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Second niveau de systématicité (dans la Critique de la raison pure)

1. L’Appendice à la Dialectique transcendantale

Dans la Critique de la raison pure, la raison finit par se convaincre que l’élan qui la pousse vers l’inconditionné obéit en réalité à un intérêt de nature pratique. Pour autant, cela ne signifie pas que les Idées de la raison ne soient d’aucun usage dans la connaissance de la nature. Ces Idées ont en effet un puissant intérêt épistémologique qui réside dans leur usage

« régulateur ». Kant aborde ce thème dans l’Appendice à la dialectique transcendantale. On peut se servir en toute sécurité des Idées de la raison à condition d’en faire des concepts heuristiques et méthodiques, de les admettre à titre d’être idéaux qui n’augmentent en rien notre connaissance mais qui offrent à cette dernière un fil conducteur. Par exemple, la psychologie a le droit – elle s’y trouve même contrainte – d’admettre l’Idée psychologique de la simplicité de la substance, « non pour dériver les phénomènes intérieurs de l’âme d’une substance pensante simple, mais les dériver les uns des autres suivant l’idée d’un être

simple »228. La première attitude serait du pur dogmatisme. Mais dans le second cas de

figure, il est clair que l’Idée psychologique est admise seulement à titre méthodologique, comme schème de l’unité systématique de la connaissance. Cela signifie que nous nous orientons dans l’étude de la multiplicité des phénomènes psychiques en présupposant une unité sous-jacente. Nous pouvons par ce moyen effectuer des rapprochements et des comparaisons entre différents états internes afin de les interpréter comme étant des modifications d’une même substance, ce qui permet ensuite d’établir des relations et peut- être des lois entre les phénomènes psychiques. Tel est le rôle heuristique des maximes de la raison spéculative : « J’appelle maximes de la raison tous les principes (Grundsätze) subjectifs qui ne sont pas tirés de la nature de l’objet, mais de l’intérêt de la raison pour une certaine perfection possible de la connaissance de cet objet. Ainsi y a-t-il des maximes de la raison spéculative, qui reposent uniquement sur l’intérêt spéculatif de cette raison, même si elles ont l’apparence d’êtres des principes objectifs »229.

Dans la Théorie kantienne de l’expérience, Hermann Cohen a tout particulièrement insisté sur l’idée que la Dialectique transcendantale achève et complète le concept kantien d’expérience. La Dialectique transcendantale ne constitue une rupture brutale avec

l’Analytique transcendantale que si on interprète les Idées de la raison comme étant des

entités suprasensibles immobiles et séparées. Mais la « signification transcendantale » des Idées, estime Hermann Cohen, vient de ce qu’elles nous font représenter la totalité de l’expérience. Or, « l’Idée d’expérience, pensée comme objet, ne s’élève pas au-dessus des

228 C1, A 673/B 701 : « nicht von einer einfachen denkenden Substanz die innern Erscheinungen der Seele, sondern nach der Idee eines einfachen Wesens jede von einander ableiten ».

229 C1, A 666/B 694 : « Ich nenne alle subjektiven Grundsätze, die nicht von der Beschaffenheit des Objekts, sondern dem Interesse der Vernunft, in Ansehung einer gewissen möglichen Vollkommenheit der Erkenntnis dieses Objekts, hergenommen sind, Maximen der Vernunft. So gibt es Maximen der spekulativen Vernunft, die lediglich auf dem spekulativen Interesse derselben beruhen, ob es zwar scheinen mag, sie wären objektive Prinzipien ».

