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Le Canon de la raison pure et la seconde Dialectique

1. Le Canon comme Analytique

a. La découverte de l’intérêt pratique

Le Canon de la raison pure contient certains éléments qui semblent annoncer la seconde Dialectique. Mais comme nous l’avons déjà souligné, la théorie du souverain Bien qu’on trouve dans le Canon ne fait l’objet d’aucune dialectique. Malgré une certaine parenté thématique, il semble que le Canon et la seconde Dialectique appartiennent à des niveaux de discours différents. Au niveau du contenu, on peut admettre que le Canon anticipe sur la seconde Dialectique. Mais au niveau de la forme, c’est-à-dire au niveau de son statut et de sa fonction dans l’économie du système, le Canon se démarque nettement de la seconde Dialectique. Car il n’y a rien de dialectique dans le Canon.

Dans la Critique de la raison pure, le Canon signe l’acte de reconnaissance du caractère profondément et essentiellement pratique de la raison. Au terme de la Dialectique

transcendantale, Kant se retourne sur le chemin parcouru et en vient à s’interroger, dans la

section sur « la fin dernière de l’usage pur de notre raison », sur « l’intérêt » (Interesse) de cette dernière dans toute cette entreprise : à quoi bon, finalement, tous ces raisonnements

dialectiques ? Quel intérêt a la raison de se lancer toujours à la recherche de

l’inconditionné ? La question semble légitime car le contraste est surprenant entre, d’une part, la prodigieuse ingéniosité dont la raison fait preuve dans ses raisonnements et qui manifeste la véritable fascination qu’exerce sur elle l’inconditionné, et, d’autre part, le gain théorique final à peu près nul et au sujet duquel Kant déclare qu’il ne peut être au mieux

que « très faible » (sehr gering)115. Tous les efforts de la raison pour connaître

115 C1, A 798/B 826. Kant montre qu’une connaissance théorique des trois objets de la raison (la liberté de la volonté, l’immortalité de l’âme, l’existence de Dieu) aurait un intérêt théorique à peu près nul, parce qu’on ne pourrait de toute façon pas en faire usage in concreto dans l’étude de la nature (in der Naturforschung) : la cause intelligible de notre vouloir, la nature spirituelle de l’âme, l’existence d’une intelligence suprême, étant

l’inconditionné sont au point de vue théorique aussi oiseux (müßig) que pénibles (anstrengend).

Nous en venons donc à soupçonner que ce n’était pas dans une intention théorique que se produisait ce mouvement d’élévation de la raison. Kant estime ainsi que si les trois propositions principielles de la raison pure (la liberté de la volonté, l’immortalité de l’âme, l’existence de Dieu) concernent très peu le savoir, c’est que leur importance doit concerner avant tout le pratique. Au terme de la dialectique de la raison pure spéculative, nous sommes amenés à prendre conscience que la quête rationnelle de l’inconditionné se fondait sur un intérêt pratique et que la véritable destination de la raison réside dans son usage pratique. Et c’est aussi pour cette raison que le « canon » de la raison pure concernera proprement ce dernier usage.

b. Le Canon comme Analytique de l’usage pratique

Le Canon de la raison pure aura donc pour objectif de donner les règles qui gouvernent et orientent cet usage pratique de la raison. Le Canon, dans la mesure où il met au point une « canonique » de cet usage pratique, « ressemble » (si l’on peut s’exprimer ainsi) de ce point de vue à une Analytique : par définition, un « canon » qui donne des règles légitimes et sûres possède une certaine ressemblance avec une « analytique » qui consiste dans la décomposition d’un pouvoir de l’esprit afin d’en dégager la structure normative principielle. C’est pourquoi le lien manifeste qui paraît pourtant exister entre le

Canon et la seconde Dialectique est en réalité un lien trompeur. À première vue, certes, le Canon de la raison pure « ressemble » à la seconde Dialectique : dans l’un et l’autre texte,

nous allons retrouver les mêmes thèmes et les mêmes enseignements (une théorie du souverain Bien, les postulats, la théologie morale par opposition à la morale théologique, la croyance distinguée de la connaissance), ce qui fait qu’on peut alors estimer que Canon

des principes supra-sensibles, ne seraient d’aucune utilité pour la connaissance des phénomènes, car ces derniers doivent être expliqués uniquement à l’aide de causes naturelles et purement immanentes. « En un mot, ces trois propositions demeurent toujours transcendantes pour la raison spéculative » (Mit einem Worte, diese drei Sätze bleiben für die spekulativen Vernunft jederzeit transzendant).

