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L’essor du secteur du réemploi pour répondre aux enjeux de prévention La prévention des déchets regroupe donc différentes actions visant à réduire la

Section I. Diversité terminologique du rebut

Section 2 : Analyser la prévention des déchets chez les acteurs du réemploi Notre recherche s’inscrit principalement dans un terrain parisien que nous avons mis

I.2.3. L’essor du secteur du réemploi pour répondre aux enjeux de prévention La prévention des déchets regroupe donc différentes actions visant à réduire la

quantité de déchets produits, pouvant être priorisées différemment selon les territoires. Le réemploi des objets est une de ces actions de prévention. Cette activité ancienne exercée par les chiffonniers bien avant les injonctions à la réduction des déchets s’est transformée avec ces nouvelles obligations.

Le mouvement Emmaüs s’est lancé dans la récupération à partir de 1952. Chiffonniers dans les décharges et chineurs en ville, les compagnons vivent de la revente d’objets récupérés. Ils revendent les matériaux tels que les cartons, chiffons et boîtes de conserves. Le secteur de la récupération est alors peu concurrentiel. La législation française sur les déchets de 1975 et 1992 transforme le secteur de la récupération, auparavant négligé, en un marché à fort enjeu économique en encourageant le recyclage et en interdisant la mise en décharge40. Ce phénomène se retrouve également en Allemagne. « Les marchés sont mondiaux et la moindre fluctuation de conjoncture ou de législation dans un grand pays peut tout faire basculer » (Brodiez-Dolino 2008, empl. 5607, ch.1041). Les cours des matières récupérables, notamment la ferraille et le papier-carton chutent et les communautés récupèrent de moins en moins de matières. Il est de plus en difficile pour les compagnons de vivre de la revente de matériaux dans un marché de plus en plus concurrentiel. Ils se concentrent sur la chine, activité qu’ils pratiquaient déjà, mais qu’ils développent fortement en ouvrant de nouveaux bric-à-brac. Toutefois, là aussi, les prix des produits neufs diminuent et accompagnent généralement une baisse de la qualité des produits qui peuvent se revendre d’occasion. Les objets récupérés sont souvent de moins bonne qualité. À cela s’ajoute la concurrence des vide- greniers et des ramassages humanitaires de vêtements qui provoquent une baisse du tonnage de rebuts collectés par les communautés à la fin des années 1990. La relance concurrentielle de la récupération s’effectue dans les années 2000, grâce à la responsabilité du producteur (REP) et à la multiplication des législations sur le recyclage et la prévention des déchets (Brodiez-Dolino 2008). La récupération devient un véritable enjeu pour les industriels et les

Sur la question des lobbys, voir notamment Beres D. « Big Tech Sqashes New York’s ‘Right to repair’ Bill »,

Huffpost, publié le 17/06/2016 [En ligne] https://www.huffingtonpost.com/entry/right-to-repair-new-

york_us_57641b5ce4b0853f8bf097fc, consulté le 10/04/2018

40 La loi du 13 juillet 1992 fixe l'interdiction de la mise en décharge des déchets bruts au 1er juillet 2002, en réservant les décharges aux seuls déchets ultimes dont on aurait tiré toutes les possibilités de valorisation, et en décidant l'instauration de plans départementaux d'élimination des déchets ménagers et assimilés. Source : https://www.senat.fr/rap/o98-415/o98-4159.html, consulté le 09/07/2018.

collectivités, de nombreux partenariats avec les ateliers chantiers d’insertion d’Emmaüs sont alors lancés.

Parmi les œuvres caritatives, les vêtements sont les principales marchandises collectées. Dans ce secteur de la récupération et du recyclage textile, la concurrence s’accentue entre associations et entreprises privées. Des grossistes privés créent des partenariats avec des associations caritatives pour utiliser leur image, afin de collecter des vêtements pour les revendre pour leur propre compte dans les pays de l’Est ou en Afrique. Le secteur du textile est également fortement touché par la chute de la qualité des vêtements et l’impossibilité de retricoter certaines matières pour en faire d’autres tissus. Nécessitant beaucoup de main d’œuvre, les entreprises de récupération textiles délocalisent en Afrique et en Europe de l’Est ou automatisent les process (Brodiez-Dolino 2008). Le Relais (structure issue d’Emmaüs spécialisée dans le textile) et d’autres organisations caritatives sont amenés à travailler en commun pour faire face aux difficultés. Une contribution textile issue d’un décret de 2008, permet de soutenir les opérateurs de tri pour le recyclage, en imposant une taxe payée par les producteurs et distributeurs de vêtements. À la fin des années 2000, Le Relais, membre du réseau Emmaüs, est leader de la collecte de textile en France. Les multiples sites du Relais emploient principalement des personnes en insertion.

