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La critique idéale : du portrait au pastiche au roman

2. Proust « tout contre » Sainte-Beuve

2.4. Du portrait beuvien au pastiche proustien

2.4.5. La critique idéale : du portrait au pastiche au roman

On a vu que le portrait et le pastiche littéraires ont suivi des évolutions distinctes mais semblables, liées de manière plutôt intime avec l’histoire même de la critique littéraire. Ces deux pratiques partagent également quelques ressorts poétiques, ce qui nous permet de dire que le savoir-faire du portraitiste n’est pas absolument différent de celui du pasticheur. Observons ces liens fonctionnels.

Tout d’abord, contrairement aux dissertations scientifiques ou philosophiques, le portrait et le pastiche ne visent pas à donner de définition. Ils prennent tous deux pour modèles des exemples individuels, qu’il s’agisse d’un auteur ou de son style. Ils visent effectivement à révéler leur originalité, à déceler les origines de l’inspiration créatrice. Même s’il ne traduisent pas cette individualité par l’entremise de concepts, l’écriture du portrait et du pastiche nécessitent néanmoins une analyse préalable : la collecte et l’interprétation de données empiriques et de témoignages concernant un auteur pour le portrait, la déduction de la matrice stylistique à partir des œuvres de cet auteur pour le pastiche. On remarque ainsi que ces deux pratiques littéraires mettent en jeu la fonction référentielle. En effet, le portrait et le pastiche visent tous deux à la ressemblance et donc à la reconnaissance. Seulement, le référent n’est pas le même dans les deux cas. D’un côté, le portrait tâche de transposer les traits particuliers d’une personne (réelle ou fictive) dans un médium littéraire par le biais de la description des qualités physiques ou psychologiques (éthopée, prosopographie, hypotypose). Le pastiche, de l’autre côté, imite les

741 Ibid., p. 33. 742 Ibid.

traits particuliers de la manière d’un écrivain dans le même médium, lui aussi littéraire, par le biais de l’accentuation des tics d’écriture (synecdoque, métaphore). Ceci permet de constater que le portrait est une pratique opérée à distance, puisque la description diffère de l’imitation en ce qu’elle est plus explicative, plus superficielle, et qu’elle tente de reproduire quelque chose qui lui est étranger. Ceci nous permet également d’observer que la fonction impressive n’est pas sollicitée de la même manière dans l’une comme dans l’autre pratique puisque la reconnaissance du portrait est basée sur une expérience sociale (connaissance empirique), tandis que la reconnaissance du pastiche est basée sur une expérience de lecture, une expérience déjà textuelle (connaissance littéraire). Ainsi, dans le pastiche, puisqu’il s’agit d’une imitation, la fonction

métalinguistique est également sollicitée, tandis que dans le portrait, qui est une transposition vers

un autre médium, elle ne l’est pas (ou alors seulement pour les informations issues d’autres textes, comme des témoignages). Pour apprécier un portrait littéraire, le lecteur n’a effectivement pas besoin d’une culture préalable ; il n’a pas besoin d’être initié à quelque source littéraire que ce soit. Par contre, pour apprécier un pastiche, c’est-à-dire reconnaître l’imitation et pouvoir en rire de concert avec les autres initiés, le lecteur doit posséder un certain degré de culture, il doit avoir effectué certaines lectures préalables. En fait, le pastiche force (consciemment ou non) le pasticheur mais aussi le lecteur à produire le métatexte (qui est la matrice, le code du style de l’auteur), alors que les portraits, étant eux-mêmes des métatextes, n’y contraignent que les portraitistes et donc, produisent une lecture plus passive, moins inclusive. En d’autres termes, le portrait est un outil critique plus passif, mais plus démocratique, tandis que le pastiche est un outil critique plus actif, mais souvent réservé à une élite intellectuelle, ou du moins à la partie cultivée de la population.