limites de l’expérience, mais décrit au contraire celles-ci ». La lecture de Cohen est donc assez audacieuse puisque elle ôte aux Idées de la raison leur caractère transcendant : les Idées de la raison ne franchissent pas les limites de l’expérience mais, en tant que concepts de la totalité, dessinent au contraire les limites ultimes de l’expérience et constituent donc avant tout une exigence d’unité systématique. Les Idées sont des Grenzbegriff, des concepts-limites qui ouvrent tout en le délimitant un horizon de la connaissance, complétant ainsi les vues exposées dans l’Analytique transcendantale. Selon Cohen, les Idées de la raison prennent notamment en charge un domaine de la science de la nature qui déborde la science mathématique de la nature, à savoir la science descriptive de la nature. Les Idées sont les unités systématiques qui régulent et orientent l’édification de la description de la nature : « alors que les principes de l’entendement constituent la possibilité de l’expérience, à titre de science mathématique de la nature, les principes régulent l’usage expérimental ou l’expérience à titre de description de la nature. Ils donnent les règles et les indices, ils font apparaître des ‘points de vue’, ils créent des ‘maximes’ et tirent des ‘lignes directrices’ pour la recherche dans laquelle les principes mécaniques de

l’entendement, dans toute leur tendance, nous font faux bond »230. Le concept

mathématique de l’expérience n’épuise pas toute l’expérience. Il existe un autre niveau de rationalité – « régulatrice » - pris en charge par les Idées de la raison qui, selon Cohen, sont autant de particularisations du principe de la finalité dont la conscience scientifique a besoin afin de diriger son examen des formes naturelles organisées.

2. L’achèvement de toute culture humaine

Dans les dernières lignes de l’Architectonique de la raison pure, Kant écrit : « C’est précisément pourquoi la métaphysique est aussi l’achèvement de toute culture de la raison humaine, achèvement indispensable, même si on met de côté son influence en tant que science sur certaines fins déterminées. Car elle considère la raison d’après ses éléments et ses maximes suprêmes, qui doivent se trouver au fondement de la possibilité de quelques

sciences, et de l’usage de toutes »231. Lorsque Kant déclare que la métaphysique est

230 La Théorie kantienne de l’expérience, p. 509.

231 C1, A 851/B 879 : « Eben deswegen ist Metaphysik auch die Vollendung aller Kultur der menschlichen Vernunft, die unentbehrlich ist, wenn man gleich ihren Einfluss als Wissenschaft auf gewisse bestimmte

l’achèvement de toute culture de la raison, il faut tout d’abord comprendre qu’il s’agit de la métaphysique en général, et par conséquent, que la première tout comme la seconde partie de la métaphysique sont ici forcément concernées. « L’achèvement de toute culture de la raison », telle est la visée commune aux parties de la métaphysique. Mais ce dernier extrait semble offrir la possibilité de distinguer la part respective de chacune des deux parties. Nous dirions tout d’abord que la première partie de la métaphysique participe à cet « achèvement » dans la mesure où sans elle « quelques sciences » ne seraient pas possibles. Kant s’en explique dans la Préface des Premiers principes de 1786 : la physique comme science dépend d’une métaphysique, ce qui signifie que la scientificité de la science de la nature est suspendue à la présence d’une métaphysique de la nature. Sans métaphysique, « quelques sciences », dont notamment la physique, mais aussi peut-être un jour (même si Kant est ici beaucoup plus sceptique, notamment dans le texte de 1786) la psychologie, ne seraient donc tout simplement pas possibles comme sciences.

Mais la métaphysique a un plus grand rôle encore. Car la métaphysique fonde l’usage de « toutes » les sciences. La perspective adoptée est cette fois plus large et plus générale. Le concept de la métaphysique en jeu est celui de la métaphysique dans sa seconde partie, celle qui traite des fins essentielles de la raison humain. La métaphysique dessine

l’indispensable horizon de sens qui fonde l’usage de toutes les sciences. Qu’est-ce que cela

veut dire ? Seule la métaphysique peut donner aux autres sciences un sens à leurs différents contenus et enseignements, en rapportant ces derniers aux fins essentielles de la raison. Cela signifie notamment qu’aucune connaissance particulière, aucune « science régionale », n’est une fin en soi. Faire de la physique « pour l’amour de la physique », en vue du seul intérêt de la connaissance positive, c’est peut-être s’exposer au risque de réduire le savoir à n’être qu’une simple technique de connaissance. Non qu’il faille évidemment assujettir la science à une quelconque idéologie, mais simplement inscrire les sciences, qui toutes s’enracinent dans la rationalité, dans l’horizon final de cette même rationalité - ce qui ne constitue pas une sortie hors de la rationalité, mais bien au contraire, un approfondissement de cette dernière.

