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plaine alluviale du Brahmapoutre

3.1 Le bassin versant du Brahmapoutre

Du toit du monde au golfe du Bengale : un parcours mouvementé

Le Yarlung Tsangpo - Brahmapoutre est l’un des plus grands fleuves d’Asie. Son axe fluvial parcourt 2 880 kilomètres au total, traversant la Chine, l’Inde et le Bangladesh. Il prend ses sources dans les sommets enneigés des Himalaya et de la chaîne du Chemayungdung70 au sud-ouest du Tibet (en Chine). Pour les hindous et les bouddhistes, sa source mythique est partagée avec celle du Gange, du Sutlej et de l’Indus dans le massif du mont Kailash (6 638 mètres) nommé aussi mont Meru, axe central de l’univers au pied duquel s’étendent les deux lacs sacrés, le lac Manasarovar. Le Brahmapoutre est nommé « Tsangpo » dans la région autonome du Tibet (Chine) où il parcourt 1 625

70 D’après Hedin, dans la chaîne du Chemayungdung : « De tous côtés, un horizon de cimes grandioses. Entre le nord-ouest et le nord-est apparaissent des crêtes magnifiques du Transhimalaya, découpées par des vallons tributaires du Brahmapoutre, tandis qu’au sud jaillit un hérissement de pics couronnés de neige et frangé de puissants glaciers » (Hedin 1910 : 137).

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kilomètres, sculptant une vallée fertile à 3 600 mètres d’altitude (Carte 14). Dans la préfecture de Nyingchi, la pente et le débit croissent, et bientôt le fleuve se transforme en une masse d’eau tourbillonnante qui roule entre les murs rocheux des gorges du Kongpo et du Poyul à partir de Tsela Dzong (Baldizzone et Baldizzone 1998) où s’est établi le monastère de Pémako. Ce site fut longtemps recherché par les explorateurs, les cartographes et géographes du XIXe siècle (Baker 2006 ; Kingdon-Ward et al. 2008). Le fleuve change de direction lorsqu’il traverse ces gorges en formant des rapides et des cascades qui s’engouffrent de manière torentielle entre les sommets du mont Namche Barwa (7 782 mètres) et du mont Gyala Péri (7 294 mètres). Leurs cimes sont distantes d’à peine 20 kilomètres l’une de l’autre. Le Tsangpo passe de trois mille mètres à une centaine de mètres d’altitude. Nous sommes ici dans le site que les géophysiciens ont nommé l’Eastern Syntaxis ou le Namche Barwa Syntaxis, où pivote la plaque indienne sous la plaque eurasienne (Burg et al. 1998; Seward et Burg 2008). Le fleuve entre ensuite dans le territoire de l’Inde à Tuting, en Arunachal Pradesh. À cet endroit précis, il prend le nom de « Siang » et s’écoule rapidement dans une vallée profonde jusqu’à ce qu’il ralentisse en arrivant dans la plaine au niveau de la petite ville de Pasighat à 155 mètres d’altitude, où il porte le nom de « Dihang ». La rivière Lohit rejoint le Dibang dans le Haut-Assam à Kobo, où le fleuve est enfin nommé « Brahmapoutre ». Il traverse au total 918 kilomètres dans le territoire de l’Union indienne, dont 725 kilomètres en Assam, le long desquels il reçoit 9 affluents majeurs (Carte 15). Il mêle au total les eaux de plus d’une centaine d’affluents secondaires (Singh et al. 2004 ; Sarma 2005) issus de la chaîne orientale de l’Himalaya, des collines de la chaîne du Patkaï et des collines des Naga, des massifs des Karbi-Anglongs et des collines Khasi-Garo du Meghalaya. En Assam, le lit majeur s’élargit sur 80 kilomètres et le lit mineur sur 40 kilomètres sauf autour des villes de Tezpur, de Guwahati et de Dhubri où les formations rocheuses réduisent l’expansion de son lit. Il dépose aussi des alluvions lorsqu’il sillonne la plaine en direction du sud-ouest. En pénétrant au Bangladesh, il est alors nommé «Jamuna » et enfin « Padma » lorsqu’il rejoint le Gange et la Meghna pour former le delta du Gange-Brahmapoutre, jusqu’à ce qu’il s’ouvre sur l’océan et termine enfin son périple dans le golfe du Bengale 337 kilomètres plus loin. Ce tracé ne fut complètement reconnu qu’en 1782, sur la carte de l’Hindoustan établie par le major James Renell, expert géomètre principal de la Compagnie britannique des Indes orientales (Figure 12, Carte 15) 71.

