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La conformité des conventions sur les formes de validité (L’exposé) 172 Les parties sont libres de déterminer les conditions et le contenu du

TITRE II LE FORMALISME DE SOURCE CONVENTIONNELLE

Section 1. La volonté contractuelle constitutive des formes de validité (contrat consensuel)

A. La conformité des conventions sur les formes de validité (L’exposé) 172 Les parties sont libres de déterminer les conditions et le contenu du

contrat, et elles sont libres aussi de choisir les formes pour exprimer leur volonté. C’est la conséquence naturelle de l’exercice du consensualisme qui régit comme principe général en matière contractuelle. Il faut donc connaître la portée de la liberté des parties de soumettre un contrat consensuel aux formes de validité (§1), et aussi les conditions de validité de ces conventions sur la forme (§2).

§1. La liberté des parties de soumettre un contrat consensuel aux formes de validité

173. Tout d’abord il est pertinent de remarquer que dans la conclusion des

contrats consensuels il y a toujours un accord implicite de forme. Certes, en vertu du principe du consensualisme, les parties sont libres de choisir la forme pour exprimer leur volonté. On peut en déduire que dans les contrats consensuels il y aura toujours un choix de la « forme » pour s’exprimer. Cela implique une décision, c'est-à-dire, dans ce cas, un accord implicite.

Par conséquent, dans l’étude de la volonté à la source du formalisme il faut d’abord repérer que dans tous les contrats consensuels (où les parties sont libres de choisir la forme pour conclure le contrat) on est toujours en présence d’un accord tacite sur la forme du contrat.

Cependant, dans ce cas les contrats restent consensuels, car l’exigence d’une extériorisation du consentement relève du fond et non de la forme des contrats184. Ainsi dans ces cas on reste toujours sur le terrain du consensualisme et aucun problème de forme n’est vraiment posé.

Selon M.-A. Guerriero, « aucune difficulté sérieuse ne se présente dans l’hypothèse la plus courante où les auteurs d’un acte juridique lui ont donné spontanément une forme particulière plus ou moins complexe, alors que rien ne les y obligeait. En décidant la forme particulière à utiliser pour conclure un contrat, les parties ont simplement usé de la liberté que leur accorde la loi, de choisir la forme d’expression du consentement »185.

174. Mais alors, laissant ce point de côté, la vraie question qui se pose ici

est de savoir quelles sont les conséquences d’un accord préalable, en vertu duquel les parties imposent des formes pour la formation d’un contrat définitif, pour lequel la loi n’exige aucune formalité. Les volontés individuelles peuvent-elles imposer des éléments formels pour la formation d’un contrat, là où il n’y en a pas ?

175. Cette question a déjà été étudiée par la doctrine française et pour

certains auteurs la réponse semble être affirmative. Ce qui veut dire, selon

184 M.-A. GUERRIERO, op. cit., p. 33. 185 Ibid., p. 83.

François Terré, que « il y aurait dans cette possibilité de créer des éléments formels « un usage de la liberté des formes ». Il existerait donc à côté des contrats solennels en vertu de la loi, des contrats solennels en vertu de la volonté des contractants »186. Cela implique alors d’assimiler forme convenue et forme solennelle, en admettant que « les parties peuvent rendre solennel un contrat en stipulant que certaines formes, la rédaction d’un écrit par exemple, seraient une condition d’existence même du contrat »187.

176. A l’appui de cette idée vient le constat que rien n’oblige les parties à

se lier par un contrat ; en fait, elles sont libres pour contracter ou pas. Mais, dès lors qu’elles concluent un accord des volontés, ce contrat s’impose aux parties, et en conséquence elles seront tenues de le respecter188. Cela, en vertu de l’application de l’article 1134 du Code civil, disposition légale qui implique en particulier, en matière des conventions sur la forme, que lorsque les parties ont volontairement soumis par un accord la formation de leur contrat à une forme non exigée par la loi, cette forme devient pour elles obligatoire189.

177. Donc, « les volontés individuelles peuvent agir sur les éléments

formels en en créant là où il n’y en a pas. Leur action créatrice se manifeste d’ailleurs aussi vis-à-vis des éléments matériels. En soumettant la perfection d’un contrat à certaines conditions déterminées, les parties peuvent ajouter aux éléments normaux des éléments accidentels »190. Ainsi, « bien que la vente soit un contrat consensuel, les parties ont la possibilité de choisir une forme particulière pour l’expression de leur volonté. Elles disposent de la liberté d’ériger l’instrumentum en un élément essentiel de la convention »191.

