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Rupture du verre

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La rupture du verre

3 Fracturation du verre à l’échelle nanométrique

3.1 Rupture du verre

À l’échelle macroscopique, on considère le verre comme un matériau fragile et homogène.

Sous l’effet de la traction, la rupture du verre est brutale si la valeur de la contrainte dépasse une valeur critique. Dans ce cas, la mécanique linéaire de la rupture est une bonne approche pour décrire la rupture fragile du verre. Mais à l’échelle atomistique, la structure du verre n’est pas homogène. Dans le verre de silice, la distribution des anneaux dans le réseau silicaté

conduit à l’existence de régions plus ou moins denses. Cette hétérogénéité devient plus importante dans les verres complexes. Le mélange entre les environnements des différents formateurs de réseau (silicium, bore, aluminium…) ainsi que la présence des atomes modificateurs (sodium, calcium…) conduisent à créer des sites variés qui se déforment de façon non homogène sous l’effet d’une contrainte. Pour caractériser l’hétérogénéité du verre à l’échelle nanométrique, la fractographie, que nous décrirons dans le paragraphe 3.2, est une bonne approche.

L’humidité a une grande influence sur le mécanisme de fracturation du verre. Ce phénomène qui provient de l’interaction des molécules d’eau avec les liaisons atomiques à la pointe de la fissure est appelé corrosion sous contrainte.

Considérons un échantillon pré-fissuré dans une atmosphère humide. Il est soumis à une contrainte dont le facteur d’intensité de contrainte reste inférieur à la valeur critique KIC. Dans cette condition de chargement, la propagation d’une fissure peut se produire. Ce phénomène, appelé aussi "fatigue statique", s’explique par une propagation de la fissure sous l’effet des interactions chimiques entre l’atmosphère ambiante (typiquement les molécules d’eau présentes dans l’atmosphère) et les microfissures superficielles du matériau mis en contrainte.

La réaction d’hydrolyse entre Si2O et H2O est la suivante:

Si – O – Si + H – O – H → – Si – OH + OH – Si

Cette réaction entraine l’ouverture des liaisons atomiques du verre. En l’absence de contrainte, la vitesse de réaction est très lente, mais lorsqu’une contrainte est appliquée, cette vitesse augmente rapidement (Figure II.9).

Figure II.9 : Diagramme typique de fissuration sous-critique

La Figure II.9 montre la vitesse de fissuration V=da/dt en fonction du facteur d’intensité des contraintes K dans une atmosphère humide. On distingue généralement trois stades, I, II et III, avant d’atteindre une vitesse correspondant à la rupture brutale. Dans la région I, la propagation de la fissure est pilotée par la réaction chimique des molécules avec le fond de la fissure. La vitesse de croissance est contrôlée par la vitesse des réactions chimiques et la contrainte appliquée. Dans ce régime, la vitesse de transport des molécules du milieu environnant vers le fond de la fissure est supérieure à la vitesse à laquelle le réactif est consommé. Le début de cette région est caractérisé par des vitesses de propagation très lentes.

Dans de nombreux cas, on observe l’existence d’un seuil de non-propagation en dessous d’un facteur d’intensité des contraintes critique. Ce seuil est de 0.25 MPa.m1/2 pour les verres sodocalciques et de 0.38 MPa.m1/2 pour les verres borosilicatés [28]. Une loi décrivant la vitesse de fissuration pendant le stade I a été proposée par Evans et Wiederhorn [29]:

V = A.Kn A, n : constantes dépendant du matériau.

Dans la région II, la vitesse de propagation dépend très peu du facteur d’intensité des contraintes. En effet, le réactif est consommé plus rapidement que sa vitesse d’approvisionnement. Le facteur limitant est alors l’accessibilité du réactif au fond de la fissure. Le taux d’humidité de l’environnement a une forte influence dans cette zone. Plus la pression partielle relative de l’eau est importante, plus la valeur plateau de la vitesse de propagation sera élevée.

Dans la région III, il n’y a plus d’influence de l’environnement et c’est le chargement mécanique qui conduit à la rupture. Au voisinage et au-dessus de la ténacité, la vitesse augmente très rapidement avec le facteur d’intensité des contraintes jusqu’à une vitesse caractéristique.

La corrosion sous contrainte du verre a été étudiée dans une série d’ouvrages de Wiederhorn [30, 31]. Ce phénomène chimio-mécanique dépend de la composition du verre. La résistance à la corrosion sous contrainte du verre de silice est plus grande que celle des verres alkali-alumino-silicatés et borosilicatés.

3.2 La fractographie

La fractographie est couramment utilisée pour analyser les surfaces des matériaux après fracturation et remonter ainsi aux mécanismes élémentaires. Avec l’apparition du microscope à force atomique (AFM), une grande précision dans l’analyse des surfaces de fracturation a pu être atteinte. Une surface de fracturation est caractérisée par son coefficient de rugosité qui est relié aux déflexions successives qu’un matériau subi au cours de la propagation de la fissure.

Une corrélation entre la ténacité du matériau et le coefficient de rugosité a été trouvé par J.

Melcholsky et al. [32] avant qu’E. Bouchaud n’émette l’hypothèse de l’universalité des exposants de rugosité [33].

Deux résultats remarquables concernant les surfaces de fracturation méritent d’être soulignés.

