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plaine alluviale du Brahmapoutre

3.2 Les dynamiques hydrogéomorphologiques du Brahmapoutre en Assam

Dans son ensemble, la topographie de la plaine alluviale du Brahmapoutre, dont la largeur varie de 40 à 100 kilomètres, se compose d’un lit mineur, d’une plaine alluviale récente bordée de terrasses plus anciennes et des piémonts himalayens. Comme l’expliquent Amoros et Petts (1993) : « la plaine alluviale est formée de l’accumulation de sédiments transportés puis déposés par le cours d’eau. Le dépôt se réalise à partir d’un flux en provenance du lit mineur. Ultérieurement, ces sédiments peuvent être repris par l’érosion et entrainés par le fleuve, le flux de matériaux s’effectue alors en sens inverse : de la plaine vers le cours d’eau. Des mouvements bidirectionnels affectent aussi l’élément « eau » qui, à la faveur des crues, ira inonder les parties les plus marginales de la plaine et pourra être stocké dans les dépressions puis, à la fin de la crue, ou lors des étiages, le mouvement s’effectuera en sens inverse. (…) C’est cette interdépendance du cours d’eau et de sa plaine alluviale, matérialisée par des flux bidirectionnels de matière, d’énergie et d’organismes, qui est à la base du concept d’hydrosystème fluvial » (Amoros et Petts 1993 : 7-8). Il s’agira donc de montrer ici les dynamiques hydrogéomorphologiques du Brahmapoutre caractérisées par la grande mobilité de ses chenaux.

Formes fluviales dans la moyenne vallée du Brahmapoutre Évolution des formes fluviales du Brahmapoutre

Dans sa vallée moyenne, le Brahmapoutre se caractérise par des régimes de crue et de sédimentation très changeants, à l’origine de la formation de nombreux bras et de cours d’eau qui se déplacent dans la plaine, composant ainsi un réseau de chenaux anastomosés dont la disposition et la configuration varient dans le temps (Amoros et Petts 1993 ; Goswami et al. 1999 ; Richardson et Thorne 2001 ; Sarma 2005). Cette dynamique fluviale dépend des variations du régime d’écoulement, des charges sédimentaires et de la néotectonique. Comme nous l’avons expliqué, les séismes mettent en mouvement les versants himalayens dont les sédiments, charriés depuis l’Himalaya par le fleuve et ses affluents, se déposent dans la plaine, participant à l’exhaussement du lit fluvial. De plus, un phénomène de subsidence et la formation de failles dans le socle sédimentaire contribuent à la recomposition permanente des formes fluviales.

Dans le lit mineur, le Brahmapoutre se divise en chenaux multiples, en tresse (anabranches)88, peu profonds, qui communiquent entre eux, se déversent les uns dans les autres, confluant pour

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« Anabranches » (anabranching river): système à chenaux multiples séparé par des îles fluviales végétalisées et stables. Cf. Knighton 1998.

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divaguer à nouveau ; ce qui correspond aux styles fluviaux en tresses89 (Figure 19) tels que décrits par Schumm (1968), Leopold et al. (1964), Williams et Rust (1969), Tricart (1977), Knighton et Nanson (1993), Knighton (1998), Bravard et Petit (2000), Malavoi et Bravard (2007).

Figure 19 : Les formes fluviales et leurs dynamiques. Source : inspiré de Bravard et Petit, 2000 et de Bethemont 2002 : 34.

Le lit tressé devient, en période de hautes eaux, une veine unique bordée par une vaste plaine d’inondation. Les chenaux principaux sont nommés nodi en assamais et ané en mising. Une partie des chenaux ne sont en eau que lors de forts débits. Du fait des dépôts d’alluvions dans le lit des cours d’eau, ceux-ci tendent à déborder en période de crue, ce qui entraîne de nombreuses défluviations réactivant d’anciens tracés ou en créant de nouveaux, puis ces cours d’eau s’étiolent pendant la saison sèche et sont parfois abandonnés. Les cours d’eau secondaires correspondent souvent à des paléo-chenaux, localement nommés suti (as.), tel que le Kherkota Suti, marquant la limite entre la subdivision de Dhakuakhana et de Majuli ; leur faible profondeur et leur étroitesse les différencient du cours principal.

