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La systématicité dans la Métaphysique des mœurs

1. Morale et système dans la Critique de la raison pure

Dans la Critique de la raison pure, la fonction architectonique de la philosophie morale était déjà affirmée par rapport à la philosophie en général. D’une part, c’est la philosophie morale qui est supposée donner « l’Idée » de la philosophie elle-même. En effet, la fin suprême que le philosophe adopte comme Idée de la philosophie « n’est autre

213 Doctrine de la Vertu, Introduction VIII ( VI, 392) : « Wie weit man in Bearbeitung (…) gehen solle, schreibt kein Vernunftprinzip bestimmt vor ; auch macht die Verschiedenheit der Lagen, worin Menschen kommen können, die Wahl der Art der Beschäftigung, dazu er sein Talent anbauen soll, sehr willkürlich.-- Es ist also hier kein Gesetz der Vernunft für die Handlungen, sondern bloß für die Maxime der Handlungen ».

que la destination complète de l’être humain, et la philosophie portant sur cette destination s’appelle la morale »214. Telle est la supériorité du Weltbegriff de la philosophie sur son

Schulbegriff, une supériorité qui marque la prééminence traditionnelle de la philosophie

morale. Ce n’est donc pas en vain que nous appelons « philosophe » l’homme qui paraît maître de lui-même et qui possède au moins les apparences de la sagesse, malgré son savoir « borné » (eingeschränkt).

L’essence même de la philosophie est donc pratique. Mais on pourrait trouver que la place accordée à la philosophie morale proprement dite dans l’arbre de la philosophie est bien mince en comparaison de son caractère « suprême » initialement revendiqué. Kant ne fait en effet qu’évoquer la « métaphysique des mœurs » dans l’ultime dichotomie du système de la philosophie et semble même hésiter à lui reconnaître sa pleine appartenance à la « métaphysique ». Finalement, même s’il convient malgré tout de lui laisser cette dénomination, Kant déclare vouloir laisser provisoirement de côté la métaphysique des mœurs puisqu’ « elle ne se rattache pas pour le moment à notre objectif ». Le statut de la philosophie morale est donc contrasté. D’un côté sont affirmées avec force l’orientation et la finalité pratique de la philosophie en général. Cet intérêt, remarquons-le, « encadre » la

Critique de la raison pure puisqu’il est notamment évoqué dans la Préface et dans les

dernières sections de la Methodenlehre. La visée pratique est peut-être l’invisible toile de fond de la première Critique. Mais si la dimension architectonique de la philosophie morale est reconnue à titre d’Idée régulatrice porteuse de l’intérêt fondamental, la Critique de la

raison pure ne contient encore aucune indication sur une éventuelle constitution d’une

doctrine systématique de la métaphysique des mœurs proprement dite.

2. Catégories de la liberté et Métaphysique des mœurs

Entre les Premiers principes de 1786 et la Métaphysique des mœurs de 1797, l’analogie est réelle. Dans les deux cas, nous appliquons une structure normative formelle à un donné empirique minimum, et dans les deux cas, le procédé est métaphysique car l’application elle-même se déroule a priori, même si le matériau de l’application ne peut

214 C1, A 840/B 868. « Der erstere [Zweck] ist kein anderer als die ganze Bestimmung des Menschen ; und die Philosophie über diesselble heißt Moral ».

pas être donné a priori. Par exemple, seule l’expérience peut nous apprendre que certains hommes mentent, mais c’est a priori que nous pouvons dire que le mensonge est moralement mauvais. Or, si la méthode d’application se révèle être identique, dans la

Métaphysique des mœurs, l’exposition systématique des devoirs ne prend pas pour fil

conducteur l’ordre des catégories comme le faisait de façon rigoureuse le texte des

Premiers principes. Mais ne serait-il pas possible de mettre en relation la Métaphysique des mœurs avec la structure catégoriale qui dans les Premiers principes contient le fondement

même d’une métaphysique de la nature ?

