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Les conventions sur la preuve selon ses finalités

TITRE II LE FORMALISME DE SOURCE CONVENTIONNELLE

Section 1. La liberté des parties d’aménager les règles de preuve 233 Pour étudier les conventions sur la preuve il faut tout d’abord

B. Les conventions sur la preuve selon ses finalités

252. Une fois vérifiée la liberté qui existe pour les parties d’accorder les

règles de preuve du contrat il est permis de s’interroger sur les types de conventions sur la preuve qui existent, selon les finalités recherchées par la volonté individuelle. Les conventions sur la preuve peuvent donc être classées en deux catégories : celles qui atténuent la rigueur du mode de preuve légale (§1) et celles qui, au contraire, augmentent la rigueur probatoire proposée par la loi (§2).

§1. Atténuer ou éliminer la rigueur probatoire de la règle de preuve

253. La convention sur la preuve est un vrai contrat, et profite des

caractères et des attributs propres aux actes juridiques. Ainsi, une fois conclue la convention sur la preuve, les parties sont désormais liées au contrat, qui est en fait, la loi pour les parties. Alors, « de la même manière que la loi supprime parfois l’exigence normale de la preuve, le contrat, qui est « la loi des parties », peut également éliminer le recours normal à la preuve »289, ou dans d’autres cas, la liberté contractuelle peut même atténuer la rigueur probatoire stipulée dans la loi.

288 En ce sens : « Les règles de la preuve préconstituée tiennent à clarifier et à

organiser les preuves recevables en cas de contestation. De plus, elles déterminent la façon dont le juge peut forger sa conviction. Ces deux constatations pourraient conduire à penser qu’elles sont d’ordre public. Néanmoins, en réalité, la jurisprudence admet une solution contraire à l’esprit de ces règles, et confirme qu’elles ne sont pas d’ordre public ». T.-D. NGUYEN, op. cit., p. 166.

La jurisprudence a reconnu que les parties peuvent atténuer l’exigence de preuve qu’établit la loi par la renonciation à l’application de l’article 1341 du Code civil et accorder entre elles de recourir à la preuve testimoniale290.

254. La convention sur la preuve des actes juridiques est aussi fréquente en

matière d’évaluation des dommages. En cas d’inexécution des obligations contractuelles le contractant fautif est obligé à réparer le préjudice causé par son manquement. Alors, le cocontractant doit en principe prouver le manquement et le préjudice dont il demande la réparation. Avec l’inclusion d’une clause pénale dans le contenu du contrat les parties établissent a priori le montant du préjudice qui devra être réparé en cas de défaillance de l’une d’elles et ainsi la clause dispense la victime de l’inexécution d’avoir à prouver le montant exact du préjudice subi.

Pour certains auteurs, on trouve dans le cas de la clause pénale une sorte de convention tacite d’allègement de la preuve car par la stipulation de la clause pénale, la victime de l’inexécution est exonérée de prouver le montant du préjudice. « Toute exigence probatoire ne disparait pas mais une seule preuve est à rapporter : celle de l’inexécution, le montant du préjudice ne se prête à aucune discussion »291.

Cependant, on ne pense pas qu’on puisse analyser la clause pénale comme une véritable convention de preuve, même si, indirectement, elle peut jouer ce rôle.

255. Un autre exemple d’allègement de la preuve par la volonté des parties

est trouvé dans la conclusion des clauses de réserve de propriété. Cette clause permet au vendeur de rester propriétaire des biens vendus tant qu’ils n’ont pas été payés par l’acquéreur. « Par la clause de réserve de propriété, toute exigence probatoire ne se trouve pas supprimée puisque le vendeur doit, évidemment, prouver, d’une part, que les biens revendiqués par lui sont ceux qu’ils a livrés et, d’autre part, que la clause de réserve de propriété a bien été convenue mais l’exigence probatoire tenant à la défaillance actuelle ou éventuelle de l’acquéreur se trouve éliminée »292.

290 Cour de Rennes, 25 février 1841, S., 1841-2-429 ; Req., 6 janvier 1936, DH, 1936,

p. 116 ; Req., 24 mars 1942, DC, 1942, p. 64.

291 D. FERRIER, eod. loc., p. 113. 292 Ibid., p. 115.

256. L’accord entre les parties peut aussi éliminer totalement ou

partiellement l’exigence probatoire établie dans la loi. Dans le cas d’élimination totale, les parties accordent d’abolir totalement l’exigence probatoire établie dans la loi et ainsi « l’élimination de la preuve sera recherchée comme moyen d’assurer la sécurité juridique souhaitée par les parties, c’est-à-dire la pleine efficacité de leur convention au prix, si besoin est, de la vérité et même parfois de la vraisemblance, et au mépris de toute contestation ou de toute intervention du juge »293.

En ce qui concerne l’élimination partielle de l’exigence probatoire, la convention sur la preuve peut aussi régler l’objet de la preuve, soit en préétablissant l’objet de la preuve, soit en présumant l’objet de la preuve. Ainsi, « le contrat préétablit parfois le résultat attendu d’une exigence probatoire, c’est-à-dire l’objet de la preuve, pour prévenir les difficultés liées à son établissement »294.