D’une part, les surfaces de fracture sont invariantes lors d’une transformation auto affine. Une transformation auto affine peut s’exprimer sous la forme suivante :

(x, y, z) → (bx, by, bζz)

C'est-à-dire que la surface de fracture est invariante sous l’effet d’un facteur d’échelle b appliqué aux axes x et y (le plan de la fracture), et bς appliqué à l’axe z (l’axe de la hauteur de la surface). ζ correspond au coefficient de rugosité encore dénommé exposant de Hurst. Plus ce coefficient est faible, et plus la surface est rugueuse. Au contraire, plus il est proche de 1 et plus la surface est régulière.

Pratiquement, il existe plusieurs méthodes pour déterminer l’exposant de rugosité. Une méthode souvent utilisée consiste à déterminer la corrélation entre les hauteurs de la surface de fracture pour des points séparés d’une distance r :

2 / 2 1 0 0

0

)]

( ) ( [ )

(r z r r z r r

h = + − ∝ rζ

Les signes < et > signifient qu’une moyenne est faite pour déterminer la corrélation des hauteurs. Pour des surfaces invariantes par transformation auto affine, la corrélation sur les hauteurs est proportionnelle à rζ ce qui permet de déterminer l’exposant de rugosité [33]. Cette méthode est d’autant plus précise que le coefficient de rugosité est faible.

Le second résultat remarquable concerne la valeur des exposants de rugosité. Tout d’abord, pour de nombreux matériaux très différents les uns des autres, les surfaces de fracture se caractérisent par un coefficient de rugosité proche de 0.8 indépendant du matériau, du mode de rupture ou de la ténacité. Initialement, B. Mandelbrot et al. ont trouvé une valeur de rugosité entre 0.7 et 0.85 pour une surface d’acier [34]. Une valeur proche de 0.87 pour plusieurs matériaux [35] a confirmé l’hypothèse de l’universalité de cet exposant [36].

L’anisotropie de la rugosité suivant la direction a été discutée par D. Bonamy [37]. En étudiant plusieurs types de matériaux et plusieurs modes de rupture [38, 39, 40], un exposant de rugosité de 0.6 a été mesuré suivant la direction parallèle à la propagation de la fissure et un exposant de rugosité de 0.8 a été mesuré suivant la direction perpendiculaire à la propagation de la fissure (parallèle au front de la fissure). Ces deux valeurs semblent universelles à petite échelle. À plus grande échelle, des valeurs universelles de 0.5 et 0.4 respectivement dans les directions parallèle et perpendiculaire à la propagation de la fissure ont été proposées [37]. La longueur de coupure pour laquelle il y a changement de régime de rugosité est une des caractéristiques du matériau étudié (quelques nanomètres dans les quasi-cristaux, une dizaine de nanomètres dans les verres, une centaine de micromètres dans les alliages métalliques) et dépend également de la vitesse à laquelle la fracture se propage. Cette longueur de coupure pourrait correspondre à la taille de la « process zone ».

D’autre part, on peut observer un exposant de rugosité proche de 0.5 à l’échelle plus petite. En utilisant le Microscope à Force Atomique et le Microscope Électronique à Balayage sur la surface de rupture d’un alliage à base de Ti3Al, P. Daiguier et ses collaborateurs ont trouvé que la valeur 0.5 correspond à la zone de rupture quasi-statique (la vitesse de propagation de la fissure est proche de zéro) et 0.8 correspond à la zone de rupture dynamique (la fissure se propage d’une manière catastrophique à une vitesse très grande) [41]. La valeur 0.5 a été observée sur le verre sodo-calcique dans la thèse de B. Nghiem [42]. Entre les deux régimes de 0.5 et 0.8, seul un facteur d’échelle différencie le cas du verre de celui de l’alliage métallique (voir la Figure II.10). Le régime de rugosité avec un exposant de 0.5 s’observe sur une portée environ 1000 fois plus petite dans le verre, comparé à l’alliage métallique.

L’existence de cette valeur de 0.5 est encore en discussion car elle n’a pas été retrouvée par des mesures AFM avec des vitesses de fracturation de quelques 10-12 m/s dans plusieurs types de verres (sodo-calcique, silice, borosilicate, aluminosilicate) [39, 43]. Cette valeur pourrait être associée à de la rupture ductile [37].

Figure II.10 : Transition entre les 2 régimes auto-affines dans le métal (alliage à base de Ti3Al) et le verre sodo-calcique [42]

Récemment, E. Bouchbinder et ses collaborateurs [44] ont discuté sur la valeur universelle de rugosité à plus longue distance et sur le rayon de coupure entre les régimes de rugosité à partir d’un modèle à deux dimensions. Dans leur modèle, la propagation d’une fissure est simulée en représentant la formation aléatoire d’une cavité dans une région déformée plastiquement puis la coalescence de la fissure avec cette cavité. Le processus est réitéré de nombreuses fois pour simuler la progression de la fissure. Avec ce modèle, un exposant de rugosité de 0.64 est obtenu caractéristique de la région inter-cavité. Ils expliquent ainsi l’origine de l’exposant de rugosité le plus important par le profil formé par les différentes cavités par lesquelles la fissure progresse. La distance de coupure entre les régimes de rugosité est liée à la distance moyenne entre la pointe de la fissure et la cavité suivante qui permettra sa progression.

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