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Le Sacramento médian, une région urbaine structurée en partie par le fleuve

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Carte 8. Le Sacramento médian, une région urbaine structurée en partie par le fleuve

Cette carte est réalisée à partir de données du Sacramento Area Council of Governments (SA-COG)149. La région urbaine est en partie structurée par le Sacramento avec les villes doublets de Sacra-mento (comté de SacraSacra-mento) et de West SacraSacra-mento (comté de Yolo). De nombreuses villes sont en marge de cette vallée, où les inondations nombreuses ont pu être dissuasives, mais à proximité de zones de la plaine alluviale qui servent à l’expansion des crues (flood bypasses) comme Woodland ou Davis. Les auto-routes présentent des directions méridiennes de part et d’autre du fleuve et de son affluent la Feather, mais à une dizaine de kilomètres du lit mineur. L’espace représenté par cette carte dépasse celui du corridor du Sacramento afin de mieux comprendre comment fonctionne la région urbaine : des affluents jouent un rôle majeur dans la structuration spatiale transversale et les localisations autoroutières et urbaines. Le Delta apparaît par ailleurs sur cette représentation en bordure sud.

c. Le Delta

Le dernier secteur du Sacramento correspond au Delta entre les bassins versants du Sacra-mento et du San Joaquin. Le périmètre du Delta est défini par le Delta Protection Act de 1959 qui vise à protéger les intérêts économiques (agriculture) et écologiques (face à la salinisation) du Delta dans le contexte des transferts d’eau au sein de la Californie. Le Delta peut être délimité par l’aval du Yolo bypass au nord, à l’ouest par l’espace situé à l’est de la Suisun Bay, au sud par l’espace urbain de Tracy dans la vallée du San Joaquin et à l’est par le corridor entre Freeport, Stockton et Lathrop (Lund et al. 2008). La zone généralement qualifiée de delta intérieur est plus

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petite et comprend 298 660 hectares à travers un réseau de plus de 1 700 kilomètres de levees, sur différents comtés : Alameda, Contra Costa, Sacramento, San Joaquin, Solano et Yolo.

La majorité du Delta est située en dessous du niveau de la mer (Photographies 8a) et n’existe que grâce aux levees. A titre d’exemple, l’île Twitchell, au nord du San Joaquin, espace agricole de six hectares, se trouve à 4,5 mètres en dessous du niveau de la mer : il a été complètement inon-dée en 1997 (Miller et Fujii 2009). Les paysages du Delta ont été très fortement modifiés entre la fin du XIXème siècle et le début du XXème siècle, basculant d’un paysage de marais d’eau douce à celui de riches terres agricoles (Mitchell 1994) (Photographie 8b).

Aujourd’hui, le Delta est un espace crucial pour 500 000 habitants, en comptant les popula-tions des villes à proximité (qui connaissent des croissances moyennes du nombre de résidents de 10% entre 2000 et 2005) comme Isleton, Tracy, Pittsburg, Stockton, Sacramento ou West Sacramento (Burton et Cutter 2008). Cet espace est vu comme un témoin des conséquences potentielles du changement climatique en Californie : les scientifiques y guettent une montée du niveau de la mer (qui pourrait entraîner la salinisation du Delta) (Photographie 8c), un stress hydrique (ou l’essor d’extrêmes hydrologiques plus marqués (Norgaard et al. 2009). 35% des levees

font partie du Sacramento and San Joaquin Federal Flood Control Projects, le reste est géré par des recla-mation districts ou des collectifs de propriétaires, questionnant leur pérennité et leur entretien. Le Delta est utilisé pour l’agriculture (Photographie 8e et 8f), l’exploitation de gaz naturel, la pêche ou les loisirs dont la navigation ou la chasse (Photographie 8e).

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Tous les clichés de cette planche sont pris le 14 décembre 2014. La photographie 8a présente une vue de l’île Twichell qui est un lieu emblématique de la subsidence du Delta : le niveau s’abaisse notamment du fait du sol tourbeux. Les levees deviennent essentielles pour sauver cet espace qui joue un rôle important dans la distribution électrique : les poteaux des lignes à haute tension ont dû être surélevés. La photogra-phie 8b montre une représentation cartographique au sol du Delta à Big Broke avec au premier plan le système de transfert d’eau à travers le California Aqueduct. La photographie 8c montre un employé du California Department of Water Resources (CDWR) en train d’indiquer l’espace soumis au risque de sali-nisation des eaux : l’eau actuellement douce pourrait devenir saumâtre jusqu’à la feuille. La photographie 8d montre du matériel agricole et des bottes de foin empilées, quand la photographie 8e se focalise sur du bétail, un cheptel bovin, en train de paître. Enfin, la photographie 8f permet d’insister sur les fonctions récréatives du Delta avec des canards en plastique pour appâter le gibier accrochés à un conteneur dans une réserve de chasse.

