de financement. Pour cela, Shyams-Sunder et Myers régressent la variation de la dette financière à long terme (∆D) sur le déficit de fonds internes (DEF) :

∆(,* = # + β × (,,*+ -,* (2.1)

Le déficit de fonds internes est défini comme la somme des dividendes payés (Div), des dépenses d’investissement (CE), de l’augmentation du besoin en fonds de roulement et de la trésorerie nette (Working capital) (∆ WC) et de la part exigible de la dette à long terme (R), moins les flux d’exploitation après intérêts et impôts (C) :

(,,* = (./,* + 0,*+ ∆10,*+ 2,*− 0,* (2.2)

L’équation (2.1) n’est pas une identité car l’émission d’actions est absente. Selon ces auteurs, si les hypothèses de la Pecking Order Theory sont strictement vérifiées, les coefficients α (la constante) et β (coefficient attribué à la variable explicative DEF) devraient respectivement être égaux à 0 et 1. En effet, une fois le financement interne épuisé, nous obtenons un déficit de financement (DEF) qui doit être financé par la dette, l’émission d’actions n’intervenant qu’en dernier ressort. Le fait que la capacité d’endettement maximale puisse être atteinte amène les auteurs à considérer une forme moins restrictive du modèle dans laquelle le coefficient β est légèrement inférieur à 1.

Shyam-Sunder & Myers (1999) réalisent ce test sur un échantillon de 157 grandes firmes cotées américaines entre 1971 et 1989. Ils confortent les hypothèses de la Pecking Order

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Theory en obtenant un coefficient « α » non significativement différent de zéro et un

coefficient « β » significatif et compris entre 0,75 et 0,85 selon la variable dépendante (émission de dettes brute, émission de dettes nette, variation du ratio de dettes) et les techniques d’estimation utilisées (en pooling, avec effets fixes…). Ils justifient la différence entre leur coefficient (0.75 à 0.85) et 1 (l’hypothèse forte du modèle) au fait que la capacité d’endettement maximale d’une firme puisse être atteinte. Les auteurs contrôlent également le pouvoir explicatif de leurs tests empiriques en les expérimentant sur deux échantillons fictifs d’entreprises dont les financements suivent les hypothèses de la Pecking Order Theory, ou de la Static Trade-off Theory. Les résultats du test de la Pecking Order Theory sont effectivement rejetés lorsque l’échantillon est constitué sur la base de la Static Trade-off

Theory34, ce qui leur permet de conclure que ce test a un réel pouvoir explicatif.

Frank & Goyal (2003) reproduisent ce test sur un nombre de firmes cotées américaines plus important (768) et sur une période plus longue (1971-1998). Leurs résultats ne supportent pas, dans la majorité des cas, les hypothèses de la Pecking Order Theory. Bien qu’ils parviennent à obtenir un coefficient « β » attribué à la variable explicative DEF similaire à celui de Shyam-Sunder et Myers pour les plus grandes firmes de leur échantillon et pendant la période 1971-1989, les résultats des autres régressions35 les amènent à conclure que la Pecking Order

Theory n’est que rarement capable d’expliquer les comportements de financement des autres

firmes, et notamment des petites entreprises, quelle que soit la période d’étude36. Ces conclusions sont différentes de celles de López-Gracia & Sogorb-Mira (2008) qui obtiennent un coefficient « β » attribué à la variable explicative DEF de 0.58 lors d’une étude sur 3 569 PME espagnoles non cotées entre 1995 et 2004. Bien que ce coefficient soit inférieur à 1, ils concluent tout de même que leurs résultats supportent les hypothèses de la Pecking Order

Theory, et ce, pour les mêmes raisons que celles évoquées par Shyam-Sunder et Myers, à

savoir, le fait que la capacité d’endettement maximale d’une firme puisse être atteinte.

34 A contrario, les résultats du test de la Static Trade-off Theory sont plausibles et significatifs lorsque

l’échantillon est constitué sur la base de la Pecking Order Theory.

