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Évolution de la ténacité

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3 Évolution des propriétés mécaniques des verres nucléaires sous irradiation

3.4 Évolution de la ténacité

Des expériences de micro-indentation Vickers sur les verres dopés au curium (0,4 et 1,2 wt%) permettent d’apprécier la variation de la ténacité en fonction de la dose de désintégrations α.

Ces expériences ont montré une diminution de la probabilité de fissuration aux coins de l’empreinte d’indentation lorsque la dose augmente. La probabilité de fissuration est estimée pour un grand nombre d’empreintes, en comptabilisant le nombre de coins fissurés divisé par le nombre total de coins. Avec une charge de 300g, la probabilité diminue de 80% à 40% pour des doses respectivement de 5.1016 et 6.1017 α/g, et devient nulle à 1018 α/g [41].

L’évolution de la ténacité des verres irradiés par des ions d’hélium, de krypton et d’or a été également mesurée (Figure I.12). L’irradiation par des ions lourds (Kr, Au) engendre une

diminution de la probabilité de fissuration. Au contraire, aucun changement de la ténacité des verres irradiés par des ions d’hélium n’est observé. Cela confirme la prédominance des interactions nucléaires pour expliquer l’évolution du comportement à la fracturation des verres pour les doses actuellement étudiées.

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Figure I.12 : Évolution de la ténacité des verres irradiés par des ions hélium, krypton et or [41]

Ici, la ténacité a été calculée par la formule 3

4

H AK

Pc = Ic [42] où Pc est la charge critique pour laquelle la probabilité de fissuration est de 50%, A est une constante (8,5.105), et H est la dureté du verre. L’augmentation de la ténacité du verre irradié à l’or est d’environ 25%.

D’autre part, Matzke [32] a également étudié l’évolution sous irradiations de la ténacité du verre R7T7, du verre américain MCC 76-88 et du verre allemand GP 98/12. Ces verres sont dopés au curium (0,5 et 1,5 wt%) et stockés pendant 10 ans. La ténacité a été déterminée à l’aide de l’indentation Vickers sur une surface de verre. Sous l’indentation, il apparait une empreinte et ensuite les fissures. La fissuration est séparée en deux types: Palmqvist et médian (half-penny crack) (voir la Figure I.13). En mesurant la diagonale de l’empreinte et la longueur des fissures lors du retrait de l’indenteur, Evans et Marshall [43] ont montré que la ténacité vaut :

Où a est la demie longueur de la diagonale (voir la Figure I.13) et c la longueur de fissure. À noter que la formule ci-dessus est valable dans le cas de fissures de type médian.

Figure I.13 : Fissures sous indentation Vickers (a) de type médian (b) de type Palmqvist [44]

Figure I.14 : Géométrie de l’empreinte sous l’indentation Knoop

Le rapport E/H est déterminé en utilisant la technique de l’indentation Knoop (voir Figure I.14) développée par Marshall et al [45]. Le rapport a2/b de cette indentation est égal à 7,11.

Après la décharge, le retrait élastique engendre une diminution de la petite dimension de l’empreinte (de b à b’) alors que la grande dimension a2 reste presque inchangée. Le rapport E/H est calculé à l’aide de la formule : b’/a2’ = b/a2 - α(H/E) dans laquelle α est un paramètre dépendant du matériau (pour le verre, α = 0.45). W.J. Weber et al. [46] ont comparé le rapport E/H estimé par l’indentation Knoop avec sa valeur expérimentale (H mesuré par l’indentation Knoop et E mesuré par la transmission de l’onde acoustique) sur plusieurs types de verres nucléaires. L’écart reste donc faible (< 15%).

Une augmentation d’environ 100% de la ténacité a été observée par Matzke sur les verres dopés. Une relation linéaire entre la charge appliquée P et la longueur de la fissure a été également observée. Lorsque la dose augmente, la longueur moyenne des fissures et la probabilité de fissuration diminuent. Par exemple, avec P = 19,6N, la longueur de fissure diminue de 145 µm (dose = 0 α/m3) à 120 µm (dose = 1025 α/m3) et la probabilité de 100% à 10±5% respectivement. L’origine de l’augmentation de la ténacité dans les verres irradiés n’est pas encore très bien comprise.