Le Sacramento médian et le Delta se recouvrent en partie : l’extension de l’aire urbaine de Sacramento tend à rendre les limites plus floues. Le Delta se situe en marge du corridor du Sa-cramento et inclut des espaces directement liés au San Joaquin. Cette très forte segmentation longitudinale du Sacramento se double d’une complexité pour fixer transversalement les limites de l’espace étudié.

2. Une définition complexe du Sacramento dans sa dimension

trans-versale

L’espace structuré par le Sacramento questionne la définition donnée au cadre spatial, c’est-à-dire les communes riveraines du chenal ou appartenant à la plaine alluviale à la lumière du Rhône. Les affluents du Sacramento dont les principaux sont les Pit River, Feather River et American River ne sont donc pas pris en compte.

Sur le fleuve Sacramento, pour lutter contre les inondations, un système de bras de débor-dement (weirs) et de seuils de connexion aubras de débordement (flood bypasses) crée une vaste plaine alluviale avec un système similaire à des réservoirs successifs. En effet, le SRFCP a permis la création de 1 760 kilomètres de levees et de bypasses connectés au Sacramento (James et Singer 2008). Le flood bypass vise à recueillir les hautes eaux du fleuve pour les transférer dans des zones d’épandage de crue. Ce flood bypass nécessite donc un autre chenal pour évacuer les hautes eaux et réduire une potentielle inondation. Ce stockage des hautes eaux, dit de transition, dure le temps de l’inondation ; le reste du temps, ce chenal présente une valorisation économique, notamment agricole (Singer et Dunne 2001). Ce flood bypass ressemble alors à un bras déconnecté du chenal. Néanmoins, chaque bypass a ses spécificités : le Sutter bypass est un écosystème lotique, quand le Yolo bypass connaît des influences maritimes (Feyrer et al. 2006).

Le système de weirs peut être activé pour inonder une partie de la plaine alluviale au profit des aires urbanisées qui sont ainsi épargnées. Hors des périodes de crue, cet espace est essentiel-lement agricole (puisqu’il appartient en partie à des propriétaires privés), mais présente aussi sur certains secteurs un intérêt écologique avec des zones humides ou des ripisylves, intérêt reconnu par exemple dans le cadre de la Yolo Basin Wildlife Area, gérée par le California Department of Fish and Game150. Ce système préexistant aux barrages permet d’évacuer l’eau vers le Delta, de cultiver et d’urbaniser davantage de terres (Singer 2007). Malgré la construction de barrages,

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notamment dans la période entre 1940 et 1970, le bassin du Sacramento fait toujours confiance à son système de bypasses pour gérer les crues. Le système s’appuie sur des bypasses majeurs comme le Yolo et le Sutter, et d’autres plus secondaires, comme le Colusa et le Tisdale ainsi que sur cinq

weirs (Moulton, Colusa, Tisdale, Fremont et Sacramento) (Singer et Aalto 2009).

Malgré ces aménagements, le risque d’inondation tendrait à s’accroître. L’espace est touché par une accentuation des extrêmes hydrologiques (comme le montre la sécheresse depuis 2011) et des difficultés dans la gestion des crues, alors que l’urbanisation progresse dans des secteurs ne bénéficiant pas toujours des niveaux de protection requis.

C. La multifonctionnalité du Sacramento : aperçu sur un système

d’acteurs

Les utilisations de l’eau du Sacramento sont diverses et entrent en concurrence : l’irrigation agricole, l’approvisionnement en eau potable, les activités récréatives ou la protection des milieux (Northern California Water Association 2011a). Le partage et les modalités de gestion de l’eau se conforment au California State Water Project151 (CSWP), mais sont ajustés chaque année en fonc-tion des ressources et des réserves. Quelques intérêts récréatifs du Sacramento sont résumés dans le Senate Bill 1086, amendé en 2014, et mettent en lien une vision de l’environnement et le bien-être ou la santé des individus152.

