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Sa fonction affective, relationnelle et communicationnelle

2. Cadre théorique

2.3 Les différentes caractéristiques et fonctions du cheval dans les activités

2.3.1 Sa fonction affective, relationnelle et communicationnelle

Le cheval détient en général un grand capital sympathie de la part de l’être humain, et est investi affectivement par celui-ci, souvent différemment que d’autres animaux de compagnie (Jollinier, 1995a). Il peut participer au développement de l’enfant, notamment au travers de

« l’apprentissage médiatisé de la vie » qu’il procure (Jollinier, 1995a, p.23). En effet, cette autrice explicite que le cheval est, pour certains humains, « celui par qui “l’expérience de la réalité est tolérable” (Mouren & Soulayrol, 1980)» (1995, p.23). En outre, le cheval remplit une fonction d’étayage affectif. Jollinier (1995a) l’évoque comme un partenaire permettant « le relai de communications difficiles, objet d’identification ou objet de transfert, support de transactions conscientes et inconscientes » (p.23). Dans cette idée, Atmaïdjan (1995) parle des bienfaits du cheval pour les enfants porteurs de troubles du spectre de l’autisme. Elle explique, en s’appuyant

29 sur les travaux de Bleuler (1911) et de Kanner (1943), que ceux-ci présentent souvent une forme d’isolement, un « détachement de la réalité et repli sur soi avec prédominance de la vie intérieure » (p.95), ainsi qu’une absence de langage verbal, remplacé par l’émission de « bruits bizarres stéréotypés » (p.95). La mise en évidence de ces quelques éléments permet de comprendre les impacts potentiellement bénéfiques du cheval sur les personnes atteintes de ce trouble. En effet, cet animal privilégiant « la relation gestuelle » (Atmaïdjan, p.96), et utilisant un « dialogue non verbal, respectant le silence, les distances et par voie de conséquence le monde intérieur de l’enfant », « apprivoise l’enfant » en restant « du dehors » (Atmaïdjan, p.96), c’est-à-dire ne se montrant pas intrusif, et en étant « sans ambiguïté dans sa façon d’être et d’agir » (Atmaïdjan, p.96). Atmaïdjan rapporte qu’ainsi, l’angoisse de l’enfant diminue, les inhibitions se lèvent petit à petit ; cela lui permet d’envisager un échange, il peut progressivement sortir de son isolement. Le

« cheval-médiateur », ou « messager silencieux », transmet l’information entre l’enfant et le thérapeute (Atmaïdjan, p.96).

En outre, le cheval peut favoriser l’accès au langage, qu’il soit verbal ou non-verbal. L’expression des émotions de l’humain peut être facilitée notamment par la fonction de portage du cheval (holding), au travers du corps à corps avec l’animal, de sa chaleur, et de « l’intimité créée par [ses]

mouvements rythmiques et harmonieux » (Jollinier, 1995a, p.23). Citterio (1995) ajoute que « le cheval, par sa chaleur, son odeur et sa docilité non passive, semble évoquer des canaux de communications inconnus, facilitant la communication non-verbale et verbale du sujet » (p.84).

Jollinier (1995c) explique que le cheval permet de se confronter à soi-même, et notamment à son rapport à la réalité, à ses réactions face à celle-ci. Se trouver face à un cheval implique, comme nous allons le développer ensuite, de se confronter à de nouveaux apprentissages, et notamment à de nouveaux codes, de nouvelles règles. Pour certaines personnes, l’adaptation à un nouvel environnement et l’acceptation, puis l’intégration, de règles, voire contraintes, nouvelles et étrangères, peuvent s’avérer difficiles. Cette difficulté peut se manifester par des « réactions caractérielles ou des passages à l’acte (violence, auto-agressivité, fuite ou inhibition) » (Jollinier, p.106). Mais la relation qui se construit avec le cheval va « introduire des relais compensatoires (sur le plan affectif et relationnel) » (Jollinier, p.106). Ainsi, le cheval va faire office de tampon entre le thérapeute et le participant, en déplaçant ou détournant les conflits. Il permet ainsi un apaisement de la relation entre les humains, tout en participant à l’accommodation du participant à son environnement, et par-là, à l’acquisition de règles ou normes sociales.

Si l’être humain médiatise la relation avec un code bien particulier, le langage (Pelletier-Milet, 2010), les échanges avec le cheval ne s’établissent pas de la même façon. Communiquer avec un cheval se fait au travers d’une double communication, et donc un double code (Jollinier, 1995a).

30 Cette autrice se base sur les travaux de Watzlawick (1972) pour affirmer que toute communication a deux aspects : « le contenu, qui est transmis sur le mode digital, et la relation qui est essentiellement de nature analogique » (p.23). Cela peut certes paraître complexe, mais le cheval utilise en réalité un mode de communication spontané, immédiat et intuitif (Pelletier-Milet, 2010), passant par le corps, et n’utilisant pas du tout le langage verbal.

