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colonne et le fondeMent de la VÉritÉ (la)

Dans le document Dictionnaire de la philosophie russe (Page 144-148)

cœur » traduit « la dynamique ténébreuse de l’âme », pour laquelle « la fin justifie les

moyens ». séparée du c., l’imagination est un jeu vide et stérile, une « imposture de

l’esprit ». À partir du moment où ils ont pris leurs distances à l’égard du c., tous les

organes spirituels sont stérilisés, ils dépérissent et travaillent non pour le bien mais

pour le mal de l’homme et de l’humanité. pour ilyine, la culture, séparée du c. (il

dési-gne par là la culture occidentale, soumise à l’idéologie rationalisante et

technocrati-que) est « une culture gravement malade », une culture faite de « pierre et de glace »,

autant dire le contraire de la culture au sens plein du terme, une « civilisation

miséra-ble » qui s’est depuis longtemps fourvoyée dans une « direction vouée à l’échec ».

outre « une religion du cœur », « une gnoséologie du cœur » et « une éthique du

cœur », ilyine en vient à développer « une sociologie du cœur » dotée de traits

spécifi-ques. dans l’ouvrage intitulé Le Crépuscule des idoles [krušenie kumirov] frank traite

de la sphère des sources spirituelles de la vie régie par un agencement rigoureusement

ordonné (non moins fiable que dans le monde physique) et que « pascal appelait…

« l’ordre » du cœur humain ». cet « ordre du cœur » ne peut être impunément

en-freint, car « il conditionne le degré d’élévation réfléchie et de consistance de notre

équilibre spirituel et, partant, de tout notre être » (Œuvres [soč.], M., 1990, p. 175).

l’œuvre de rozanov est remplie d’énoncés percutants, paradoxaux parfois, sur « les

révélations du cœur ». dans leur doctrine qu’ils qualifient d’« Éthique vivante »**

(Agni-Yoga [agni-Joga], novosibirsk, 1990), n. et e. rœrich* considèrent le c. comme

le centre de l’énergie brûlante (psychique) de l’homme et comme le vecteur qui ouvre

sur les régions subtiles du cosmos. les vérités suprêmes ne sont pas atteintes par

l’in-tellect mais par le « sentiment » issu de « l’intuition du cœur ». « ce n’est pas à

l’ins-truction, ni au savoir-faire procuré par l’expérience, ni aux talents innés, c’est au feu

rayonné par le sentiment qu’on doit la voie qui mène directement à Chambala » (le

lieu où réside les Mahatma, les maîtres spirituels de l’orient) (Agni-Yoga, p. 159).

« allumer son cœur » (n. rœrich) signifie « devenir le collaborateur des forces

lumi-neuses du cosmos » et contribuer à l’évolution spirituelle du monde dans lequel nous

vivons. c’est précisément au c. des hommes que d. andreïev* a dédié sa Rose du

mon-de [roza mira]. les forces providentielles, guides spirituels de l’humanité, avaient

droit, selon lui, au titre d’« amis invisibles de notre cœur ».

Études : kireevskij i. V., Kritika i èstetika, M., 1979 ; homâkov a. c., Bogoslovskie i

cerkovno-publističeskie stat’i, pg., 1915 ; florenskij p., Stolp i utverždenie istiny, in : Soč. v 2

t., M. 1990, i ; Ûrkevič p. d., « serdce i ego snačenie v duhovnoj žizni čeloveka, po učeniû

slova božiâ », in : Filos. proizv., M. 1990 ; Vyšeslavcev b. p., « serdce v hristianskoj i indijskoj

mistike », in : Voprosy filosofii, 1990, n° 4 ; du même auteur, Ètika preobražennogo Èrosa,

M., 1994 ; il’in i. a., Put’ k očevidnosti, M., 1993 ; du même auteur, Poûĉee serdce. kniga tihih

sozercanij, in : Soč. v 2 t., M. 1994, ii ; rerih i., Zažigajte serdca, M., 1990 ; du même auteur,

Agni-joga. Mir ognennyj, novosibirsk, 1990 ; du même auteur, Serdce, M. 1992 ; strel’cova

G. Â., « Metafizika serdca », in : strel’cova G. Â., Paskal’ i evropejskaâ kul’tura, M., 1994 ;

tarasov b. n., Myslâĉij trostnik. Žizn’ i tvorčestvo Paskalâ v vospriâtii russkih filosofov i

pisatelej, M. 2004.

