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Savoirs écologiques et rizicultures dans la plaine alluviale du Brahmapoutre Brahmapoutre

processus de résilience socio-écologique

4.2 Savoirs écologiques et rizicultures dans la plaine alluviale du Brahmapoutre Brahmapoutre

La culture du riz est la principale activité des Mising dans les trois zones d’études : Bokakhat, Majuli, Dhakuakhana. Les paysans de la communauté pratiquent plusieurs types de culture de riz (le ahu, le bao, le sali et le boro) ce qui leur permet de s’adapter au milieu dynamique de la plaine alluviale du Brahmapoutre. Les productions dépendent de l’usage de différents systèmes de culture adaptés à la texture du sol (Figure 21), à sa contenance en matière organique et à la disponibilité en eau. Si les conditions du milieu sont maîtrisées, les tâches se déclinent dans toutes les étapes d’une filière de production (préparation des parcelles, semence, repiquage, moisson, stockage, cuisson) permettant de nourrir la famille. Les variétés de riz cultivées et la production de bière de riz consommée au quotidien contribuent à forger les particularités culturelles des communautés de la plaine alluviale.

L’objectif de ce paragraphe est de montrer comment la mise en place de plusieurs types de pratiques rizicoles fondées sur des savoirs écologiques « traditionnels » parvient à assurer l’adaptation des mising aux aléas hydrologiques du Brahmapoutre et donc la résilience du système socio-écologique dans lequel interagissent les Mising et le fleuve. Tandis que les techniques « modernes » s’avèrent plus productives, mais plus exigeantes lorsqu’il s’agit de les maintenir dans un milieu dynamique. Pour cela, nous présentons ici brièvement l’histoire de la diffusion des savoirs écologiques de la culture du paddy, puis nous réalisons une étude systématique pour définir et classifier les différents types de culture (ahu, bao, sali et boro) et les variétés exploitées par les cultivateurs mising. Processus de diffusion des savoirs écologiques de la culture du riz

Lucien Bernot (1975 : 105) présentait la culture du riz de la manière suivante :

« En Asie du Sud-Est, le riz est cultivé soit dans l’eau, soit sur le sol mouillé par les eaux de pluie (nous dirons « rizière humide » et « rizière sèche » - ou bien « riz humide » et « riz sec » pour ces deux types de culture). Le riz humide est cultivé surtout dans les deltas et les plaines basses, là où sont les villes, les routes, les temples bâtis en dur dans lesquels de grandes religions sont prêchées à des populations ayant une écriture. Le riz sec est cultivé surtout dans les collines, là où les populations vivent dans des villages reliés entre eux par des sentiers, où l’animisme et les sacrifices d’animaux sont toujours pratiqués, où la langue n’est pas écrite ».

Cet extrait pourrait tout aussi bien décrire la répartition des pratiques rizicoles du nord-est de l’Inde, où l’on observe également des différences entre les collines et la plaine. Toutefois, on ne peut les opposer,

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car le « riz sec » peut être cultivé dans la plaine et le « riz humide » dans les montagnes, comme nous le montrons dans ce chapitre. Bernot (1975) présente deux théories sur l’origine et la diffusion des savoirs écologiques de la culture du riz (Oriza sativa) en Asie.

Une première théorie postulait que la culture du riz sec cultivé sur les essarts113 de montagnes serait antérieure à la culture du riz humide pratiquée dans la plaine. Au début de leurs carrières, les agronomes des pays tropicaux, dont Pierre Gourou et René Dumont (Dumont 1935 ; Gourou 1965 ; cf. Dufumier 2002), postulaient que le riz, initialement une simple graminée sauvage, aurait été découvert dans les tarodières114. Elle aurait peu à peu été sélectionnée et domestiquée pour être cultivée par les sociétés des plaines, de l’Asie orientale à l’Asie du Sud. Ces sociétés auraient bénéficié d’une présupposée « évolution » (Bernot 1975 : 105).

D’après Bernot (1975 : 105) :

Pour tous les évolutionnistes, ce riz sec, riz des « sauvages », ne pouvait être qu’antérieur au riz humide, riz des « civilisés » ; le dernier riz venait tout simplement du précédent. On aurait commencé à cultiver le riz sec, puis par « évolution », on serait passé au riz humide.

