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Chapitre 4. Les systèmes fonciers dans la commune étudiée

4.1. Caractérisation du terrain d’étude

4.1.2. La riziculture au centre de l’économie de la localité

La riziculture occupe une place prédominante dans la région, avec en contre-saison la culture de la pomme de terre, depuis une trentaine d’années. A travers principalement l’apport de fertilisants naturels (fientes de volaille, alluvions des canaux, fumier du bétail, cendres), la fertilité des rizières fait l’objet d’une attention et d’investissements réguliers. Le rendement moyen est de 3,2 tonnes de paddy par hectare (selon nos propres données). Dans la perspective des ménages, la valeur agronomique d’une rizière dépend de : la qualité du sol

1 Dans certaines communes plus peuplées, les hameaux sont remplacés par des quartiers, un quartier représentant alors un plus grand nombre de ménages. Chaque fokontany étudié est composé en moyenne de 300 ménages.

plus ou moins fertile (masaka ou manta1), la profondeur de la couche arable et la localisation par rapport à une source d’eau (gestion de l’irrigation et des risques d’inondation). Les

rizières2 sont délimitées par des diguettes qui permettent le passage des hommes et surtout

une gestion efficace des eaux d’irrigation. Les terrains rizicoles constituent le capital productif et symbolique le plus important au sein de cette agriculture familiale à petite échelle et essentiellement tournée vers l’autoconsommation.

Les riziculteurs sont des ménages nucléaires, composés du couple et des enfants, avec parfois d’autres dépendants familiaux (5 en moyenne). Les enfants constituent une source de main d’œuvre, les plus jeunes (moins de 10 ans) gardent les animaux alors que les plus âgés participent aux travaux agricoles. Environ 25% des paysans, principalement des jeunes, n’ont pas de rizières. Les transferts intrafamiliaux restent un mode d’accès primordial pour eux, les parents leur déléguant souvent des droits d’usage lors de l’entrée en union (4.2.1.2.). Comme nous le verrons, le mode de faire-valoir dominant est le faire-valoir direct (avec salariés ou non), le marché du faire-valoir indirect (location et métayage) étant faiblement développé dans la localité. Les agriculteurs sont très faiblement dotés en capitaux physiques. Aucun ménage enquêté ne déclare posséder de matériels motorisés ou de matériel de type pulvérisateur. Par contre, il est admis que dans les Hautes Terres, tout paysan possède une

bêche (angady). Les principaux matériels agricoles sont alors : la charrue, la sarcleuse et la

charrette. Plus de 45% ne possèdent aucun de ces outils, le travail manuel à la bêche étant souvent l’unique option.

La superficie rizicole moyenne exploitée par ménage est de 19,2 ares (de 2 à 140) ; la

médiane est de 16 ares3. La majorité des ménages n’est pas autosuffisante en riz, la superficie

moyenne nécessaire étant de 40 ares4. Le nombre moyen de rizières exploitées est de 3 et peut

aller jusqu’à 12 (médiane : 2,5 rizières). La fragmentation du patrimoine oblige les cultivateurs à tenir compte, dans la gestion de l’exploitation, des contraintes de déplacement, car la marche à pied est encore le moyen de locomotion le plus utilisé. Cet éloignement rend le transport des plants de riz et du fumier particulièrement épuisant : il se fait par charrette si

cela est possible, ou par sobika5 posées sur la tête des hommes et des femmes. Le district de

Faratsiho est connu pour sa production de pommes de terre ; celle-ci sert de substitut au riz en

1 Les enquêtés emploient ces termes pour qualifier les sols : manta (littéralement : cru) est synonyme de peu fertile, alors que masaka (littéralement : cuit) fait référence à un sol riche.

