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Les conventions spéciales au niveau universel

Chapitre premier : Repères historiques

B. La triple extension du champ des droits sociaux

3) Les conventions spéciales au niveau universel

A côté des textes généraux susmentionnés, l’ONU et les Agences spécialisées appartenant à sa « famille » ont servi de cadre à de nombreuses conventions multilatérales dont l’objet principal est soit celui de conférer une protection particulière à certaines catégories de personnes que la communauté

320 … sans oublier que le paragraphe 3ème de cette même disposition clef autorise les « pays en voie de développement, compte dûment tenu des droits de l’homme et de leur économie nationale, (…) [à]

déterminer dans quelle mesure ils garantiront les droits économiques reconnus dans le présent Pacte à des non-ressortissants ». Cf. AKANDJI-KOMBE, Justiciabilité (2004), 87.

321 Préambule du Pacte ONU I, 3ème para. : « Reconnaissant que, conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’idéal de l’être humain libre, libéré de la crainte et de la misère, ne peut être réalisé que si des conditions permettant à chacun de jouir de ses droits économiques, sociaux et culturels, aussi bien que de ses droits civils e politiques, sont créées, … ».

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63 internationale considère comme vulnérables ou marginalisées, soit celui de réglementer certains domaines et aspects matériels de façon plus détaillée, ces alternatives n’étant nullement exclusives. Les instruments cités ne comprendront en principe que les conventions contraignantes élaborées au sein desdites organisations, ainsi que, dans une moindre mesure, certaines déclarations solennelles qui, comme il est de coutume, ont précédé de plusieurs années l’élaboration d’une convention formelle.

a) Dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies

Dans le cadre de l’ONU stricto sensu, il convient de signaler la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CEDR), du 21 décembre 1965, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF), du 18 décembre 1979, la Convention relative au droits de l’enfant (CDE), du 20 novembre 1989, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (CTM), du 18 décembre 1990, et, en dernier lieu, la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CPH), du 13 décembre 2006322.

Tandis que la CEDR et la CEDEF n’entrent en contact avec les droits économiques, sociaux et culturels qu’au travers de l’interdiction générale de commettre une discrimination à l’encontre d’une personne dans la jouissance ou dans l’exercice des droits de l’Homme, y compris dans les domaines économique, social et culturel323, la CDE, la CTM et la CPH contiennent des dispositions de nature sociale spécialement axées sur la protection de ces trois catégories de personnes réputées vulnérables. Dans la CDE, l’on découvre notamment le traitement et les soins spéciaux accordés aux enfants handicapés (art. 23), le droit à la santé (art. 24), à la sécurité sociale (art. 26) et à un niveau de vie suffisant (art. 27), de même que le droit de l’enfant à une éducation adéquate (art. 28 et 29). La CTM garantit entre autres les droits suivants : l’interdiction de la servitude et du travail forcé (art. 11), le droit de propriété de cette catégorie particulièrement menacée de travailleurs (art. 15),

322 CEDR, du 21 décembre 1989 (ONU doc. A/RES/2106, A (XX)), telle que précédée dans le temps par une déclaration homonyme du 20 novembre 1963 (ONU doc. A/RES/1904 (XVIII)). CEDEF, du 18 décembre 1979 (ONU doc. A/RES/34/180), précédée par la Déclaration sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, du 7 novembre 1967 (ONU doc. A/RES/2263 (XXII)) ; voir également le Protocole facultatif à la CEDEF, du 6 octobre 1999 (ONU doc. A/RES/54/4). CDE, du 20 novembre 1989 (ONU doc. A/RES/44/25), précédée par la Déclaration des droits de l’enfant, du 20 novembre 1959 (ONU doc. A/RES/1386 (XIV)) ; voir également les deux protocoles additionnels : Protocole concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, du 25 mai 2000 (ONU doc. A/RES/54/263, annexe I) & Protocole concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, du 25 mai 2000 (ONU doc. A/RES/54/263, annexe II). CTM, du 18 décembre 1990 (ONU doc. A/RES/45/158). CPH, du 13 décembre 2006 (ONU doc. A/RES/61/106).