G. ia. streltsova / trad. p. caussat

COLONNE ET LE FONDEMENT DE LA VÉRITÉ (La). Essai de théodicée

ortho-doxe en douze lettres – œuvre capitale de florenski*. le titre du livre reproduit les

paroles de saint paul : « … afin… que tu saches comment te conduire dans la maison

de dieu, qui est l’Église du dieu vivant, colonne et fondement de la vérité » (1 tim.

3,15). comme l’indique le sous-titre, cet ouvrage est une théodicée*, c’est-à-dire une

colonne et le fondeMent de la VÉritÉ (la)

justification de dieu dans un monde où le mal existe. ce travail connut plusieurs

rédactions successives, de 1908, époque où l’auteur achevait ses études à l’acad. de

théologie* de M. et terminait son mémoire « de la vérité religieuse », jusqu’en 1914,

année où fut publiée la version intégrale du livre, aux éditions « pout », dans laquelle

entrèrent toutes les versions antérieures, y compris des passages lyriques. florenski

s’opposait à « la pensée antireligieuse moderne » (« colonne du Mal ennemi de

dieu »), l’attachant au nom de kant : après sa théodicée, il estimait indispensable

d’écrire une anthropodicée – une justification religieuse de l’homme. À cette

anthro-podicée, intitulée Sur les lignes de partage des eaux de la pensée [u vodorazdelov

mysli], restée inachevée, florenski travailla en gros de 1910 à 1929. tout au long des

lettres qui constituent la Colonne…, il s’adresse à des êtres très chers – l’ami (s.

troïtski) et le starets** – (abba isidore, hiéromoine du skite** de Gethsémani). dans

sa lettre à V. kojévnikov** du 27 juillet 1912 il définit sa théodicée comme «

achève-ment de la catharsis », « mon âme enfin purifiée de toute modernité ». dans cette

œuvre, florenski réfléchit sur certains problèmes théologiques fondamentaux, dans

le contexte de la tradition chrétienne orientale (orthodoxe), mais en accordant une

grande attention à leurs implications philosophiques. il s’était donné pour tâche de

réaliser une nouvelle fusion de la théologie, de la philosophie et de la science. le sujet

de la pensée philosophique, pour florenski, est un « je méthodologique »,

antinomi-que, c’est-à-dire ni psychologiantinomi-que, ni impersonnel, mais concret et personnel et

« dont les énergies propres sont en confluence avec celles de l’objet », s’efforçant de

voir celui-ci dans son intégralité et de discerner ce qu’il a de typique dans ses

parti-cularités individuelles – ce qui s’apparente à la « création artistique ». ces lettres

po-sent le problème de la vérité. les quatre premières étudient ses diverses conceptions

en philosophie (réalisme, rationalisme, etc.) et en théologie (sérapion Machkine**,

séraphin de sarov* etc.), ainsi que les différents critères qui permettent de la définir.

il en arrive à la conclusion que la Vérité, si elle est, est antinomique (cf. antinomisme*)

– à la fois donnée dans l’intuition et connaissable par la raison, c’est-à-dire « à la fois

intuitive et discursive ». les termes qui la décrivent sont eux aussi antinomiques :

« infinitude finie », « mouvement immobile », etc. la Vérité, « c’est l’unité dans la

totalité » ou encore « une seule essence en trois hypostases ». la doctrine de florenski

se rapproche ainsi de la métaphysique de l’unitotalité*. dans la 3

e

lettre (« tri-unité »)

cette conception de la Vérité comme trinité s’appuie principalement sur les œuvres

des pères de l’Église et sur l’analyse du concept de « foi ». florenski n’est pas un

dia-lecticien, mais un apologiste de la Vérité : « ou bien on se met en quête de la trinité,

ou bien on est voué à mourir dans la démence ». son antirationalisme religieux le

rapproche de tertullien, de Grégoire de nysse, de léon chestov*… la connaissance

de la Vérité (4

e

lettre, « lumière de la vérité »), c’est « l’entrée de dieu en moi… et de

moi en dieu ». l’acte de connaissance est ontologique : celui qui accomplit l’acte de

connaître est, tout à fait réellement, projeté hors de lui-même, et d’autre part l’objet

de la connaissance entre en lui, ce qui trouve son expression dans l’amour et la foi.