Un autre cas d’élimination partielle de la preuve est celui où les parties stipulent une obligation dite « de résultat » qui permet de « mettre en cause la responsabilité du débiteur défaillant sans avoir besoin de prouver que son inexécution est fautive. Puisqu’il s’engageait à produire un certain résultat, l’absence de ce résultat suffit à établir sa faute. On estime souvent que cette convention conduit à un renversement de la charge de l’administration de la preuve »295.

257. A propos de la nature des conventions sur la charge de la preuve, elles

ne modifient pas le contenu de l’exigence probatoire établie dans la loi, mais elles modifient la partie qui supportera le poids de prouver un fait déterminé. Dans ces conditions, la convention sur la charge de la preuve implique l’élimination, non pas de la rigueur probatoire de la règle légale, mais de l’obligation légale pour une des parties consistant à prouver un fait déterminé.

293 Ibid., p. 112. 294 Ibid., p. 113.

295 J. DEVEZE, Contribution à l’étude de la charge de la preuve en matière civile,

Certes, « les conventions sur la charge de la preuve constituent une renonciation d’une partie au bénéfice des règles légales. Et l’on hésite, tout particulièrement à les admettre lorsque leur existence est déduite par le juge du fait qu’une partie a volontairement démontré des faits qu’elle n’était pas tenue d’établir, car un plaideur peut tout à fait agir de la sorte sans pour autant renoncer au système légal »296.

Une illustration des conventions de renversement de la charge de la preuve sont les conventions en matière de reprises matrimoniales, le renversement de la preuve du versement de la dot profitant à l’épouse297.

Pour la majorité des auteurs les conventions sur la charge de la preuve sont valides. La doctrine et la jurisprudence acceptent la valeur des conventions qui créent de simples présomptions de fait et modifient dans ce cas, le fardeau de la preuve. Une illustration d’une convention sur une présomption de fait est l’accord qui établit que la maladie des vaches assurées, par exemple, existait au moment de la conclusion du contrat d’assurance, mais rejette toute valeur aux clauses qui établissent des présomptions légales, car seule une règle de droit peut être une source de présomption légale298.

Ainsi, ces contrats (sur la charge de la preuve) sont valables parce que les parties peuvent disposer de l'objet du contrat, mais avec la condition de ne pas violer la loi impérative, et aussi de s’abstenir de stipuler toute disposition qui implique une intromission dans le devoir et l’activité du juge299.

258. Par conséquent, il est certain que le système de la preuve français ne

s’oppose pas à la validité des conventions qui cherchent à éliminer une exigence probatoire établie dans la loi ou à atténuer sa rigueur probatoire. Alors on s’interroge sur la possibilité de conclure une convention pour créer une exigence probatoire qui n’est pas consacrée dans la loi ou même pour augmenter la rigueur probatoire établie par la règle légale de preuve.

296 V. DEPADT- SEBAG, eod. loc., p. 21. 297 Cass. civ., 22 août 1882, S., 1883, I, 25.

298 L. ROSENBERG, La carga de la prueba, Buenos Aires, Edit. Ejea, 1956, p. 200-

217.

§2. Créer une exigence probatoire ou augmenter la rigueur probatoire établie par la règle légale de preuve

259. En cas d’inexistence d’une règle légale, qui exige un certain procédé

de preuve pour prouver un fait particulier, il est permis pour les parties de créer une règle de preuve d’origine conventionnelle. Ainsi, pour les cas de contrats dont la preuve est libre, les parties peuvent conclure un accord pour créer une exigence probatoire et ainsi restreindre l’efficacité de l’acte à la réalisation du procédé de preuve convenu.

Ces conventions sont en principe valables, mais elles doivent être librement convenues. Ainsi, les parties peuvent librement créer une exigence probatoire particulière qui respecte leur autonomie pour s’engager et l’équilibre contractuel qui doit exister au moment de la conclusion d’un contrat, sinon, une convention qui crée une exigence probatoire particulière pourrait nuire à l’efficacité des droits qui appartiennent à l’une des parties.

260. L’accord contractuel peut aussi aggraver l’exigence probatoire établie

dans la loi lorsqu’elle prescrit un mode de preuve particulière, mais que les parties renoncent au bénéfice qu’elle établit et alourdissent le devoir probatoire. Comme durcissement de la preuve, on peut mentionner « les cas de clauses par lesquelles les plaideurs ont décidé de recourir à la preuve écrite, renonçant au bénéfice de la preuve par témoins prévue par la loi »300.

Dans ce sens, « les parties peuvent aggraver les exigences de l’article 1341 du Code civil français en convenant que la preuve doit être apportée par acte authentique. La licéité d’une telle convention sur la preuve suppose toutefois que les parties aient la libre disposition des droits en cause »301.

261. Après avoir étudié la possibilité des parties d’accorder librement les

règles de preuve du contrat dans le cadre de l’article 1341 du Code civil et les types de conventions selon la finalité cherchée, il est juste de s’interroger sur la portée et les limites des conventions sur la preuve.

300 Cass. civ. 30 juillet 1884, S., 1885. I. 375, Cass. civ., 8 août 1901, S., 1904, I, 481. 301 T.-D. NGUYEN, op. cit., p. 167.

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