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Co-évolution des écosystèmes et des agro-écosystèmes du milieu fluvial : essai de typologie essai de typologie

plaine alluviale du Brahmapoutre

3.3 Co-évolution des écosystèmes et des agro-écosystèmes du milieu fluvial : essai de typologie essai de typologie

Lorsqu’on observe le paysage depuis une berge, on a l’impression que le fleuve, en période de crue, est immense, si bien que l’on pourrait se croire en pleine mer. Des dauphins d’eau douce remontent parfois à la surface, jouant autour des bateaux, même si leur apparition devient de plus en plus rare. Seule l’absence de houle rappelle qu’il s’agit d’un fleuve. Bien que puissant, le Brahmapoutre s’écoule avec une langueur trompeuse, émettant de faibles murmures. Pour rejoindre des ghâts (les ports fluviaux) sur la rive opposée, une traversée en bac (ferry) peut prendre plus d’une heure, lorsqu’il faut contourner les bancs de sable. En effet, pendant la mousson l’eau transporte d’importantes masses de sédiments. Pendant la saison sèche, elle s’éclaircit et devient même translucide. Lorsque le temps est bien dégagé, on peut voir les Monts Patkaï au sud, tandis que vers le nord, s’élèvent les hautes montagnes, les pics enneigés de l’Himalaya.

Topographie, succession écologique et occupation humaine dans les lits mineur et majeur

Dans la plaine alluviale du Brahmapoutre, les systèmes sociaux et les systèmes écologiques sont en interaction depuis plusieurs millénaires. Ces interactions peuvent être analysées sous l’angle du principe de la co-évolution des systèmes socio-écologiques (Burnouf et al. 2001). Les sociétés peuplant le bassin versant ont occupé, exploité et transformé le milieu pour bénéficier de ses ressources. Elles ont également ajusté leurs modes de subsistance aux aléas du milieu. Chacun des écosystèmes (lit du fleuve, les bras du fleuve et les sapori, les affluents, la plaine alluviale, les bourrelets alluviaux, les marais, les terrasses, les collines) est transformé par les sociétés en agro-écosystèmes, c’est-à-dire des écosystèmes utilisés, cultivés ou aménagés. Ces agro-écosystèmes sont similaires dans les trois zones d’études : Majuli, Dhakuakhana et Bokakhat. Nous distinguons deux zones : la zone agro-écologique ouverte aux crues annuelles et la zone agro-écologique fermée par l’endiguement (voir Carte 10, Carte 11, Carte 12 et Carte 13). Chacune de ces zones comporte des activités productives, diverses ressources et divers usages rythmés par des cycles.

Topographie et succession écologique dans le lit mineur : zones ouvertes

Les zones agro-écologiques ouvertes comprennent les terres non endiguées du lit mineur, exposées à l’influence directe des crues. D’après nos relevés de terrain et l’étude des images satellites Landsat de 1973 à 2000 et SPOT de 1987 à 2010, l’ensemble des sols du lit mineur est composé d’alluvions récentes. Avec la décrue, de grandes quantités de sédiments sableux, bali (as.) se déposent sur les terres les plus élevées, tandis que les sédiments argileux, plus fins, de type limoneux et fertiles, poloh (as.), s’accumulent dans les zones basses où l’eau stagne plus longtemps, et forment des sols

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noirs hydromorphes. Les dépôts de limons fertiles permettent aux plantes de recoloniser le milieu. L’âge d’un banc de sable (sapori) peut être identifié en observant les plantes (herbacés, buissons, ligneux) qui le recouvrent. La couverture végétale de ces bancs dépend des sédiments (sables ou limons), du temps d’exposition aux crues et des végétaux recolonisant le milieu. Les plantes ayant de longues racines et un développement rapide trouvent ici une situation opportune pour bénéficier de l’apport du sol riche en limons. De nouvelles terres se forment à la suite de ce processus de régénération du couvert végétal. Selon le Flood pulse concept de Junk (1989), la dynamique, la diversité et le maintien des cortèges floristiques dépendent des variations saisonnières des niveaux d’eau dans la plaine alluviale (Junk et al. 1989). Les deux saisons (sèche et humide) marquées de l’influence tropicale entraînent de forts contrastes dans les variations des niveaux d’eau et favorisent la succession au cours du temps des peuplements végétaux différents sur un même lieu, ce qui constitue une chronoséquence, appelée aussi « succession écologique » (Amoros et Petts 1993 : 210-231).

