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La scission du Pacte des droits de l’Homme et le rôle de la Guerre froide

Chapitre premier : La prétendue relativité des droits sociaux

B. La scission du Pacte des droits de l’Homme et le rôle de la Guerre froide

C’est avant tout sur l’histoire de l’élaboration des deux Pactes onusiens que se concentrent les arguments des opposants aux droits économiques, sociaux et culturels. L’influence que ces arguments exerceront sur le futur développement asymétrique des droits de l'Homme est capitale.

639 BORGHIMARCO, Effectivité sociale (1993), 77 ; CANÇADOTRINDADE, Tendances (1990), 921 ; SIEGEL, Socioeconomic (1985), 264 ; TOMASEVSKI, Questions (2005), 715 ; VALTICOS, Normes (1971), 693 ; VALTICOS, OIT (1968), 13 ; VALTICOS, Universalité (1998), 738.

640 Cf. SENGER, Periods (1993), 64 ss.

641 Cf. HENKIN, Rights (1981), 234.

642 Cf. OTTO, Universality (1997), 27 s.: « To start with, we need to acknowledge that categorical thinking enables us to communicate and to act. Without classifications and comparisons, we are left with a world of infinite sui generis items and without a basis for making judgments of justice, ethics, or rights. Yet categories also always exclude other possibilities by obscuring the multiple strands that make up the whole and the ways in which the strands interrelate ».

643 Cf. EIDE / ROSAS, Challenge (2001), 4. Il est toutefois rare de rencontrer l’argument de la tardiveté historique isolément ; il se combine le plus souvent avec les critiques de « fond » à l’égard des droits sociaux.

Chapitre premier : La prétendue relativité des droits sociaux

131 1) Les critiques

Selon les critiques, la raison pour laquelle les Nations Unies conçurent deux Pactes distincts résulterait de la nature intrinsèquement différente des droits civils et politiques, d’un côté, et des droits économiques, sociaux et culturels de l’autre. En effet, les Etats ayant jadis présidé aux travaux préparatoires des deux conventions auraient, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, relevé la non justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels, les coûts et efforts programmatoires et politiques qu’ils entraînent, leur caractère de

« droits à... » des prestations de la part de l’Etat, leur manque de clarté conceptuelle, ainsi que leur nature étouffant la Liberté644. En outre, la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels serait fonction des progrès et développements économiques enregistrés dans les pays et pourrait donc être atteinte automatiquement, simultanément à ces derniers. De plus, toute intervention étatique tendant à autre chose qu’à la sauvegarde de l’ordre public serait prohibée645. Par ailleurs, le fait que le Bloc communiste ait, dès le commencement de la Guerre froide, martelé la priorité absolue à accorder aux droits sociaux au détriment des droits et libertés « classiques »646, montrerait bien que les droits économiques, sociaux et culturels dériveraient d’une idéologie communiste et ne constitueraient pas des convictions neutres applicables au monde entier647. En revanche, les droits civils et politiques seraient, en tant que droits de la « première génération », de véritables droits universels de l’Homme qui ne demanderaient pas que soit mise en branle toute la machinerie de l’Etat afin d’être garantis648.

Dans une première partie, nous examinerons les conditions historiques qui ont présidé à l’éclatement des droits de l'Homme en deux instruments universels. Dans une seconde partie, nous survolerons le rôle que l’idéologie et le conflit entre les deux Blocs a pu jouer dans l’élaboration du Pacte ONU I, ce dans l’optique d’invalider ou de relativiser les affirmations portant sur la prétendue nature distincte des droits de l'Homme.

644 AMSELEK, Evolution (1991), 146 s. ; BETTEN, EU (1996), 14 ss ; FERCOT, Justiciabilité (2011), 232 s. ; VELU / ERGEC, CEDH (1990), 65 ; KOCH, Waves (2005), 84 ; MCGREGOR, Court (2002), 334.