C’est le cas d’une promesse de vente où les parties stipulent que l’option devra être levée par « lettre recommandée », ou par exemple les bailleurs et

186 F. TERRE, L’influence de la volonté individuelle sur les qualifications, thèse,

1955, p. 177.

187 M.-A. GUERRIERO, op. cit., p. 78.

188 F. TERRE, Ph. SIMLER et Y. LEQUETTE, op. cit., p. 32.

189 A. LAUDE, La reconnaissance par le juge de l’existence d’un contrat, thèse, P.U.

Aix Marseille, 1992, p. 275.

190 F. TERRE, op. cit., p. 176. 191 A. LAUDE, op. cit., p. 275.

preneurs éventuels, ou les vendeurs et acquéreurs éventuels, expriment que le bail ou la vente sera conclu par acte notarié.

178. Cette possibilité pour les parties à déjà été reconnue par la

jurisprudence. En effet, la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 15 novembre 1994 a admis la validité d’une convention dont l’objet était de subordonner la conclusion d’une cession de créance à l’exigence de formalisation par un acte « définitif et détaillé ». En constatant qu’aucun acte instrumentaire n’avait été dressé à cette fin, la Cour de cassation a décidé qu’aucune convention n’avait été conclue192, et elle a affirmé que « l’élément essentialisé par la volonté d’un des contractants constitue une condition de la formation même du lien contractuel »193.

179. Une fois constatée la liberté qui existe pour les parties de soumettre un

contrat consensuel aux formes de validité d’origine volontaire, il faut réviser quelles sont les conditions pour la validité de ce type d’accords sur la forme.

§2. Les conditions pour la validité de la convention sur la forme

180. La convention sur les formes de validité doit respecter certaines

conditions pour être valable.

A partir des études de la doctrine et surtout de la jurisprudence on peut déduire que l’accord de soumettre un contrat consensuel aux formes de validité doit réunir trois conditions indispensables : Tout d’abord, la clause de forme doit être expresse, dans la mesure où elle doit renfermer la volonté expresse des parties d’attacher la conclusion du contrat définitif à l’accomplissement de certaines formes de validité. Ensuite, elle doit être claire et incontestable, c’est-à-dire que l’accord doit renfermer la volonté nette des contractants de s’assujettir aux formes contractuelles précises. Enfin, elle doit se conclure préalablement, c’est-à-dire que la clause de forme doit s’accorder avant la conclusion du contrat définitif.

192 Ainsi, « libres d’organiser la période précontractuelle, les négociateurs le sont

aussi de déterminer les conditions auxquelles leurs consentements pourront être considérés comme échangés et le contrat formé ». Cass. Com., 15 nov. 1994,

Defrénois 1995, p. 1045, obs. D. Mazeaud.

181. A propos du caractère exprès de la clause de forme, la jurisprudence

française a précisé qu’il était indispensable de constater dans l’accord des parties, l’expression littérale de retarder la conclusion du contrat jusqu’à l’accomplissement des formalités prévues.

En fait, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 14 janvier 1987, a soutenu « qu’après avoir énoncé justement que la vente est parfaite entre les parties dès qu’on est convenu de la chose et du prix et que le défaut d’accord définitif sur les éléments accessoires de la vente ne peut empêcher le caractère parfait de la vente à moins que les parties aient entendu retarder la formation du contrat jusqu’à la fixation de ces modalités, l’arrêt retient souverainement que les parties à l’acte du 13 novembre 1978 s’étaient, dès cette date, entendues sur la chose et sur le prix et que, si elles ont prévu l’entérinement de l’acte par un notaire, il ne résulte ni des dispositions de cet acte ni des circonstances de la cause qu’elles aient voulu faire de cette modalité accessoire un élément constitutif de leur consentement »194.

Ainsi, la convention sur la forme ne peut pas être tacite, il est indispensable qu’elle soit littéralement consignée dans l’accord des parties.

En ce sens la jurisprudence a soutenu que, en tant qu’accessoire dans un contrat consensuel, la forme de validité doit être « essentialisée » par un accord constitutif formulé expressément par les parties. Ainsi « il est acquis que si un contractant peut essentialiser un élément objectivement accessoire du contrat et l’ériger en condition déterminante de son consentement, encore faut- il qu’il ait expressément manifesté sa volonté sur ce point »195.