323 CEDR : art. 1er et 5 e) ; CEDEF : Préambule, 3ème considérant ; art. 3 & 10 à 14. Les dispositions de la CEDEF sont cependant nettement plus précises et détaillent les domaines dans lesquels les discriminations sont spécialement interdites.

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l’interdiction de toute discrimination en matière de travail et de conditions de travail (art. 25), la liberté syndicale (art. 26), un droit restreint à la sécurité sociale (art. 27) et aux soins médicaux d’urgence (art. 28), le droit d’accès à l’éducation pour les travailleurs mineurs (art. 30) et, en dernier lieu, le droit au respect de l’identité culturelle des travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 31)324. Quant à la CPH, elle garantit aux personnes handicapées notamment leurs droits à l’éducation (art. 24), à la santé et à la réadaptation (art. 25 et 26), au travail et à l’emploi (art. 27), au niveau de vie adéquat et à la protection sociale (art. 28), ainsi qu’à la participation à la vie culturelle (art. 30) ; elle aspire à lever tous les obstacles (y compris les barrières architecturales) qui privent ces personnes du plein exercice de leurs droits de l'Homme325.

b) Instruments développés sous les auspices des Agences spécialisées

Les conventions particulières adoptées au niveau universel pullulent et posent par cela même la question des limites de la matière des droits de l’Homme326. Dans la mesure où, de par leur activité constitutive, tant l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) que l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO) et l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) se rapportent, respectivement, au droit à la santé, au droit à l’éducation, à la culture ainsi qu’aux bénéfices du progrès scientifique, et au droit d’être à l’abri de la faim, qui sont des droits sociaux fondamentaux également reconnus par le Pacte ONU I, il y sera brièvement fait référence ci-dessous327.

Ceci dit, c’est à l’OIT et à l’UNESCO que revient la part du lion en matière d’activité normative. D’autres Agences spécialisées, comme par exemple l’OMS328 ou la FAO329 préfèrent déployer une activité d’assistance technique

324 SPENLE, Umsetzung (2005), 204, fait noter au sujet de la CTM : « Das neue Wanderarbeiterabkommen schliesslich möchte der Ausbeutung und Rechtlosigkeit, gerade auch im sozialen Bereich, der WanderarbeiterInnen entgegen wirken ».

325 ENNUSCHAT, Behinderung (2012), 717 ss ; COPUR / PÄRLI, Zugang (2013), 2 & 6 ss.

326 WACHSMANN, DH (2002), 20 s.

327 Quant à l’OIT, il en a déjà été question auparavant.

328 Bien que la Constitution de l’OMS prévoie explicitement la possibilité d’élaborer des conventions ou accords, cette faculté n’a pas été employée à des fins de protection des droits de l’Homme. Cf.

HELSING/ CARTWRIGHT TRAYLOR, WHO (1988), 219 s. ; KARTASHKIN, Droits économiques (1980), 138 ; LEARY, Complain (1995), 87 ; LEARY, Health (1993), 490.

329 ALSTON/ EIDE, Right to Food (1988), 250 ; MCDONALD, Food (1993), 476 : Quoiqu’elle n’ait adopté aucune convention en matière de droits de l'Homme, la Conférence de la FAO a, le 28 novembre 1985 à Rome, promulgué le Pacte mondial de sécurité alimentaire (FAO doc. C85/23) qui, dépourvu d’obligatoriété, contient néanmoins des critères moraux et lignes de comportement destinés à soutenir les gouvernements dans leurs efforts pour éradiquer la faim et la malnutrition. Voir également les Directives volontaires de la FAO à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, adoptées en novembre 2004 (Rome 2005, 42 p.). Cf. DENNIS/ STEWART, Justiciability (2004), 501 ss, concernant

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65 sur le terrain330. Cependant, l’exception confirmant la règle, la Déclaration d’Alma-Ata de l’OMS, du 12 septembre 1978, mérite une mention particulière, dans la mesure où elle énonce solennellement les droits et obligations liés à la pleine réalisation du droit à la santé. Hormis une définition large de la

« santé »331, la Déclaration reconnaît à tout être humain des droits et des devoirs participatifs « à la planification et à la mise en œuvre des soins de santé qui lui sont destinés »332, en plus de définir les responsabilités et obligations incombant respectivement aux gouvernements, aux organisations internationales et à la communauté internationale tout entière333.