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Des missions géographiques furent organisées à la fin du XVIIIe

siècle par le Survey of India pour déterminer si le Tsangpo et le Brahmapoutre forment bel et bien un seul fleuve (Baldizzone et Baldizzone 1998).

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Carte 14 : Carte du bassin versant du Brahmapoutre et des cours d'eau principaux de l'est himalayen. Échelle : 1/10 000 000. Sources : SRTM 90 mètres, Hydro Watersheds (USGS, WWF). Réalisation d’É.C. 2012

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Tableau 9 : Partage du bassin versant du Tsangpo-Brahmapoutre (580 000 km²) entre pays frontaliers. Source: Goswami et al. 1985 et 2003.

Figure 12 : Profil longitudinal du Yarlung Tsangpo-Brahmapoutre. La pente du fleuve est de 1,63 m/ km sur le plateau tibétain ; elle passe de 4,3 à 16,8 m/ km au niveau de l’Eastern syntaxis ; puis de 0,62m/ km à 0,27 m/ km dans la plaine alluviale du Brahmapoutre et enfin de 0,2 à 0,1 m/ km dans le delta. Le taux d’érosion est plus élevé vers l’aval en raison de l’augmentation du débit. La rupture de pente soudaine au niveau de Pasighat provoque le dépôt d’une grande masse de sédiments qui viennent diviser l’axe principal du fleuve développant ensuite un tressage. Source : inspiré de Sarma 2005 et Singh 2006, réalisation d’É.C. 2013 à partir du SRTM 90 mètres.

Pays Surface du bassin

versant en km² Pourcentage du bassin versant Tibet (Chine) 293 000 km² 50,5 % Bhoutan 45 000 km² 7,8 % Inde 195 000 km² 33,6 % Bangladesh 47 000 km² 8,1 %

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Carte 15 : Carte des principaux affluents du Brahmapoutre en Assam. Échelle : 1/ 3 000 000. Sources : données SRTM 90 m, Hydro Watersheds (USGS, WWF). Réalisation d’É.C. 2013.

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Comme l’explique Bethemont (2002), les composantes d’un fleuve (sources, affluents, lacs, marais) s’organisent dans le cadre d’un ensemble spatial hiérarchisé en fonction de l’axe fluvial, délimité par le réseau hydrographique, de sorte que tout phénomène naturel ou toute action humaine affectant l’une des composantes touche l’ensemble du système y compris l’élément moteur de l’action initiale qui subit un effet de rétroaction (Bethemont 2002 : 12).

Formation de la vallée moyenne du Brahmapoutre : activités tectoniques, événements sismiques et déplacements sédimentaires

Depuis la collision entre la plaque indienne et la plaque eurasienne, la chaîne himalayenne poursuit sa surrection par rebonds isostatiques (Avouac et al. 2002 : 33 ; Singh S.K. et al., 2006). Le front sud de l’Himalaya correspond à l’axe d’une faille majeure qui est responsable de nombreux séismes plus ou moins puissants. Les petits déplacements produits par ces derniers ont conduit à l’empilement d’écailles de croûte lithosphérique et ont fabriqué le relief au cours de millions d’années. Le réseau hydrographique dépend de ces contraintes structurales puisque les principaux cours d’eau parcourent les grandes failles (Carte 16). Le Yarlung-Tsangpo emprunte ainsi la zone de suture qui marque la limite entre les deux marges continentales (Fort et Dollfus 1992).