une thèse gnoséologique est à la base de ce livre : « c’est la vérité qui fait que la

rai-son est rairai-son, et non la rairai-son qui fait que la vérité est vérité ». la voie du

scepticis-me, pour florenski, ne mène pas à la vérité. ce qui y mène, c’est l’expérience

spiri-tuelle personnellement vécue. elle conduit, non pas simplement à reconnaître la

vé-rité, mais également son caractère tri-unitaire, à reconnaître qu’elle est « une seule

essence en trois hypostases ». la vérité, loin d’être une abstraction, doit être un sujet

colonne et le fondeMent de la VÉritÉ (la)

doué de vie et d’amour, car c’est à cela qu’aspire notre cœur. en reconnaissant l’amour

comme ce qui constitue la vie intérieure de la vérité, nous sommes nécessairement

amenés à reconnaître le caractère tri-unitaire de la vérité, où l’amour s’accomplit

comme le rapport du Je au Tu par la force de l’esprit qui est amour. la vérité que

notre cœur a une telle soif de connaître, c’est le sujet le plus haut de l’amour, et

l’amour, comme tel, a par lui-même un pouvoir de conviction, il est source de foi.

aussi, pour appréhender et concevoir adéquatement le caractère tri-unitaire de la

vérité, il faut obligatoirement atteindre à l’unité de la raison et de la foi. « s’étant

abandonné en toute confiance et ayant cru que c’est là, dans cet effort, que se trouve

la vérité, la raison doit renoncer à rester limitée dans les bornes de l’intellect, refuser

le caractère clos des constructions purement intellectuelles et avoir recours à une

nouvelle norme – devenir une raison nouvelle. c’est ce qui nécessite le dépassement

de soi, la prouesse [podvig]**, en toute liberté ». sous la forme de la raison

raison-nante, la raison est vouée à périr, son renouvellement signifie se libérer de la

suffi-sance de l’intellect, c’est-à-dire du rationalisme. le rationalisme de tolstoï* et son

exigence d’une « foi raisonnable », florenski les voyait comme un « orgueil

diaboli-que » ; c’est « une fronde contre dieu, fruit monstrueux de l’égoïsme humain, qui

veut se soumettre jusqu’à dieu même ». la raison se trouve placée en situation de

faire un choix spirituel fondamental : ou bien rester dans l’incroyance et l’ignorance

de la vérité, ou bien prendre le risque de choisir la foi, sans aucune garantie que ce

risque en vaille la peine, mais avec l’espoir de se retrouver de l’autre côté du gouffre,

de faire le partage entre la foi et l’incroyance et par là même trouver la vérité.

finalement c’est la vérité elle-même qui nous pousse à la chercher, qui nous conduit

à elle par le chemin de cette recherche, nous incite à nous oublier nous-mêmes dans

l’amour, à laisser nos doutes et à cesser de nous prendre pour le centre de l’univers.

l’antinomisme est central dans la gnoséologie de florenski. il analyse dans la 6

e

lettre

(« contradiction ») les concepts de « contradiction » et d’« antinomie » dans

l’his-toire de la philosophie. c’est l’une des qualités essentielles aussi bien de la vérité en

général que de la vérité religieuse en particulier. tout jugement, quel qu’il soit, dans

lequel nous tentons de la formuler, fait inévitablement apparaître une contradiction.

et pourtant « nous ne pouvons ni ne devons replâtrer les fissures des contradictions

avec nos philosophèmes ! Que la contradiction reste aussi profonde qu’elle l’est. si le

monde connaissable est traversé de fissures et que nous ne pouvons, dans les faits, les

éliminer, nous ne devons pas non plus les masquer ». la vérité est antinomie et pour

cette raison, la méthode dont se réclame florenski est la dialectique, qu’il conçoit

comme une pensée vivante, intégrale, en devenir, assumant toutes les vivantes

contradictions de l’être. les multiples vérités contradictoires sont des savoirs sur la

Vérité (avec une majuscule). son caractère antinomique est bénéfique et fécond,

parce qu’ainsi elle renferme en elle-même toutes les affirmations contraires,

éven-tuellement hostiles, qui peuvent lui être opposées, et sont ainsi neutralisées d’avance.

adopter un pareil point de vue, si incommode pour le bon sens, oblige à faire effort

sur soi-même. Mais sans prouesse, il n’est pas de vie spirituelle. notre intelligence se

doit d’accomplir cette prouesse : renoncer à soi-même dans la foi. « l’acte par lequel

l’intelligence renonce à elle-même est l’énoncé de l’antinomie. et réellement

l’antino-mie est la seule chose à laquelle on peut croire ». si le dogme est vérité, alors il doit,

même lui, être une antinomie. le péché et le mal, qui fractionnent le monde et l’être

de l’homme, procèdent eux-mêmes de la contradiction – Mort se nourrissant de la

colonne et le fondeMent de la VÉritÉ (la)