Cette distinction renvoie à la notion même de lecture. Dans sa forme idéale de critique, afin d’instruire, elle devrait susciter des désirs chez le lecteur : désir de lire davantage et ailleurs, désir d’imiter donc d’écrire, de créer. Or le portrait, écrit dans un registre sérieux, se suffit à lui-même ; le lecteur peut simplement le recevoir et en jouir de manière passive. La plupart du temps, le portrait beuvien fournit même son propre cadre référentiel. Il comble ainsi la curiosité mondaine de son lecteur. Lire les œuvres de l’auteur étudié n’est utile qu’au portraitiste qui en dégagera les grands traits de caractère de l’auteur pour les donner, déjà digérés, au lecteur. Les portraits peuvent ainsi porter le lecteur à accorder davantage d’importance à l’auteur qu’à ses œuvres, car la focalisation du portraitiste, son objet, n’est pas le bon. Le critique portraitiste prétend juger l’art en donnant un aperçu objectif du créateur, alors que l’inspiration provient de sa dimension subjective. Le pastiche, quand à lui, est un objet fuyant, incomplet, qui requiert une participation active du lecteur. Écrit dans un registre ludique, satirique ou ironique, il éveille la curiosité

intellectuelle. Lire les œuvres de l’auteur pastiché, c’est être initié au clan supérieur des initiés, ceux qui ont le privilège de rire. Cela contribue à améliorer l’expérience de lecture du pastiche. Le secret de cet outil de critique littéraire réside dans le mécanisme de reconnaissance propre au rire. Le rire de quelques-uns peut effectivement éveiller l’envie de plusieurs ; ne pas comprendre une blague, c’est ne pas être inclus, ne pas être dans le coup. Or pour joindre le groupe, pour rire aussi, il faut comprendre la blague ; et pour la comprendre, il faut connaître le référent qu’elle distord. Le pastiche pousse ainsi à la lecture des sources en même temps qu’il suscite le désir de poursuivre la tradition. C’est un puissant catalyseur critique et un instrument résolument classique. Proust l’intègrera d’ailleurs dans la Recherche.

Toujours en ce qui concerne la lecture, il faut admettre que le portrait, parce qu’il est descriptif et explicatif, impose ses catégories de compréhension au lecteur. En effet, il peut se baser sur l’expérience personnelle du critique ou sur des témoignages qu’il a récoltés. Ces derniers documents (correspondances, factures, etc.) ne sont pas aussi accessibles que les œuvres des auteurs étudiés. Ainsi, le lecteur n’a souvent d’autre choix que de faire confiance au critique ; il ne peut pas vérifier par lui-même si la ressemblance est véridique, si le portrait est juste, surtout en ce qui concerne les auteurs décédés. De plus, le portraitiste prétend transmettre une vision objective, une peinture juste et vraie du modèle. Mais tout portrait, même historique, est toujours une reconstitution, un collage de souvenirs plus ou moins personnels, plus ou moins directs : une fiction. Tout fait réel, tout témoignage passe par le biais de la subjectivité du portraitiste, même si celui-ci prétend être historien. Le portrait n’est néanmoins pas dénué d’intérêt pour ce qui est de révéler la psychologie humaine. Seulement, il doit réviser ses prétentions à l’objectivité et accepter sa dimension fictive. Ceci a également pour effet d’atténuer, chez le lecteur, la tendance au péché d’idolâtrie ; sachant que le personnage est fictif, le lecteur n’aura plus le même intérêt pour sa vie privée ; il ne s’émerveillera que devant ce qui lui apporte une vérité sur la psyché humaine. Plus encore, faire le portrait de personnages fictifs dont on soupçonne qu’ils ont été créés à partir de vraies personnes mettra en relief ce vice naturel, car cela éveillera le désir du lecteur à connaître le ou les modèles. Ce que Proust fera dans la Recherche.