Alors que l’ensemble du massif himalayen est en mouvement, la plaine alluviale du Brahmapoutre est parcourue de failles majeures (Carte 16) qui s’étendent le long d’une zone de subduction entre les deux plaques chevauchantes. Les collines environnantes sont instables du point de vue géologique, car l’activité sismique y est continue et régulière, marquée parfois par des événements plus intenses (Carte 16) (Kayal et al. 2010). Les tremblements de terre de 1816, 1853 et 1897 bouleversèrent la région au cours de l’époque coloniale.

Le séisme du 15 août 1950 qui est nommé dans la nomenclature des séismes : « Assam 1950 Earthquake », d’une magnitude de 8.7 sur l’échelle de Richter, fut l’événement sismique le plus important du XXe siècle dans la région72. Son épicentre se trouvait à proximité de Rima au Tibet (28°N - 96°E). La secousse principale et ses répliques ont été ressenties dans tout le nord-est de l’Inde, dans un rayon de 1 000 kilomètres (Burg et al. 1998 ; Kingdon-Ward 1953 ; Normandin 1952 ; Sarma 2005).

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Il faudra préciser qu’entre un séisme de magnitude 7 et un séisme de magnitude 8 trente fois plus d’énergie est libérée.

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Carte 16 : Carte des failles et des épicentres des séismes dans le Nord-est de l’Inde entre 1816 et 1951. Échelle : 1/ 10 000 000. Sources : Rajendran et Rajendran 2011 ; Yadav et al. 2009 ; USGS 2012. Réalisation d’É.C. 2013.

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Comme le précise A. Normandin en 1952 : « Le tremblement de terre a sérieusement affecté la topographie de la région : par de gigantesques éboulements dans l’Himalaya ; par le colmatage du lit de nombreux cours d’eau ; par des fissures et des ondulations, dans diverses directions, de la surface du sol ». Les éboulements, engendrés par le séisme de 1950, furent à l’origine de l’obstruction de la vallée du Subansiri. D’après les témoignages de nombreux habitants d’Assam, la rupture de cet amoncellement de roches, sept jours plus tard, provoqua une crue soudaine, « flash flood » ou « outburst flood », qui submergea de nombreux villages. Le grand séisme a également bouleversé l’agencement des terrains de la plaine en provoquant des mouvements de subsidence73, endommagé les infrastructures publiques (routes, ponts, bâtiments) et les aménagements fluviaux construits pour protéger les terres des inondations.

Dynamiques hydrologiques et occurrence des crues

Un climat de moussons qui rythme les dynamiques hydrologiques

Le nord-est de l’Inde est l’une des régions du monde concentrant les plus forts taux de précipitations. Dans un climat de type intertropical humide de mousson74, 80 % de ces précipitations s’abattent entre le mois de juin et de septembre (Carte 17, Figure 13). Les pluies de prémoussons (de mars à mai) représentent 15 % du total annuel tandis que les quatre mois d’hiver n’en représentent que 5 %. On distingue donc trois saisons contrastées liées au régime des pluies : l’hiver doux et sec de novembre à février, qui voit l’assèchement des points d’eau, le printemps de mars à mai, caractérisé par une forte augmentation des températures et des précipitations, et la mousson de juin à octobre. Les précipitations annuelles moyennes sont d’environ 2 000 mm et varient de 1 200 mm par an dans les parties les moins arrosées du Nagaland, 6 000 mm par an au niveau des piémonts himalayens de l’Arunachal Pradesh et jusqu’à 11 000 mm par an sur le site de Cherrapunji connu pour être la zone recevant les plus fortes précipitations mondiales (Goswami 2006). Dans la plaine alluviale, les précipitations s’élèvent en moyenne à 2 800 mm par an (Carte 17). La transition entre la mousson et l’hiver est marquée par un arrêt brutal des pluies au mois d’octobre. Ce cycle des saisons rythme les

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La subsidence est un affaissement de la lithosphère entrainant un dépôt progressif de sédiments sous une profondeur d’eau constante.