Vie (le diable étant le étant, puisque dieu est tout). tel est aussi le péché :

non-étant, anéantissant et stérile. ce qui est par excellence le péché, en l’homme, ce sont

l’athéisme, le matérialisme, la « ratiocination nue », qui rend toute chose « plate et

banale » et particulièrement l’amour de soi, « auto-affirmation perverse ». dans la 8

e

lettre (« la Géhenne »), florenski évoque sa propre expérience spirituelle de la «

gé-henne » (« l’état de péché à son degré suprême », qui est aussi, par antinomie, le

« degré inférieur du spirituel »), – cette période où il fut aux frontières d’une terrible

nuit sans la moindre lueur (le salut étant venu plus tard). la « géhenne », ce sont les

vibrations de l’« âme enténébrée » qui l’empêchent de voir la « colonne de la Vérité ».

« là-haut, dans la Jérusalem céleste, ils [le mal et le péché] n’existent plus ; ici-bas, en

revanche (dans ce monde-ci, celui de la nature), la contradiction est en toutes

cho-ses ». pourtant, florenski rappelle que dans le christianisme, la vie éternelle est

pro-mise non seulement à l’âme, mais aussi au corps. au-delà du corps ontologiquement

superficiel florenski entrevoit « la profondeur mystérieuse de notre être », et c’est le

cœur* qui est reconnu comme le centre de la spiritualité de l’homme. dans la 9

e

lettre (« créature ») le thème essentiel est celui du corps de l’homme et de la

créa-ture. celle-ci, comme telle, est aimée de dieu (et elle-même répond à son amour), et

même les démons et les diables méritent une forme de « tendresse ». dans la postface,

florenski revient sur la totale antinomie de l’être, l’existence de la raison n’étant

pos-sible qu’en vertu de l’existence de la sainte trinité. « À travers les fissures béantes…

de la raison s’aperçoit l’azur de l’Éternité ». ce qui peut surmonter la contradiction,

ce n’est pas l’édification d’une société meilleure ni les déductions des philosophes,

mais « la vérité et l’amour de la lumière au triple rayonnement, montré par le christ

et reflété dans son Église et ses justes ». pour cela il faut river son clou à l’intellect,

rompre le cercle logique de ses concepts définitifs et entrer dans une nouvelle sphère

– celle de l’infini, de ce qui est inaccessible à l’intelligence et pour elle absurde. ce

type de prouesse, les mathématiques l’ont accompli, avec l’introduction des nombres

irrationnels. c’est aussi ce que doit faire la philosophie, devenant philosophie de la

prouesse créatrice – celle de la pensée qui cherche et qui trouve le nouveau,

l’im-pensé. dans la 2

e

partie du livre « Éclaircissements et démonstration de diverses

par-ticularités, présupposées dans le texte comme déjà prouvées ») florenski complète le

texte de base de sa théodicée en considérant l’infini en puissance et en acte, le lien de

l’irrationnel en mathématiques et du dogme, la dialectique de la vie et de la mort,

l’identité du destin et du temps, la spiritualité mystérieuse du cœur, le sens du terme

« antinomie » etc. ainsi, le principal « objet » de la connaissance est la Vérité,

(c’est-à-dire la sainte trinité) et le chemin qui conduit à elle. et sa Colonne est avant tout

l’Église. c’est pourquoi, dès son adresse « au lecteur », la visée de florenski était

l’ecclésialité [cerkovnost’], vue comme « repos suprême » et « vie nouvelle » dans

l’esprit, la meilleure forme d’ecclésialité étant celle de l’orthodoxie, et non celle du

catholicisme avec son « fanatisme du canonique », ni celle du protestantisme, avec

son « fanatisme du scientifique ». dans la 11

e

lettre (« amitié ») l’amitié sincère était

définie comme « contemplation de soi à travers l’autre en dieu », son absence

confi-nerait à l’absence de dieu. elle n’est pas seulement psychologique ni éthique, mais à

la fois ontologique et mystique. c’est elle qui a été la « molécule » de la communauté

chrétienne et a constitué cette « parcelle du corps du christ » qu’est l’Église. À la

Colonne florenski rapporte une multitude de phénomènes spirituels, l’Église mais

également la Sophia. (cf. sophiologie*). c’est à la Sophia, spiritualité originelle de la

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