• Aucun résultat trouvé

2. Proust « tout contre » Sainte-Beuve

2.3. Contre Sainte-Beuve : la critique selon Proust

2.3.2. Contre Sainte-Beuve : fiction narrative

Dans « Sommeils » et « Chambres », que Bernard de Fallois place en tête de Contre Sainte-Beuve (1954), Proust décrit l’état de rêve éveillé ou de demi-sommeil qui lui permet de revivre, par l’intermédiaire de sensations réelle ou imaginées, certains souvenirs d’enfance enfouis dans l’inconscient. Avec « Journées », il décrit les impressions et les souvenirs que provoquent en le rayon de soleil filtrant à travers les rideaux de sa chambre. Il prédit même la température grâce à l’intériorisation de ses sensations ; il recrée le beau temps en lui-même. Proust écrit :

Qu’importait que je fusse couché, les rideaux fermés! À une seule de ses manifestations de lumière ou d’odeur, je savais que l’heure était, non pas dans mon imagination, mais dans la réalité présente du temps, avec toutes les possibilités de vie qu’elle offrait aux hommes, non pas une heure rêvée, mais une réalité à laquelle je participais, comme un degré de plus ajouté à la vérité des plaisirs.583

C’est dire que par l’intermédiaire de la sensation, notre corps nous apprend que nous sommes toujours dans le cadre spatiotemporel auquel il nous confine. L’homme éveillé, conscient, est prisonnier de son enveloppe corporelle. Et le narrateur de ces fragments l’est d’autant plus qu’il est alité, emmuré, puisque malade. Nostalgique et mélancolique, il voudrait pouvoir revivre sa jeunesse, il voudrait pouvoir rejoindre ceux qui vivent dehors, rencontrer ces êtres inconnus dont la beauté est comme une promesse d’idéal et de bonheur, d’infinies possibilités de vie. Mais la véritable originalité n’est pas dans les faits ; elle réside plutôt dans les impressions, qui transforment les faits, selon Proust584. Et ainsi se mêlent les désirs par le biais ses sensations,

rendant indissociables le souvenir de tel pays et celui de telle femme.

Proust parle ensuite de « La comtesse », et la compare à ces objets qui perdent, pour leur possesseur, toute leur poésie. Cette femme est l’occasion pour Proust d’illustrer la déception du réel face à l’imagination. « Un visage qui nous plaît, c’est un visage que nous avons créé avec tel regard, telle partie de la joue, telle indication du nez, c’est une des mille personnes, qu’on pouvait faire jaillir d’une personne585 », écrit-il. Trop empirique, la connaissance d’une chose ou d’une

personne perd en vérité, selon Proust. Ainsi en s’éloignant de l’impressionnisme, l’art qui tente de reproduire la vie, l’art réaliste et naturaliste, « supprime la seule chose précieuse586 ». Le monde

extérieur cache un mystère, mais il est illusoire de croire que c’est dans la matérialité des choses que nous le découvrons. La physionomie de la comtesse, dont ses proches partagent les traits, fascine le narrateur qui croit que connaître sa famille, ce serait un peu comme la connaître elle, goûter son essence587. Il cherche à l’apercevoir dans ses déplacements, à cueillir l’anecdote

mondaine à la manière de Sainte-Beuve.

Le chapitre qui suit sert aussi à pasticher l’attitude beuvienne. En effet, « L’article dans Le Figaro » met en scène la réception d’un texte par son auteur, une tentative d’autocritique. Dans cette section, Proust évoque le souvenir de la publication de son premier article, paru en première page du Figaro. Sa mère, sachant que quelque chose de « prodigieux588 » se produira lorsque son

fils lira les cinq colonnes signées de sa main, laisse celui-ci seul dans sa chambre avec une copie