Mis à part les conventions fondamentales de l’OIT, précédemment évoquées, il sied ensuite de nommer un instrument remarquable de l’UNESCO qui, bien que rarement sollicité en pratique, se rapporte aux droits de l'Homme sur le terrain de l’enseignement. Les principes fondamentaux de l’UNESCO, tels qu’ils ressortent de son acte constitutif, concernent, en effet, le principe de non-discrimination, l’égalité des chances et de traitement, l’accès universel à l’éducation et le principe de solidarité. Il n’est donc pas étonnant de voir cette organisation internationale élaborer très tôt dans son histoire une Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'enseignement (CLDDE)334. Adopté en date du 14 décembre 1960 par la Conférence générale, cet instrument a pour objet non seulement la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement, mais aussi, facette moderne de ce dernier,

la crainte de certaines Agences de multiplier et ainsi d’affaiblir les mécanismes de protection ou de finir par développer des standards et des pratiques contradictoires.

330 A titre d’exemple, SUCHARITKUL, Food (1994), 372, résume les quatre fonctions fondamentales de la FAO de la manière suivante : (1) servir de forum international pour les consultants et experts des Etats membres ; (2) fournir des conseils en politique publique et formuler des principes directeurs (« policy ») à l’égard des gouvernements nationaux ; (3) rassembler, analyser et disséminer l’information et les connaissances techniques dans les domaines de la nutrition et de l’alimentation ; (4) renforcer l’assistance technique et la coopération.

331 Art. I : « La Conférence réaffirme avec force que la santé, qui est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en l’absence de maladie ou d’infirmité, est un droit fondamental de l’être humain, et que l’accession au niveau de santé le plus élevé possible est un objectif social extrêmement important qui intéresse le monde entier et suppose la participation de nombreux secteurs socioéconomiques autres que celui de la santé ». Cf.

DOMENIGHETTI, Salute (1990), 172 : « introduce elementi di percezione soggettiva di benessere dove l’elemento ‘sociale’ sembra essere di tutta rilevanza » ; HELSING / CARTWRIGHT TRAYLOR, WHO (1988), 219 s.

332 Art. IV : « Tout être humain a le droit et le devoir de participer individuellement et collectivement à la planification et à la mise en œuvre des soins de santé qui lui sont destinés ».

333 Voir, notamment, l’art. VI de la Convention d’Alma-Ata du 12 septembre 1978. Cf. GOODWIN-GILL, Obligations (1984), 116.

334 A noter que la CLDDE est complétée par un Protocole instituant une Commission de conciliation et de bons offices chargée de rechercher la solution des différends qui naîtraient entre Etats parties à la Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement, du 10 décembre 1962. Cf. COOMANS, UNESCO (1999), 221 s. ; SINGH, UNESCO (2000), 244 s. & 252.

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la prise de mesures effectives visant à promouvoir l’égalité de chances et de traitement dans un domaine culturel d’une sensibilité particulière335.

Finalement, un autre instrument important de l’UNESCO doit être signalé : il s’agit de la Convention sur l’enseignement technique et professionnel (CETP) du 10 novembre 1989, par laquelle les Etats contractants

« conviennent de formuler des politiques, de définir des stratégies et de mettre en œuvre, en fonction de leurs besoins et de leurs ressources, des programmes et des cursus pour l’enseignement technique et professionnel destinés aux jeunes et aux adultes »336. Qui plus est, cet instrument pertinent, qui consacre un droit se trouvant à cheval entre le droit à l’éducation et le droit au travail, contient également une clause de non-discrimination en matière d’accès à l’enseignement technique et professionnel, de même qu’une clause préconisant l’égalité des possibilités d’études tout au long du processus éducatif337.