Une seconde théorie, soutenue par Haudricourt et Hédin (1987), Ferlus (1996), Trébuil et Hossain (2004 : 35-79) envisage le processus de diffusion inverse : le « riz d’essart » ou « riz sec de montagne », dit upland rice115 en anglais, qualifié de « pluvial » en français, aurait été cultivé plus tardivement que le riz humide. Ce dernier aurait d’abord été domestiqué dans les plaines et sa culture intensive se serait développée dans les deltas, pour être ensuite diffusée dans tout le monde tropical.

Selon Pierre Gourou (1984), dans son ouvrage « Riz et civilisation », le riz n’a pas donné naissance aux civilisations chinoise et indienne :

Les grandes civilisations asiatiques ne sont pas nées par le riz, et des peuples aux civilisations moins avancées cultivent de bonnes rizières. Ces civilisations avaient pris forme bien avant que la technique de la riziculture n’y acquît le rôle qu’elle allait y jouer par la suite. Il n’en est pas moins vrai que le riz a conditionné, voire façonné, les rites et

113 Le terme d’« essart » fut adopté par Barrau en 1972 pour désigner le champ sur défriche- brûlis. L’essartage correspond à l’ancienne expression de « culture itinérante sur brûlis » (Barrau 1972). Le terme d’essart désigne l’action de défricher. L’essart est obtenu généralement par défrichement du flanc d’une colline forestière.

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Les tarodières sont les champs dans lesquels on cultive le taro (Colocasia). Ces tubercules appelés kochu (ms.) ont longtemps été la base de l’alimentation des Mising avant d’être remplacés par le riz. Ils en consomment toujours de manière complémentaire au riz, comme nous l’avons constaté dans les villages étudiés. Certaines rizières sont toujours cultivées en association avec des variétés de Taro (Colocasia) et ce tubercule continue à jouer un rôle dans les rituels dédiés à la prospérité des productions.

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L’Upland rice correspond au riz cultivé dans un écosystème pluvial avec absence totale de submersion d’après la classification internationale complète des écosystèmes rizicoles fondée sur l’hydrologie générale de surface (Khush 1984). Cette catégorie correspond au « riz pluvial » tel que classifié par Trébuil et Hussain (2004).

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les structures sociales de ces civilisations par ses exigences propres, notamment une forte disponibilité de main-d’œuvre et une complète maîtrise du milieu » (Gourou 1984 : 8).

Fuyant l’oppression des États de la plaine, les peuples qui se réfugièrent dans les montagnes des zones subtropicales, des marches du Tibet au sud-ouest de la Chine jusqu’à l’Himalaya oriental en Inde, se seraient appropriés la graminée et l’auraient cultivé sur des essarts, tout en adaptant leurs techniques (Leach 1954).

Typologie des systèmes rizicoles dans les villages de Bokakhat, Majuli et Dhakuakhana : une diversité de pratiques au service de la résilience des systèmes socio-écologiques

Qu’il s’agisse de riz humide ou de riz sec, cette plante pousse toujours sur un sol aménagé : l’essart, la rizière ou le champ de riz (Abé 1995). Ces types de culture dépendent des écosystèmes disponibles, transformés pour devenir des agro-écosystèmes auxquels on associe des variétés de riz adaptées aux conditions préparées par les agriculteurs. En effet, même si le riz montre d’importantes capacités d’adaptation, les grains ne sont pas semés au hasard par les cultivateurs qui sélectionnent et choisissent les variétés les plus adaptées au milieu. Chaque variété de riz ne peut se développer que dans des conditions agro-écologiques spécifiques. Pour mieux les comprendre, nous présentons ici une typologie des rizicultures pratiquées selon les variétés de riz cultivées par les villageois mising.

Établir une classification des types de culture du riz pratiquée dans la plaine alluviale du Brahmapoutre nécessite de prendre en compte : les classifications populaires, les conceptions qu’ont les habitants de leur terre et les pratiques qu’ils y exercent ; les classifications et les conceptions de l’administration territoriale, fondées sur des critères agronomiques, écologiques et techniques ; mais également, celles des scientifiques. Yoshio Abé (1995), par exemple, a établi une classification des types de culture du riz fondée sur les différences de conditions écologiques. Il prend en compte : le caractère des terrains, les pratiques culturales, la distribution de l’eau par rapport à la terre. Il suggère que le terme de « rizière » soit réservé aux terres à riz humide, c’est-à-dire une terre à riz recouverte d’une lame d’eau pendant une bonne partie de la période de culture (Abé 1995 : 21). On peut ainsi distinguer deux catégories selon la présence ou non d’eau dans le champ : les terres à riz sec – les champs (bari, as.) et les terres à riz humide – les rizières (kheti, as.).