C’est ce qu’Alain Renaut a suggéré dans son article sur « l’enracinement critique de la métaphysique des mœurs ». A. Renaut y met en évidence ce qu’on pourrait appeler le « potentiel architectonique » de la table des catégories de la liberté : tout en reconnaissant que la table des catégories ne peut que présenter les déterminations les plus générales de l’application du principe formel de la moralité, A. Renaut ajoute toutefois que « la table esquisse ainsi, à son niveau le plus profond, le mouvement de l’architectonique pratique, tel qu’il conduit de la raison pratique pure à la raison éthique comme raison incarnée, en passant par la raison juridique »215. Les catégories de la liberté dessinent les « nervures » structurelles et principielles de l’architectonique pratique, engageant ainsi la loi fondamentale de la raison pratique pure dans un processus systématique d’explicitation et de concrétisation qui permet d’entrevoir la constitution d’une métaphysique des mœurs216.

Comment une doctrine de la vertu pourrait-elle découler de la table des catégories de la liberté ? Rappelons en premier lieu que les catégories de la liberté présentent les formes les plus générales de la synthèse de la conscience pratique et que la table des catégories elle-même est animée d’un mouvement de progression qui conduit des catégories encore moralement indéterminées vers celles qui sont moralement déterminées. Or, on pourrait tout d’abord estimer qu’aux premières classes de catégories (celles qui sont moralement indéterminées) correspond précisément ce que Bernard Rousset nommait « l’existence empirique en général de la raison » et qui constitue le matériau de la Doctrine de la vertu.

215 A. Renaut, article cité, p. 24. Le passage par la raison juridique ici évoqué correspond dans la table, selon l’auteur, à la troisième catégorie pratique de la relation : celle de la réciprocité.

216 Cf. ainsi ce qu’écrivait A. W. Rehberg, dans sa recension de la seconde Critique en 1788 : « Die Freiheit in Ansehung der Begriffe des Guten und Bösen durch alle Kategorien durchgefürt, zeigt also den Weg zu einer vollständigen Untersuchung des ganzen moralischen Vermögen des Menschen (die wir mit der größten Sehnsucht in der versprochenen Metaphysik der Sitten erwarten) », in Materialen zu Kants Kritik der praktischen Vernunft, p. 181.

En effet, par le biais des catégories de la raison pratique en général, les hommes commencent par se fixer un certain nombre de maximes générales ancrées dans un mode d’existence hétéronome, en attente de leur examen par les catégories plus hautes de la raison pratique pure. C’est pourquoi (même si Kant, encore une fois, n’effectue pas lui- même le rapprochement) il ne serait pas absurde de considérer que la table des catégories de la liberté constitue le sous-bassement de la Doctrine de la vertu, voire, si l’on fait correspondre avec Alain Renaut les catégories de la relation au moment juridique de la

Doctrine du droit, de la Métaphysique des mœurs en général. La Doctrine de la vertu, pour

s’en tenir à elle, prendrait ainsi son essor avec les catégories de la modalité qui ouvrent le passage vers le devoir et vers la pleine reconnaissance de l’obligation éthique, selon le triple critère 1) du permis et du défendu, 2) du devoir et de ce qui est contraire au devoir, et 3) du devoir parfait et du devoir imparfait : l’accession à ce dernier stade, celui de la reconnaissance d’une obligation nécessaire, constitue l’achèvement final du processus de la réflexion pratique aboutissant à la production inédite d’une réalité-effective, savoir, la production d’un arbitre libre conformément à la forme d’une volonté pure.

3. Un exemple

Le rôle méthodique et indispensable des catégories dans la philosophie pratique a été reconnu par Kant dans une lettre à Heinrich Jung-Stilling du 1er Mars 1789217. À partir d’une lecture croisée de l’Esprit des lois de Montesquieu et de la Critique de la raison

pure, Jung-Stilling, grand admirateur de Kant, avait tenté sa propre application des

catégories kantiennes au problème du droit, énonçant ainsi quatre premiers principes de la loi naturelle218. Dans sa réponse, Kant se déclare surpris par cette tentative, mais se montre aussi intéressé : « Mais que dans le système des catégories, qui certes doit être à la base de toute classification des principes d’une connaissance scientifique à partir de concepts a