Ne pourrait-on pas objecter que ces trois objets, en admettant qu’ils soient inutiles dans l’explication des phénomènes, sont en revanche indispensables en ce qui concerne leur compréhension ? Sans doute, mais c’est là déjà s’avancer vers ce que Kant nomme l’usage régulateur des Idées, qui ne présuppose pas de connaissance positive (nous nous servons de ces Idées, même si nous ne savons pas comment elles s’appliquent à leur objet).

anticipe sur la seconde Dialectique. La proximité thématique entre les deux textes ne doit toutefois pas faire illusion. Car ce n’est pas de la Dialectique de la raison pratique pure que se rapproche le Canon, mais bien de l’Analytique de la raison pratique pure : sur quoi nous fondons-nous pour avancer cela ? Sur le fait que le Canon a la prétention a de jouer le rôle qui normalement revient à une Analytique.

Mais il faut dire que la ressemblance ne va guère au-delà de cette ressemblance formelle ou fonctionnelle. En effet, qu’est-ce qui va être analysé dans le Canon ? Ici paraît toute la différence avec l’Analytique de la seconde Critique. Ca on ne trouve dans le Canon aucune analyse de la structure et des fondements de la raison pratique pure. Ainsi, en

premier lieu, nous voyons Kant commencer par se « débarrasser » de la liberté

transcendantale, en déclarant vouloir « la mettre de côté comme une chose réglée plus haut » (als oben abgetan, bei Seite setzen). Ce qui en l’occurrence est considéré comme étant « réglé », c’est simplement la possibilité de la liberté transcendantale comme causalité intelligible et dont la solution de la troisième Antinomie a montré qu’elle n’est pas contradictoire avec le plan des phénomènes. Les prétentions hégémoniques du naturalisme intégral ont été repoussées et l’on peut défendre la possibilité d’une causalité particulière de la raison. Mais le contenu de cette liberté reste indéterminé. Il n’y a donc rien qui ressemble ici à la démarche de la Critique de la raison pratique où Kant, aux §5 et 6 de l’Analytique, établissait la nécessaire réciprocité entre la liberté transcendantale et l’autonomie116 en montrant comment l’autonomie et la loi morale fournissent un contenu à la liberté transcendantale117.

D’autre part, l’usage pratique de la raison est simplement admis par Kant, comme le suggère ce passage significatif : « J’admets qu’il y a réellement des lois morales pures, qui déterminent complètement a priori (sans considération pour les motifs empiriques, c’est-à- dire le bonheur) le faire et le ne pas faire, c’est-à-dire l’usage de la liberté d’un être

116 Il s’agit des deux « problèmes » posés par Kant : l’autonomie présuppose la liberté transcendantale (§5), et la liberté transcendantale ne trouve sa détermination que dans l’autonomie. (§6).

117 Kant considère que le problème de la liberté transcendantale n’est pas un problème pratique, mais théorique (qui a été examiné lors de l’examen de la troisième Antinomie) : « La question portant sur la liberté transcendantale concerne uniquement le savoir spéculatif, et nous pouvons la mettre de côté comme étant tout à fait indifférente lorsque nous avons à nous occuper du pratique » (A 804/B 831). D’autre part, lorsque Kant déclare « se servir de la liberté seulement dans son sens pratique » (en laissant de côté, donc, son sens transcendantal), il nous semble que Kant reprend, en réalité, une conception relativement classique de la liberté, comme faculté de se déterminer à ce qui est objectivement « bon et utile » (Kant ne distinguant ici pas davantage).