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« Le terme de « mousson », vient de l’arabe mausim, qui signifie saison. C’est un phénomène climatique qui résulte du contraste thermique entre l’Asie continentale et les régions océaniques. À partir du mois de mars, les terres de l’Asie se réchauffent et créent une zone de basses pressions qui attirent des masses d’air humide en provenance de l’océan indien et génèrent des précipitations d’une ampleur exceptionnelle. L’effet orographique, dit de Foehn, bloque les nuages sur les versants sud de l’Himalaya où s’abattent les précipitations. Lorsque l’insolation de la région diminue en septembre, l’intensité de la mousson s’infléchit rapidement et les pluies cessent. C’est un régime opposé qui s’instaure ensuite pour six mois : la mousson d’hiver, avec l’advection vers l’Inde de l’air froid et sec d’Asie centrale » (Avouac et al. 2002 : 133).

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dynamiques hydrologiques dont les répercussions sont importantes pour la vie agricole dans la plaine alluviale du Brahmapoutre.

Figure 13 : Diagramme ombrothermique, précipitations et températures moyennes de 1901 à 2002 pour le district de Lakhimpur. Source : Indian Meteorological Department (IMD).

Carte 17 : Carte des précipitations moyennes en Inde, en saison sèche et en saison des pluies. Sources : Cartes de Météo France. Pour plus de précisions : World Meteorological Organisation (WMO) et l’Indian Meteorological Department (IMD) de Guwahati.

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Régime hydrologique : débit spécifique et charge sédimentaire

Le régime du Brahmapoutre reflète les forts contrastes entre saison des pluies et saisons sèche. Pendant la mousson, le fleuve est alimenté par les précipitations abondantes qui s’abattent dans la région (Figure 13), période au cours de laquelle interviennent les crues (Goswami et Das 2003). Par conséquent, les forts débits sont liés principalement aux précipitations de mousson qui se concentrent sur une saison, ce qui explique l’écart considérable entre les extrêmes saisonniers (Figure 13 à Figure 16). En Assam, le Brahmapoutre est donc caractérisé par de fortes fluctuation du débit avec une période de hautes eaux de juin à octobre, au moment de la saison des pluies, et une période d’étiage de janvier à mars, durant la période la plus sèche (Brammer 1990 ; Hofer et Messerli 1997 ; Kamal-Heikman et al. 2007). Mais il existe aussi des facteurs de pondération comme les eaux de fusion nivale ou glaciaire qui alimentent les débits hivernaux sur le cours des rivières himalayennes (Figure 14) (Bethemont 2002 ; Seidel et Martinec 2004).

Figure 14 : Précipitations moyennes (en mm) et débit moyen mensuel (en m3/s) du Tsangpo relevés dans la station hydrologique de Yangcun (Tibet-Chine) de 1956 à 1982. Source : GRDC, 2013 (http://www.grdc.sr.unh.edu/html/Polygons/P2151100.html).

Le graphique de la figure 14 montre que l’augmentation du débit du Tsangpo est liée aux précipitations estivales et en partie à la fonte des neiges75.

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Figure 15 : Précipitations moyennes et débit moyen de la Yamuna relevés dans la station hydrologique de Bahadurabad située à proximité de Dhaka (Bangladesh) de 1969 à 1992.

Sources : Données distribuées par le Flood Control Department, Govt. of Assam (http://www.envisassam.nic.in/riversystem.asp).

Le graphique de la figure 15 montre que l’augmentation du débit du Brahmapoutre à Dhaka est due aux précipitations. En outre, le Brahmapoutre connaît des irrégularités dans ses débits de crues annuelles dont les maxima varient d’une année à l’autre (Kamal-Heikhman 2007). Le débit moyen annuel76 du fleuve rapporté au bassin versant est classé au 4e rang mondial (après l’Amazone, le Congo et le Yangtze) avec un débit moyen de 19 300 m3/s (Goswami 1985 ; Kotoky et al. 2005). De 1975 à 1990, le débit moyen annuel du Brahmapoutre à Bessamora (Majuli) était de 8 829,5 m3/s (WAPCOS 1993).