217 XXIII, 494-495. Cette lettre est donnée dans les Lettres de Kant sur la morale et la religion, introduction, traduction et commentaire par J.-L. Bruch, Paris, Aubier, 1969, p. 108-111. Jung-Stilling (1740-1817), professeur de science politique à Marburg puis à Heidelberg, fut un disciple enthousiaste de Kant, qu’il décrivait comme « un grand, un très grand instrument dans la main de Dieu » (cité par J.-L. Bruch, p. 107). Notons enfin que dans cette lettre de 1789, Kant déclare vouloir commencer sa Métaphysique des mœurs « vers la fin de cet été », ce qui implique un nouvel ajournement de l’œuvre. Dans les citations qui suivent, nous avons repris la traduction de J.-L. Bruch.

218 Conserve-toi toi-même ; satisfais tes besoins ; sois un membre de la société civile ; perfectionne-toi toi- même. Kant objecte à Jung-Stilling que ces principes valent pour l’homme à l’état de nature.

priori, vous cherchiez une aide pour la législation civile et un système possible de celle-ci

d’après ces catégories, voilà ce à quoi je m’attendais le moins. Je crois aussi qu’en cela vous ne vous êtes pas trompé ».

Car les catégories, pourvoyeuses d’unité et de complétude, sont les conditions de

toute scientificité, y compris dans le domaine des « affaires humaines ». La scientificité ne

consiste pas dans ce dernier cas à tenter de mathématiser les comportements et les opinions des hommes (de telles tentatives auront lieu plus tard), mais à tâcher de s’élever jusqu’à la dimension systématique, suivant en cela les catégories, qui ne sont rien d’autre que les formes les plus générales de la rationalité, c’est-à-dire avant toute spécification au sein d’un domaine particulier de l’objectivité. Aussi les catégories sont-elles au fondement de toute métaphysique en ce sens qu’elles nous donnent les règles d’une application a priori de la normativité à un donné empirique. C’est pourquoi, conclut Kant, en admettant qu’une société civile soit déjà donnée (nous pouvons ici reconnaître la base concrète minimale dont toute application des catégories a besoin), quatre premiers principes de la législation se dégagent : 1) quantité : les lois doivent être universalisables, 2) qualité : les lois ne cherchent pas à faire le bonheur des citoyens et se contentent de limiter les efforts des citoyens pour y parvenir, 3) relation : les lois règlent les actions entre citoyens, 4)

modalité : la visée nécessaire des lois est le maintien de la liberté générale. Sans entrer ici

dans l’analyse du contenu de ces quatre principes (au demeurant conformes aux enseignements de la Doctrine du droit), ceux-ci manifestent l’ancrage de toute systématicité dans la structure catégoriale, véritable condition d’accès à la scientificité et soubassement de toute unité architectonique à venir.

À ce stade, un doute ne peut manquer de s’élever : n’est-ce pas là décidément une démarche bien abstraite et bien artificielle, qui consiste à dériver systématiquement de quatre, voire douze, catégories, les règles du droit, de la morale, ou même de quoi que ce soit d’autre ? N’est-ce pas faire de l’esprit une sorte de « moule à gaufres » intraitable ? Et n’est-il pas quelque peu contradictoire de vouloir dresser une table des catégories de la

liberté ? N’est-ce pas là une ambition quelque peu ridicule qui méconnaît tout ce qu’il y a

d’incertain, de bizarre, de contingent et d’imprévisible dans l’action humaine ? « Ceux qui s’exercent à contrôler les actions humaines ne se trouvent en aucune partie si empêchés, qu’à les rapiécer et mettre à même lustre ; car elles se contredisent communément de si

étrange façon qu’il semble impossible qu’elles soient parties de même boutique », écrivait ainsi Montaigne219 ; « notre façon ordinaire, c’est d’aller après les inclinations de notre appétit, à gauche, à dextre, contremont, contrebas, selon que le vent des occasions nous emporte (…). Ce n’est que branle et inconstance ».