raisonnable en général, et que ces lois commandent absolument (et non de manière simplement hypothétique sous la présupposition de buts empiriques), et sont donc nécessaires à tous égards »118. Il y a donc un usage pratique de la raison parce qu’il y a des lois morales (le pluriel est dans le texte), sans que soient questionnés davantage cet étrange « il y a » ni le type de légalité propre à ces lois. On pourrait alors trouver que Kant est quelque peu désinvolte ou même qu’il n’est pas encore tout à fait au clair avec la question morale. Mais c’est que dans le Canon, ce n’est pas la moralité en elle-même qu’il s’agit d’analyser et à laquelle il faut donner des règles légitimes et sûres.

Qu’est-ce alors qui fait l’objet d’un « canon » ? C’est, semble-t-il, uniquement la relation entre ces lois morales pures et le souverain Bien. Si je fais ce que je dois (mais, encore une fois, la nature exacte de « ce que je dois » faire reste ici présupposée), que m’est-il permis d’espérer ? Et, notamment, puis-je espérer le bonheur ? C’est cette espérance qu’il s’agit de fonder. L’usage pratique de la raison est donc abordé, élucidé, précisé, en fonction de sa fin ou de son objet qui est le souverain Bien. C’est pourquoi le seul impératif que nous trouvons dans le Canon rapporte directement la moralité au souverain Bien et s’énonce : « Fais ce qui peut te rendre digne d’être heureux » (Tue das,

wodurch du würdig wirst, glücklich zu sein). Tel est si l’on peut dire le substitut dans le Canon de l’impératif catégorique, et le Canon apparaît lui-même comme étant un substitut

d’Analytique de la raison pratique pure - mais une Analytique qui ne s’occuperait pour le moment que de la question de l’objet, laissant dans l’ombre celle du principe de la raison pratique pure.

Or, d’où vient ce privilège accordé au souverain Bien dans la première Critique ? Nous ne devons pas ici oublier le point de départ de la réflexion de Kant et qui a consisté à interroger d’une manière quasi-généalogique le sens des raisonnements portant sur l’inconditionné afin de les interpréter comme étant des « symptômes » révélateurs d’un intérêt sous-jacent – nous dirions presque : d’une « volonté de puissance », car il s’agit de découvrir une volonté derrière la pensée. Lorsque l’homme s’efforçait (vainement) de trouver une réponse théorique aux « problèmes inévitables » de la raison humaine, il

118 C1, A 807/B 835 : « Ich nehme an, daß es wirklich reine moralische Gesetze gebe, die völlig a priori (ohne Rücksicht auf empirische Bewegungsgründe, d. i. Glückseligkeit,) das Tun und Lassen, d. i. den Gebrauch der Freiheit eines vernünftigen Wesens überhaupt, bestimmen, und daß diese Gesetze schlechterdings (nicht bloß hypothetisch unter Voraussetzung anderer empirischen Zwecke) gebieten, und also in aller Absicht notwendig sind ».

cherchait en réalité – mais « inconsciemment », dirions-nous – à assurer sa destination pratique suprême : rendre concevable son idéal du souverain Bien. Résumons alors la démarche kantienne : puisque les Idées de la raison n’ont qu’un intérêt théorique très faible et comme il est nécessaire malgré tout qu’elles aient un intérêt, nous en venons à soupçonner que ces Idées doivent avoir un intérêt pratique – mais lequel ? Le détour par la doctrine du souverain Bien s’avère alors extrêmement éclairant parce qu’il apparaît que l’idéal du souverain Bien n’est pour nous possible que si nous admettons, mais seulement

in praktischer Absicht, et à titre de ce qui s’énoncera comme des « postulats » dans la

seconde Critique, les Idées de la raison, à savoir l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme. La tâche aveugle qui orientait l’aspiration de la raison vers l’inconditionné était donc en réalité la suivante : rendre possible le souverain Bien. L’herméneutique de la raison est dès lors achevée : 1) Frappés par la nullité théorique de l’usage théorique de la raison pure, nous pressentons que ces spéculations ont un intérêt pratique 2) Qu’est-ce donc qui sur le plan pratique peut bien motiver l’élan vers l’inconditionné ? Réponse : l’aspiration au souverain Bien.