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Valeur du débit rapportée à la surface du bassin versant. L'abondance des débits dépend de la générosité des precipitations, mais aussi de la taille du bassin versant. C'est pourquoi on calcule le débit spécifique en faisant le rapport du module (moyenne arithmétique des débits journaliers calculée sur plusieurs années) sur la superficie du bassin versant.

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Figure 16 : Comparaison des débits moyens du Brahmapoutre et de ses affluents dans 4 stations : débit du Tsangpo à Yangcun, Tibet ; débit du Manas à Manas, Inde ; débit du Brahmapoutre à Pandu, Inde ; débit de la Yamuna à Bahadurabad, Bangladesh. Les volumes du débit ont été prélevés de 1954 à 1974 et de 1986 à 1999. Sources : WAPCOS 1993 ; Sarma 2005 ; Kamal-Heikhman 2007 ; Climatic Research Unit (CRU) of University of East Anglia (UEA)77.

Les graphiques des figures 14, 15 et 16 montrent que les plus forts débits susceptibles de provoquer des crues sont principalement liés aux précipitations qui s’abattent pendant la mousson sur la partie du bassin versant située en Inde. Au cours de cette saison des pluies, l’abondance de l’eau sature les capacités d’absorption des sols. La plaine alluviale connaît alors des crues d’ampleurs variables suivant un rythme annuel saisonnier et avec une variabilité interannuelle importante (pics de crues décennales). Une crue exceptionnelle devient une inondation lorsqu’elle déborde dans la plaine alluviale ou inondable, dépasse le seuil attendu par les populations et endommage les biens. Ces seuils dépendent donc de la microtopographie des terrains et des aménagements fluviaux existants.

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Source: World Bank Climate Portal. En ligne :

http://sdwebx.worldbank.org/climateportal/index.cfm?page=country_historical_climateetThisRegion=AsiaetThi sCCode=BGD (consulté le 01/05/2013).

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Dynamiques et cycle de l’eau dans la plaine alluviale

La tectonique et le cycle de l’eau contribuent à la mise en place du plus grand système d’érosion de la planète (Figure 17). Les fortes précipitations de mousson érodent les versants et produisent des matériaux qui viennent s’ajouter à la charge sédimentaire solide transportée par le réseau hydrographique.

Figure 17 : Orogenèse, morphogenèse, temps : dynamiques tectoniques et transfert des matières à l’aide du cycle de l’eau dans les bassins versants himalayens. Plusieurs mécanismes ont pour origine les interactions entre climat et tectonique : les modifications paléogéographiques (convergence, surrection des reliefs), les précipitations orographiques, le processus d’érosion et de dénudation des versants, la dynamique de transfert des sédiments et dépôts, le rebond isostatique et donc la surrection des massifs. Source : France-Lanord http://recherche.crpg.cnrs-nancy.fr/spip.php?article1149

Tableau 10 : Comparaison entre 4 grands fleuves. Source : Avouac et al. 2002 : 130. Bassins Superficie en km² Débit en km3/an Débit de matières solides en millions de t/an Lame d’eau écoulée en mm/an78 Erosion chimique : transport en solution en mg/l79 Erosion mécanique : transport en suspension et en charge de fond en mg/l80 Amazone 6 100 000 6590 850 1078 44 182 Congo-Zaïre 3 680 000 1200 --- 324 35 32 Gange 907 000 493 1450 470 182 1100 Brahmapoutre 580 000 510 730 879 101 1060 78

Hauteur de précipitations qui s'écoule en moyenne par unité de temps.

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Corrélée à la nature des roches et des sols.

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Avec le Gange, le Brahmapoutre est l’un des fleuves transportant les plus grandes charges chimique et mécanique au niveau mondial (Tableau 10). Le pic de charge sédimentaire varie en fonction du débit et 95 % de la charge sédimentaire est transporté au cours de la mousson (Goswami 1985 ; Sarma 2005).

