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Introduction de la dette

Figure 6 : La décision d’émettre et d’investir

1.2.2 Introduction de la dette

Myers & Majluf (1984) introduisent ensuite dans leur modèle la possibilité de financer l’investissement, après déduction des liquidités, par de la dette (D) ou des actions (E).

Reprenons le concept évoqué dans le point précédent. L’espérance de la valeur totale de la firme est la somme des valeurs de l’actif existant, de l’opportunité d’investissement et de

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l’investissement. La partie qui revient aux actionnaires existants est la différence entre cette valeur totale et la valeur des parts des investisseurs :

- E(V) = a + b + I.

- E(Vexi) = E(V) – E(Vnouv)

Si les dirigeants choisissent d’émettre des nouvelles actions (E = I – S) dont la valeur devient

E1 en t=1, la part des anciens actionnaires est : E(Vexi) = a + b + I - E1. La sur ou sous

évaluation des titres des nouveaux actionnaires, liée à la véritable valeur de leurs titres en t=1, est ∆E = E1 – E. Par conséquent, E(Vexi) = a + b + S – ∆E. La firme n’émettra ses titres que si :

a + S ≤ (a + b + S - ∆E), soit si b ≥ ∆E, c'est-à-dire si la valeur actuelle nette de

l’investissement est au moins égale au gain réalisé par les nouveaux actionnaires sur les actions souscrites.

Si les dirigeants choisissent comme financement l’émission de dettes, le même raisonnement peut être entrepris et nous obtenons qu’ils n’émettront des dettes que si b ≥ ∆D. Lorsque la dette est sans risque, la révélation d’informations en t=1 n’affecte pas la valeur de la firme,

∆D = 0, et tout investissement dont la valeur actuelle nette est positive ou nulle doit être

réalisé. Le fait de pouvoir s’endetter sans risque correspond au fait de disposer de liquidités. Si la dette est risquée, ∆D n’est pas nul et l’investissement ne sera entrepris que si b ≥ ∆D.

Du point de vue de l’investisseur, l’émission d’actions est toujours plus risquée que l’émission de dettes. En effet, en cas de faillite ou de cessation d’activité, les créanciers financiers et bancaires sont remboursés avant les actionnaires qui se partagent les fonds restants après paiement de l’ensemble des sommes dues par l’entreprise. De plus, l’endettement permet d’éviter de révéler des informations privilégiées au marché. ∆D a donc le même signe que ∆E, mais sa valeur absolue est moindre : (a + b + S – ∆E) ≥ (a + b + S –

∆D), soit VEexi ≥ VDexi. Par conséquent, la firme renoncera à moins d’investissement dans le

cas du financement par dettes que dans celui par actions. La perte liée au sous-investissement étant moindre, la valeur ex-ante de la firme est supérieure dans le cas d’un financement par dettes (par rapport aux émissions d’actions).

Ainsi, dans l’hypothèse d’une sous-évaluation des titres, et dans la mesure où celle-ci est moindre dans le cas des dettes que dans celui des actions, la situation des actionnaires existants sera meilleure lors d’un financement par dettes. Si, au contraire, les titres sont surévalués, les dirigeants ont intérêt à émettre de nouvelles actions, au détriment des nouveaux actionnaires et au bénéfice des anciens. Ceci nous amène à penser que la firme choisira d’émettre des actions lorsque ces dernières sont surévaluées, et des dettes lorsqu’elles sont sous-évaluées. Si cette règle prévalait, aucun investisseur n’accepterait de souscrire à l’émission d’actions d’une entreprise qui disposerait de liquidités ou d’une capacité d’endettement puisque cela impliquerait forcément une perte (∆E ≤ 0) pour les nouveaux actionnaires. De ce fait, si les dirigeants disposent d’autres sources de financement, ils n’émettront pas d’actions. Les investisseurs contraignent donc les dirigeants des firmes à suivre un ordre hiérarchique dans la mesure où ils refuseront de souscrire à toute émission d’actions si d’autres sources de financement, et notamment la dette, sont disponibles.

Myers & Majful (1984) conçoivent donc la structure de financement comme étant une répartition entre les ressources internes et les ressources externes de la firme. Le choix de la structure financière consiste donc à faire varier cette répartition en fonction de facteurs explicatifs clés que sont, essentiellement, le déficit de fonds internes et les coûts d’asymétrie d’information. Myers (1984) résume les implications du modèle en matière de structure financière comme tel :

- Les dirigeants fixent un taux de distribution des dividendes qui laisse suffisamment de financement interne pour faire face à un volume d’investissement normal.

- Le recourt au financement par dettes est limité dans le but d’émettre la dette la moins risquée possible et de maintenir une capacité d’endettement en cas de besoin,

- Lorsqu’elle n’est plus en mesure d’émettre de la dette sans risque, la firme opte pour d’autres titres plus risqués, tels que la dette risquée ou les obligations convertibles, avant d’émettre des actions,

- Les entreprises évitent de financer leurs investissements par des actions ou d’autres titres risqués pour ne pas être confrontées au dilemme de renoncer à des projets rentables ou d’émettre des titres sous-évalués,

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Ceci nous permet d’appréhender de manière assez précise l’ordre hiérarchique établi par Myers (1984) et, Myers & Majluf (1984), dans le cadre de la politique de financement des investissements de l’entreprise :

- Les fonds internes sont privilégiés car ils correspondent à la source de financement à la fois la moins soumise aux différents coûts liés à l’asymétrie d’information mais également la moins risquée.

- En cas de besoin de fonds supplémentaires, les dettes financières seront utilisées, ces dernières assurant quand même le transfert de création de valeur du nouveau projet aux seuls actionnaires existants. Au sein des différentes catégories de dettes, les auteurs évoquent une préférence pour celles à court terme, moins risquées, par rapport à celles à long terme.

- Enfin, l’émission d’actions, source de financement qui apparaît démesurément chère, ne sera utilisée qu’en dernier lieu. En effet, elle est la plus soumise aux coûts d’informations.

Dans le but d’expliquer pourquoi certaines firmes émettent malgré tout des actions, Myers suggère qu’elles se constituent des réserves de liquidité ou restaurent une capacité d’endettement, sans qu’elles aient de projets d’investissement à entreprendre.

L’obtention de ces conclusions implique le respect de l’hypothèse stipulant que le preneur de décisions agit toujours dans l’intérêt des anciens actionnaires. Une telle hypothèse est inévitablement acceptée dans le contexte des firmes non managériales (le propriétaire principal est également le dirigeant). Par contre, dans le cas d’une entreprise non détenue majoritairement par son dirigeant, ce dernier peut exploiter son avantage informationnel au détriment des actionnaires car il détient un pouvoir de décision discrétionnaire.

La majorité des études qui traite le sujet du financement des entreprises par l’intermédiaire de la Pecking Order Theory s’intéresse aux grandes firmes cotées, dont les opportunités de

financement sont diverses et variées (Myers, 2001). Les caractéristiques propres aux TPE et leurs contraintes de financement rendent la question de leur structure du capital différente de celles des grandes firmes. Bien qu’elle soit conçue à l’origine pour les grandes entreprises, nous montrerons dans la partie suivante que la Pecking Order Theory semble être naturellement adaptée aux TPE (Ang, 1991; Cosh & Hughes, 1994).

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