645 BETTEN, EU (1996), 14 ss ; IMBERT, Ouverture (2003), 11.

646 HAARSCHER, Contextualized (2004), 110. Voir aussi : CASSESE, Universal (1999), 158 s. ; GALTUNG, Universality (1992), 163 ; PIVETEAU, Rapport (1997), 299 : « La vision outrancière et biaisée à laquelle conduisait, en Europe de l’Est, l’affirmation exclusive des droits économiques et sociaux, a fait du tort aussi à ces droits dans les pays d’occident » ; PULGAR, Protocole (1999), § 19.

647 Cf. ALSTON, Arena (1998), 2 ; ALSTON, Strategy (1997), 190 ; BETTEN, EU (1996), 15 ; CRANSTON, Rights (1973), 66 ; DENNIS/ STEWART, Justiciability (2004), 463 ; KUMAR, Perspectives (2004), 247 ; LEBRETON, Enjeux (2010), 11.

648 IMBERT, Ouverture (2003), 11.

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2) La séparation en deux Pactes onusiens a) Un Pacte unique

La division du Pacte international des droits de l’Homme en deux catalogues de droits formellement séparés a, comme BOYLE le soulève avec un brin d’amertume, laissé l’héritage d’une dichotomie de la pensée au sujet des droits de l'Homme649. Pourtant, au lendemain de la Déclaration universelle de 1948, tout laissait augurer que le futur instrument voué à concrétiser et à formaliser la DUDH demeurerait monolithique650. En effet, « il avait été prévu d’élaborer non pas deux mais un seul traité relatif aux droits de l’homme, traitant conjointement des deux types de droits. Or rapidement, et malgré l’affirmation concomitante de leur indivisibilité et de leur interdépendance, l’Assemblée générale des Nations Unies a pris la décision en 1951 d’orienter ses travaux vers la rédaction de deux instruments distincts »651. Qu’est-il donc arrivé durant ce laps relativement court de temps ? Quel événement aurait pu être si marquant pour ébranler, du moins formellement, l’unicité des droits de l'Homme ?

b) La détérioration de la situation géopolitique

Les travaux préparatoires et autres études liés au Pacte des droits de l’Homme, que les Nations Unies appelaient de leur vœu, débutèrent à la veille de la proclamation solennelle de la Déclaration universelle652, l’adoption d’un instrument lourd de symboles jouissant, dans les premières années d’après-guerre, naturellement de la priorité absolue et répondant à un besoin de forger des visions pour l’avenir et d’instaurer une certaine stabilité ou sécurité morale653. Dans la foulée de l’adoption de la DUDH, le clivage Est-Ouest et le climat de Guerre froide devinrent cependant de plus en plus patents654. Alors

649 BOYLE, Indivisibility (1999), 139. Voir aussi : FOSTER, Programmes (1999), 243 ; HUNT, Reclaiming (1996), 8 ss.

650 DESCHUTTER, Protocole (2006), 13 ; MAHLER, Justiziabilität (2013), 1190.

651 JACOBS Nicolas, Portée (1999), 28. Voir aussi : ARAMBULO, Supervision (1999), 70 ; GROSBON, Ruptures (2012), 58 s. ; SCOTT, Permeability (1989), 792 s.

652 Résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies, Charte internationale des droits de l’Homme, du 10 décembre 1948 (ONU doc. A/RES/217, A, B, E (III)) ; voir en particulier la partie E :

« L’Assemblée générale, considérant que le plan de travail de la Commission des droits de l’homme prévoit l’élaboration d’une charte internationale des droits de l’homme, qui devra comprendre une Déclaration, un Pacte relatif aux droits de l’homme et des mesures de mise en œuvre ; invite le Conseil économique et social à demander à la Commission des droits de l’homme de continuer à donner la priorité, dans son plan de travail, à la préparation d’un projet de pacte relatif aux droits de l’homme et à l’élaboration des mesures de mise en œuvre ». Cf. DENNIS / STEWART, Justiciability (2004), 479 ss. Cf. aussi : EIDE, Strategies (1993), 460 s. ; SEPULVEDA, Nature (2003), 116.

653 A ce stade déjà, de nombreux Etats étaient réticents à conférer un quelconque caractère contraignant à l’instrument qui deviendrait la DUDH.

