• Aucun résultat trouvé

tème, non scientifique, qui met l’homme en situation d’apercevoir la vie dans toute son ampleur, de mettre en évidence une plénitude de sens au cœur même du fortuit, de

Dans le document Dictionnaire de la philosophie russe (Page 179-182)

l’insensé, de l’inutile. dans ses livres Le bien dans l’enseignement du Cte Tolstoï et de F.

Nietzsche(Philosophie et prédication) [dobro v učenii gr. tolstogo i f. nitše (filosofiâ i

propoved’)] (1900) et Dostoïevski et Nietzsche. Philosophie de la tragédie [dostoevskij

i nitše. filosofiâ tragedii] (1903), il lance ses foudres contre le rationalisme, la

mo-rale normative, en particulier l’impératif catégorique kantien, la vision chrétienne de

dieu comme dieu du bien et de l’amour. le d., pour lui, consiste à chercher un dieu

qui soit au-dessus de la compassion et du bien. il admire l’esprit de d. présent dans

l’humanisme de biélinski* et de dostoïevski*, eux qui refusent les « palais de cristal »

de l’avenir, s’ils doivent être édifiés sur le mal et la dysharmonie présentes. c’est le

problème qui se trouve au centre de son livre L’apothéose du déracinement (Essai de

pensée adogmatique) [apofeoz bespočvennosti (opyt adogmatičeskogo myšleniâ)]

(1905). le d. y prend les traits d’un scepticisme radical, du paradoxe, il développe une

Weltanschauung « qui refuse de se construire une vision du monde », rejette les

va-leurs communément admises. le vrai questionnement sur la vie doit se situer en

de-hors des méthodologies et des limitations, quelles qu’elles soient, de la quotidienneté ;

il va de pair avec « le chaos intérieur le plus total ». l’auteur invite à faire l’apologie de

la laideur, de l’échec, à préférer aux limitations le subjectif, l’invérifiable, le fortuit. si

la vérité et le salut sont à chercher ainsi, ce n’est pas un hasard aux yeux de chestov :

la seule condition pour vivre et créer est d’être hors la loi. dans les œuvres des années

1908-1810, le d. est lié, dans l’esprit de chestov, à son intérêt pour l’effroi devant la

mort, seul susceptible d’inciter l’homme à créer, et aussi à croire. aux limitations des

microscopes et de la logique, il oppose les miracles incessants du monde, de la vie, de

la naissance des enfants. le livre Sola fide (1911-1914-1916 ?) est une rupture dans

son œuvre, le passage de l’antirationalisme à l’existentialisme* religieux. c’est la foi,

ici, qui apparaît comme le d. suprême : tout en elle est inexplicable et fantastique, elle

ne peut jamais être exprimée en des termes communs à tous. son sens, son essence

même, est de se passer de tout « support extérieur », même des lois de l’Écriture,

car elles aussi représentent le « sol » qui détourne du salut. tout aussi dépourvus de

« sol » sont la quête de la foi, « l’amour de l’invisible », et enfin, absolument dénué

de tout « sol », paradoxal, est dieu même, qui dispose à son gré de l’homme et des

lois du monde. il donne à l’homme la liberté absolue sans rien demander en échange,

c’est ce qui rend parfaitement naturel le caractère paradoxal de « ceux qui habitent

les confins », de ceux qui s’en vont vers les limites dernières de la vie, dans leur

re-cherche d’une perfection, et de dieu. dans les œuvres suivantes de chestov, la notion

de d. connaît encore de nouveaux développements. « l’arbitraire » de dieu est mis

en rapport avec le fait qu’il échappe fondamentalement à toute explication, qu’il soit

au-delà du bien et du mal, de la vérité et du mensonge. « le d., affirme chestov, est

le privilège essentiel du divin, le plus enviable, et le plus inconcevable pour nous ». le

fait d’être sans fondement, c’est aussi un caractère inamissible de la vie, régie non par

la loi d’autoconservation, mais plutôt par celle d’une « absence totale de fondement ».

elle montre la possibilité d’un monde où règnerait « le chaos absolu dans lequel tout

est également possible ». la mort et la folie sont l’infondé extrême. cette conception

de l’infondé, ch. la pousse si loin qu’il va jusqu’à admettre la possibilité de nier

l’exis-tence de dieu à seule fin d’éveiller l’homme, pour qu’il conçoive ainsi toute la « folie »

de son existence. l’homme ainsi « éveillé à soi-même » n’a plus besoin d’aucun « sol »