Zwecke bei Seite setzt. Denn sie betrachtet die Vernunft nach ihren Elementen und obersten Maximen, die selbst der Möglichkeit einiger Wissenschaften, und dem Gebrauche aller zum Grunde liegen müssen ».

Par exemple, la métaphysique, en tant que métaphysique de la nature, met à disposition du physicien le fil conducteur des catégories pour mener à bien l’application méthodique des mathématiques aux phénomènes (par où seulement la physique devient possible comme science). Mais la métaphysique va plus loin encore, en établissant le rapport (même si celui-ci n’est que négatif) de la connaissance de la nature à la connaissance du suprasensible (ce qui est la fin essentielle de la raison). En effet, la délimitation précise et sûre du champ d’investigation phénoménale de la physique préserve la rationalité scientifique de toute tentation d’extrapolation au sujet du supra-sensible et dénonce à l’avance tout usage transcendantal des catégories, libérant ainsi le champ pour une connaissance pratique de l’inconditionné. Aussi n’existe-t-il pas, par exemple, de théologie « physique ». C’est pourquoi la métaphysique, en fin de compte, ne se contente pas de « fonder » la physique comme science (une tâche dont s’occupe sa première partie) ; la métaphysique, à titre de « science du rapport de toute connaissance aux fins essentielles de la raison humaine »232, situe tout exercice de la raison humaine – dont, par exemple, et parmi d’autres, la physique - à l’intérieur de l’horizon de sens que sont les « fins » de la raison. La métaphysique fonde la science et donne le sens.

B. L’horizon

1. L’île et l’horizon

Deux images pourraient en l’occurrence servir à illustrer le double aspect de la systématicité dans la philosophie kantienne (1° les catégories ; 2° l’Idée régulatrice). Au chapitre II de son très stimulant livre Frontières kantiennes, Geoffrey Bennington relève les images dont Kant se sert pour penser la notion de frontière. En premier lieu, l’image de l’île convient pour évoquer le pays de l’entendement pur (Land des reinen Verstandes) : « Mais

ce pays est une île, enfermée par la nature elle-même dans des limites immuables »233.

232 C1, A 839/B 867 : « In dieser Absicht [celui du Weltbegriff] ist Philosophie die Wissenschaft von der Beziehung aller Erkenntniss auf die wesentlichen Zwecke der menschlichen Vernunft ». Si cette définition est identique à celle de la métaphysique, c’est que la métaphysique est l’essence de la philosophie.

233 C1, A 235/B 294 : « Dieses Land aber ist eine Insel, und durch die Natur selbst in unveränderliche Grenzen eingeschlossen. Es ist das Land der Wahrheit (ein reizender Name), umgeben von einem weiten und stürmischen Ozeane, dem eigentlichen Sitze des Scheins, wo manche Nebelbank, und manches bald

L’image de l’île est tout d’abord rassurante et s’oppose au caractère autant indéfini que menaçant de l’océan vaste et orageux (weit und stürmisch Ozean) qui l’encercle, « véritable siège (Sitze) de l’illusion, où maints brouillards épais et maints bancs de glace prêts à fondre offrent l’aspect trompeur de terres nouvelles, et, abusant sans cesse avec de vaines espérances le navigateur qui rêve de découvertes, l’enserrent dans des aventures auxquelles il ne peut jamais renoncer sans être jamais capable de les terminer ». L’île de l’entendement apparaît par contraste comme un refuge certain dont le caractère circulaire et de clôture indique que tout y a été mesuré et fixé à sa place. L’entendement est un pays dont la frontière peut être ainsi délimitée « de l’intérieur » et d’après le fil conducteur de l’application des catégories aux intuition sensibles.