182. De plus il faut constater dans l’accord sur les formes, une volonté

incontestable de retarder la conclusion du contrat définitif à l’accomplissement des mesures formelles. Ainsi pour soumettre un contrat consensuel aux

194 Cass. 3ème civ. 14 janvier 1987, G.P. 1987, panorama, p. 64, D. 1988, juris., p. 80

et s. note J. Schmidt.

195 D. MAZEAUD, note préc. sous Cass. Com., 15 nov. 1994, Defrénois 1985, p.

1047. Voir aussi en ce sens par ex : Cass. civ. 3e, 2 mai 1978, D. 1979, 317, note J.

SCHMIDT ; Cass. com., 16 avril 1984, Bull. civ. IV, no. 148 ; Cass. com. 16 avril

formalités il faut « que les volontés des deux parties se soient nettement exprimées sur le point de considérer leur contrat comme étant solennel »196.

En ce sens en 1936 la chambre des requêtes de la Cour de cassation, à propos d’un contrat de vente, a exposé que « l’énonciation dans un acte de vente sous seing privé, portant accord du vendeur sur la chose et sur le prix qu’un acte notarié serait ultérieurement dressé n’a pour effet de subordonner la formation de l’efficacité du contrat à l’accomplissement de cette formalité que s’il résulte clairement soit des termes de la convention, soit des circonstances, que telle a été la volonté des parties »197.

Puis, un arrêt de la troisième chambre civile du 5 janvier 1983 a affirmé que « la passation d’un acte authentique ou de toute autre formalité doit donc avoir été clairement considérée par les parties comme une « cause déterminante » ou un « élément essentiel » de la vente définitive »198.

Ainsi, « la volonté de hisser un élément accessoire au rang d’élément essentiel doit apparaître de manière incontestable »199. Au contraire, en cas de doute, « il semble donc que cette clause s’analyse en une clause de style, à laquelle les parties n’ont pas attaché de signification particulière »200.

Cette solution est aussi partagée par Ch. Larroumet qui à ce propos affirme que « la solennisation du contrat ne peut, en droit français, être envisagée que s’il n’est pas douteux que les parties ont subordonné la conclusion du contrat définitif à la rédaction d’un acte authentique. La raison en est que, dans le doute, on doit appliquer la règle supplétive, c’est-à-dire le principe du consensualisme, l’exigence de l’écrit ne pouvant alors intervenir qu’au titre de condition de preuve »201.

183. Et finalement, l’accord sur les formes de validité doit être conclu avant

la conclusion du contrat définitif. Cela veut dire que, « lorsque l’une des

196 Hypothèse étudiée à propos des promesses synallagmatiques de contrat. V. Ch.

Larroumet, Les obligations, Le contrat, t. III, Economica, 6ème éd., 2007, p. 514. 197 Cass. req. 4 mai 1936, D.H. 1936-1-313.

198 Cass. 3ème civ. 5 janvier 1983, Bull. Civ. III, no. 7, p. 6. 199 A. LAUDE, op. cit., p. 412.

200 Ibid., p. 276.

parties ou les deux veulent rendre essentielles des modalités qui sont ordinairement accessoires, pour en faire un élément constitutif de leur consentement, elles doivent le faire connaître à l’autre avant que le contrat ne soit définitivement conclu. C’est-à-dire que la volonté d’essentialiser un élément du contrat doit être exprimée avant que l’offre ait été acceptée »202.

Cette condition relative au moment pour la conclusion des conventions sur les formes de validité a été confirmée par la Cour de cassation : « Aussi, apparaît-il nécessaire que la liberté contractuelle de déroger aux principes qui gouvernent la réalité du consentement se manifeste de façon expresse et, cela, dès les pourparlers »203.

184. Il est donc certain que les parties ont la possibilité de conclure des

conventions pour imposer des formes de validité à la conclusion du contrat définitif. Cependant il est pertinent de mentionner qu’une partie de la doctrine tient en ce que seule la loi dispose de la faculté de créer des contrats solennels. Ce point a suscité une controverse que nous aborderons ci-après.

B. Les difficultés des conventions sur les formes de validité (la

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