« dialecticiens » et « MÉcanicistes »

ni d’aucun point d’appui. cette notion d’infondé, berdiaev* lui aussi l’utilise dans

plu-sieurs de ses affirmations de départ. dans Le sens de la création [smysl tvorčestva]

(1916), il parle de la liberté comme du « fondement sans fondement de l’être », situé

« plus profond que l’être, quel qu’il soit ». ce qui n’est pas sans évoquer la notion de

néant*, mais en fait désigne une énergie absolument non déterminée, insondable, « la

puissance de créer à partir de rien ». dans les œuvres tardives de berdiaev, la liberté

est conçue comme le sein originel de l’être, comme « première par rapport à dieu

et située en dehors de lui ». le « centre existentiel intérieur » de l’homme (la «

per-sonne »), est également dénué de fondement et « premier par rapport à l’être ». de

même, les processus de l’acte créateur sont irréductibles à quelque fondement que

ce soit : « … comprendre l’acte créateur, c’est reconnaître qu’il est sans explication et

sans fondement ».

Études : Šestov l., Apofeoz bespočvennosti, spb., 1905, rééd. M., 2000 ; Šestov l., soč. v

2 tomah, M., 1993 ; berdâev n. a., Filosofiâ svobody. Smysl tvorčestva, M. 1989 ; berdâev

n. a., « o rabstve i svobode čeloveka », in : berdâev n. a., Carstvo duha i carstvo Kezarâ,

M., 1995 ; Zenkovsky, Histoire…, iV, chap. ii, 10-11 ; kourabtsev V. l., « ierusalim l’va

Šestova », in : Vestnik MGU. ser. filosofiâ, 1991, n° 5 ; Istoriâ russkoj filosofii, réd. M. a.

Maslina, M., 2007, 447-456. traductions françaises des œuvres de chestov citées ici : L’Idée

de bien chez Tolstoï et Nietzsche (Philosophie et prédication), p., 1925, 1949, 2000 ; Sur les

confins de la vie. Apothéose du dépaysement, p. 1927, 1929, 1936, 1966 ; Dostoïevski et

Nietzsche. Philosophie de la tragédie, p., 1929, 1936 ; Sola Fide. Luther et l’Église, p., 1957.

V. l. kourabtsev / trad. f. lesourd

«DIALECTICIENS » ET « MÉCANICISTES» – on désigne ainsi les participants

au débat qui s’est développé au cours des années 20 du xx

e

s., et dont l’objet portait sur

la possibilité de faire coexister la conception philosophique du monde avec le savoir

propre aux sciences de la nature, la méthodologie philosophique globale et les

métho-des particulières de la connaissance scientifique. le prétexte immédiat au

déclenche-ment du conflit est dû à la publication, en 1924, d’un article – publié peu après sous

forme de livre – d’i. stépanov** (skvortsov) : « le matérialisme historique et les

scien-ces contemporaines de la nature » [istoričeskij materializm i sovremennoe

estestvoz-nanie], qui donna lieu à un certain nombre de comptes-rendus (ia. sten entre autres,

parmi les philosophes, bientôt rejoints par des chercheurs du domaine scientifique).

une série de débats furent organisés dans les établissements d’enseignement supérieur

et dans les institutions scientifiques. les clans en conflit avaient à leur tête stépanov

et déborine*, les partisans du premier se faisant appeler « Mécanicistes », ceux du

second, « dialecticiens ». stépanov, à vrai dire, désignait ses adversaires du terme de

« formalistes », les mettant sur le même plan que les tenants de la Naturphilosophie.

pour ce qui est du terme « mécaniciste », il entendait désigner la tendance à mettre

au jour le mécanisme des phénomènes, les relations réciproques entre les éléments

qui les constituent. dit dans une langue plus contemporaine, il s’agissait de donner

la priorité aux éléments (au lieu de privilégier le système). stépanov, a. timiriazev