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En 1968, S.A Schumm a introduit la distinction entre rivières à chenaux anastomosés et rivières à chenaux tressés selon l’indice de sinuosité, la morphologie, le matériau transporté, la stratigraphie des dépôts et la vitesse d’évolution des formes. La notion d’anastomose a été créée pour rendre compte de formes et de processus distincts du tressage, style dans lequel la nature grossière et l’abondance du transit de la charge du fond ainsi que la mobilité des formes sont les traits dominants (Cf. Leopold et al. 1964 ; Knighton A.D. 1998). Les chenaux sont fréquemment accompagnés de levées, en arrière desquels se développent des zones humides dans lesquelles les eaux de crue se déversent à la faveur des brèches (Schumm 1968 ; Bravard et Petit 2000).

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Figure 20 : Les formes fluviales du Brahmapoutre et de ses affluents avec les terminologies assamaises. L’image en 3D n’est pas géoréférencée et ne comprend pas d’échelle. Source : Image Google earth prise en 2000 pendant la saison d’étiage. L’image est annotée par l’auteur.

En eaux moyennes ou basses, les chenaux sont entrecoupés de bancs d’alluvions émergés, appelés chars ou sapori respectivement en bengali et en assamais, entre lesquels les eaux se divisent en empruntant différents passages (Bhagabati 2004). Ces bancs centraux ou latéraux résultent des dépôts de sédiment fluviaux (sables, limons et argiles) qui s’accumulent dans le lit mineur et provoquent la divergence des flots. Ces bancs de sable (Figure 20) extrêmement mouvants avancent

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progressivement vers l’aval pour disparaître emportés par le courant des crues ou réapparaître en saison sèche (Colemnan 1969 ; Elahi 1989 ; Dutta 2001 ; Sarma 2005). Leurs hauteurs ne peuvent être supérieures aux plus hautes eaux et se caractérisent par leur impermanence. Les dépôts fluviaux insubmersibles deviennent progressivement des îles ou des terrasses lorsqu’elles se stabilisent et sont recouvertes de manière permanente par de la végétation. Dans un milieu particulièrement instable, ces formes fluviales peuvent redevenir des bancs de sable à la suite d’un enfoncement du lit ou lorsque l’érosion entame leurs berges. Dans la plupart des cas, ces terres sont utilisées comme terrains communaux à vocation fourragère où le bétail peut pâturer pendant la saison sèche.

Le long des berges du lit mineur, les courants déposent leur charge sédimentaire. Ces dépôts s’accumulent pour former des levées naturelles latérales (bourrelets alluviaux) qui ne sont submergées que très peu de temps lors des plus fortes crues (Amoros et Petts 1993). Ils sont progressivement couverts de forêts à bois dur, établies sur des sols bien drainants constitués de limons ou de limons sableux. Ainsi se juxtaposent les chenaux et les levées de terre, seuls reliefs d’un paysage de plaine. Ces levées coupent la circulation entre le fleuve et la plaine d’inondation ce qui induit le développement de zones marécageuses dans les bras abandonnés entourés de forêts humides, zones établies sur des sols tourbeux gorgés d’eau et inondés pendant une grande partie de l’année. Ces multiples nuances de la micro-topographie et du milieu impliquent une grande richesse biotique.

La plaine alluviale est formée par l’imbrication de plusieurs formes fluviales. En se déplaçant, les chenaux produisent une mosaïque d’écosystèmes dont chaque élément est localement nommé. L’analyse des images satellites Landsat de 1973, 1990 et 2000 et SPOT 1987 et 2007 permet d’observer les changements de tracé des chenaux du fleuve dans les 3 zones d’études (Carte 21).

Styles fluviaux des affluents

Les affluents de la rive nord, dont le Subansiri90, et de la rive sud-est du Brahmapoutre, dont le Dhansiri91, présentent principalement des tracés sinueux, à méandres, lorsqu’ils entrent dans la plaine92. Ces méandres sont des formes fluviales sinueuses dynamiques qui tendent à glisser vers l’aval

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Le Subansiri, principal affluent du Brahmapoutre, draîne un bassin versant de 37 000 km². Son cours principal s’étend sur 520 kilomètres. Il prend sa source dans les glaciers de l’Himalaya oriental, traverse l’Arunachal Pradesh central, le district de Lakhimpur en Assam jusqu’à sa confluence avec le Brahmapoutre en aval de l’île fluviale de Majuli. Son débit moyen à Gerukamukh est de 1400 m3/s selon Goswami (1999) et il transporte 35,48 millions de tonnes de sédiments en suspension par an, selon le WAPCOS (Water and Power Consultancy Services) (1993).