1. Sacramento des villes, Sacramento des champs

Le corridor du Sacramento présente des territoires urbains en essor et des espaces ruraux plutôt prospères, jouissant notamment de l’eau du fleuve pour développer une agriculture irri-guée, productive et rentable (Tableau 3). La répartition des ressources en 1995 était de 5% pour les villes, de 55% pour l’agriculture et de 40% pour l’environnement, avec une hausse estimée des besoins des villes et de l’agriculture pour 2020 (Domagalski et al. 2000).

151 http://www.waterplan.water.ca.gov/, consulté le 06/06/2014.

152 A titre d’exemple, la section 1 du Senate Bill 1086, consultée le 16/06/2014, http://leginfo.legislature.ca.gov/faces/billNavClient.xhtml?bill_id=201320140SB1086 :

“ (a) California’s residents value state, local, and regional parks and the natural lands of the state as they provide the following:

(1) Access to the serenity and inspiration of nature, outdoor spaces, and places for play and exercise. (2) Facilities for directed and self-directed recreation.

(3) Activities that facilitate social connections, human development, the arts, and lifelong learning. (4) Positive alternatives for youth that help lower crime and delinquency.

(b) California’s parks and natural resources infrastructure have social, health, environmental, recreational, and intrinsic value to the citizens of the state and, importantly, outdoor recreation can be a critical eco-nomic driver to the state.

(c) Continued investment in the state’s parks, natural resources, and in greening urban areas will mitigate the effects of global warming, thus reducing California’s carbon footprint.

(d) Demand for local parks has exceeded available funding by a factor of eight to one.

(e) Investments to protect and restore the state’s rivers, lakes, streams, and coastal waters and their related watersheds will improve water quality and reliability, enhance fishery and wildlife habitats, and provide recreational, economic, and public health benefits to Californians.”

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Répartition générale des eaux Nature des espaces concernés Quantité en millions de m3

Ressources disponibles Eaux courantes 14 670

Eaux souterraines 3 330

Besoins en eau Villes 950

Agriculture 9 900

Eaux de surface 6 410

Zones humides 777

Tableau 3. La répartition des ressources en eau dans le bassin versant du Sacramento durant des années dite humides

Le budget donné est fondé sur cinq années (1993, 1995, 1996, 1997 et 1998) qualifiées d’humides par Yates et al. (2009). Pourtant il n’est pas à l’équilibre.

Différentes villes s’égrènent à proximité immédiate du cours d’eau de l’amont vers l’aval : Redding (108 000 habitants en 2008), Anderson (10 000 habitants), Red Bluff (13 100 habitants), Chico (60 000 habitants), West Sacramento (45 000 habitants), Sacramento (471 000 habitants dans la commune et 2 188 000 habitants dans son aire urbaine) et Rio Vista (7 400 habitants). A ces villes s’ajoutent en rive droite, à quelques kilomètres du cours d’eau et à proximité immédiate des bypasses, Woodland (49 200 habitants) et Davis (65 600 habitants). Si la focale porte sur le Sacramento, les ressources souterraines jouent un rôle important dans l’approvisionnement en eau de certaines villes, comme celle de Davis qui dépend à 100% des eaux souterraines pour son eau potable (Howard et Merrifield 2010). La ville la plus peuplée est la capitale de l’Etat de Cali-fornie qui « peut servir d’exemple conclusif de la situation classique de la sous-valorisation du fait politique dans une capitale » (Montès 2001, p. 117), s’affirmant comme un centre régional (notamment commer-cial ou universitaire), un port fluvial relativement important et des industries de pointe (en parti-culier l’aérospatiale). Son aire urbaine est très étendue et son aire d’influence dépasse les limites du comté de Sacramento.Comme un grand nombre de métropoles états-uniennes, Sacramento a connu une reconquête des fronts d’eau urbains dont le quartier Old Sacramento est embléma-tique153. S. Didier (1997, p. 373) décrit cette reconquête comme « un changement radical de physiono-mie et de fonctions, passant d’un statut de quartier dégradé des franges du centre-ville à un complexe de commerces et bureaux doublé d’une attraction touristique sur le thème de la ruée vers l’or ».

La vallée du Sacramento est une région agricole avec des espaces de faibles densités accueil-lant des productions diversifiées (vergers, grandes cultures, riz, pâturage pour élevage, viticulture et maraîchage) (Department of Water Resources Northern Region Office 2010). La carte 9 décrit l’utilisation du sol dans le corridor du Sacramento.

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Carte 9. Une diversité croissante des utilisations du sol vers le sud (Source : Northern