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La Charte des droits fondamentaux de l’an 2000

Chapitre premier : Repères historiques

C. La régionalisation des droits sociaux

3. La Charte des droits fondamentaux de l’an 2000

A l’occasion du Conseil européen de Cologne370, il fut décidé qu’une « enceinte composée de représentants de Chefs d’Etat et de Gouvernement et du Président de la Commission européenne ainsi que de membres du Parlement européen et des parlements nationaux » (« la Convention »)371 élaborerait une Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. A teneur du mandat, il était entendu que cette future charte contiendrait les droits de liberté, d’égalité et de procédure, « tels que garantis par la CEDH et tels qu’ils

368 AKANDJI-KOMBE, Interaction (1999), 13.

369 Cf. l’opinion de MACHACEK, Wesen (1991), 60, à ce sujet : « Die EG-Charta ist vom Subsidiaritätsprinzip beherrscht und enthält damit ausschließlich ein politisches Programm ; dessen Verwirklichung dient das sogenannte ‘Aktionsprogramm’ ». Voir aussi : FONTENEAU, Dimension (2001), 48 ss & 59 ; SCHEININ, Legal Rights (2001), 47 s.

370 Le Conseil européen, qui regroupe les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres de l’Union européenne, se tint les 3 et 4 juin 1999. Voir les Conclusions de la Présidence de l’Union européenne, Conseil européen de Cologne des 3 et 4 juin 1999 (doc. SN 150/1/99 REV1 CAB), Annexe IV : Décision du Conseil européen concernant l’élaboration d’une Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

371 Conclusions de la Présidence de l’Union européenne (Cologne), Annexe IV, 3ème paragraphe. Quant à la Cour de Justice de l’Union européenne, elle obtint un statut d’observateur, à l’instar, d’ailleurs, du Conseil de l’Europe et de la Cour européenne des droits de l’Homme. Au cours des travaux, qui plus est, les intervenants suivants furent entendus par la Convention : le Comité économique et social européen, le Comité des régions, le médiateur européen, les pays candidats, de même que d’autres groupes, organismes ou instances invités.

Chapitre premier : Repères historiques

73 résultent des traditions constitutionnelles communes des Etats membres, en tant que principes généraux du droit communautaire », de même que des droits réservés aux citoyens de l’Union372. Par contre, ce futur instrument, dont l’éventuelle incorporation au sein d’un traité serait débattue dans une seconde étape, devait se contenter de « prendre en considération des droits économiques et sociaux tels qu’énoncés dans la Charte sociale européenne et dans la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs (art. 136 TCE) dans la mesure où ils ne justifient pas uniquement des objectifs pour l’action de l’Union »373. Ainsi, comme l’expose MARAUHN, le mandat du Conseil européen du mois de juin 1999 instaurait une démarcation entre les libertés, les droits d’égalité et de citoyenneté et les droits sociaux. La Convention ne fit cependant pas cas de ces velléités étatiques de dichotomie et présida à l’élaboration d’une charte contenant, côte à côte, des droits de toutes les catégories374. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ChUE) fut solennellement proclamée à Nice, en date du 7 décembre 2000375, revêtant dans un premier temps la guise « d’un accord interinstitutionnel (…) et d’un engagement politique des Etats membres »376. Proclamée une seconde fois dans le cadre du Traité de Lisbonne de 2007, la ChUE se vit accorder une portée contraignante, à l’instar du Traité sur l’UE et du Traité sur le fonctionnement de l’UE377. On peut toutefois regretter que, dans sa version finale, la ChUE ait conservé la disposition ambiguë selon laquelle les

« principes » consacrés peuvent être mis en oeuvre par des actes législatifs et exécutifs, tandis que « leur invocation devant le juge n’est admise que pour l’interprétation et le contrôle de la légalité de tels actes »378, au risque de réintroduire insidieusement l’injusticiabilité des droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans la Charte fondamentale379.

372 Conclusions de la Présidence de l’Union européenne (Cologne), Annexe IV, 2ème paragraphe.

373 Cf. DEHAENE, Convention (2001), 49 ss.

374 MARAUHN, Zugang (2003), 250. Voir aussi : AKANDJI-KOMBE, Charte/CE (2001), 168 s.

375 JOCE n° 2000/C 364/01, du 7 décembre 2000.

376 SUDRE, Droits de l’homme (2012), 158 ss. Voir, de manière générale, à savoir pour le droit social communautaire, les explications de KAUFMANN, Actualité (2003), 187 s. Cf. aussi : FUNK, Grundrechtscharta (2002), 39 ss.