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Au cours de notre enquête dans les villages de Bokakhat, Majuli et Dhakuakhana, nous avons réalisé des entretiens avec les cultivateurs afin de déterminer les systèmes de riziculture pratiqués et les variétés employées. Pour se familiariser avec les techniques, nous avons aussi participé aux activités agricoles, du repiquage à la moisson. Selon les terminologies assamaises, nous pouvons distinguer quatre systèmes de riziculture dans les zones d’études qui correspondent à la classification établie par Khush (1984) en anglais et par Trébuil (2004) en français, présentés dans le tableau 14 :

1- Le ahu (as.), guni (ms.) classifié dans la catégorie des up land, est un système de culture du « riz pluvial » qui se pratique dans la plaine sur des champs permanents et secs alimentés par les précipitations de prémousson (terre à riz semi-sèche, champ de riz).

2- Le bao (as.), classifié dans la catégorie deep water, est un système de culture du riz « à submersion profonde » qui se pratique dans les marais ;

3- Le sali (as.), amdang (ms.), classifié dans la catégorie rainfed, est un système de culture du riz qui se pratique dans la plaine alluviale dans des rizières « inondées » (rizières ou riziculture humide). 4- Le boro (as.), classifié dans la catégorie irrigated, est un système de culture du riz qui se pratique dans des rizières « irriguées ».

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Tableau 14 : Relation entre caractéristiques des agro-écosystèmes et types de riziculture. Principales variétés de riz pour chaque type de systèmes rizicoles. Source : données collectées sur le terrain de 2007 à 2011, et données adaptées de Catling 1992 ; Singh et al. 2000, Trébuil 2004.

Type de culture de riz / Caractéristiques de l’agro-écosystème Ahu Riziculture sèche Riz pluvial Sali Riziculture humide Riz inondé Bao Riziculture humide à submersion profonde Riz flottant Boro Riziculture humide Riz irrigué Ecosystèmes Rizicoles majeurs Rapport à l’eau Pluvial : Absence totale de submersion, dépend des précipitations Inondé :

Le riz est cultivé dans des parcelles entourées de diguettes et dépend des précipitations pour être inondé pendant la période végétative du riz.

Submergé : Le riz flottant à submersion profonde est cultivé dans des marais où la hauteur de l’eau peut varier de 50 cm à deux mètres de juin à septembre.

Irrigué :

avec maîtrise de l’eau plus ou moins élevée Le riz irrigué est cultivé sur des

parcelles entourées de diguettes. Les cultivateurs essayent d’y maintenir 5 à 10 centimètres d’eau pendant la période végétative. Terminologie de Khush 1984

Upland Rainfed lowland Deep water Irrigated

Illustration Source : IRRI

Saison de culture Semé en février Récolté en Juin Pépinière en juin, Repiqué en juillet, Récolté en octobre-novembre Semé en Janvier Récolté en novembre Pépinière en février Repiqué en mars Récolté en juin Durée en journées de culture. De 80 à 130 De 150 à 180 De 240 à 300 De 120 à 130 Caractère Insensible au photopériodisme. Sensibilité au photopériodisme. Floraison vers le 15 octobre, récolte vers le 15 novembre.

Sensibilité au photopériodisme. Floraison vers le 15 octobre, récolte vers le 15 novembre.

Insensible au photopériodisme.

185 Caractéristiques et

morphologie des plantes de riz par écosystème Hauteur : 130 cm 5-8 panicules /plante. 100 - 125 grains / panicule. = 500 à 1000 grains/ plante Hauteur : 130 cm 6-10 panicules /plante. 150-200 grains / panicule. = 900 à 2000 grains/ plante Hauteur : de 90 à 300 cm 5-7 panicules / plante. 70 -100 grains / panicule. = 350 à 700 grains/ plante Hauteur : moins de 90 cm 10-12 panicules / plante. 200-250 grains / panicule. = 2000 à 3000 grains/ plante Risques Inondation ou

sécheresse trop longue Manque de fertilité des sols

Vulnérable aux parasites et aux épidémies.