583 PROUST, Marcel, CSB-1954, op. cit., p. 78. 584 Ibid., p. 83.

585 Ibid., p. 89. 586 Ibid., p. 90. 587 Ibid., p. 92. 588 Ibid., p. 95.

qu’elle lui a apportée. La négligence inhabituelle avec laquelle elle lui donne le journal, tentant par le fait même de ne pas gâcher la surprise, fournit tout de suite l’indice nécessaire au narrateur pour appréhender l’événement exceptionnel qui est sur le point de se produire. Comme quoi les signes extérieurs émis involontairement trahissent parfois leur intention, tandis que ceux manifestés volontairement ne traduisent pas toujours le message qu’ils sont sensés transmettre. Par ce petit épisode anodin, Proust préfigure déjà le thème de ses réflexions sur la réception d’un texte. Devant ses propres colonnes, le narrateur tente effectivement de se placer dans une posture de lecteur. Il joue le jeu d’une approche naïve, tant au niveau de la facture visuelle que du contenu de son article. « [Cette] feuille qui est à la fois une et dix mille par une multiplication mystérieuse, tout en la laissant identique et sans l’enlever à personne589 », entre dans les maisons

de lecteurs potentiels, tombe sous les yeux d’hommes et de femmes à peine éveillés, d’esprits plus ou moins cultivés, instruits, intelligents. À la première relecture, Proust se lance des fleurs. « Réellement, il me paraît impossible que les dix mille personnes qui lisent en ce moment l’article ne ressentent pas pour moi l’admiration que j’éprouve pour moi-même590 », écrit-il. D’abord

auteur, ensuite lecteur, il a recouvert d’une seconde couche sémiotique les colonnes de son article. Un superbe palimpseste s’offre à son regard! Mais n’avait-il pas d’abord voulu le lire avec cette « indifférence de lecteur non averti591 » ? On assiste de fait à l’échec d’une première

tentative d’intropathie. « Ces images que je vois sous mes mots, je les vois parce que j’ai voulu les y mettre ; elles n’y sont pas592 », avoue le narrateur. C’est la révélation valéryenne. Envoyé,

corrigé, dactylographié, imprimé, multiplié, distribué, digéré, interprété, ressassé, morcelé, démembré, ignoré ; son article ne lui appartient plus. Les mots qui s’y trouvent sont des vases, des vases qu’il avait remplis de toute son individualité d’auteur et qui seront remplis (ou laissés vides) par dix mille lecteurs, dix mille individus dont pas un n’a la même personnalité. Le remplissage que ces derniers effectueront dépendra de leurs ressources, de leur tempérament, de leurs connaissances, de leur sensibilité, de leur jugement, de leur expérience, bref, de la somme de ces choses qui participent à la construction de leur être, de la plus humble architecture spirituelle à la majestueuse cathédrale psychologique. Avec cette nouvelle perspective phénoménologique, Proust donne à repenser le pouvoir des mots. Pour comprendre ce que cette théorie de la réception a de phénoménologique, il faut retourner aux influences philosophiques de Proust et plus particulièrement à Henri Bergson. Il faut savoir que ce philosophe, sans être entièrement engagé dans la veine phénoménologique (encore piqué de certains tics d’un psychologisme que contestera ultérieurement Merleau-Ponty), place l’intuition au premier rang.

589 Ibid., p. 96-97. 590 Ibid., p. 97. 591 Ibid., p. 96. 592 Ibid., p. 98.

Pour lui, ce n’est que par une visée intuitive que nous est rendue accessible l’Essence des choses. En d’autres termes, nous ne saisissons jamais la Vérité qui gît au creux du principe même des êtres, constamment en mouvement, mais nous en éprouvons l’impression fugitive. Proust phénoménologue, Proust intuitif, Proust impressionniste : équivalences qui indiquent que le référent est pour l’écrivain quelque chose d’impénétrable. L’impossibilité de connaître les choses en soi, il faut l’admettre de concert avec l’épistémologie kantienne, embryon de la phénoménologie (et Proust a lu Kant avec Darlu). C’est alors que nous comprenons la volonté d’assentiment qui se cache derrière le langage et la littérature. Puissants moteurs d’imagination, les mots ne sont qu’un moyen d’exprimer l’Essence, la Vérité, l’Idée. Le travail d’interprétation, le déchiffrage des signes, la traduction de ces hiéroglyphes est précisément une besogne à la fois dionysiaque et titanesque, c’est-à-dire une tâche qui incombe à l’homme parce qu’il est pris dans cette dualité naturelle, entre son corps et son esprit, entre ses sensations et ses réflexions. Dans cette volonté de communion des esprits, de partage des connaissances, de compréhension universelle se cache une vérité humaine universelle : ego cogito. La pensée révèle à l’homme son individualité, elle fait signe vers son imperfection, cette limitation fondamentale que seule la littérature (langue, communication) paraît pouvoir surmonter. Proust s’empresse alors de se procurer d’autres exemplaires du Figaro qui lui permettent de « toucher du doigt l’incarnation de [sa] pensée en ces milliers de feuilles humides593 » et qu’il devra distribuer à ses amis et