Ø La communication digitale

Afin d’entrer en communication avec son cheval dans un but de dressage, le cavalier dispose de moyens, appelés les aides. Celles-ci permettent au cavalier de donner des indications au cheval et de lui faire comprendre qu’est-ce qui est attendu de lui. L’activité de ces aides constitue ce que Jollinier (1995a, p.24) appelle le « langage des aides », représentant donc un véritable langage,

« c’est-à-dire une structure organisée de signaux dont la cohérence très forte constitue une sorte de syntaxe » (p.24). Ce langage, contrairement au langage digital humain, se construit par l’intermédiaire du corps. Il s’agit d’ « actions élémentaires » du corps (Jollinier, p.24), qui, si elles sont combinées entre elles, permettent d’ « obtenir des effets complexes » sur le cheval (Jollinier, p.24). Par exemple, serrer un talon contre le flanc du cheval va lui indiquer de tourner dans une certaine direction ; en revanche, serrer ses deux talons simultanément va lui donner le message d’accélérer.

Ce mode de communication demande donc au cavalier un apprentissage gestuel et la maîtrise d’habiletés corporelles. Jollinier (1995a) explique à ce sujet que

l’indépendance des aides, c’est-à-dire la capacité pour le cavalier de faire fonctionner des segments (bras, mains, jambes,…) indépendamment les uns des autres, requiert des apprentissages souvent très longs. (p.24)

et qu’une utilisation inadéquate de celles-ci peut provoquer des troubles de la communication entre le cavalier et son cheval. Toutefois, cette autrice met également en évidence que, si l’objectif n’est pas une pratique sportive, voire de compétition, de l’équitation, une communication digitale moins performante peut tout à fait être envisagée. En effet, le cheval a une qualité importante pour les personnes pour qui l’apprentissage de ce mode de communication serait trop difficile ; il peut

« comprendre plus ou moins intuitivement ce qu’on attend de lui » (Jollinier, 1995a, p.24).

31 Ø La communication analogique

Selon Watzlawick (1972, cité par Jollinier, 1995a), la communication analogique s’exprime par tous les gestes, mimiques ou postures, qu’ils soient conscients ou inconscients, permettant de renseigner sur « l’humeur, les intentions, et autres manifestations de la personnalité » (p.24) de l’individu. Jollinier (1995a) explique que ceux-ci sont difficilement maitrisables, leur conférant ainsi un caractère d’authenticité, pas nécessairement présent dans la communication digitale.

En lien avec ses caractéristiques éthologiques précédemment abordées, le cheval est un être extrêmement sensible, intuitif et réceptif. De ce fait, il se montre très réceptif face à ces messages, parfois invisibles à l’œil nu, du corps du cavalier (nous employons ici le terme de cavalier, mais celui-ci regroupe toute personne s’occupant d’un cheval ; il n’est donc pas nécessaire de monter sur le dos du cheval pour que la communication analogique se fasse). Ainsi, si le cavalier ne veut pas que son échange avec le cheval soit troublé par ses affects ou émotions, il devra tenter de les dominer (Jollinier, 1995a). Cependant, l’autrice met en évidence que le cavalier n’est pas le seul émetteur de messages dans la relation. En effet, le cheval, en tant qu’être vivant, peut être amené à émettre diverses informations ; il peut ainsi être qualifié de « récepteur actif » (Ravault (1989), cité par Jollinier, 1995a, p.24). Selon les situations, l’échange peut même être initié par le cheval, et donc s’élaborer à partir de lui. L’autrice le qualifie alors de « récepteur-décideur-acteur » (Jollinier, p.25). Le cheval, qui traite les situations selon sa compréhension, peut réagir aux stimuli selon sa propre perception, en cherchant à maintenir le contact de différentes façons ou, au contraire, en cherchant à rompre la relation. Selon l’intention mise derrière la demande, par exemple dans le cas de la communication digitale et l’utilisation des aides, le cheval peut réagir en effectuant docilement et calmement la demande, mais peut également refuser de l’exécuter, voire s’en défendre.

Ainsi, le cheval, par ses attitudes adaptées à la communication du cavalier, « informe le thérapeute de l’état intérieur du cavalier » (Jollinier, 1995a, p.25). Il agit comme « cheval-révélateur » (Jollinier, p.25), transmetteur ou intermédiaire, en aidant à la lecture interne et émotionnelle de la personne, qu’elle soit sur son dos ou à ses côtés. D’ailleurs, qui n’a jamais entendu parler du cheval comme miroir de nos émotions ?

En regard des différents apports mobilisés jusqu’à présent, nous pouvons faire l’hypothèse que le cheval médiatise la relation et la communication entre le thérapeute et le patient. Ainsi, il ne ferait plus partie intégrante du triangle tel que proposé par Müller (1999), il n’en constituerait plus l’un des pôles, mais pourrait être considéré comme un média permettant, justement, la communication et la relation au sein de ce triangle. Dès lors, les objets de savoirs pourraient être

32 intégrés à ce triangle, permettant, selon nous, une analyse compréhensive plus fine des dispositifs étudiés. Dans cette optique, nous rejoignons le triangle pédagogique proposé par Houssaye (1988), composé des trois pôles élèves, professeur et savoirs, et, comme nous l’expliciterons davantage par la suite, utiliserons ce modèle compréhensif pour étudier les dispositifs visés dans ce travail, tout en prenant en compte la présence de ce média particulier au sein de ce triangle.

2.3.2 Sa fonction thérapeutique et rééducative au niveau psychomoteur