654 ARAMBULO, Optional Protocol (1996), 3 (Internet) / I.B ; IMBERT, Ouverture (2003), 11. Voir aussi : NOWAK, Bedeutung (1997), 4.

Chapitre premier : La prétendue relativité des droits sociaux

133 même que l’inclusion des droits économiques, sociaux et culturels dans la Déclaration de 1948 avait été le fruit d’un compromis réunissant tant les Etats socialistes que des représentants des pays anciennement colonisés ou se trouvant anciennement sous la houlette coloniale, que les Etats occidentaux655, la situation changea du tout au tout avec la compétition effrénée qui allait s’engager entre les deux Blocs656.

1. L’Empire soviétique et les droits sociaux

Dans le but d’étaler sa supériorité alléguée par rapport au système adverse, chacun des deux Blocs finit par favoriser « sa propre » catégorie (pourtant préexistante aux systèmes) de droits de l'Homme. De la sorte, le régime totalitaire de STALINE, imprégné qu’il était par les idéaux socialistes, se découvrit un faible pour les droits économiques et sociaux de ses travailleurs, droits qu’il estimait avoir, pour la plupart, déjà réalisés dans son système interne657. A l’instar de ce qui avait été fait par rapport à sa constitution, l’URSS refusa toutefois catégoriquement de doter le projet de Pacte international d’un quelconque mécanisme de contrôle efficace, qui aurait permis aux Nations Unies ou aux Etats parties de s’immiscer dans les affaires internes658 de ce goulag aux proportions surdimensionnées659.

Le rejet des droits civils et politiques par le Bloc de l’Est, ou du moins le refus de tout mécanisme contraignant relatif à leur mise en œuvre, se laisse en partie expliquer en termes de refus par le régime de ces valeurs qui, soudainement tamponnées d’occidentales, auraient eu le potentiel de mettre des bâtons dans les roues de l’expansion totalitaire du système660. Et, quand – au gré de sa politique souvent contradictoire – il préférait ne pas les vilipender ouvertement, le Bloc de l’Est proclamait haut et fort l’interdépendance de tous les droits, étant entendu que les droits de la « première génération » allaient en très grande partie demeurer de simples tigres de papier661. Quant aux droits économiques, sociaux et culturels eux-mêmes, ils n’allaient être garantis que

655 Cf. ALGOSTINO, Universalità (2005), 253. Voir les déclarations du Président ROOSEVELT (début de thèse).

656 Comme le rappelle MAVROMMATIS, Committee (2001), 147 s., « [h]uman rights were being used as a potent weapon in the East-West confrontation and some third world countries were aligning with one bloc or the other in order to avoid condemnation ».

657 CRANSTON, Rights (1973), 54.

658 CASSESE, Universal (1999), 154 ; TOMASEVSKI, Costs (1999), 52 ; TRUBEK, Third World (1985), 211.

659 Cf., pour une illustration sous divers angles, les ouvrages suivants : BLUM Alain, Naître, vivre et mourir en URSS, 2ème éd., Paris 2004, 314 pages ; SOLJENITSYNE Alexandre, L’archipel du Goulag, 1918-1956 : essai d’investigation littéraire, éd. trad., Paris 1991, 446 pages ; TODD Emmanuel, La chute finale : essai sur la décomposition de la sphère soviétique, 2ème éd., Paris 1990, 371 pages.