En fait, la critique littéraire trouve peut-être sa forme idéale dans le roman proustien, qui conjugue à la fois le portrait et le pastiche, et qui participe donc, de manière subversive, à l’activité critique. Si Proust a définitivement donné la palme à l’intuition contre et grâce à l’intelligence, dans Contre Sainte-Beuve, s’il a couronné le pastiche comme instrument critique idéal, il n’a pas totalement renié l’art du portrait. En effet, le portrait et le pastiche possèdent une qualité commune qui en font, pour Sainte-Beuve comme pour Proust, des pratiques littéraires indispensables : ils sont des genres de survivance. Le portrait et le pastiche, le dernier plus

efficacement que le premier, permettent la diffusion et la survie des sources littéraires. Le portrait renvoie aux figures historiques, tandis que le pastiche renvoie aux chefs-d’œuvre eux-mêmes, et tous deux contribuent à perpétuer une certaine vision de la réalité comme des idées. Sainte- Beuve et Proust partageaient cet objectif classique de transmission de la tradition ; l’un a voulu fournir le matériau d’une future science naturelle de l’évolution des esprits ; l’autre a retracé les ramifications de son propre arbre d’influences artistiques. Proust a reconnu cette tentative beuvienne, il a même voulu la poursuivre, l’améliorer. Nous croyons en effet que la Recherche est l’œuvre d’un disciple infidèle qui regrettait de voir que son maître n’ait pas suivi la voie qu’il aurait pu suivre s’il avait évolué plus près de l’esprit romantique, ou s’il avait été influencé par l’idéalisme kantien. Cette œuvre magistrale est le roman d’un critique littéraire génial, pratiquant non pas une critique stérile, mais une critique active véhiculant le désir de lire les œuvres qu’elle aborde :

En vérité, après avoir lu la Recherche, écrit René de Chantal, on ne peut que souscrire à l’opinion de Jacques-Émile Blanche qui disait : « Dans son œuvre gigantesque, ciselée, laquée, comme un cabinet chinois aux tiroirs secrets, on trouverait épars de quoi faire des volumes d’articles par le plus original des critiques littéraires, par un bien curieux critique d’art. »743

« Curieux »? Sans doute ; pour qui n’aurait pas compris que le pastiche est l’instrument critique le plus efficace qui soit, selon Proust.

743 DE CHANTAL, René, Marcel Proust, critique littéraire, op. cit., p. 29. De Chantal cite Jacques-Émile Blanche, Mes modèles.

Souvenirs littéraires. Maurice Barrès, Thomas Hardy, Marcel Proust, Henry James, André Gide, George Moore, Paris, Stock, 1929, p. 139.

Conclusions

Le présent mémoire nous permet de tirer plusieurs conclusions quant aux conceptions et aux pratiques critiques de Marcel Proust après Charles-Augustin Sainte-Beuve et d’après son essai

Contre Sainte-Beuve. Retracer l’évolution poético-historique du portrait beuvien au pastiche

proustien nous a effectivement permis de constater que la critique impressionniste de Proust prolonge et corrige la critique mi-mondaine mi-médiatique de Sainte-Beuve, et cela sans radicalement la supprimer.

Dans le premier chapitre, nous avons vu comment Sainte-Beuve est devenu critique littéraire malgré lui, c’est-à-dire malgré son désir d’être d’abord reconnu comme poète et romancier. Du

Globe rationaliste au Cénacle romantique, nous avons vu sa critique passer du compte rendu

classique et dogmatique au portrait recréant et intuitif d’une critique d’auteur polémique et collaboratrice. L’étude du Tableau, de Joseph Delorme et des premiers portraits parus dans le Revue

de Paris nous l’a montré.

Suite aux conséquences de la Révolution de Juillet sur le Cénacle, la critique beuvienne entre dans une période transitoire. Rejoignant successivement les rangs du saint-simonisme, puis du mennaisianisme, sa critique délaisse le lyrisme au profit d’un art utile. Sa critique devient alors plus réfléchie et vise à éduquer et guérir le peuple de ses vices moraux. Son recueil de Critiques et

Portraits littéraires ainsi que son roman Volupté sont les exemples parfaits de cette critique

intéressée par la vie intime des hommes.