Les superficies des bassins versants, les débits en km3/an et la lame d’eau écoulée en mm/an du Gange et du Brahmapoutre sont plus restreints si ont les compares à ceux des fleuves Amazone et Congo-Zaïre, néanmoins l’érosion chimique et mécanique en mg/litre est particulièrement élevée. Ce phénomène est notamment dû aux activités tectoniques et à l’instabilité des matériaux dans l’ensemble des bassins versants himalayens. L’érosion produit des solutions, en suspension ou en charge de fond81, transportées par les cours d’eau et déposées dans les plaines alluviales et dans le delta du Gange et du Brahmapoutre. Par conséquent, d’importantes masses de sédiments se déposent dans la plaine lors des grandes crues. Elles contribuent à l’exhaussement du lit fluvial et par conséquent au déplacement des lignes de berge, à la reconfiguration du tracé des chenaux du Brahmapoutre et de ses affluents ainsi qu’au comblement progressif des dépressions marécageuses (bras morts, marais, étangs)82. En raison de cet exhaussement, la navigation fluviale, pratiquée à l’époque coloniale pour acheminer les ressources de l’Assam vers la baie du Bengale, fut interrompue suite au tremblement de terre de 1950 et se limite depuis à des traversées d’une rive à l’autre du fleuve.

Les crues transportent des limons qui assurent la fertilisation du sol pour l’agriculture, mais lorsque l’eau déborde dans la plaine rompant les digues et submergeant les bourrelets alluviaux où habitent les communautés villageoises (Figure 7 et Figure 8), les crues deviennent des inondations.

Par définition, les inondations sont dévastatrices, car elles exercent une forte pression hydraulique activant le processus d’érosion des digues et des routes. Elles produisent d’importants dommages sur les biens matériels publics et privés. De plus, elles transportent du sable qui se dépose au-dessus des limons. L’érosion et les dépôts de sable endommagent les terres cultivées et habitées.

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On distingue la charge solide – constituée de galets, graviers et sables charriés sur le fond ou en suspension dans l’écoulement – de la charge dissoute, constituée des éléments chimiques dissous, issus de l’altération des minéraux. À partir de la concentration des matières dissoutes et solides et du débit des fleuves, on peut ensuite calculer le flux de matière exportée.

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Les recherches sont très nombreuses dans le domaine de la géographie physique s’intéressant aux dynamiques de l’hydrosystème fluvial du Brahmapoutre : Coleman 1969 ; Goswami 1985 ; Bristow 1987 ; WAPCOS 1993 ; Goswami et al. 1999 ; Ashworth 2000 et al. ; Jacqueminet et Bravard 2002 ; France-Lanord et Métévier 2002 ; Goswami et al. 2003 ; Goswami 2006 ; Baruah et Vadivelu 2003 ; Montgomery et al. 2004 ; Sarma et Phukan 2004 ; Kotoky et al. 2005 ; Sarma 2005 ; Singh 2006 ; Lahiri et Sinha 2012.

129 Mise en valeur des milieux et peuplement

Pour comprendre les phénomènes hydrogéomorphologiques qui se produisent dans la plaine alluviale, il semble indispensable de prendre en compte les caractéristiques biogéographiques, l’occupation des sols et les effets des activités humaines qui interfèrent à tous les niveaux hiérarchiques de l’hydrosystème fluvial83

(Sedell et al. 1989 ; Amoros & Petts 1993). Comme nous le présentons dans la coupe transversale des unités écologiques du bassin versant du Brahmapoutre (Figure 18), les écosystèmes du bassin versant du Brahmapoutre sont exploités de manière plus ou moins intensive.

Couronnés par la chaîne himalayenne s’élevant au-dessus de 8 000 mètres, les prairies et alpages du plateau tibétain, 4 000 mètres plus bas, offrent d’immenses espaces de pâture pour les yaks, tandis que le lit du Tsangpo est cultivé d’orge et de blé. Plus bas, en moyennes montagnes, les vallées,