660 ROBERTSON Bernard, Reappraisal (1997), 3 s. ; TOMASEVSKI, Costs (1999), 52 ; TRUBEK, Third World (1985), 211.

661 ALSTON, Arena (1998), 2. Cf. DENNIS / STEWART, Justiciability (2004), 463.

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partiellement au sein de la sphère d’influence communiste662. Reconnaissant les caractéristiques « subversives » susceptibles de surgir de certains droits économiques, sociaux et culturels, tels que la liberté syndicale ou le droit de négociation collective, le Bloc communiste allait en effet s’atteler à réprimer de telles forces latentes. D’où la perception des droits de l’Homme en tant que droits collectifs et non pas individuels, qui auraient eu l’avantage de conférer des droits subjectifs à l’encontre de l’Etat663 ; d’où, du même coup, l’importance accordée aux intérêts prépondérants de la classe ouvrière qui permettaient de limiter, voire de déroger à l’ensemble des droits économiques, sociaux et culturels au nom de cette dernière, mais sans avoir recueilli son avis libre et éclairé ; d’où, finalement, le réflexe de certains pays communistes de déclarer le développement de l’ensemble des droits de l’Homme – avant tout des droits civils et politiques, mais également des droits sociaux – comme dépendant de la prospérité économique de la nation, ce qui équivalait à faire de cette réalisation un objectif à atteindre à long terme664.

2. La réaction de l’Occident

En réaction à l’idéologie soviétique, à laquelle elles associaient l’engouement ostentatoire pour les droits économiques, sociaux et culturels, « les démocraties occidentales ont davantage mis l’accent sur ce qui manquait aux pays du bloc communiste, à savoir les droits civils et politiques »665. Tandis que l’Occident se faisait donc le champion des droits de la « première génération », il ne manquait pas d’opposer une résistance idéologique viscérale aux droits économiques, sociaux et culturels dont le Bloc de l’Est s’était érigé en héraut666. Pour ce faire, l’Occident, qui avait auparavant préconisé la consécration de droits civils et sociaux, économiques, culturels et politiques sur un pied d’entière égalité667, chercha des assises aptes à contrecarrer les droits économiques, sociaux et culturels, tels que la prétendue

662 MATAS, Rôle (1995), 147 : « si l’on examine dans le monde les économies marxistes, ou ce qu’il en reste, l’on constate qu’en réalité elles ont été moins performantes que les économies libérales pour ce qui est de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels ».

663 BETTEN, EU (1996), 15 ; DENNIS / STEWART, Justiciability (2004), 463.

664 SIMMA / BENNIGSEN, Völkerrecht (1990), 1482 s. Voir aussi : DONNELLY, Asian Values (1999), 72.

665 IMBERT, Ouverture (2003), 11. Voir aussi : CRAVEN, Committee (2001), 456 ; KOTRANE, Rapport I (2002), § 3 ; RIEDEL, Solidarität (2003), 323 ; TEXIER, Obstacles (1998), 63.

666 ALSTON, Strategy (1997), 190 ; AMNESTY, Protéger (2003), 372 ; AN-NAIM, Standing (2004), 12 ; ARAMBULO, Optional Protocol (1996), 5 (Internet) / II.D ; ARAMBULO, Supervision (1999), 16 ss ; CANÇADOTRINDADE, Justiciabilidade (1998), 176 ; CRAIG, Rapport (1978), 7 ; DECAUX, Réforme (1999), 406 ; HENKIN, Rights (1981), 223 ; IMBERT, Ouverture (2003), 11 : « Les droits sociaux étant au contraire mis en avant par le ‘camp adverse’, ils ont été victimes de ce combat idéologique et ne pouvaient occuper qu’une place secondaire dans la construction de l’identité politique des pays occidentaux » ; JIMENAQUESADA, Derechos (1995), 68 ; KOCH, Indivisible (2009), 6 ; KOUDE, Intuition (2006), 925 ; MCGREGOR, Court (2002), 323 ; RIEDEL, Solidarität (2003), 323 ; SIMMA, Implementation (1991), 77 ss.

667 CRANSTON, Rights (1973), 52 ss.

Chapitre premier : La prétendue relativité des droits sociaux

135 non justiciabilité, le caractère vague et indéterminé, les prestations positives, ainsi que, de manière générale, tous les autres motifs énoncés auparavant668.