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Le Dhansiri draine un bassin versant de 1200 km2 et son cours s’étend sur 352 kilomètres de long. Il prend sa source dans les monts Patkaï, au Nagaland, traverse le district de Golaghat jusqu’à sa confluence avec le Brahmapoutre dans la subdivision de Bokakhat.

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Les méandres de plaine alluviale ont la possibilité de migrer latéralement, d’éroder leur berge et de déposer leurs alluvions. Ces méandres se forment suite à un processus d’ajustement propre au fonctionnement du système fluvial, à savoir le jeu des variables externes qui sont le débit liquide et la charge solide (cf. Bravard et Malavoi 2007).

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et à se recouper, tandis qu’une forte charge sédimentaire et une faible profondeur les transforment en lits tressés particulièrement instables. Ainsi, de 1920 à 1990, il y a eu une diminution progressive de la sinuosité du chenal du Subansiri et une augmentation progressive de l’indice de tressage (Braiding Index) en entrant dans la plaine à Gerukamukh, dans le district de Lakhimpur, ce qui indique une augmentation des dépôts des sédiments dans son lit (Goswami et al. 1999). Les cours d’eau de la rive sud ont de plus faibles charges sédimentaires et des pentes plus douces que ceux de la rive nord (Siang, Subansiri) qui prennent leur source dans les glaciers himalayens, transportent de lourdes charges sédimentaires sur des pentes abruptes et produisent parfois des crues soudaines, appelées flash flood (Sarma 2003). À l’occasion de crues exceptionnelles, les eaux peuvent rompre les bourrelets alluviaux et se frayer un nouveau lit dans la plaine, ce qui tend parfois à endommager les aménagements (routes, ponts et digues) édifiés dans la plaine. Les cours d’eau reprennent parfois les lits d’anciens chenaux abandonnés (paléochenaux), décuplant ainsi leurs bras ce qui contribue au processus de défluviation en drainant les zones humides. De plus, la modification du tracé des chenaux fluviaux peut être liée à des événements tectoniques tels que le séisme de 1950 qui a eu d’importants effets sur le tracé des chenaux du Subansiri.

Les habitants des villages de Bokakhat, de Majuli et de Dhakuakhana, peuplant les rives du fleuve et de ses affluents, se voient démunis lorsque les chenaux se déplacent et érodent leurs terres pour tracer leur nouveau lit. Par conséquent, les villageois sont régulièrement poussés à déplacer leurs villages. Ces différentes dynamiques hydrogéomorphologiques contribuent ainsi aux recompositions territoriales dans la plaine alluviale du Brahmapoutre.

Formation des zones humides et services écosystémiques

La plaine alluviale moyenne du Brahmapoutre s’étend sur une pente s’élevant de 85 à 70 mètres d’altitude d’amont en aval de la zone d’étude. La microtopographie est principalement liée aux levées naturelles et à un réseau de dépressions, de chenaux morts et de marais (appelés beels en assamais) qui rompent occasionnellement l’homogénéité du relief. Les bras morts forment des mares temporaires dont certaines ont une forme de croissants, hérités de boucles de méandres oxbow lake (an.), recoupées et abandonnées, localement nommées mori suti (as.). L’eau y stagne, s’y infiltre et forme des marais, plus ou moins en communication avec les eaux courantes. Les hola (as.) ou dhubi (as.) sont de petits plans d’eau, peu profonds, établis sur d’anciens chenaux en cours de comblement qui peuvent être colonisés par des formations arbustives ou des tourbières, plus ou moins envahies par la végétation aquatique.

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La convention de Ramsar mit en exergue l’importance du rôle écologique des zones humides dans les hydrosystèmes fluviaux et les valeurs culturelles de ces paysages riches en ressources93. Les zones humides offrent, en effet, des « services écosystémiques94 » importants aux sociétés humaines95 (MEA 2005). Elles contribuent à la régulation du fleuve, puisque les marais stockent les précipitations et normalisent le transfert de celles-ci vers les chenaux d’écoulement : « elles amortissent donc les crues et soutiennent les étiages, ce qui revient à dire que toute réduction de ces zones, toute résection des bras morts, tout assèchement des marais amplifient les débits extrêmes » (Bethemont 2002 : 47). Sans leur présence, « la propagation des crues serait plus rapide et le pic de crue (débit maximum) serait accentué » (Bethemont 2002 : 47). Ces réservoirs restituent l’eau dans une percolation lente réduisant ainsi le débit et le volume du ruissellement ce qui permet de diminuer la sévérité des crues et de garder une réserve pour la saison sèche. En aval, le niveau des plus grands cours d’eau s’élève plus lentement, ce qui diminue les risques pour les vies humaines et les moyens de subsistance des populations. Ces zones humides mettent à disposition de l’eau et offrent des ressources indispensables à la subsistance des populations (Keddy et al. 2009 ; Johnson et Hutton 2012). En tant qu’écotones (zones de contact entre biotopes de natures différentes), elles sont le lieu d’échanges intenses et forment un habitat d’une riche biodiversité. Elles sont envahies par une végétation aquatique immergée (hydrophytes) qui sera elle-même dominée puis remplacée par une végétation émergée de roselière (hélophytes). En Assam, elles constituent des espaces de pêche, car elles contiennent les matières végétales et animales nécessaires à l’alimentation des poissons d’eau douce. Elles constituent aussi l’essentiel des frayères et des zones de nidification de l’avifaune. Enfin, leur fertilité est propice à la riziculture.