Suite aux transects réalisés sur le terrain de 2007 à 2011 à Dhakuakhana, Majuli et Bokakhat en compagnie de Stéphane Grivel, je propose de distinguer 4 niveaux dans la topographie du lit mineur et 3 étapes dans la régénération écologique et l’occupation humaine dans le temps et dans l’espace. Je présente ici les niveaux topographiques (Niveau) du lit mineur et les étapes successives (Étape) de la résilience socio-écologique, c’est-à-dire ici la possibilité de reconstruire des agro-écosystèmes et des activités productives à la suite de l’érosion des terres (Tableau 12, Figure 23 et Planche photo 8). La topographie, la couverture végétale et l’usage des espaces par les habitants du fleuve sont mis en relation pour définir une nomenclature des sapori. Je propose la synthèse suivante :

Niveau 0 – Les chenaux fluviaux ont érodé les terres pendant la crue. Des chenaux actifs se sont formés et d’autres ont été abandonnés. Ils s’assèchent pendant la saison d’étiage, laissant apparaître du sable et des limons. Les cours d’eau sont peuplés d’une faune et d’une flore aquatique. La pêche y est pratiquée en fonction des niveaux de l’eau dont dépend l’abondance des poissons.

Niveau 1 - Ce niveau topographique comprend des bancs de sable très peu élevés qui sont submergés lors des crues et qui émergent lors de la décrue. Il s’élève de 0 à 3 mètres au-dessus du niveau minimum de l’eau. Ces bancs de sable sont des formations principalement éphémères composées de dépôts sédimentaires, dont un sable blanc très fin. Ces formes fluviales sont sculptées et modelées par l’érosion. La sédimentation permet leur exhaussement (accrétion verticale), leur élargissement (accrétion latérale), leur allongement (accrétion longitudinale). Le jeu entre l’érosion, la sédimentation et le courant favorise leur mobilité. Aucune végétation ne colonise ces surfaces. En revanche, elles constituent un milieu apprécié des oiseaux migrateurs en hiver qui reviennent chaque année séjourner

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sur les rives du Brahmapoutre. Ils indiquent la présence de débris végétaux (algues ou lentilles d’eau, par exemple) déposés par le fleuve, mais aussi de planctons d’eau douce, tels que les puces d’eau, ou des crustacés, tels que des petits crabes et des crevettes.

Niveau 2 – 1re étape de régénération de la végétation

Les bancs de sable s’élèvent de 3 à 6 mètres au-dessus du niveau minimum de l’eau. Les sols sont à dominante sableuse. Néanmoins, des sédiments plus fins de type limon ou argile s’accumulent dans les dépressions où l’eau stagne une grande partie de l’année. Une formation végétale discontinue se développe. L’arbuste Tamarix dioica, appelé jao102 (as.), est la première espèce à recoloniser les terres sableuses après débordement et ne germe que sur des sédiments fraîchement déposés (Figure 22) (Dieulot et Vassor 2008). Ces plantes font obstacle à l’écoulement de l’eau pendant les crues, favorisant le dépôt de sédiments fins et l’exhaussement des bancs. Les paysans en collectent pour les utiliser comme bois de chauffe. Les limons déposés par le fleuve rendent le sol adéquat pour des plantes à croissance rapide et saisonnière. Cette étape dure environ trois ans.

Figure 22 : Contribution du jao à la stabilisation des bancs de sable par effet peigne (piégeage). Source : Dieulot et Vassor, 2008 : 32

Niveau 3 – 2e étape de régénération de la végétation

Les bancs, s’élevant de 6 à 8 mètres au-dessus de l’élévation minimum de l’eau, ne sont submergés que pendant les moyennes et grandes crues. Après 3 ans sans inondations majeures, la surface du banc se couvre progressivement d’une végétation herbacée pionnière, saisonnière et dispersée à partir de graines apportées par le vent ou l’eau (appelés Lokach, Dubari, Kher, Nal, Khaguri, Kahua, Birina,

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Tamarix dioica : plante de zone sableuse comportant d’importantes racines lui permettant d’aller puiser l’eau en profondeur. Les graines nécessitent de longues périodes de saturation des sols en eau pour pouvoir germer. Cette plante indique donc la présence d’un sol sableux retenant très peu l’eau dans des zones d’alluvionnement sableux récents.

