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Les fonds en provenance du patrimoine personnel de l’actionnaire-dirigeant

LA PECKING ORDER THEORY AUX TRES PETITES ENTREPRISES

1.1 Elargissement de la catégorie du Financement interne

1.1.2 Les fonds en provenance du patrimoine personnel de l’actionnaire-dirigeant

Dans le cas des TPE non managériales, qui représentent la majorité des TPE, deux nouvelles sources de financement peuvent s’apparenter au financement interne : les comptes courants d’associés et l’émission d’actions réalisée uniquement en faveur des actionnaires existants.

 Les comptes courants d’associés

Les associés, les administrateurs de S.A. et les gérants de S.A.R.L. laissent régulièrement des sommes importantes au profit de l’entreprise, afin de pallier à l’insuffisance de capitaux propres et/ou étrangers. Ces apports, laissés à la disposition de l’entreprise, représentent une source de financement très importante dans les petites entreprises (Di Martino, 1979). Ils sont souvent disponibles pendant de nombreuses années. Sur le plan financier, les comptes courants d’associés, bien que classés dans la rubrique dettes financières du bilan, peuvent dans certains cas, être assimilés à des capitaux propres. La banque de France a d’ailleurs créé la notion de « fonds propres élargis » qui inclut les comptes courants bloqués. En effet, les statuts de l’entreprise, ou une convention particulière, peuvent contraindre les associés ou les actionnaires à ne pas exiger le remboursement de la totalité ou d’une partie de ces comptes courants d’associés pendant une durée précise, et avec une période minimum de préavis71.

L’origine des sommes laissées en comptes courants par les associés peut être diverse : la distribution d’une partie ou de la totalité des bénéfices non prélevés, certaines sommes apportées en sus du capital social telles que, par exemple, les prêts personnels des associés, effectués pour le compte de la société. Ces comptes comportent des sommes relativement importantes dans les sociétés de famille où la séparation entre le patrimoine de la société et celui des associés n’a été réalisée que dans un but fiscal et social.

71 Lors d’une demande de financement bancaire, les banques peuvent également exiger le blocage des comptes

courants d’associés pendant la durée de l’emprunt si les fonds propres de la TPE sont considérés comme trop faibles.

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Le coût de ce financement dépend des choix du dirigeant de l’entreprise. Il fixe lui- même le taux d’intérêt des comptes courants, et peut décider de ne pas les rémunérer. Les intérêts sont, comme pour l’emprunt, déductibles du résultat imposable. Néanmoins, pour éviter tout débordement, il existe certaines limites fiscales72. Il n’y a pas de réglementation spécifique supplémentaire, et ce sont les statuts qui peuvent prévoir des dispositions telles que le taux de rémunération, un montant minimum ou maximum, un délai de préavis avant tout retrait, un blocage des comptes momentané…. Les sommes laissées en comptes courants peuvent être incorporées au capital, après paiement d’un droit fixe modique (moins de 500€). Néanmoins, dans de nombreuses TPE, les actionnaires-dirigeants utilisent les comptes courants d’associés pour apporter des fonds supplémentaires à l’entreprise, et éviter les contraintes liées à la réalisation d’une augmentation de capital, suivie d’une éventuelle réduction de capital.

Les comptes courants, qui constituent une ressource financière importante dans certaines TPE, procurent un avantage non négligeable, l’absence d’asymétrie d’information. Ce mode de financement permet également d’éviter tout problème de perte de contrôle et assure une certaine indépendance financière à la firme. Cette dernière reste cependant relative par rapport à celle obtenue avec l’autofinancement. En effet, le titulaire d’un compte courant important peut disposer d’un moyen de pression permanent vis-à-vis des autres associés et bénéficier, en pratique, d’une autorité de fait dans la firme.

De plus, ce mode de financement reste limité dans les TPE puisque le nombre d’associés/actionnaires est habituellement faible. En cela, les comptes courants sont restreints à la fortune d’un petit nombre d’actionnaires, ou de l’actionnaire principal. Le caractère limité de ce financement est encore plus prononcé dans la période suivant la création de la firme puisque les actionnaires ont déjà mis une partie de leur patrimoine personnel dans le capital de l’entreprise. Enfin, il faut savoir que tout investissement

72 Les intérêts ne sont déductibles que pour la partie inférieure au taux effectif moyen pratiqué par les

établissements de crédit. De plus, si l’entreprise est soumise à l’impôt sur les sociétés, il existe également une limite en termes de montant. Les intérêts ne sont déductibles que pour la part des comptes courants inférieure à 1,5 fois le capital libéré.

supplémentaire de l’actionnaire dans sa TPE le contraint à sous-diversifier son patrimoine personnel.