En premier lieu, remarquons que Kant n’a pas du tout méconnu le caractère inconstant et variable des affaires humaines : le point de vue simplement empirique nous incite fortement à juger que « la sottise affairée est le caractère de notre espèce »220 et à reconnaître à la manière de Montaigne : « Pauvres mortels (…), parmi vous rien n’est constant que l’inconstance ! »221. Kant n’est donc pas un nomenclateur rigide et aveugle à la réalité humaine. Les catégories de la liberté, d’autre part, ne sont pas des règles descriptives auxquelles la totalité des actions humaines serait nécessairement soumise ; les catégories de la liberté ne forment pas le sommaire d’un nouveau manuel de psychologie. Elles sont plutôt des foyers d’unité, des règles s’efforçant d’introduire de l’unité dans la diversité quasi-infinie de la conscience humaine.

On pourrait même aller jusqu’à soutenir (suivant une suggestion d’Hermann Cohen) que peu importe au fond le nombre de catégories, qu’il y en ait douze, treize, ou plus ; peu importe même à la limite qu’il y ait quelque chose comme des « catégories ». Ce qui importe en revanche, ce sont les enjeux philosophiques qui sont au fond de cette conception des catégories : d’abord, le fait que l’esprit, s’efforçant de penser un domaine quel qu’il soit, s’efforce toujours en même temps de parvenir à une certaine complétude (la pensée ne peut demeurer dans l’illimitation et y trouver satisfaction). Il paraît dès lors légitime de chercher à en élucider, autant que possible, les règles, que Kant appelait des « catégories ». Mais ainsi, si nous ne voulons pas risquer de transformer la doctrine des catégories en une insipide routine222, peut-être avons-nous le droit d’interpréter cette « doctrine » non comme un enseignement mécanique et rigide, mais comme une indication méthodologique et critique, c’est-à-dire comme une invitation à se reprendre réflexivement afin de découvrir

219 Essais II,1 : « De l’inconstance de nos actions » : « nous n’allons pas ; on nous emporte, comme les choses qui flottent, ores doucement, ores avec violence, selon que l’eau est ireuse ou bonasse… ».

220 Le conflit des facultés, VII,82 : « Geschäftige Torheit ist der Charakter unsere Gattung ».

221 Ibid, VII, 83 : « arme sterbliche (sagt der Abt Coyer), unter euch ist nichts beständig, als die Unbeständigkeit ».

222 Ou de nous exposer à l’ironie nietzschéenne : « Kant était d’abord fier de sa table des catégories, et, sa table à la main, il disait : ‘voici ce qu’on pouvait tenter de plus difficile pour la cause de la métaphysique’ ». (Par delà le bien et le mal, « des préjugés des philosophes » §11).

tout « le trésor de ma pensée » ainsi que la lumière « toujours une et identique » de l’humaine sagesse223.

4. Conclusion

Cette partie a mis en lumière un premier versant de l’architectonique pratique. Le procédé métaphysique utilisé dans la Métaphysique des mœurs contient en effet une dimension architectonique, car il dessine une architecture globale du questionnement moral en vue duquel les catégories de la raison pratique effectuent un travail préparatoire et structurel.

Mais ce n’est là qu’un premier versant. Il faut maintenant aborder le second versant de l’architectonique pratique que nous allons trouver du côté de la seconde Dialectique et du concept de souverain Bien. Ce second versant, précisons-le dès maintenant, ne pourra pas être de même nature que le premier ni ne pourra pas être mis sur le même plan. Il en va dans la philosophie pratique comme dans la philosophie théorique où deux voies collaborent afin de produire le système complet de la connaissance de la nature : d’un côté, les principes de l’entendement pur sont constitutifs et composent un ensemble complet et

clos directement fondé sur les catégories (d’où leur caractère systématique224). De l’autre, les Idées régulatrices orientent le travail de l’entendement à l’aide d’un certain nombre de foyers originaires (d’où leur caractère également, quoique autrement, systématique).