En observant la manière dont les Etats communistes mettaient en œuvre les droits économiques, sociaux et culturels sur leur territoire et instauraient une économie entièrement dirigiste et étatisée669, l’image publique des droits sociaux fondamentaux fut de plus en plus reléguée aux territoires situés au-delà du rideau de fer670, ce qui ne manqua pas d’aboutir à un affaiblissement considérable de la portée des quelques droits économiques, sociaux et culturels que garantissaient déjà certaines constitutions occidentales ou à y promouvoir l’inclusion de buts et objectifs sociaux en lieu et place de véritables droits justiciables671. D’ailleurs, ce « divided thinking »672, hérité de la séparation en deux Pactes et de l’assimilation fallacieuse673 des droits sociaux de l’Homme à l’idéologie et, surtout, à la pratique liberticide du Bloc de l’Est, laisse des traces tenaces encore maintenant. Sous l’impulsion du mécanisme du balancier, il risqua même – durant les années suivant la chute du mur de Berlin – de favoriser le rejet de l’ensemble des acquis socialistes… et sociaux dans les Etats anciennement sous le joug soviétique674, sans que ces derniers ne fissent la part des choses entre, d’un côté, les acquis du régime communiste et, de l’autre côté, les droits sociaux fondamentaux, leur utilité ou leurs origines véritables675. Si la plupart de ces Etats ont renoncé à supprimer la référence

668 Cf. JACOBS Francis, Extension (1978), 167 ; LEBRETON, Enjeux (2010), 12 ; TOMASEVSKI, Indicators (2001), 535 s. Voir aussi : JIMENA QUESADA, Derechos (1995), 68 ; RIEDEL, Dimension (1989), 12 ; SEPULVEDA, Nature (2003), 117 ss.

669 EIDE, Strategies (1993), 461 s. ; HÄUSERMANN, Realisation (1992), 50 s.

670 Cf. FOSTER, Programmes (1999), 243 ; HUNT, Reclaiming (1996), 8 s.

671 P. ex. la très riche Constitution de la République italienne du 27 décembre 1947, voir notamment son art. 4 §1er (droit au travail), interprété comme norme purement promotionnelle. Cf. SIMMA / BENNIGSEN, Völkerrecht (1990), 1479-1482. Voir aussi : ALGOSTINO, Universalità (2005), 254 ; avec plus de nuances : MATSCHER, Salzbourg (1992), 97 ; WILSON, Adoption (2009), 301.

672 BOYLE, Indivisibility (1999), 139. Voir aussi : BREILLAT, Hiérarchie (1999), 366, qui semble vouloir justifier cette dichotomie artificielle, bien que son introduction relativise quelque peu sa démarche (p. 353).

673 S’il est vrai que les droits de l’Homme ne constituent pas une gamme de convictions neutres, mais équivalent, nous l’avons vu, à des droits moraux, le message de l’unité humaine qu’ils véhiculent dans leur ensemble, ce peu importe qu’il s’agisse de droits civils ou de droits sociaux, ne saurait être assimilé à une quelconque idéologie politique. Autrement, l’on aboutirait à une situation, dans laquelle « then we shall have denied and undermined half of the Universal Declaration of Human Rights ». Cf. ALSTON, Strategy (1997), 190 ; BIELEFELDT, Access (2006), 51.

674 BEETHAM, Future (1995), 59 : « With the collapse of Communism that fear has now subsided, much to the disadvantage of social democracy, for all that the practice of ‘actually existing socialism’

appeared to discredit it also » ; LEUPRECHT, Charte (1992), 28 s.: « Or, l’on constate avec d’autant plus d’inquiétude que dans ces pays où la garantie des droits économiques et sociaux revêt pourtant une importance littéralement vitale, certains semblent enclins à rejeter le concept même de ces droits, avec l’ancien régime qui, dans son discours officiel, les avait tellement mis en avant et joués contre les droits civils et politiques » et donc, pourrait-on ajouter, instrumentalisés... ; TÜRK, Realization (1992), § 23 & 26.