En utilisant la même méthode que Matzke, Inagaki [34] a également observé une augmentation de la ténacité d’environ 45% pour une dose de 2.1018 α/g puis une stabilisation

au-delà. Il utilise des verres japonais de type borosilicate dopés au plutonium (0,96 wt%) et au curium (3,04 wt%) et stockés pendant 8 ans.

Les verres ont ensuite été recuits à différentes températures comprises entre 573 K à 723 K pendant 48 heures. Après 10 heures et à 673 K, la dureté et le module d’Young reviennent aux valeurs initiales du verre sain mais la ténacité ne revient pas à la valeur initiale. La relaxation de la ténacité est rapide pendant les cinq premières heures du recuit mais évolue lentement ensuite sans atteindre sa valeur initiale.

Inagaki a utilisé le modèle de Marples [33] pour modéliser l’évolution des propriétés mécaniques des verres nucléaires :

F

Où F est la fraction de volume irradié à un instant donné, ν est le volume irradié du verre, R le débit de dose des désintégrations alpha, et k298K une constante de relaxation à température ambiante (T=298K).

En intégrant cette équation avec la condition initiale F=0 au temps t=0 (l’irradiation démarre au temps t=0), on obtient

KIC/KICo correspondant à la dureté, au module d’Young et à la ténacité. L’ajustement sur les valeurs expérimentales permet de déterminer les paramètres du modèle. Inagaki a trouvé que les paramètres correspondant à la dureté et au module d’Young sont du même ordre de grandeur. En revanche, des paramètres différents sont nécessaires pour reproduire la courbe de la ténacité.

Le paramètre kT traduit l’efficacité du recuit à une température T.

Ici, la constante de recuit kT est prise comme une fonction exponentielle de la température de recuit T :

kT = ko exp(-Eact/kBT)

où ko estune constante, Eact une énergie d’activation et kB la constante de Boltzmann.

Le changement de la constante kT avec la température permet de modéliser la variation de l’efficacité des processus de recuit de la ténacité, de la dureté et du module d’Young.

L’ajustement sur les courbes expérimentales permet de déterminer les énergies d’activation des différents processus. L’énergie d’activation correspondant à la dureté (0,284 eV) est

proche de celle correspondant au module d’Young (0,288 eV) mais est loin de l’énergie d’activation de la ténacité (0,206 eV).

La ténacité présente donc un comportement particulier comparé à ceux de la dureté et du module d’Young, à la fois sous irradiation, et lors des processus de recuit à haute température.

Afin de comprendre l’évolution du comportement du verre sous irradiation, un critère proposé par Lawn et Marshall a été utilisé [47]. Le rapport entre la dureté et la ténacité représente la fragilité du verre B:

KIC

B= H

Sous irradiation, la dureté diminue tandis que la ténacité augmente. Cela signifie que le verre devient moins fragile. Il est possible que la plasticité soit à l’origine de l’évolution de la ténacité sous irradiation.

Ito [48] a montré une relation entre la zone de déformation R au front de la fissure et la fragilité de Lawn :

2

8 

 

=  R π αB

Ceci explique qu’une déformation plus grande près de la fissure apparait dans un verre moins fragile, ce qui facilite la relaxation de la contrainte.

Inagaki a expliqué le mécanisme de l’évolution de la ténacité par l’existence de bulles de taille autour de 0,2-0,3 µm générées par l’irradiation [49, 30]. Au cours du recuit, la taille de bulles diminue rapidement au début et plus lentement ensuite. Ce changement est en phase avec l’évolution de la ténacité. Pour appuyer ce point de vue, Bertolotti [50] a trouvé que des bulles de taille inférieures à 10 µm aident à augmenter la résistance du verre à la fracturation. Dans ce cas, la concentration de contrainte au front de la fissure est réduite. Mais cette explication n’est pas cohérente avec les résultats obtenus sur le verre R7T7, notamment l’augmentation de la ténacité sous l’effet d’irradiation externe aux ions lourds qui ne génèrent pas de bulles. À noter que les défauts ponctuels peuvent jouer un rôle important pour faciliter la déformation plastique du verre.

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