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etc. en assamais). Les herbacées sont progressivement remplacées par des fourrés arbustifs et par quelques arbres de plus grande taille tels que les Bombax ceiba, appelés Simolu (as.).

Les troupeaux y sont guidés pour pâturer tandis que leurs bouses sont utilisées pour fertiliser les sols. De plus en plus hautes, les herbacées peuvent servir de matériaux de construction. L’accès et l’exploitation à ces terres gouvernementales par les agriculteurs sont tolérés. Lorsqu’elles sont suffisamment exondées, elles sont occupées par des fermes temporaires d’élevage de bovins (buffles domestiqués et vaches), appelées khutis (as.). Les agriculteurs aménagent parfois des tertres pour rehausser les étables, ce qui constitue un refuge en cas de montée des eaux au moment de la prémousson. Les sols de ces sapori sont trop sableux pour recevoir de la riziculture. En revanche, la culture des légumineuses telles que les lentilles, appelées mati mah fixent l’azote dans le sol et la combustion des herbacées recouvrant les terres permettent de les enrichir.

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Figure 23 : Coupe transversale de Maj sapori à Bokakhat, à proximité du parc national de Kaziranga. Comprend les niveaux 0 à 3 et les deux premières étapes de régénération de la végétation. Source : Relevés sur le terrain - Stéphane Grivel et Fouzi Nabet, Janvier 2011.

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Tableau 12 : De l’érosion des terres à la formation de nouvelles unités, étapes de la succession écologique et de l’occupation humaine dans le lit mineur du Brahmapoutre. Source : données collectées sur le terrain 2009-2011.

Processus

hydrogéomorphologiques, végétalisation

et occupations humaines

Type de formation Type de dépôt

Et/ou type de végétation Termes véhiculaires assamais

Type d’activité et d’occupation humaine

Z on e ou ve rte Niveau 0 Érosion Inondation

Tracé de nouveaux chenaux, dépôts de sable et de limons Limon : polash Sable : bali Pêche Niveau 1 Formes fluviales et dépôts

Banc de sable « Bali sapori » (as.) de 0 à 3 mètres au-dessus de l’élévation minimum de l’eau.

Submergé pendant les crues et émergé pendant l’étiage.

Aucune végétation Zone de passage

Niveau 2

1ère étape de régénération de la végétation

(3 ans)

Banc de sable de 3 à 6 mètres au-dessus de l’élévation minimum de l’eau.

Arbuste : jao Collecte de bois de chauffe

Niveau 3

2e étape de régénération de la végétation (5 ans)

Banc de sable de 6 à 8 mètres au-dessus de l’élévation minimum de l’eau.

Herbacée kher : lokach,

nal, khaguri, kahua, birina

La population peut installer des fermes temporaires (khutis) pour l’élevage des bovins pendant la saison sèche.

Niveau 4 3e étape

Banc de sable de 8 à 10 mètres au-dessus de l’élévation minimum de l’eau. Herbacées et ligneux : maduri kolmu simolu chichu venh bogori Velow (belo)

Les paysans peuvent installer leurs maisons de manière permanente et cultiver des légumes, de la canne à sucre, des bananes, du bambou, de la riziculture de type ahu.

Terre agricole mati (as.) Z on e en d igu ée Niveau 5 4e étape

Lit majeur, sillonné de chenaux secondaires, de bras morts et de marais.

Terres endiguées Forêts alluviales et prairies.

Les villages s’installent le long des bourrelets alluviaux. Les terres endiguées sont cultivées.

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Planche photo 8 : De l’érosion des terres à la formation de nouvelles unités, étapes de la succession écologique et de l’occupation humaine dans le lit mineur du Brahmapoutre.