(cf. sciences*) et d’autres parmi leurs partisans soutenaient que les principes

phi-losophiques n’étaient que des déductions tirées des sciences, qui ne peuvent servir

d’argument dans la recherche. partant de là, non seulement la connaissance des lois

fondamentales de la dialectique n’exempte pas d’une investigation minutieuse de

l’ob-jet, mais encore les philosophes sont tenus de raffiner leur méthodologie en se tenant

informés des acquis les plus récents des sciences. en insistant toutefois sur ce point,

« dialecticiens » et « MÉcanicistes »

les « M. » prêtaient le flanc aux reproches qui leur étaient faits de rabattre l’universel

sur les minuties de détail et de sous-estimer la valeur de la méthodologie

philoso-phique. soulignant la primauté de l’analyse inductive en philosophie (ce qui, sur le

plan des simples faits était justifié), ils transportaient la situation donnée sur le plan

théorique de l’enquête philosophique, affaiblissant par là même le rôle de la déduction

dans la connaissance. aux yeux des « M. », à la méthodologie générale venaient

s’in-tégrer la méthode analytique, la réduction du complexe au plus simple, la recherche

des enchaînements régis par la causalité, l’observation et l’expérience. tout en se

dé-fendant à maintes reprises de soutenir que leurs principes aient quelque rapport avec

l’idéologie mécaniste des xVii

e

et xViii

e

s., stépanov et ses partisans ne pouvaient se

soustraire au procès qui leur était fait d’aligner toutes les formes de mouvement de

la matière sur un schème mécaniste et de se refuser à admettre la différence

spécifi-que existant entre les systèmes physispécifi-que, chimispécifi-que et biologispécifi-que. ramenant, comme

ils le faisaient et comme ils le postulaient, les phénomènes de la vie à des processus

physiques et chimiques, ils se condamnaient inévitablement à sous-évaluer les traits

qui les caractérisent en propre. si flous toutefois qu’aient pu paraître les arguments

philosophiques mis en avant pour soutenir l’idée qu’ils se faisaient de la corrélation

entre les formes supérieures et les formes inférieures du mouvement de la matière, les

partisans de cette position se sont trouvés, dans la pratique, bien plus proches de la

tendance qui travaillait de l’intérieur les sciences naturelles – et tout particulièrement

de la biologie –, à cette étape de leur développement, que les tenants des positions

opposées, dans la mesure où leurs préoccupations les conduisaient à approfondir les

liens existant entre le savoir philosophique et celui des sciences naturelles. soulignant

à juste titre les traits propres du savoir philosophique par rapport au savoir

scienti-fique, l’impossibilité de le réduire aux résultats obtenus par les sciences naturelles et

le rôle majeur joué par la méthodologie philosophique, défendue pour son aptitude

générale à la synthèse dans la connaissance, déborine et ses disciples ont été

ame-nés plus d’une fois à surévaluer l’importance du caractère universel de cette méthode

dans l’exploration des phénomènes concrets de la nature. ce qui conduisait à faire de

la dialectique la seule méthode acceptable dans les sciences de la nature, toutes les

autres n’étant guère plus que son application concrète. la mécanique, écrit par

exem-ple déborine, ne constitue qu’« un cas spécial de la dialectique ». l’insistance mise

par ce dernier à défendre cette thèse a suscité contre lui le reproche de trop céder à

la pente formaliste, de soustraire la philosophie à la pratique des sciences et d’ignorer

la dépendance de la méthodologie générale à l’égard du développement des sciences

particulières. Quant à la corrélation entre les formes du mouvement de la matière,

déborine soutenait à la fois la réduction et la non-réduction des formes supérieures

aux formes inférieures ; elles s’y réduisent quant à leur origine, mais non quant à leur

forme, à leur qualité propre ; toutefois, tout comme certains de ses partisans, il ne

délimitait pas nettement dans la pratique les nuances de sens qui interviennent dans

le concept de réduction. si bien que la critique à laquelle ils soumettaient ce concept

leur a souvent valu l’imputation de nier tout lien – structural et génétique – entre le

biologique et le physico-chimique, ce qui servi de prétexte aux « M. » pour accuser

les « déboriniens » de conférer un caractère absolu aux traits propres de la vie, de

séparer nettement le vivant du non-vivant, bref de succomber au vitalisme. le débat

a porté également sur bien d’autres questions de la théorie philosophique : le concept

de matière, la corrélation entre les concepts de « société » et de « nature biologique »,

Dans le document Dictionnaire de la philosophie russe (Page 179-182)

Outline

Documents relatifs