La mer autour de l’entendement, écrit G. Bennington, est « une frontière épaisse qui ne sera jamais traversée »234. Or, le navigateur qui ne résiste pas à « l’appel du grand large » entretient le rêve que cette frontière infranchissable puisse être néanmoins traversée et, rempli de « vaines espérances » (mit leeren Hoffnungen), imagine un au-delà de terres nouvelles auxquelles le franchissement de la frontière donnerait accès. L’illusion consiste

wegschmelzende Eis neue Länder lügt, und indem es den auf Entdeckungen herumschwärmenden Seefahrer unaufhörlich mit leeren Hoffnungen täuscht, ihn in Abenteuer verflechtet, von denen er niemals ablassen und sie doch auch niemals zu Ende bringen kann ».

234 Frontières kantiennes, Paris, Galilée, p. 64. L’auteur montre comment chez Kant, la notion de frontière exerce un effet à la fois attractif et téléologique d’un côté, répulsif de l’autre. Le chapitre III de l’ouvrage l’illustre à propos de la paix perpétuelle et de l’idéal du cosmopolitisme : d’un côté, le cosmopolitisme constitue la sortie de la nature et de l’état de guerre, et représente ainsi l’idéal de la fin de l’Histoire, mais de l’autre, le cosmopolitisme porte en lui le risque de l’assoupissement qui mène à la « paix des cimetières ». Ainsi, écrit G. Bennington (p. 101), « la seule chance du cosmopolitisme (…) c’est qu’il ne soit pas cosmopolitique. La fédération en vue de la paix perpétuelle ne peut par conséquent subsister que dans une tension frontalière qui doit être maintenue si la paix de la mort planétaire doit être évitée ». En fin de compte, il faut certes viser la paix perpétuelle (c’est un devoir de sortir de l’état de nature), mais en même temps, atteindre la fin serait peut-être pire que la situation imparfaite où nous sommes, et c’est pourquoi Kant prend finalement soin de confier à la nature la mission de maintenir la dispersion (par la diversité des langues et des religions), alors que c’est pourtant à cette même dispersion – celle de l’état de nature – que le cosmopolitisme est supposé apporter un remède. Telle est donc la situation instable, selon G. Bennington, où se meut la philosophie kantienne, c’est-à-dire non pas au-delà ni même en-deçà de la frontière, mais bien dans la frontière.

On peut se demander si ce n’est pas quelque chose de semblable qui se joue avec la théorie du souverain Bien. La question se pose ainsi de savoir si nous devons chercher à atteindre le souverain Bien ou si nous devons seulement chercher à le promouvoir (sans espoir de l’atteindre, donc). En effet, lors même que nous mettons toutes nos forces en œuvre pour atteindre cette fin suprême, nous ne devons pas oublier que, non seulement atteindre le souverain Bien est impossible, mais en outre que ce n’est pas même souhaitable : posséder le souverain Bien supprimerait la tension de la volonté toujours en lutte pour conquérir son objet, et anéantirait la vertu (en tant qu’intention morale en lutte) sur laquelle repose pourtant le souverain Bien. Il en va chez Kant un peu de même que chez Aristote pour qui le vrai bonheur consiste dans « l’activité » - ou, si l’on est plus pessismiste, que chez Pascal, pour qui l’homme préfère la chasse à la prise, pour éviter d’avoir à penser.

donc à matérialiser un horizon aveugle en s’imaginant pouvoir atteindre la frontière elle- même : victime de cette illusion, la raison s’élance en-dehors de l’expérience jusqu’à ne pouvoir « trouver de repos que dans l’achèvement de son cercle (Kreis) dans un tout subsistant par lui-même »235. L’illusion est précisément celle-ci : croire qu’un second cercle existe en-dehors du premier (celui que symbolise l’île) et que l’on puisse parvenir un jour au « repos » sur la mer sans fin de la raison pure : mais un tel « repos » ne pourra être atteint qu’au moyen de raisonnements dialectiques et à condition de « réaliser » ou hypostasier ce qui n’existe qu’à l’état de problème, donnant ainsi naissance à un système d’illusions. Le métaphysicien prend pour un cercle ce qui n’est qu’un horizon et transforme en assertion ce qui, encore une fois, n’est que problème.