Mais bientôt, désillusionné par Saint-Simon puis par Lamennais, Sainte-Beuve se désintéresse de la philosophie, de la politique et de la religion, et commence à fréquenter le salon de Madame Récamier. Devenue indifférente, la critique beuvienne se fait dès lors plus prudente, et donc insinuante. Le scepticisme devient le propre de cette critique qui se targue d’être impersonnelle et objective, tant par le fond que par la forme. En rédigeant ses Portraits de femmes et ses Portraits

contemporains, Sainte-Beuve campe le rôle du critique observateur.

Le critique entreprend ses recherches jansénistes dans le même état d’esprit. Le panorama historique que constitue Port-Royal lui permet d’ébaucher l’idée de la faculté-maîtresse ainsi que celle de classement par familles d’esprits, et par conséquent de lui faire entrevoir la théorie de l’évolution des genres littéraires, près de l’histoire naturelle. Mais plus encore, en comparant les différents portraits de cette galerie janséniste, Sainte-Beuve prend conscience des différences de

talent entre des auteurs poursuivant le même but ; il se convainc de la nécessité de juger des bonnes et des mauvaises œuvres.

Après son séjour à Lausanne, Sainte-Beuve vit une période pessimiste. Une décennie après les Trois Glorieuses, il se désole de l’état de la littérature et publie coup sur coup des articles dénonçant l’industrialisation et la licence de la presse ainsi que les conséquences néfastes de l’épicurisme. Son article sur La Rochefoucauld annonce sa guérison du romantisme et signe le début d’une critique dogmatique qu’il croit nécessaire depuis ses travaux sur Port-Royal. Psychologue et analyste, Sainte-Beuve devient de plus en plus moraliste : il ne s’intéresse aux œuvres qu’à titre de preuves lui permettant de cerner l’homme derrière l’auteur, et ce dans le but de juger sa conduite. Or ses seuls critères de jugement sont (depuis toujours) le vrai et le bon goût, ce qui pose plusieurs problèmes de méthode puisque ces critères sont à peu près indéfinissables et ne s’enseignent donc pas. Ces jugements, il les livre alors sous le couvert de l’anonymat à la Revue Suisse d’Olivier. La critique beuvienne commence dès lors à s’émanciper. Libérée de la censure parisienne, Sainte-Beuve peut s’adonner à une prose plus près de l’oralité : écrire comme il cause et il pense. Tout en pratiquant cette critique littéraire plus sévère et plus franche, il recueille et publie ses Portraits de femmes et ses Portraits contemporains, auxquels il apporte quelques rectifications. Il tente alors de conjuguer les innovations formelles du romantisme aux préceptes classiques qu’il défend, ce qui fait de lui un éclectique. De plus, n’ayant pas renoncé à participer au processus créatif, il devient le directeur de pensée des auteurs. Afin que ses conseils soient compris, la critique beuvienne délaisse les insinuations au profit d’un discours clair et direct. Elle s’écrit de plus en plus sur et pour l’homme derrière l’auteur. Sainte-Beuve en oublie même parfois l’aspect littéraire, ce qu’on lui reproche d’ailleurs.

Chateaubriand et son groupe littéraire suit les mêmes principes. Sainte-Beuve s’évertue à rééquilibrer la

gloire des Modernes face à celle des Anciens. Son but est de redresser les jugements du public, mais aussi de les devancer : Sainte-Beuve veut former le goût des lecteurs. Il pense que cette tâche est l’une des plus importantes du critique, car elle met en garde le public contre l’attrait et la séduction de la nouveauté.

Gagnant en confiance, Sainte-Beuve entre au Constitutionnel et devient une espèce de dictateur littéraire. La série des Causeries du lundi et des Nouveaux Lundis témoigne effectivement d’une critique de moraliste dogmatique, d’une critique qui s’intéresse surtout à l’homme et à sa faculté- maîtresse, d’une critique rêvant de classification par famille d’esprit et de généalogie littéraire. Sainte-Beuve demeure tout de même lucide puisqu’il voit que la liberté humaine l’empêche de

réduire l’activité littéraire à une formule scientifique. Il se distingue de Taine, qui déduira une méthode systématique de l’œuvre beuvienne pour bâtir sa théorie de la race, du moment et du milieu.