connaissances afin de sonder leur opinion et de recueillir leur témoignage (la méthode beuvienne n’étant jamais bien loin). Il interroge d’abord sa servante Félicie (Françoise, dans la Recherche). Il lui demande ce qu’elle a pensé du « passage sur le téléphone594 ». Or, il existe bel et bien un

article publié dans Le Figaro, signé de la plume de Marcel Proust, dont une importante partie est consacrée aux opératrices téléphoniques : il s’agit de « Journées de lecture ». Ce passage sera presque intégralement repris dans Le côté de Guermantes lors de l’épisode de la conversation téléphonique entre le narrateur et sa grand-mère595. En voici un extrait :

Je disais qu’avant de nous décider à lire, nous cherchons à causer encore, à téléphoner, nous demandons numéro sur numéro. Mais parfois les Filles de la Nuit, les Messagères de la Parole, les Déesses sans visage, les capricieuses Gardiennes ne veulent ou ne peuvent nous ouvrir les portes de l’Invisible, le Mystère sollicité reste sourd, le vénérable inventeur de l’imprimerie et le jeune prince amateur de peinture impressionniste et chauffeur, – Gutenberg et Wagram ! – qu’elles invoquent inlassablement, laissent leurs supplications sans réponse ; alors, comme on ne veut pas faire de visites, comme on ne veut pas en

593 Ibid., p. 100. 594 Ibid., p. 106.

recevoir, comme les demoiselles du téléphone ne nous donnent pas la communication, on se résigne à se taire, on lit.596

C’est dire que pour la majorité des gens, la lecture vient seulement après la mondanité. On comprend mieux pourquoi Proust annonce, vers la fin de son article, que ce dernier devait d’abord s’intituler « Le Snobisme et la Postérité ». Et puis, en retournant au corpus d’ensemble que forme le Contre Sainte-Beuve (1954), il paraît évident que Proust y dénonce le ton de la causerie, propre à l’écriture journalistique beuvienne. Ce reproche va suivre jusque dans la

Recherche, où le narrateur affirme que « [l’artiste] qui renonce à une heure de travail pour une

heure de causerie avec un ami sait qu’il sacrifie une réalité pour quelque chose qui n’existe pas…597 ». Selon Proust, en effet, la mondanité et la superficialité du bavardage corrompent la

littérature. Ainsi va le constat proustien du cinquième chapitre du Contre Sainte-Beuve (1954) : « Je voudrais penser que ces idées merveilleuses pénètrent à ce même moment dans tous les cerveaux, mais aussitôt je pense à tous les gens qui ne lisent pas Le Figaro, qui peut-être ne le liront pas aujourd’hui, qui vont partir pour la chasse, ou ne l’ont pas ouvert.598 » Que valent donc

les témoins de la vie d’un écrivain? Que vaut la méthode beuvienne? La survie d’une idée, la transmission d’un savoir par le texte dépend de sa lecture, de sa critique ; si cette dernière n’est pas effectuée correctement, ou pis encore, si elle n’est pas du tout réalisée, l’idée sera à jamais perdue pour la postérité. Dès lors, comment partager une impression, un jugement artistique? Proust s’apprête justement à tenter l’expérience en rapportant une conversation fictive avec sa mère décédée!