Exige un sol acide et de hautes terres.

Inondation ou

sécheresse trop longue Vulnérable aux parasites et aux épidémies.

Inondation ou

sécheresse trop longue Vulnérable aux parasites et aux épidémies.

Inondation ou

sécheresse trop longue Vulnérable aux parasites et aux épidémies. Mauvaise gestion de l’irrigation. Aménagements nécessaires Aucun

Crues favorables après la récolte, pendant la saison des pluies, pour enrichir le sol.

Bonne maîtrise de l’eau :

Digues

pour protéger les rizières et diguettes qui entourent les parcelles

Aucun Bonne maîtrise de

l’eau :

Digues pour protéger les rizières et diguettes qui entourent les parcelles,

canaux d’irrigation Pompe à eau, Avantages Tige très résistante

Système racinaire très développé : racines épaisses et profondes Résistances multiples aux ravageurs et aux maladies. Tolérance à la sécheresse. Durée de culture relativement courte. Tolérance au froid, variétés précoces. Variétés de riz hautement nutritives appréciées par les Mising.

Tige résistante Toutes les talles portent une panicule. Système racinaire très développé Résistances multiples aux ravageurs et maladies. Résiste à la submersion de la plante. Durée de culture relativement courte. Bon rendement. Variétés parfumées et gluantes telles que le

Bora, le Lahi et le Joha

très appréciées et employées lors des fêtes et des rituels.

Longues feuilles vertes foncées,

Entre-nœud allongé lors de l’inondation profonde,

Racines et talles sur nœuds supérieurs, Développement précoce des racines. Résistances multiples aux ravageurs et maladies Résiste à la submersion lors d’inondations supérieures à 2 mètres. Cultivable dans des zones détrempées. Adapté aux zones exposées aux inondations. Forte dormance du grain. Abondance de la paille de riz donnée en fourrage au bétail. Tige très résistante. Toutes les talles portent une panicule. Tolérance au froid : cultivable l’hiver. Courte durée végétative et haut rendement.

186 Inconvénients Faible rendement.

Exige un désherbage régulier.

Exige des travaux et des installations coûteuses : labour, repiquage, diguettes.

Faible rendement en grains.

Exige des travaux et des installations coûteuses : labour, digues et diguettes, irrigation à l’aide de moto-pompes. Exige l’apport d’intrants : engrais, pesticides, herbicides, etc. Peu de paille disponible pour le fourrage du bétail en raison de pailles courtes. Endettement, dépendance, entrée dans une économie monétarisée.

Rendement 1 à 1.5 t/ha 2 à 3 t/ha 0.5 à 1 t/ha 3 à 5 t/ha

Nombre de variétés 12 29 37 30

Riz pluvial, champs de riz sec permanents de plaine : le ahu

Selon les paysans mising interrogés à Dhakuakhana, à Majuli et à Bokakhat, le système de culture du riz « pluvial », ahu (as.), est une pratique héritée des savoir-faire du jhum. Le jhum est une agriculture itinérante de défriches brûlis toujours utilisée par les communautés paysannes peuplant les versants himalayens du nord-est de l’Inde au Yunnan116. Migrants des montagnes vers la plaine, les Mising ont maintenu certains savoir-faire issus de la défriche brûlis et ont continué à la pratiquer dans les espaces les moins densément peuplés de la plaine, aussi longtemps qu’il fut possible d’exercer une rotation des champs cultivés. Avec la densification de la population, de part et d’autre des rives du Subansiri et du Kherkota, les « forêts » ont été défrichées. Ce type de culture n’est donc plus envisageable en raison du manque de terres disponibles. En revanche, la culture du riz sec, qui s’en inspire, est possible dans des champs permanents, au cours de la saison sèche. L’apport en matière organique dépend notamment des limons déposés par les crues. Toutefois, cet apport est limité depuis la mise en place, dans certains secteurs, des aménagements fluviaux à partir de 1954. De ce fait, les cultivateurs doivent valoriser la matière organique disponible sur place : en décembre, ils rassemblent

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Dans les territoires des collines du nord-est indien, les Karbi, les Naga, les Tani et d’autres groupes cultivent une grande diversité de plantes en polyculture sur des essarts (jhum). Le riz pluvial y est associé à des tubercules (taro, igname), des épices, des piments, divers fruits et légumes. Nous avons observé de telles pratiques dans les villages des Karbi Anglong, à proximité de Bokakhat, et dans les villages Adi de l’Arunachal Pradesh.