Les crues restent indispensables pour le bon fonctionnement de ces agro-écosystèmes humides car elles renouvellent l’eau de la nappe phréatique et de l’ensemble de la zone. La circulation de l’eau permet d’assainir la plaine en réduisant les zones d’eau stagnante et détrempée où viennent se développer divers parasites dont les anophèles, vecteurs de la malaria (Plasmodium Falciparum). Ces zones humides jouent un rôle de filtre, drainent les produits phytosanitaires polluants et facilitent l’oxygénation de l’eau. Les plantes hygrophiles absorbent et stockent les matières nutritives contenues

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La convention de Ramsar est un traité intergouvernemental qui sert de cadre à l’action nationale et à la coopération internationale pour la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides et de leurs ressources. Selon les termes de référence de cette convention, les zones humides comprennent les zones de marais, les marécages et les tourbières, qu’elles soient naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires et que l’eau soit stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée.

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Le Millenium Ecosystem Assessment a défini les services écosystémiques comme : « les bénéfices que les humains tirent des écosystèmes » (MEA 2005 : 9).

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Cf. Les services écologiques rendus par les zones humides. Rapport du Ramsar en ligne :

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dans le sol et l’eau. Ces matières sont réintroduites dans l’environnement lorsque les plantes meurent ou sont récoltées pour l’alimentation ou comme matériaux de construction. Avec l’arrivée de la saison sèche, la nébulosité et la saturation de l’air diminuent soudainement. L’évaporation, l’évapotranspiration et l’infiltration étant importantes, la nappe phréatique s’abaisse et l’eau déposée par les crues se dissipe après quelques mois (Taher et Ahmed 2002 ; Goswami et Das 2003).

Toutefois, les zones humides ont tendance à se réduire dans la plaine en raison d’un comblement par les sédiments fins, de la transformation en terres agricoles et de l’aménagement de digues. Lors de la rupture des digues protégeant les subdivisions de Majuli et de Dhakuakhana en 1998 puis en 2008, des dépôts de sable fin ont recouvert les terres cultivées par les habitants dans un rayon de 3 à 4 kilomètres depuis le chenal principal. Ces dépôts de sédiments tendent également à colmater les marais et le lit des cours d’eau utiles pour le drainage des terres (Sarma et Phukan 2004). À Bokakhat, les marais indispensables pour l’abreuvement de la faune sauvage du PNK et pour le bétail des villages périphériques tendent à se réduire. Les cartes topographiques de Majuli mentionnaient 49 cours d’eau au début du XXe siècle, celles des années 1970 n’en mentionnent plus que 7.

Formation de l’île de Majuli et des terres de Dhakuakhana et de Bokakhat Mobilité des cours d’eau et des chenaux dans la plaine

Les chenaux du Brahmapoutre changent chaque année de trajectoire et tendent continuellement à créer de nouvelles formes fluviales. L’île de Majuli est le résultat de ces dynamiques hydrogéomorphologiques (Dutta 2001; Sarma et Phukan 2004). Les chenaux du Brahmapoutre se seraient déplacés au cours des siècles, détachant un vaste bout de terre de la rive sud, pour former une île, entourée, de part et d’autre, par les chenaux du Brahmapoutre et ses affluents (Carte 18). Elle est ainsi considérée comme « l’île fluviale la plus grande au monde ! » (Hazarika 2004). Ce superlatif semble toutefois très simplificateur étant donné la complexité du réseau hydrographique.

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Carte 18 : Extrait de la carte du Haut-Assam de 1835 réalisée par J.B. Tassin. Échelle : 1 / 253 440. Zone Secteurs étudiés.