Tel est le sens du fameux « passage au point de vue pratique ». Il s’agit bien en effet d’un changement de « point de vue » puisque nous réinterprétons une tendance de la raison afin de lui découvrir son véritable sens. Ce changement de point de vue a notamment pour but de sauver les Idées de la raison spéculative en montrant comment ces Idées sont en réalité investies par l’usage pratique de la raison119. Kant examine donc l’usage pratique de la raison dans la mesure où cet usage pratique offre un sol susceptible d’apporter une réponse inédite aux « problèmes inévitables » de la raison pure spéculative. Nous dirions presque que Kant se « sert » ici de la moralité pour trouver un sens aux Idées de la raison

spéculative. Or, comment se « sert-on » de la moralité quand on veut sauver la

métaphysique ? C’est ici que le souverain Bien a tout son rôle à jouer. En effet, le Canon règle l’usage pratique de la raison par rapport à son objet (le souverain Bien). Or, la

119 Dans la Lettre à Élisabeth du 15 Septembre 1645, Descartes paraît avoir reconnu, à sa manière, ce que nous appelerons donc en langage kantien « l’intérêt pratique des Idées de la raison ». Descartes veut trouver « les moyens de se fortifier l’entendement pour discerner ce qui est meilleur en toutes les actions de la vie ». Or, ces connaissances utiles à la vertu sont la reconnaissance de « la bonté de Dieu » (qui nous apprend à « recevoir en bonne part toutes les choses qui nous arrivent »), de « l’immortalité de nos âmes » (qui nous apprend à ne plus craindre la mort), et de « la grandeur de l’univers » (qui nous préserve d’une « présomption impertinente ») – à quoi il faut ajouter, estime Descartes, la connaissance « fort utile…qu’on ne saurait subsister seul, (…), et [qu’]il faut toujours préférer les intérêts du tout, dont on est partie, à ceux de sa personne en particulier » (« avec mesure et discrétion », ajoutait Descartes).

possibilité de ce dernier ne peut être maintenue qu’au moyen de ce qui s’appellera des « postulats » dans la seconde Dialectique et que le Canon présente déjà comme formant le contenu d’une croyance rationnelle, réalisant ainsi cette extension pratique de la connaissance qui permet ultimement de sauver les objets de la métaphysique.

c. Le Canon : Analytique et Dialectique

En résumé : dans la Critique de la raison pure, la découverte de l’intérêt pratique débouche sur le Canon qui assume à lui seul les deux moments de la Dialectique (par son contenu) et de l’Analytique (par sa fonction) de la raison pratique. Le Canon combine en quelque sorte l’Analytique et la Dialectique. Par le contenu de ses enseignements, le

Canon, dont le double objectif est de montrer la relation entre « les lois morales » et le

souverain Bien puis de fonder la possibilité de ce dernier, anticipe sur la seconde

Dialectique ; mais d’un autre côté, dans la mesure où le Canon doit donner les règles de

l’usage pratique de la raison par rapport à sa fin dernière, le Canon remplit le rôle d’une Analytique.

La Critique de la raison pratique distinguera donc des moments relativement confondus dans le Canon de la raison pure. Précisons que cette confusion ne résulte peut- être pas tant d’un défaut que la Critique de la raison pratique devrait corriger que du choix de la perspective adoptée par Kant dans le Canon et qui consiste à répondre à la troisième question (relative à ce qu’il m’est permis d’espérer) afin de sauver les Idées de la métaphysique. À la différence, comme le problème posé dans la Critique de la raison

pratique est proprement moral, on doit commencer par une Analytique de la raison pratique

pure où en est élucidée la loi fondamentale, ce qui par conséquent libère ensuite le champ pour une éventuelle dialectique de la raison pratique pure. Car, aussi trivial que cela puisse paraître, pour qu’il puisse y avoir une Dialectique de la raison pratique, il fallait d’abord qu’il y en ait une Analytique.