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au centre de leurs parcelles les pailles de riz laissées par les récoltes des cycles précédents à l’aide de râteaux en bambou, puis ils procèdent à la mise à feu. Les cendres ainsi produites contribuent à enrichir le sol. De plus, les cultivateurs apportent parfois des bouses de vache et du compost. Puis le champ est généralement labouré au cours de la première quinzaine de janvier (puha), lors de légères pluies. Il est ensuite travaillé à plusieurs reprises afin d’incorporer les mauvaises herbes et d’aérer le sol. L’attelage tractant l’araire fait le tour du champ en accomplissant des ellipses tout en évitant d’altérer ses bordures et ses angles. Les angles sont travaillés à la houe. Le travail du sol s’achève vers la mi-février (début du mois de phalgun). Les grains de riz sont directement semés, au moment de la fête de l’Ali Aye Ligang qui se déroule chaque année au cours de la semaine suivante (Planche photo 42). Cette culture n’est pas irriguée et dépend des pluies de prémousson, pour assurer la levée du riz. La prolifération de plantes adventices nécessite un désherbage manuel à l’aide d’une herse en bois, appelée « bindha » (as.). La durée de la culture s’étend sur trois à quatre mois, de mi-février à mi-mai. Le riz est ainsi récolté avant l’arrivée de la mousson. La parcelle est laissée en friche après deux ou trois années de cultures, quand le désherbage demande un effort trop important et donc la productivité du travail devient trop faible. En fait, dès la deuxième année, la baisse de la fertilité du sol oblige les agriculteurs à faire le choix entre une nouvelle année de riziculture ou la mise en place d’une autre culture moins exigeante. Ainsi, les champs secs du ahu peuvent être cultivés en alternance avec une culture de colza ou de lentilles en hiver. Ces dernières sont aussi exploitées pour leur capacité à fixer l’azote dans le sol, contribuant ainsi à sa fertilisation. Ces deux plantes, moins exigeantes que la céréale, souffrent peu de la carence en éléments minéraux du sol.

Sur le plan topographique, le système de culture du riz de type ahu est pratiqué sur les terres sableuses, intermédiaires, et peut s’étendre jusqu’aux zones marécageuses, en saison sèche. Les terres hautes s’assèchent trop rapidement et les terres les plus basses, argileuses, ne sont pas favorables si le risque d’inondation par une crue précoce devient important. En outre, ces champs de riz sec de type ahu risquent d’être sinistrés s’ils ne sont pas récoltés avant l’arrivée des premières crues, ou si les crues précoces submergent trop longtemps les champs. En effet, bien que les digues fussent construites pour protéger les terres, leurs ruptures produisent parfois des inondations soudaines, détruisant toutes les productions. Comme l’expliquent les paysans mising de Matmora (Dhakuakhana), le 1er juillet 2009, une proportion de 10 % du riz ahu fut récoltée. Le reste fut submergé par la crue. Afin de limiter les dégâts, les agriculteurs récoltent parfois le riz même si les épis sont sous l’eau117. Ils sèchent ensuite les récoltes au soleil, puis ils conservent leurs semences à l’abri des crues, mais l’endommagement de leurs greniers à riz conduit à des pertes fréquentes. Néanmoins, pour des raisons

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Entretien réalisé avec Lokhi Kutum (homme de 60 ans) et Oisiri Kutum, fille de Nizor Pegu et Namuni Sherpa - Jengraimukh Kamalpur n°2, Chelek Gaon, Namoni Majuli le 22 Août 2009.

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économiques, les familles les plus pauvres continuent à le cultiver malgré les risques. Les Mising apprécient aussi les qualités nutritives de ce riz rouge convenant notamment à la production de la bière de riz, appelé apong (ms.). Selon les agents du département de l’agriculture, 40 à 45 % des paysans de Majuli vivent de ce type de riz. La diversification des pratiques s’avère indispensable face aux problèmes d’inondation et de dépôts sableux menaçant tous les types de culture de riz. Comme l’expliquent Rina Dutta (épouse de Mukta Gogoï) et Dashani Gohain (épouse de Bholnath Gogoï) :

Notre famille cultive deux à sept bighas de ahu et, parfois, jusqu’à vingt bighas pour une