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La percée du consensualisme et la consécration du principe 53 Après une longue évolution, le droit des contrats situe la volonté

TITRE I LE FORMALISME DE SOURCE LEGALE

Section 2. De l’essor du consensualisme au formalisme utilitaire 52 Le consensualisme a été principalement le résultat de l’avancée des

A. La percée du consensualisme et la consécration du principe 53 Après une longue évolution, le droit des contrats situe la volonté

contractuelle au centre de la formation du contrat. Ainsi, la pratique contractuelle et le triomphe des idéaux volontaristes, font du consensualisme le principe de la formation du contrat (§1), et ce principe est consacré dans la législation française (§2).

§1. La percée du consensualisme

54. Aux temps modernes les conséquences de l’évolution des civilisations

sont perceptibles : multiplication des rapports juridiques et accroissement des relations économiques, en raison de la spécialisation des professions, de la division du travail dans chaque branche d’activité humaine et de la production industrielle intensifiée. Face à ces évolutions, le contrat libre s’est imposé comme instrument par excellence afin de satisfaire les transactions.

55. Quant à la forme, des idées volontaristes ont affirmé que la conséquence

directe du principe de la volonté libre est le principe de la liberté au niveau de la forme62. Autrement dit, en matière de forme, les mouvements volontaristes

et individualistes de la modernité se traduisent par l’adoption du consensualisme comme principe en matière de formation des contrats.

Pour ce qui concerne la forme des contrats, la conséquence du principe de l’autonomie de la volonté (règle de fond) se traduit par l’affirmation suivante : « L’homme est maître, non seulement de la portée, mais aussi de la forme d’expression de son engagement »63.

56. Ainsi, le lien a été établi entre liberté et consensualisme. La possibilité

de contracter sans l’exigence de forme a été conçue comme l’instrument le plus efficace pour le plein exercice de la liberté contractuelle et par conséquent, pour la fluidité des transactions dans un marché moderne et rapide.

Alors, « puisque la volonté est souveraine, il faut écarter tout formalisme dans la création des droits et obligations. Le consentement suffit pour conclure un contrat contrairement au droit romain »64.

« Qu’importe, ce n’est ni l’équivalence entre les obligations ni entre les forces économiques et les valeurs, mais il suffit de l’égalité juridique et la volonté libre et indépendante des parties »65. Au moment de la naissance du principe du consensualisme, ce qui importait était simplement la réalisation et l’expression de la volonté, sans s’inquiéter alors de l’idée d’équivalence des obligations ni de la responsabilité dérivée de l’abus des positions contractuelles.

57. A cette période, les seules limites qui existaient pour la volonté

autonome et souveraine étaient les restrictions imposées par la loi en cas de contrat conclu avec des mineurs ou en présence d’un dol, d’une violence ou d’une erreur. Autrement dit, l’étude de la volonté contractuelle à cette étape

confondre ces deux mouvements distincts. V. J.-L. FLOUR ET E. SAVAUX, Droit

Civil, Les obligations, L’acte juridique, Armand Colin, 5éme éd., 1991.

63 J. FLOUR, Quelques remarques sur l’évolution du formalisme, Mélanges, Etudes

offertes à Georges Ripert, t. 1, 1950, p. 95.

64 A. ABDALLA, op. cit., p. 147. 65 A. ABDALLA, op. cit., p. 128.

était limitée à la sanction des vices du consentement66 ; ce qui est assez loin de la protection de la volonté par le contrôle des positions contractuelles et par la protection du consommateur dans le formalisme informatif envisagé par le droit contemporain, comme nous le démontrerons plus loin.

Les notions d’ordre public et d’abus de droit servent comme limites à la volonté. « Pour l’individualisme, ces règles ont leur principe et leur fin dans le droit subjectif de l’individu, beaucoup plus que dans des principes de justice supérieure ou d’intérêt social »67.