2. Le Canon, Analytique de l’espérance

C’est ici que nous pourrions rappeler les pénétrantes analyses de Martial Guéroult qui dans son article « Canon de la raison pure et critique de la raison pratique »120 a interrogé de façon critique le type de « fondation » de l’usage pratique que l’on trouve dans le Canon

de la raison pure.

M. Gueroult commence par insister sur le caractère factuel de cet usage pratique (Kant « admet » qu’il y a réellement des lois pratiques pures). Dans le Canon, la liberté pratique, distinguée de la liberté transcendantale, est affirmée comme étant un fait empirique dont la réalité est démontrable par l’expérience. Même si Kant reconnaît qu’il existe des lois pratiques objectives et valables a priori, de telles lois n’en sont pas moins appréhendées empiriquement par la conscience psychologique, sans que leur réalité nouménale soit interrogée ou analysée. Dans le Canon, la liberté est simplement constatée et Kant ne s’interroge ni sur la véritable nature du commandement moral ni sur la liaison synthétique a priori qui unit la volonté à la loi. La réalité de la liberté est ainsi attestée par le fait – mais il ne s’agit pas du Faktum de la raison, il s’agit simplement du Tatsache de l’histoire, de la morale et du droit. Dans le Canon de la raison pure, on ne trouve donc rien qui ressemble à l’Analytique de la raison pratique pure. Tel est le simple Il y a des « lois morales », dont la preuve est donnée par les descriptions « des plus célèbres moralistes » et par le témoignage du « jugement moral de tout homme »121.

Cette situation, considère M. Gueroult, vient de ce que dans la Critique de la raison

pure, Kant exclut la philosophie pratique du champ de la philosophie transcendantale122 - exclusion dont on peut estimer avec Martial Gueroult que les raisons sont assez obscures et discutables : devrait-on ainsi exclure de la philosophie transcendantale les « principes dynamiques » de la possibilité de l’expérience sous prétexte qu’ils supposent le mouvement dont l’idée ne peut cependant nous être donnée que par l’expérience ? Toujours est-il que la

120 Article paru dans la Revue de Métaphysique et de Morale, 1954, p. 332-357.

121 C1, A 807/B 835 : « Je peux présupposer cette proposition [i. e. qu’il y a des lois morales pures qui obligent] non seulement en me réclamant des preuves des plus célèbres moralistes, mais aussi du jugement moral de tout homme, quand il veut concevoir clairement une loi de ce genre » (Diesen Satz kann ich mit Recht voraussetzen, nicht allein, indem ich mich auf die Beweise der aufgeklärtesten Moralisten, sondern auf das sittliche Urteil eines jeden Menschen berufe, wenn er sich ein dergleichen Gesetz deutlich denken will).

122 Cf. ainsi dans C1, A 15/B 29 ; A 424/B 452 (où Kant déclare que la « méthode sceptique » ne peut pas s’appliquer en morale puisque celle-ci peut fournir in concreto ses principes avec leurs conséquences) ; A 801/B 829. Pour une présentation historique des hésitations de Kant au sujet du statut de la « métaphysique des mœurs » (évoquée dès 1765 dans une Lettre à Lambert), cf. Beck, A Commentary, p. 5-13.

raison principale invoquée par Kant est que les principes de la moralité, quelque purs et a

priori qu’ils soient, présupposent nécessairement à leur base quelque chose d’empirique,

qui est le sentiment de plaisir ou de peine. Cette présupposition est inévitable, ne serait-ce que parce qu’un tel sentiment doit toujours être surmonté dans l’obligation morale123. C’est pourquoi la question « Que dois-je faire » ? est purement et simplement exclue par Kant de la philosophie transcendantale : « La seconde question est purement pratique. Elle peut certes appartenir comme telle à la raison pure, mais elle n’est pas pour autant