Les TPE non managériales disposent également d’une autre source de financement relativement proche des comptes courants d’associés en termes de coût d’asymétrie d’information : L’émission d’actions au profit d’actionnaires déjà existants dans l’entreprise.

 L’émission d’actions au profit d’actionnaires existants

Il existe trois modalités d’augmentation de capital : l’apport en numéraire, l’apport en nature et l’apport en industrie. Ce sont uniquement les deux premiers qui permettent à l’entreprise de financer son activité. En effet, l’émission d’actions par apport en numéraire procure des ressources financières à la TPE, qui va pouvoir investir, se développer et/ou procéder à son désendettement. Les actionnaires peuvent également réaliser un apport en nature, c'est-à-dire qu’ils vont concéder un bien à l’entreprise en échange d’un certain nombre d’actions, représentant la valeur du bien. Ces augmentations de capital peuvent être réalisées soit lors de la création de l’entreprise, soit au cours de son existence.

L’émission d’actions destinées aux actionnaires existants ne provoque donc pas de problèmes d’asymétrie d’information, de sélection adverse ou de perte de contrôle puisque ces actionnaires font déjà partie de l’entreprise. En cela, nous pouvons penser que ce financement a de nombreux points de similitude avec l’autofinancement. Ceci est d’autant plus vrai lorsque l’entreprise est individuelle, puisque l’augmentation de capital se réalise par un simple transfert de fonds du patrimoine personnel vers le patrimoine professionnel du propriétaire-dirigeant. Dans le cadre d’une entreprise en société, le concept est plus compliqué ; l’apport est réalisé par les actionnaires soit lors de la constitution de l’entreprise, soit lors d’une augmentation de capital. La décision doit néanmoins avoir été préalablement entérinée par une assemblée générale extraordinaire.

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Cependant, et de la même manière que pour les comptes courants d’associés, ce financement présente quelques inconvénients. En effet, tout changement de la répartition du capital peut inverser les rapports de pouvoir. Ce type d’émission d’actions est également limité dans les TPE car le dirigeant, qui détient généralement plus de la moitié des parts, souhaite conserver son pouvoir de contrôle. Ceci lui impose de répondre majoritairement à l’émission d’actions, qui devient limitée à sa propre fortune, ou à celle d’un petit nombre d’actionnaires73.

Dans le but de construire une hiérarchie de financement adaptée aux TPE, notre réflexion devra s’appuyer sur plusieurs critères de choix considérés comme primordiaux dans l’esprit d’un dirigeant de TPE puisqu’ils sont à l’origine d’une grande partie de leurs décisions. Sans être exhaustifs, nous pouvons citer la minimisation des coûts liés à l’asymétrie d’information, le désir de conserver le contrôle et l’indépendance de l’entreprise, la nécessité de faire face à d’éventuelles difficultés ou restrictions financières que peut leur infliger le milieu bancaire. Ces dernières sont principalement dues à la forte asymétrie d’information qui existe entre le dirigeant d’une TPE et ses partenaires financiers. Dans un modèle de Pecking Order Theory adapté aux TPE, nous pensons donc que l’utilisation des comptes courants d’associés ainsi que l’émission d’actions réalisée en faveur des actionnaires existants, devraient être, au même titre que l’autofinancement, les sources privilégiées dans la hiérarchie des financements. Ceci peut se justifier bien sûr par l’absence de coûts d’asymétrie d’information mais également par l’absence de toute perte de contrôle de la firme, par la relative flexibilité que le financement interne procure, ou encore par l’autonomie et l’indépendance qui lui sont associés. Néanmoins, au sein de cette catégorie des financements internes, l’autofinancement devrait être favorisé par rapport aux comptes courants d’associés et à l’émission d’actions au profit d’actionnaires existants, car il ne provoque pas de modification de la répartition du capital, ni des rapports de pouvoir entre les associés. De plus, il n’est pas restreint à la fortune des actionnaires, généralement peu nombreux, et ne provoque pas de problème de sous- diversification de leur patrimoine personnel. Ceci est d’autant plus vrai lorsque l’actionnaire

73 Ceci dépend également de la forme juridique de l’entreprise. Dans le cadre d’une EURL (Entreprise

Unipersonnelle à Responsabilité Limitée), l’actionnaire est seul et toute augmentation de capital est donc limitée à sa propre fortune.

et le dirigeant de la TPE sont représentés par une seule et même personne, qui a déjà investi son patrimoine humain dans la TPE.

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