377 Le texte de la ChUE fut repris tel quel pour figurer dans le projet de Traité établissant une Constitution pour l’Europe (Traité de Rome de 2004, partie II), traité adopté par consensus au sein de la Convention européenne les 13 juin et 10 juillet 2003, remis au Président du Conseil européen à Rome le 18 juillet 2003. Ce dernier texte du traité, légèrement retouché, sans que la Charte n’en fût altérée, fut adopté par les Chefs d’Etat et de Gouvernement des Vingt-Cinq le 19 juin 2004, lors du Conseil européen de Bruxelles, et fut signé à Rome le 29 octobre 2004. Au vu des référendums négatifs en France comme dans les Pays-Bas, le projet de traité constitutionnel fut toutefois abandonné au profit du Traité de Lisbonne des 18 et 19 octobre 2007 qui, au lieu de l’incorporer, fait de la ChUE un instrument contraignant par renvoi direct à ce dernier.

378 JO UE n° 2010/C 83/02, Titre VII – dispositions générales régissant l’interprétation et l’application de la Charte, art. 52 ch. 5 ChUE.

379 Cf. SCHOLZ, EU (2012), 924 s., pour lequel les « droits sociaux au sens étroit » (art. 8, 14, 22, art. 24 à 27, art. 29 à 30, art. 32 à 38, art. 47 al. 3 ChUE) seraient, à tort selon nous, de tels

Titre premier : Fondements et mythes fondateurs

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Quant aux droits économiques, sociaux et culturels que la ChUE renferme, il convient de citer : l’interdiction de l’esclavage et du travail forcé (art. 5), la liberté de réunion et d’association, également prévue dans sa composante syndicale (art. 12), le droit à l’éducation (art. 14), la liberté professionnelle et le droit de travailler (art. 15), les libertés d’entreprise (art. 16) et de propriété (art. 17), l’égalité entre hommes et femmes en matière de rémunération, de travail etc. (art. 23), les droits de l’enfant (art. 24), les droits spécifiques, notamment participatifs, des personnes âgées (art. 25) et des personnes handicapées (art. 26), le droit à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’entreprise (art. 27), le droit de négociation et d’actions collectives (art. 28), le droit d’accès aux services de placement (art. 29), le droit à la protection en cas de licenciement injustifié (art. 30), le droit à des conditions de travail justes et équitables (art. 31), l’interdiction du travail des enfants et la protection des jeunes au travail (art. 32), la protection de la vie familiale et professionnelle (art. 33), le droit à la sécurité sociale et à l’aide sociale (art. 34), le droit à la protection de la santé (art. 35), et le droit d’accès aux services d’intérêt économique général (art. 36)380.

c) La « dimension humaine » de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE)

Aboutissement d’un processus politique ayant débuté lors de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe, dont l’objectif initial, en 1975, avait été celui de créer « un cadre diplomatique de coopération entre l’Est et l’Ouest »381, à savoir entre tous les Etats européens, rejoints par le Canada et les Etats-Unis, l’OSCE382 s’est petit à petit dotée d’un programme destiné à garantir les droits de l’Homme et les libertés fondamentales. Connu sous l’appellation de « dimension humaine », ce programme politique n’a cessé de se développer depuis lors et prévoit même un certain nombre de mécanismes politiques de contrôle383.

principes ne ménageant aucun droit subjectif, seuls les art. 12 al. 1, 15 al. 3, 20, 21, 23, 28 et 31 étant justiciables.

380 Pour ce qui est de la protection des consommateurs (article 38 ChUE), il serait à la rigueur possible de lui découvrir des racines sociales, dans la mesure où, à l’instar des travailleurs, le groupe des consommateurs comptait parmi la partie socialement faible ou fragilisée.

381 ROUGET, Guide (2000), 53.

382 L’OSCE, qui dépasse le cadre européen, a succédé aux cycles de conférences initiés en 1975 à Helsinki. Elle s’est dotée d’infrastructures et d’institutions permanentes et a ainsi pu accéder au rang d’organisation internationale à partir de 1994.

383 Très sommairement, les étapes décisives de cette évolution sont : l’Acte final de Helsinki, du 1er août 1975 ; la « dimension humaine » et son mécanisme de suivi élaborés lors de Conférence de Vienne de 1989 ; les Conférences de Copenhague et de Paris en 1990, de Moscou en 1991, de Prague et d’Helsinki en 1992. La dimension humaine est régulièrement abordée lors des conférences et sommets organisés au sein de l’OSCE, dont les actes finaux peuvent être consultés sur le site de l’organisation (www.osce.org ; se reporter à la rubrique « dimension humaine ») Qui plus est, la Charte de Paris pour une nouvelle Europe, du 21 novembre 1990, a instauré le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’Homme (BIDDH), à Varsovie, qui sert de cadre à

Chapitre premier : Repères historiques

75 A côté de ses activités liées à la garantie du droit des minorités, de l’Etat de droit, de la démocratisation et de la liberté des médias, ledit programme englobe aussi des éléments liés aux droits de l’Homme, parmi lesquels la liberté d’association, le droit à l’éducation et l’égalité des sexes jouent un rôle essentiel384. Toutefois, il convient de souligner que les instruments élaborés sous les auspices de l’OSCE demeurent éminemment politiques et préconisent des solutions et mécanismes de contrôle de caractère diplomatique385. Leur étude détaillée dépasserait le cadre juridique du présent ouvrage.