L’entendement comme la raison contribuent à l’architectonique théorique. Mais la systématicité joue à deux niveaux. La systématicité à laquelle les Grundsätze de l’entendement donnent naissance n’est rien d’autre que l’ensemble des déclinaisons possibles du principe suprême de l’unité synthétique a priori (le principe de l’unité

223 Règles pour la direction de l’esprit, Règle I, Ed. Alquié, T. I, p. 78. La façon dont Descartes inverse l’image platonicienne traditionnelle en situant la source lumineuse dans le sujet lui-même, ne peut que faire penser à la « révolution copernicienne » qui fait tourner les objets-planètes autour du sujet-soleil, même si le renversement cartésien ne s’inscrit pas dans une problématique des limites (au contraire, pourrait-on dire). 224 Cf. l’incipit de l’Analytique transcendantale, où Kant insiste sur l’exigence de complétude et d’exhaustivité systématique dans une analytique de l’entendement. La table des concepts purs doit être « complète » (vollständig) et, pour cela, être obtenue d’après une « Idée » : « une telle compétude n’est possible qu’au moyen d’une idée de la totalité que constitue la connaissance a priori de l’entendement et par la division ainsi opérée avec précision des concepts qui la composent, pa conséquent uniquement à travers leur connexion en un système (durch ihren Zusammenhang in einem System) ». (C1, A 64/B 89). Inversement, c’est le propre des concepts empiriques que d’échapper à toute systématicité et de s’enchaîner de manière purement descriptive.

originaire de l’aperception). Les Prinzipien de la raison pour leur part n’ont qu’un rapport médiat à l’expérience, ce sont des maximes heuristiques et subjectives – ce qui ne signifie pas du tout que ces maximes ne seraient que des opinions ou des points de vue contingents -, mais que nous ne pouvons schématiser ces Idées et leur donner une signification in

concreto dans l’intuition sensible. La systématicité est cette fois un horizon de sens

régulateur225, horizon indispensable en vue de l’achèvement du savoir : en effet, « bien qu’un tout absolu de l’expérience soit impossible, l’Idée d’un tout de la connaissance d’après des principes en général est pourtant la seule chose qui puisse lui procurer une espèce particulière d’unité, c’est-à-dire celle d’un système, et sans laquelle notre connaissance n’est que fragmentaire et ne peut servir à la fin suprême (qui n’est jamais que le système de toutes les fins) »226.

Dans la philosophie pratique, il se pourrait bien que nous retrouvions une dualité analogue.

225 Dans la Théorie kantienne de l’expérience, Hermann Cohen distingue deux formes d’unité : unité synthétique (constitutive, au fondement de l’application transcendantale des catégories) et unité systématique (régulatrice, dirigeant l’examen de la description de la nature). Cf. également, dans Kants Begründung der Ethik, p. 87-97, l’analyse de l’Idée régulatrice comme « ein anderes Mass von Realität ».

226 Prolégomènes, § 56, IV, 349 : « Obgleich aber ein absolutes Ganze der Erfahrung unmöglich ist, so ist doch die Idee eines Ganzen der Erkenntniß nach Prinzipien überhaupt dasjenige, was ihr allein eine besondere Art der Einheit, nämlich die von einem System, verschaffen kann, ohne die unser Erkenntniß nichts als Stückwerk ist und zum höchsten Zwecke (der immer nur das System aller Zwecke ist) nicht gebraucht werden kann ». La « fin suprême » ici évoquée n’est pas seulement la fin pratique, mais « également la fin suprême de l’usage spéculatif de la raison ».

Ch. V : le passage au niveau de l’unité systématique

Dans la Critique de la raison pratique, la section consacrée aux catégories de la liberté dessine les lignes générales de l’architecture d’une métaphysique des mœurs en tant que doctrine de la normativité. On peut ainsi identifier dans la philosophie pratique de Kant un premier ensemble de textes qui progressivement nous font passer du pur moment de fondation jusqu’à la constitution d’une telle « doctrine » : en premier lieu, la Fondation se propose de mettre au jour le principe suprême de la moralité ; puis viendrait l’Analytique de la seconde Critique dont la table des catégories de la liberté fournit l’étape intermédiaire qui mène jusqu’à la Métaphysique des mœurs où Kant « applique » le principe formel élucidé dans la Fondation. Nous aurions là une première voie de systématisation possible (« horizontale ») dans la métaphysique de la liberté. Il reste à faire apparaître une