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SECONDE PARTIE : LE FORMALISME CONTEMPORAIN ET JUSTICE CONTRACTUELLE

296. Le droit privé des contrats poursuit l’objectif de faire que le contrat

soit vraiment la conséquence du plein exercice de la liberté contractuelle des parties. « Chaque individu étant le meilleur juge de ses intérêts, on peut présumer que ceux-ci sont parfaitement respectés par les engagements qu’il a volontairement souscrits338 ».

Les parties, en totale liberté sont donc les meilleurs arbitres de la satisfaction de leurs intérêts dans le contrat pour souscrire un accord équilibré et juste. Ainsi « le libre jeu des volontés individuelles ne peut que réaliser la justice »339.

En ce sens, en droit commun des contrats, l’exercice de la liberté contractuelle n’est qu’une condition indispensable pour arriver à l’idéal de la justice. Cela confirme la sagesse de la célèbre formule de Fouillée : qui dit contractuel dit juste. Ainsi, arriver à la justice contractuelle340 est l’un des plus remarquables objectifs du contrat.

297. Cependant la justice effective entre les parties ne peut être achevée que

dans le cas où la qualité des parties leur permette d’être dans des conditions

338 F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, op. cit., p. 31. 339 Ibid.

340 Sur la notion de Justice contractuelle : « Le vocabulaire juridique publié sous la

direction du doyen Gérard Cornu par l’Association Henri Capitant, s’il définit, séparément, les mots « Contractuel » (le) et « Justice », ne mentionne pas la justice contractuelle au nombre des déclinaisons possibles du mot justice. En vérité, l’expression a beau être d’un emploi assez courant parmi les juristes, il est rare qu’elle figure comme telle dans les index des traités, manuels et autres ouvrages qui leur sont familiers ». L. CADIET, Une justice contractuelle, l’autre, in Le contrat au

début du XXIe siècle, Etudes offerts à J. Ghestin, LJDG, 2001, p. 177.

Cependant, de la définition de justice donnée par le Vocabulaire Juridique Cornu, on peut déduire qu’il existe une double notion de justice contractuelle, elle peut être définie en deux sens : d’un côté la justice contractuelle constitue un idéal contractuel, ce qui est idéalement juste, conforme aux exigences de l’équité et de la raison. De l’autre côté, la justice contractuelle se réfère à ce qui est positivement juste dans la relation contractuelle, ce à quoi chacun peut légitimement prétendre par rapport au contrat, concept qui fait référence aux droits propres à chacun. V. la définition de

d’égalité et d’équilibre contractuel341, c'est-à-dire qu’elles soient en égalité de conditions et de positions contractuelles.

Par contre, l’inégalité et le déséquilibre dans les positions et conditions contractuelles tendent à situer les parties dans une situation de déséquilibre présumé. L’idéal de justice contractuelle, toujours recherché dans le droit privé des contrats, est donc menacé. C’est le cas des contrats du droit de la consommation, où l’on se trouve, d’un côté, en présence d’un professionnel, et de l’autre d’un consommateur.

Alors l’objectif, en matière du droit de la consommation, consiste à rétablir cet équilibre, à situer les parties dans une situation d’égalité qui leur permette d’exprimer leurs volontés en totale liberté et autonomie.

298. Ainsi, on peut constater que « le droit commun du Code civil a paru

inadapté à l'époque de la généralisation de la pratique des contrats d'adhésion, prérédigés à l'avantage des professionnels, pour assurer, dans les relations avec les consommateurs, un minimum de justice contractuelle. La législation consumériste qui s'est développée en France dans ce secteur depuis 1972 a ainsi cherché à établir un équilibre dans les relations contractuelles entre professionnels et consommateurs, que ce soit au moment de la conclusion du contrat, pour la détermination de son contenu ou les modalités de son exécution »342.

Ainsi on doit remarquer que, plutôt que la liberté contractuelle, ce qui préoccupe vraiment le droit contemporain des contrats est le besoin de sauvegarder l’équilibre contractuel et ainsi de garantir la justice contractuelle dans la formation du contrat.

299. Dans ce contexte, l’information a toujours été considérée comme une

grande associée de la protection du consentement, et particulièrement du consommateur, compte tenu de sa condition de faiblesse. Pour Agathe Lepage : « Dès les débuts du développement du droit de la consommation,

341 La justice contractuelle est plutôt conçue comme un principe directeur en droit

privé des contrats. En effet, Jacques Ghestin, dans son traité de droit civil fait de la justice contractuelle l’un des « principes directeurs » du droit objectif des contrats. J. GHESTIN, Les obligations, Le contrat : formation, LJDG, 3éme éd., 1993, p. 182. 342 G. PAISANT, À la recherche du consommateur, JCP G, 2003.I, p.121.

l’information a été la pièce maîtresse du dispositif de protection du consommateur343».

C’est ainsi que le formalisme apparaît en tant qu’instrument de protection de la volonté des parties, pour leur fournir l’information nécessaire pour construire leur consentement et ainsi favoriser les conditions d’égalité qui sont matériellement situées, de prime abord, dans des positions différentes et inégales.

300. Voilà pourquoi dans cette section, nous étudierons le phénomène du

formalisme informatif principalement en droit de la consommation, où il a connu son développement majeur. La méthode la plus efficace pour aborder l’intégralité du sujet est l’étude, en premier lieu, de la notion du formalisme informatif (titre I), pour examiner ensuite la portée du formalisme informatif du droit contemporain (titre II).

343 A. LEPAGE, Les paradoxes du formalisme informatif, in Liber Amicorum Jean

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