Le consensualisme, conçu comme un instrument en faveur de la liberté contractuelle, produit deux séries de conséquences : la première, tient dans la simplification puis le dépouillement des éléments formels du contrat ; la seconde dans la construction d’un rapport essentiel entre la procédure de formation du contrat : l’échange des consentements et son régime68. Le consensualisme a toujours été lié à l’échange des consentements, basé sur le fondement moral et substantiel du pouvoir de création juridique du consentement et de la liberté comme source ultime des droits et obligations.

§2. La consécration du principe

58. Au XIXème siècle, le processus de codification en matière civile n’était pas étranger au contexte historique du moment. Il est connu comme le siècle de l'individualisme et les idéologies d’alors se reflétaient dans le Code civil de 1804, qui voit le triomphe du principe du consensualisme.

Ainsi, la consécration du consensualisme est un reflet des tendances de la pensée juridique propre à ce siècle. En outre, le Code français de 1804, créé sous l'inspiration des idées éminemment individualistes de la Révolution de

66 « Si l’on peut émettre certaines réserves sur cette affirmation au regard de la

complexité historique du phénomène consensualiste, il apparaît peu contestable de considérer les vices du consentement comme une étape décisive dans le consensualisme ». V. FORRAY, Le consensualisme dans la théorie générale du

contrat, LGDJ, 2007, p. 321.

67 Ibid.

1789, a eu une influence indéniable sur les systèmes juridiques d'Europe et d'Amérique latine.

59. Dans cet environnement individualiste, l’absence de référence aux

exigences formelles du contrat dans le Code civil de Napoléon, c'est-à-dire le silence du Code, a été compris comme la consécration du consensualisme comme principe. En effet, le Code civil français qui mentionne dans son article 1108 les conditions pour la formation du contrat, ne dispose d’aucune exigence de forme69, ce qui a permis de conclure que le contrat se formait par le simple échange de volontés.

60. Le Code civil de 1804, inspiré notamment par les œuvres de Domat et

Pothier, consacre le principe du consensualisme. Cependant, depuis sa consécration, il a été conçu comme un principe non absolu, limité par les formes contractuelles exceptionnelles. Le rôle du formalisme dans les systèmes purement consensualistes est d’abord donné par le besoin, dans quelques cas, de protéger la volonté, et de permettre que le consentement des parties soit réfléchi et exprimé en toute connaissance de cause.

61. La supériorité morale du principe du consensualisme s’est maintenue au

cours des siècles, fondée sur la notion de liberté contractuelle. D’un point de vue historique, le consensualisme est considéré « comme la marque des sociétés évoluées : le consensualisme symboliserait les sociétés respectueuses à la fois de la morale et de la liberté puisqu’il sanctionne la parole donnée et accorde une valeur prédominante au pouvoir de la volonté »70.

62. Aujourd'hui, le principe du consensualisme (au moins formellement) se

trouve encore au sein de notre système juridique et le formalisme est toujours considéré comme une exception fermement enracinée dans la littérature juridique71. En ce sens, le simple accord des parties est suffisant, en principe, pour créer une relation juridique.

69 Dans le Code civil colombien, la situation est similaire. L'article 1502 du Code

civil colombien établit les conditions pour la validité de contrat : la capacité, le consentement, l'objet et la cause. De même, l’exigence de forme est omise dans le Code civil colombien. Toutefois, bien qu’il n’existe pas d’article spécifique qui consacre le principe du consensualisme, une lecture attentive du Code civil nous permet finalement de constater que le consensualisme est le principe général.

70 A. ABDALLA, op. cit., p. 150.

71 L’article 1171 du Projet d’ordonnace portant réforme du droit des contrats

63. Cependant, peu à peu au cours de l’histoire se fixe le contenu du

principe du consensualisme. Ainsi, avec la transformation du droit des contrats apparaissent de nouvelles notions. Dans cet environnement débute le déclin du mouvement volontariste.

B. Le déclin du volontarisme contractuel et la renaissance d’un

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