« Le rayon de soleil sur le balcon » fait le pont entre le chapitre sur l’article du Figaro et la conversation annonçant l’essai sur Sainte-Beuve. Proust rejoint sa mère, dans sa chambre, afin de sonder son opinion à propos de sa publication. Là, sur le balcon, il revoit le rayon d’aube qui agit comme un fil conducteur depuis le début de Contre Sainte-Beuve (1954) :

[Des] innombrables souvenirs indistincts les uns derrière les autres jusqu’au fond de mon passé ressentaient l’impression de ce rayon de soleil en même temps que mes yeux d’aujourd’hui, et donnaient à cette impression une sorte de volume, mettaient en moi une sorte de profondeur, de plénitude, de réalité faite de toute cette réalité des journées aimées, consultées, senties dans leur vérité, dans leur promesse de plaisir, dans leur battement incertain et familier. Sans doute, […] mon impression d’aujourd’hui est vieille et fatiguée. Mais toutes ces impressions la renforcent, lui donnent quelque chose d’admirable. Peut-être aussi elles me permettent cette chose délicieuse : avoir un plaisir d’imagination, une plaisir irréel, le seul vrai plaisir des poètes ; dans une minute de réalité, elles me permettent une des rares minutes qui ne soit pas décevante. Et de cette impression et de toutes se semblables, quelque chose qui leur est commun se dégage, quelque chose dont nous ne saurions pas

596 Ibid., p. 850. 597 Ibid., p. 2269.

expliquer la supériorité sur les réalités de notre vie, celles mêmes de l’intelligence, de la passion et du sentiment. Mais cette supériorité est si certaine que c’est à peu près la seule chose dont nous ne pouvons douter. Au moment où cette chose, essence commune de nos impressions est perçue par nous, nous éprouvons un plaisir que rien n’égale, pendant lequel nous savons que la mort n’a aucune espèce d’importance.

Parmi les souvenirs que ce rayon superpose dans sa mémoire, Proust raconte l’apprivoisement de la jeune inconnue dont il était amoureux. Il se représente pénétrant l’intimité de l’autre, la possédant enfin ; il illustre le désir réalisé, assouvi… tué. La mort, pour Proust, ne concerne en effet que les choses matérielles. Et le désir tarissable est une sorte de faux désir, un intérêt pour les détails concrets, un appétit des choses terrestres. Proust donne à penser qu’il vaut donc mieux pourchasser le beau idéal, celui sans cesse renouvelé de nos impressions, celui qui se cache sous la somme de ces désirs et des souvenirs qui nous habitent à cause d’eux, car seul le désir métaphysique est éternel.

Proust poursuit, dans « Conversation avec Maman », sa description d’un autre souvenir ranimé par le soleil, celui de Venise. Ce voyage, il l’avait fait avec sa mère. Elle est donc inextricablement imbriquée dans ses souvenirs vénitiens. Cette mère, avec qui il a une conversation fictive, est pourtant morte. Et le narrateur ne peut se résoudre à la quitter, comme s’il allait la perdre à jamais. Il va finalement se coucher. Elle l’embrasse, puis s’en va. Proust conçoit alors l’idée d’un papier dont le sujet serait « contre la méthode de Sainte-Beuve599 » et sollicite encore l’opinion de

sa mère. Afin qu’elle puisse la lui donner, il lui déballera tout son article : « La méthode de Sainte- Beuve ». Sorte de préambule au morceau essayistique, la discussion entre Proust sa mère, Pierre Clarac la situe dans « Projets de préface », directement après le texte que Bernard de Fallois met en « Préface » de Contre Sainte-Beuve (1954), et qui est comme une explication de tout ce que Proust illustre dans les fragments narratifs du début. Nous y retrouvons les premières ébauches des célèbres passages de réminiscence proustienne : celui de la madeleine (ici biscotte), celui des pavés inégaux de Venise, celui des arbres d’Hudismesnil. Clarac y ajoute quelques paragraphes de réécriture, absents de l’édition de Fallois. Proust dit à sa mère qu’il « [voudrait] faire un article sur Sainte-Beuve, [qu’il voudrait] montrer que sa méthode critique qu’on admire tant, est absurde, que c’est un mauvais écrivain, et peut-être cela [le] mènerait-il à dire des vérités plus importantes600 ». Or c’est à peu près ce qu’il écrit dans la préface :