1. Le front d’érosion partage le lit fluvial en deux parties : à droite, le lit du fleuve où le sable affleure pendant la saison sèche (niveau 1), à gauche, la berge du fleuve est composé de trois niveaux, de la régénération des jao (niveau 2) aux plantations d’arbres (niveau 4).

2. Un chenal en période d’étiage (niveau 0) et formation de sapori non végétalisés (niveau 1). Les bancs de sables, chars ou sapori (as.), nouvellement formés restent nus au cours de la première année. Des canards sauvages (Dendrocygna javanica) se nourrissent de végétaux se déposant sur les rives et de poissons circulant dans les eaux du fleuve.

3. Écotone entre le niveau 1 et le niveau 2 - 1ère étape : Un jao recolonise un banc de sable. 4. Niveau 3 - 2e étape : les sapori se couvrent d’herbacés.

5. Le bétail transite, en passant par le lit du fleuve asséché (niveau 1), du village au khuti installé dans les sapori.

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Planche photo 9 : Mobilité des terres et mobilités des hommes. À gauche, un éleveur transporte son lait vers le marché. À droite, un bateau s’est échoué sur les berges du Brahmapoutre, témoin indiquant la variation du niveau de l’eau et la mobilité des terres.

Niveau 4 – 3e étape de régénération de la végétation (non inclus dans la Figure 23)

Submergé uniquement lors de crues exceptionnelles, ce niveau comprend les hauts bancs de sable s’élevant de 8 à 10 mètres au-dessus du niveau de l’eau (Tableau 12). Relativement stables pendant plus de cinq ans, les îles et leurs berges sont couvertes de hautes herbacées, d’arbres, de buissons, d’établissements et d’activités agricoles. Comme nous l’avons observé sur le terrain, après une quinzaine d’années de stabilité, des arbres commencent à se développer (cf. Annexe 09). Les agriculteurs occupent ces terres et installent leurs maisons et leurs étables (khutis) de manière permanente. Autour des fermes, les agriculteurs brûlent les herbacées et aménagent des potagers entourés de bananeraies et de bosquets de bambous. Ils bénéficient d’un espace ouvert sur les pâturages du lit mineur. Si ces terres sont principalement dévolues à l’élevage bovin de zébus et de buffles d’eau, il existe cependant des zones où les agriculteurs cultivent du colza et/ou de la moutarde (Brassicacée), des haricots noirs (Phaseolus vulgaris - Fébacée)103, de la canne à sucre (Saccharum benglense - Poacée) pendant l’hiver (culture rabi), puis du riz pluvial pendant la prémousson et du jute (Corchorus capsularis - Malvacée) pendant la mousson (culture karif). Ces cultures sont régulièrement abîmées par les animaux domestiques (caprins, bovins, porcins) pâturant librement et par les animaux sauvages, bien que les villageois les protègent avec de petites barrières en bambou.

Le lit mineur du fleuve n’est pas peuplé de manière permanente, mais les Mising, les Népalais, les Bangladais, les Koïbotras et les Bihari, exploitent ces terres communes. L’agriculture a toujours été l’activité principale dans la plaine alluviale, dont les basses terres do (as.) et les hautes terres tika (as.) sont chacune favorables à des cultures spécifiques. Les arbres séculaires ne se retrouvent que sur les

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sapori les plus anciens et les plus stables. La différence d’altitude entre les terres hautes, les terres intermédiaires et les terres basses, de l’ordre de 10 mètres, s’avère primordiale dans le choix de leur mise en valeur par les agriculteurs (Dieulot et Vassor 2008).

Au-delà de la zone ouverte, le 5e niveau prend en compte l’espace endigué du lit majeur, sillonné de chenaux secondaires, de bras morts et de marais.

Succession écologique dans le lit majeur : zones endiguées

En quittant les chars et des sapori on retrouve dans la plaine alluviale des zones agro-écologiques endiguées. Un dernier niveau (niveau 5) comprend les terres les plus hautes de la plaine alluviale, protégées par des digues. Les bourrelets alluviaux et les rives des cours d’eau sont couverts d’une végétation boisée, arbustive et herbacée (4e

étape). Cette végétation de ripisylve s’étale le long des berges. Les maisons maisons-étables, les activités de petit élevage et les jardins clôturés se regroupent sur les digues et les levées de terre.