675 PULGAR, Protocole (1999), § 19 s.: « Assimilés à l’idéologie communiste, les droits sociaux n’ont été vus qu’à travers le prisme de la collectivisation et de la planification centrale (…). Les mettre en avant, c’est pour certains faire l’apologie d’une doctrine largement discréditée, et légitimer par

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aux droits économiques, sociaux et culturels dans leurs nouvelles constitutions676, ce fossé intellectuel devrait encore partiellement se perpétuer dans les années à venir, ce en attendant que les mentalités s’adaptent définitivement aux nouvelles réalités677.

c) Les appréhensions de fond

Il serait certes trop simpliste678 de vouloir ramener l’entier de la motivation ayant conduit à une scission du projet de Pacte initial en deux Pactes universels distincts au clivage idéologique Est-Ouest et à l’impossibilité politique de recueillir un nombre de ratifications suffisant pour un traité unique679. S’il est tout à fait permis de parler de consensus au sujet de leur consécration, il n’existait, en revanche à l’époque déjà, pas d’unanimité au sujet des moyens de mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels, du traitement à leur réserver par rapport aux droits civils et politiques, ni au sujet de leur contenu spécifique680. Ce nonobstant, l’on aurait également tort de minimiser l’impact du conflit idéologique de l’époque et du faux amalgame souvent rencontré entre les idéologies et les catégories de droits de l'Homme681. Lorsque les arguments avancés de part et d’autre à l’encontre des droits civils ou, davantage encore, contre les droits économiques, sociaux et culturels ne dérivaient pas d’emblée de la volonté délibérée de la part de l’un des deux camps de porter préjudice aux droits privilégiés par l’autre et, par ce biais, au régime adverse lui-même, nous

avance un retour dangereux à un passé que les nostalgiques dans certains pays ont tendance aujourd’hui à idéaliser. Le rejet de tout le passé des pays communistes conduit donc également à en rejeter les quelques éléments positifs » ; SIEGEL, Socioeconomic (1985), 260 s., rappelle que les droits sociaux « have rather deep roots that are, in addition to being socialist, also feudal, mercantilist, Methodist, utilitarian, radical, conservative, Roman Catholic – and even liberal ». De plus, l’universalité des droits sociaux des droits sociaux transparaît également dans le fait que se sont le plus souvent les guerres, les crises économiques et leurs lendemains faits de misère – à savoir des situations universelles liées à la condition humaine – qui ont incité à développer leurs

« bases » philosophiques. En effet, « [s]uch widely shared experiences make inequality and destitution more visible and threaten the political stability of the state in ways that broaden political support for major advances of social rights » (p. 264).

676 DRZEWICKI, Activité (2002), 116 s. ; MAHON, Réforme (1996), 399 s.

677 Cf. ODINKALU, Implementing (2002), 184, en parlant du Pacte ONU I : « Although this text was the result of a peculiar Cold War compromise, it continues to dominate and overshadow the understanding of economic, social and cultural rights as one of those monuments that ensure that the Cold War will never quite be consigned to the cemetery of mere memory ».

678 Cf. BOYLE, Indivisibility (1999), 139 ; EIDE, Strategies (1993), 461 s. ; HÄUSERMANN, Realisation (1992), 50 s. ; MACHACEK, Justitiabilität (1988), 540.

679 AKANDJI-KOMBE, Justiciabilité (2004), 86 ; ARAMBULO, Optional Protocol (1996), 3 (Internet) / I.C ; ARAMBULO, Supervision (1999), 16 ss, 53 & 348 ; DRZEWICKI, Juridization (1999), 42 ; MALINVERNI, PIDESC (2006), 92 ; SCOTT, Permeability (1989), 792.

680 DENNIS / STEWART, Justiciability (2004), 476 ss ; DESCHUTTER, Protocole (2006), 14 s. ; KOCH, Waves (2005), 83 ; LIEBENBERG, ICESCR (1995), 361 ; MACHACEK, Wesen (1991), 41 ; MAHLER, Justiziabilität (2013), 1190 ; PETROVA, Dimensions (2004), 196 s. ; PUTA-CHEKWE / FLOOD, Integration (2001), 40 ; SEPULVEDA, Nature (2003), 3 ; TÜRK, Realization (1991), 100.

681 NOWAK, Bedeutung (1997), 4 ; PUTA-CHEKWE / FLOOD, Integration (2001), 41 ; SPENLE, Umsetzung (2005), 203.