La méthode de Sainte-Beuve n’est peut-être pas au premier abord un objet si important. Mais peut-être sera-t-on amené, au cours de ces pages, à voir qu’elle touche à de très

599 Ibid., p. 129.

importants problèmes intellectuels, peut-être au plus grand de tous pour un artiste, à cette infériorité de l’intelligence dont je parlais au commencement.601

Le texte s’ouvre en effet sur un réquisitoire contre la primauté de l’intelligence (que nous citons ici à la suite du morceau beuvien duquel il se rapproche). Sainte-Beuve avait écrit, dans un article du Jouffroy paru en 1833 : « Et puis, nous l’avouerons, comme science, la philosophie nous affecte de moins en moins ; qu’il nous suffise d’y voir toujours un noble et nécessaire exercice, une gymnastique de la pensée que doit pratiquer pendant un temps toute vigoureuse jeunesse. » Proust, quant à lui, dit :

Chaque jour j’attache moins de prix à l’intelligence. Chaque jour je me rends mieux compte que ce n’est qu’en dehors d’elle que l’écrivain peut ressaisir quelque chose de nos impressions, c’est-à-dire atteindre quelque chose de lui-même et la seule matière de l’art. Ce que l’intelligence nous rend sous le nom du passé n’est pas lui.602

Puis :

À côté du passé, essence intime de nous-mêmes, les vérités de l’intelligence semblent bien peu réelles. Aussi, surtout à partir du moment où nos forces décroissent, est-ce vers tout ce qui peut nous aider à le retrouver que nous nous portons, dussions-nous être peu compris de ces personnes intelligentes qui ne savent pas que l’artiste vit seul, que la valeur absolue des choses qu’il voit n’importe pas pour lui, que l’échelle des valeurs ne peut être trouvée qu’en lui-même.603

Et plus loin :

Mais d’une part les vérités de l’intelligence, si elles sont moins précieuse que [les] secrets du sentiment […], ont aussi leur intérêt. […] Et cette infériorité de l’intelligence, c’est tout de même à l’intelligence qu’il faut demander de l’établir. Car si l’intelligence ne mérite pas la couronne suprême, c’est elle seule qui est capable de la décerner. Et si elle n’a dans la hiérarchie des vertus que la seconde place, il n’y a qu’elle qui soit capable de proclamer que l’instinct doit occuper la première.604

En visant Sainte-Beuve, Proust prétend donc attaquer le représentant de l’intelligence par une étude intellectuelle ; il lui sert sa propre médecine, ce qui n’est pas très éloigné du mécanisme du pastiche. Ce Sainte-Beuve, c’est celui de la maturité et non celui de la jeunesse, comme on vient de le voir. Proust semble alors adopter la même posture que Maurice Barrès qui, on l’a vu, admire Sainte-Beuve en tant que poète et romancier, en tant que critique sensible et intuitif, mais

601 PROUST, Marcel, CSB-1954, op. cit., p. 59. 602 Ibid., p.53.

603 Ibid., p. 58. 604 Ibid., p. 59.

déteste la critique du lundiste, asséchée par l’intelligence605. Le futur romancier termine d’ailleurs

son essai sur Sainte-Beuve par l’affirmation suivante : « Apparence, les Lundis. Réalité, ce peu de vers. Les vers d’un critique, c’est le poids à la balance de l’éternité de toute son œuvre.606 » De

fait, les sentiments de Proust à l’égard du critique sont ambivalents ; il est à la fois son disciple et son détracteur.

Mais avant de voir les affinités et les antagonismes de Proust et de Sainte-Beuve, terminons d’analyser les séquences narratives présentées par Bernard de Fallois dans son édition de 1954. En excluant tous les fragments repris par Clarac en 1971, sorte de noyau essayistique, il faut encore étudier « La race maudite », « Noms de personnes » et « Retour à Guermantes ».

Dans le premier texte, Proust est invité à une soirée mondaine à laquelle il redoute d’assister, par timidité paranoïaque. Il y rencontre M. de Quercy (futur baron de Charlus) et découvre son homosexualité, ce qui entraîne toute une série d’observations morales et psychologiques sur la nature des sodomites. C’est l’individu confronté à sa race. Dans le second, il est question de la