Les zones endiguées ne sont pas toujours à l’abri de l’inondation et les paysans construisent des bâtiments sur pilotis et/ou des tertres pour accueillir hommes et bêtes pendant la crue. Ces zones comprennent différents étages agroécologiques, plus ou moins sableux et humides. Les zones les plus basses, aux sols détrempées et eaux stagnantes retenues par les digues, constituent des plans d’eau, privés ou publics, employés pour des activités de pêche. Les terres les mieux drainées sont occupées par des bosquets monospécifiques de bambous et des bosquets mixtes.

Au-delà de la plaine alluviale et en retrait des berges du fleuve, au XIXe siècle, au moment de l’arrivée des Britanniques, les terrasses alluviales et les piémonts étaient couverts de forêts denses subtropicales. Ces forêts, dont il ne reste que quelques fragments, étaient l’habitat d’une flore et d’une faune riches et diverses comme des tigres et des gibbons. Elles ont presque toutes été défrichées et remplacées par d’immenses plantations de thé, dont celles de Bokakhat sont représentatives. Les réserves forestières de Bokakhat furent conçues pour préserver les derniers fragments de forêt d’Assam. À Majuli et à Dhakuakhana, la surface boisée ne comprend plus que quelques bosquets d’arbres s’étirant le long des bourrelets de berge. Il n’existe pas de réserve forestière dans ces subdivisions. Les terrasses alluviales sont également les espaces les plus occupées par des zones urbanisées. Les bourgs et les marchés (bazars) de Bokakhat, Dhakuakhana, Garamur et Kamalabari se sont installés en hauteur à l’abri des crues. En zones périurbaines, des terrains regroupent habitats permanents, activités de petit élevage, jardins clôturés et, souvent, plantations de palmiers de noix de bétel. Pendant la mousson, les agriculteurs y installent des pépinières de riz cultivé en casiers.

En revanche, les versants du plateau des Karbi Anglong au sud de Bokakhat et de la chaîne de l’Himalaya oriental au nord, rompent brusquement la monotonie de la plaine. Ces versants sont

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densément boisés quoique ponctuellement défrichés par les tribus des hauteurs qui pratiquent une culture itinérante sur brûlis appelée jhum dans tout le Sud-Est asiatique. Des rizières sont installées dans les drains irrigués par les rivières issues de collines.

Conclusion chapitre 3 :

Dans ce chapitre, nous avons présenté le contexte géophysique et biogéographique des zones d’étude. L’étude du comportement du fleuve montre son caractère mobile et changeant. En déposant des sédiments et des limons, les processus d’érosion et d’accrétion contribuent au modelage des formes fluviales. Le lit mineur (zones ouverte) est composé de bancs de sable, de chenaux actifs ; tandis que le lit majeur (zones protégées par des digues) est doté d’une vaste plaine alluviale jonchée de bras morts formant des marais et bordée de bourrelets alluviaux où s’installent des communautés villageoises. Les paysans du fleuve mettent en valeur ces espaces de différentes manières selon les écosystèmes existants. Ils doivent ajuster leurs pratiques aux dynamiques du fleuve puisque certaines terres se forment tandis que d’autres disparaissent en une saison, emportées par le courant. Lorsque les précipitations sont particulièrements abondantes pour plusieurs jours consécutifs dans l’ensemble du bassin versant, le fleuve en crue déborde du lit mineur et inonde la plaine alluviale du lit majeur détruisant sur son passage des biens collectifs (voies de communication), des biens privés (maison et greniers à riz), ainsi que les terres cultivées ou les pâturages du lit mineur. Il faudra attendre plusieurs années sans submersion pour qu’un sol érodé se couvre d’herbes appropriées au fourrage. Cette présentation des dynamiques hydrogéomorphologiques et de la co-évolution entre succession écologique et occupation humaine va nous permettre de mieux comprendre dans les prochains chapitres les choix concernant l’habitat et les pratiques agricoles des mising.

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Chapitre 4 Savoirs écologiques locaux, pratiques agricoles et