À côté de ces acteurs historiques, l’essor du réemploi se traduit par une multiplication d’acteurs indépendants qui pour la plupart sont davantage motivés par des questions écologiques et s’inscrivent dans l’économie sociale et solidaire. L’influence d’expériences étrangères comme celle du Canada a amené à la formalisation du Réseau des Ressourceries en 2000. Le groupement compte sept ressourceries en 2000, 60 en 2010 puis 150 en 201742. Les porteurs de projets sont motivés par les politiques de prévention des déchets et les subventions publiques à la clé. En effet, les associations de récupération constituent en France les relais des politiques de réduction des déchets (Benelli et al. 2017). Nous verrons par la suite, comment et pourquoi se sont structurées les recycleries, aux échelles nationales et régionales.

Aux États-Unis, les tentatives de constitution d’un secteur du réemploi sont nettement moins nombreuses même si des structures de réemploi à vocation sociale existent également. Ce sont des organisations à but non-lucratif, des organisations caritatives (Goodwill

Industries, Salvation Army) et des entreprises à but lucratif qui utilisent la revente d’objets

d’occasion comme source de revenus leur permettant de financer d’autres activités sociales. 42 Chiffres obtenus à partir des rapports d’activité de L’observatoire des Ressourceries pour 2012 et 2017.

Toutefois, elles ont fondé le réseau Reuse Alliance en 2005 qui organise des évènements tous les deux ans, et permet aux différentes structures d’échanger sur leurs pratiques et de se positionner sur le secteur du réemploi en organisant des formations qualifiantes (Benelli et al. 2017). Une partie de leur mission est de faire prendre conscience à des structures de récupération qu’elles participent à la réduction des déchets et donc à des actions écologiques, bien que ces structures réalisent parfois leurs activités depuis longtemps sans se positionner dans le champ de l’environnement. À New York, un réseau local à l’échelle de la ville permet également aux acteurs de la récupération de dialoguer. Le service de propreté de la ville (NYC

Department of Sanitation) encourage les organisations à but non-lucratif de réemploi de la

ville à se réunir afin de mettre en commun leurs compétences, de promouvoir leur activité, sans toutefois proposer un soutien financier à l’ensemble de ses membres. Les membres de ces différentes structures seront présentés par la suite.

D’une manière générale, les structures de réemploi, autrefois orientées uniquement vers les plus démunis, arrivent aujourd’hui à intéresser une population plus diversifiée et investissent plusieurs champs d’actions. Elles apparaissent comme des structures :

« alliant revalorisation des biens revendus en boutiques solidaires, gestion de l’environnement et création de nouvelles activités économiques aux finalités sociales individuelles (trajectoire de réinsertion par l’économique) et collective (accompagner les consommateurs vers une appréhension positive des déchets). Au-delà, les écocycleries participent d’une nouvelle stratégie d’aménagement des territoires » (Glémain 2008 p. 15).

Notre enquête s’inscrit ainsi dans un contexte d’essor des politiques publiques de prévention des déchets participant à la structuration des acteurs de la récupération et leur confie la mission de réduire les déchets par le réemploi.

Section 3 : Construction d’un objet de recherche autour d’un phénomène

protéiforme

Les sections 1 et 2 viennent de mettre en évidence la diversité des acteurs de la récupération, des lieux de réemploi et le contexte de notre recherche. Étudier les pratiques de récupération nécessite d’identifier les acteurs que nous allons étudier sur le terrain. Nous nous sommes concentrée sur les acteurs de l’économie sociale et solidaire sur lesquels s’appuient les politiques publiques pour mettre en place des actions de prévention des déchets. Toutefois, ces récupérateurs solidaires ne fonctionnent pas ex-nihilo et sont en contact permanent avec d’autres acteurs de la gestion des déchets et de la revente d’occasion.