En somme, il faut surtout retenir que Sainte-Beuve n’a pas eu qu’une seule méthode critique bien définie. Sa pratique du portrait s’est peaufinée selon les influences esthétiques, philosophiques, religieuses et politiques qu’il a subies avant de s’émanciper pour se rapprocher davantage de son premier fond, à savoir celui des Idéologues du XVIIIe siècle. Sainte-Beuve est effectivement

retourné à une critique de causerie, une critique mondaine dont les principaux critères sont le vrai et le bon goût. Délicate, cette critique juge de la qualité morale des sujets qu’elle étudie tout en reconnaissant leur individualité propre. Néanmoins, les portraits beuviens sont résolument modernes puisqu’ils tentent d’arrimer une littérature d’Ancien Régime à une culture médiatique en plein essor ; ils cherchent à perpétuer la mémoire des auteurs du passé en les ressuscitant, à rétablir la hiérarchie littéraire en les donnant à lire comme des contemporains ; il veulent former le jugement du public tout en le divertissant, c’est-à-dire joindre l’utile à l’agréable. Bref, la critique beuvienne est bien « au seuil de la modernité », tant idéologiquement que formellement744.

Dans le second chapitre, dédié à l’influence de Sainte-Beuve sur Proust, et plus spécifiquement à l’élaboration « négative » de l’esthétique proustienne, il nous a été donné de voir comment le romancier s’est familiarisé avec l’œuvre du critique pour ensuite la digérer puis la dépasser. Initié à la critique beuvienne par divers devoirs d’imitation, Proust publie plusieurs articles rendant hommage au lundiste dans des revues de lycée. Recueillis dans Les Plaisirs et les Jours, ces papiers témoignent d’une esthétique d’ores et déjà fondée contre le matérialisme et le naturalisme, d’une esthétique qui redoute les excès de l’érudition et le péché d’idolâtrie. Ces théories sont à rapprocher de celles de Kant, Carlyle, Emerson et Ruskin.

Influencé par ces penseurs, Proust élabore sa propre conception de l’artiste et de la critique littéraire. Ses lectures ruskiniennes lui font concevoir la critique et la création littéraire (la lecture et l’écriture) comme des pratiques intimement liées. Leur but est non seulement de décrypter l’Essence des choses et de la traduire dans une œuvre, mais également de susciter le désir de lire. Pour ce faire, la critique s’opère en deux temps, soit fournir au lecteur une mémoire improvisée, puis recréer la vie spirituelle de l’écrivain auquel elle s’intéresse. Alors que Ruskin conçoit la lecture comme une conversation, Proust exige que cette pratique soit débarrassée de toutes les

744 C’est d’ailleurs la thèse que défend Wolf Lepenies dans son ouvrage Sainte-Beuve au seuil de la modernité, traduit de

interférences mondaines qui pourraient nuire à la réflexion réelle et profonde sensée résulter de l’acte de lire. On comprend que pour Proust, la lecture et l’érudition sont des outils pour accéder à la vie spirituelle, qui s’accomplit dans la création. Or faire de cet outil une fin en soi, voilà le péché d’idolâtrie. Muni de cette théorie de la lecture, Proust la met en œuvre dans ses pastiches. Il croit que l’artiste a le devoir d’immortaliser dans une œuvre les âmes dont il a la charge. Mais il voit bien que la survie de celles-ci dépend autant du talent de l’écrivain que de la sensibilité du lecteur puisque la réception d’un texte n’est jamais immédiate : c’est une question d’impression, de subjectivité.

Voilà le point de contact entre Proust et Sainte-Beuve : si Proust tâche d’imiter l’acte subjectif, la catégorie de compréhension, plutôt que la matière qui passe par ce filtre, peut-être le lecteur pourra-t-il s’y reconnaître peu importe la réalité décrite… au lieu de brosser le portrait d’un écrivain, au lieu de décrire le monde et l’auteur dedans, il décide donc de reproduire les traits de son style, sa manière de voir, de sentir le monde. Cela permet de mettre en évidence le