35 Période ou catégorie d’entreprises différentes.

36 Les coefficients attribués à la variable explicative DEF s’échelonnent de 0.02 à 0.75 selon l’échantillon et la

période étudiée. De plus, il faut savoir que l’effet du déficit de financement sur la dette est déclinant à travers le temps.

Les différences entre ces résultats peuvent se justifier par la provenance des échantillons. En effet, les firmes américaines disposent d’un système de financement avantagé à la fois par les mécanismes mis en place par la Small Business Administration dans le but de minimiser les asymétries d’informations, mais également d’un marché financier qui leur est consacré. De plus, les résultats de Frank et Goyal ne concernent pas uniquement des PME mais les plus petites firmes de leur échantillon de firmes cotées. En cela, nous pouvons donc penser que les comportements des TPE françaises devraient davantage s’approcher de ceux de López-Gracia et Sogorb-Mira, ce qui nous amène à formuler notre première hypothèse :

Hypothèse 1 : « L’émission de dettes financières à long terme (∆D) devrait être positivement corrélée au déficit de financement interne (DEF). »

Selon Shyam-Sunder et Myers, les hypothèses de la Pecking Order Theory ne dépendent pas du fait que la firme ait un besoin ou un excédent de financement externe : L’équation (1.1) suppose implicitement que le comportement des firmes soit strictement symétrique. S’il existe des impôts ou des coûts liés au fait de conserver cet excédent de fonds ou de distribuer des dividendes, les firmes en excédent de financement vont donc chercher à rembourser par anticipation leurs dettes37. Les auteurs ajoutent même que la firme peut devenir prêteuse si la situation de surplus financier persiste. Les résultats devraient donc être similaires que DEF soit positif ou négatif.

Ce test de Shyam-Sunder et Myers possède une certaine faiblesse dans son application aux petites firmes puisqu’il ne tient pas compte de l’existence d’une éventuelle restriction de dettes. Or, les TPE ont des résultats relativement hétérogènes d’une année sur l’autre et, comme nous le disions préalablement, connaissent des difficultés pour obtenir un crédit à long terme (situation de rationnement de crédit). En cela, nous pouvons penser que le remboursement par anticipation de la dette ne sera pas la règle, et que les TPE ayant un excédent de financement vont essentiellement chercher à le conserver. Dans une seconde étape, il apparait donc également intéressant de vérifier si le comportement des TPE en

37 Elles ne choisiront pas de racheter des actions car le simple fait d’annoncer cette procédure aurait pour effet

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matière d’endettement est symétrique lorsqu’elles sont en déficit (DEF>0) ou en excédent (DEF<0) de financement. Par conséquent, notre seconde hypothèse est :

Hypothèse 2 : « L’émission de dettes financières à long terme (∆D) devrait davantage être corrélée au déficit de financement interne (DEF) pour les firmes en déficit de financement, en comparaison aux firmes en excédent de financement. »

Néanmoins, il faut être conscient que certains auteurs tels que Chirincko & Singha (2000), Meier & Tarhan (2007) ou Leary & Roberts (2009) soulignent que ce test soulève quelques difficultés d’un point de vue économétrique. A titre d’exemple, Chirincko & Singha attestent que ce test empirique apprécie davantage les proportions des émissions de dettes et d’actions que l’ordre dans lequel elles sont utilisées38 (hiérarchie des financements). En cela, il semble intéressant d’examiner également les conclusions d’autres études sur la Pecking Order Theory qui utilisent un test empirique plus « classique ».

38 Chirincko & Singha (2000) que si l’ordre hiérarchique est respecté mais que la proportion d’émission

d’actions devient plus importante, le test de Shyams-Sunder et Myers tend à rejeter les hypothèses de la Pecking

Order Theory. A contrario, le test semble avaliser ces hypothèses lorsque l’ordre hiérarchique est :

« Financement interne, Emission d’actions et Dettes » dans le cas où la proportion d’émission d’actions reste faible. Enfin, si l’entreprise se finance par dettes et émission d’actions en proportions fixes et fortement majoritaire pour la dette, le test de Shyams-Sunder et Myers tend également à valider les hypothèses de la