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Les terres de Majuli et de Dhakuakhana sont connues pour être inondables. Depuis le XIIIe siècle, ces territoires administrés par les rois ahom étaient nommés habung, terme qui désignerait, d’après les habitants de Dhakuakhana, des « terres basses régulièrement inondées, composées de nombreuses zones humides et de marais ».96

D’après les chroniques historiques du XVIIe

siècle, le roi Pratap Singh (1603-1641) fit construire une levée de terre, servant de rempart, de route et de digue (ali, as.), traversant la plaine du nord au sud, par son centre (maj, as.). Cet aménagement aurait donné son nom à l’île : Maj-ali. Les archives des monastères vaishnavites (satra) indiquent que le cours principal du Brahmapoutre s’écoulait alors au nord de l’île actuelle de Majuli, par les chenaux du Lohit, du Kherkota Suti, du Charikoria et rejoignait le chenal actuel du Subansiri (Goswami et al. 1999 ; Dutta 2001 ; Sarma et Phukan 2004).

La carte du Haut-Assam de 1835 (Carte 18) comprend les districts de Jorhat (Joorhat), Lakhimpur (Luckimpore) et Sadiya. Elle montre les jardins expérimentaux (tea tracks, an.) établis par Mr Charles A. Bruce, superintendant de la Compagnie britannique des Indes orientales en Assam, ainsi que les routes proposées pour un aménagement entre Sadiya et le Booree Dihing97. Les premières plantations de thé furent établies en 1837, deux ans plus tard. Sur cette carte nous pouvons constater l’étendue de l’île de Majuli (Majulee). Ainsi, Maj-ali désigne une terre située entre deux chenaux principaux : le « Lohit » (Booree Lohit) au nord et le « Dihing » (Booree Dihing) au sud (Carte 18). À l’époque de la carte, le Brahmapoutre (Burhampooter) était navigable et comprenait peu de bancs de sable (sapori) dans son lit. La rivière Dhansiri (Dhunseeree) était rattachée à son défluent le Mori Dhansiri (Mora Dhunseeree).

De 1661 à 1696, puis de 1735 à 1780, une série de tremblements de terre et d’inondations (décennales) auraient provoqué le déplacement drastique du cours principal du Brahmapoutre vers le sud. Puis, il aurait dérivé vers la rivière Dihing (Gait 1905 ; Bhuyan 1968 ; Mahanta 2001 ; Sarma et Phukan 2004 ; Sarma et al. 2007). Une grande vague d’inondation eu probablement lieu en 1828 comme en témoignait le lieutenant Neufville : « Une crue soudaine venue du Siang-Dihang inonda le pays, emportant des districts et des villages dans son torrent… Cette crue se poursuivit pendant 15 jours… » (Neufville 1828 : 335). D’après Kotoky et al., lors de ces événements extrêmes, la multiplication des bras secondaires (anabranches) et la diversion des chenaux vers le sud furent à l’origine de la création de l’île de Majuli (Kotoky et al. 2003).

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Entretien réalisé en février 2011.

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Le titre de la version originale est Map of Upper Assam comprising the districts of Joorhat, Luckhimpore and

Sudiya, showing the tea tracts discovered by Mr C.A Bruce superintendent of tea culture to the Honorable East India Company in Assam also road proposed to be opened from Sadiya to Booree Dihin.

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Carte 19 : Carte du Haut-Assam de 1862 réalisée par Major N. F. Badgley, Captain J.H.W Osborne, W. Barron, E. W Samuells, R.G. Woodthorpe, Mr. H.B. Talbot et leurs assistants d’enquête. Saison 1862. Surface de Majuli en rose.

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Selon Montgomery, l’île de Majuli était composée de limons et d’argiles plus ou moins submergés pendant les crues, comme le montrent les cartes topographiques du Survey of India du XIXe siècle (Montgomery 1838 : 641). La partie centrale de l’île était traversée par quelques cours d’eau et par un réseau de marais (beel et hola) hérités d’anciens chenaux. La rivière la plus longue, la Tuni Nodi, aurait été liée à la rivière Dikhow, lorsque les terres qu’elle draine étaient rattachées à la rive sud. Elle sillonne aujourd’hui l’île en formant de larges méandres sur 41 kilomètres. La carte topographique de 1862 présente une île s’étendant sur 60 kilomètres de Kherkotamukh, en face de Sivasagar, jusqu’au Dhansirimukh, au niveau du parc national de Kaziranga (Carte 19).

L’île se trouve aussi au milieu d’un delta intérieur, puisque le Subansiri, l’une des plus grandes