C’est pourquoi la systématicité prendra dans un second temps la figure d’un horizon plutôt que celle d’un cercle, car nous avons désormais affaire à une systématicité ouverte et régulatrice. La notion d’horizon suggère d’autre part que le système existe d’abord à titre d’Idée et non en tant que totalité immobile et rigide. Nous avons déjà évoqué la façon dont l’Appendice à la Dialectique transcendantale décrit ce rôle régulateur. Citons cependant un texte où la notion d’horizon est tout particulièrement mobilisée. Après avoir énoncé les trois maximes régulatrices236 par lesquelles la raison prépare à l’entendement son champ, Kant écrit : « Il est possible de considérer chaque concept comme un point, comme le point de vue d’un spectateur, a son horizon, c’est-à-dire une foule de choses qui, à partir de ce point, peuvent être représentées et pour ainsi dire parcourues du regard. À l’intérieur de cet horizon, une foule de points, allant jusqu’à l’infini, doit pouvoir être indiquée, dont chacun possède à son tour son horizon plus étroit, ce qui signifie que chaque espèce contient des sous-espèces, conformément au principe de spécification, et que l’horizon logique ne se constitue que d’horizons plus petits (sous-espèces), mais non pas de points qui n’ont pas d’extension (individus). Mais de divers horizons, c’est-à-dire de genres qui sont déterminés par autant de concepts, on peut encore penser dégager un horizon plus commun, à partir duquel on les parcourt tous du regard comme à partir d’un centre, et qui forme le genre supérieur, jusqu’à ce que le genre suprême fournisse l’horizon universel et vrai, qui est

235 C1, A 797/B 825 : « Die Vernunft wird durch deinen Hang ihrer Natur getrieben…nur allererst in der Vollendung ihres Kreises, in einem für sich bestehenden systematischen Ganzen Ruhe zu finden ». Comme le note G. Bennington, « c’est bien Kant et non Hegel qui parle ».

déterminé à partir du point correspondant au concept suprême et embrasse sous lui toute la diversité sous la forme des genres, des espèces et des sous-espèces »237.

La multiplication des horizons crée une sorte de vertige, chaque horizon admettant à son tour des sous-horizons. Dans ce texte, chaque concept peut ainsi être considéré (la dimension subjective et volontaire de la démarche transparaît ici) comme un horizon admettant sous lui de nouveaux horizons, et ainsi de suite à l’infini (nous n’atteignons pas les individus) ; chaque concept peut de la même manière être considéré comme faisant partie d’un horizon plus large, et ainsi de suite, mais non pas cette fois à l’infini puisqu’il existe un horizon ultime, « universel et vrai », défini par le genre suprême auquel se rattache le concept considéré : toutefois, les étapes qui conduisent jusqu’à ce genre suprême sont en nombre infini (car il n’existe pas de genre prochain). Dans tous les cas par conséquent, l’horizon n’est pas une ligne fixe mais signifie plutôt une exigence idéale qui nous donne une direction et un sens. Le jeu dynamique entre les différents horizons indique enfin que la rationalité régulatrice est une rationalité tout en mouvement. Les principes deviennent des maximes, l’application une orientation. Prise dans un réseau mouvant de perspectives, de foyers et d’horizons multiples, la rationalité kantienne devient mobile, fluide, animée.

2. L’horizon : espoir ou inquiétude ?

Dans la philosophie pratique, on peut repérer une semblable fonction régulatrice et unificatrice qui n’est pas contenue dans le concept de l’impératif catégorique mais plutôt dans celui de souverain Bien. En suivant notre fil conducteur structurel de l’analogie entre la philosophie de la nature et la philosophie de la liberté , on peut estimer qu’à la

237 C1, A 659/B 687 : « Man kann einen jeden Begriff als einen Punkt ansehen, der, als der Standpunkt eines Zuschauers, seinen Horizont hat, d. i. eine Menge von Dingen, die aus demselben können vorgestellt und gleichsam überschaut werden. Innerhalb diesem Horizonte muß eine Menge von Punkten ins Unendliche angegeben werden können, deren jeder wiederum seinen engeren Gesichtskreis hat ; d. i. jede Art enthält Unterarten, nach dem Prinzip der Spezifikation, und der logische Horizont besteht nur aus kleineren