2 Les pépinières (taninketsa) sont des terrains bien irrigués et drainés de petite superficie (parcelle à part entière ou plus généralement, une portion de rizière) pour le développement des plants de riz jusqu’au repiquage. La majorité des paysans pratiquent le repiquage en ligne, ce qui nécessite l’utilisation d’une sarcleuse. Peu de riziculteurs appliquent la technique dite atsaika, c'est-à-dire la culture du riz sans repiquage ; ce sont des paysans qui n’ont pas les moyens financiers d’acheter des plants de riz, qui ne peuvent emprunter de pépinières, ou qui ne peuvent se permettre d’occuper une portion de rizière à cette fin.

3 L’étude Rural Struc donne une moyenne de 22 ares de rizières par ménage pour la zone d’Antsirabe (Pierre Bernard et al., 2009 : 124).

4 Un ménage étant composé en moyenne de 7 personnes consommant en moyenne 500 g de riz par jour et la productivité à l’hectare étant d’environ 3 tonnes.

5 Produit artisanal de vannerie, de forme circulaire avec comme dimensions moyennes 40 cm de diamètre et 25 cm de hauteur, servant aux transports de marchandises variées (volailles, riz, légumes, fumier…).

période de soudure (un des trois repas journaliers ne comporte alors pas de riz). La possibilité

de cultiver des pommes de terre sur rizière en contre-saison dépend des moyens des ménages1

(semences, paiement de salariés, temps) mais aussi des conditions d’irrigation (une parcelle inondable ne sera pas cultivée en contre-saison).

Alterner et diversifier les cultures (patate douce, manioc, etc..) en complément du riz et augmenter le temps de travail constituent les principaux moyens d’élever la production, principalement destinée à l’autoconsommation. Parallèlement aux activités rizicoles, les

ménages exploitent les terres situées sur les collines (tanety). Les tanety2 désignent les terres

de pente où sont cultivés la patate douce, le manioc, le maïs et le haricot, le plus souvent en association mais aussi le soja, la pomme de terre, l’igname.

Les domaines constructibles ou vohitra se situent généralement en bas de colline. Les

ménages cultivent parfois des arbres fruitiers (le caféier également) à quelques mètres des maisons, mais ne plantent pas de bois de construction ou de chauffe. Autour des maisons, il est fréquent de trouver des cultures pluviales, les mêmes que sur les collines : ce sont des potagers facilement entretenus car ils se trouvent à proximité des foyers où sont produits les

cendres et le fumier. Sur les sommets des collines (tendrompohitra), les agriculteurs cultivent

les pommes de terre, le manioc et parfois des ananas. Les parcelles boisées (tanin-kazo) se

situent principalement dans ces zones.

La Photographie 2 donne une vision générale de notre terraind’étude.

Photographie 2. La plaine rizicole de Faratsiho (juin 2008)

Le fokontany centre de Faratsiho (en haut) se distingue nettement d’un groupe de résidence du hameau d’Antaninandro (fokontany Ambohimandroso) de par la densité de la population et le type de matériaux de construction des maisons. Au centre, bien visible sur la photographie, les rizières de

1 Les fertilisants chimiques restent très peu utilisés par les paysans.

2 Certains considèrent que tanety renvoie à une terre non cultivée alors que tanimboly traduit le fait qu’elle soit effectivement cultivée. Nous utiliserons uniquement le terme tanety, renseignée quant à son exploitation ou non.

fonds apparaissent comme totalement aménagées. Il s’agit d’un paysage classique des Hautes Terres (Raison, 1984 ; Blanc-Pamard et Ramiarantsoa, 2000).

Un autre type de diversification agricole concerne l’élevage qui peut être bovin, porcin ou

avicole. Cependant, ces différents types d’élevage1 ne concernent souvent qu’un faible

nombre d’animaux. Les bovins ont un rôle particulièrement important au sein de l’exploitation agricole : ils représentent une alternative au travail manuel à la bêche,

fournissent le fumier et constituent une forme d’épargne2. La détention de têtes de bétail est

un indicateur du niveau de vie et d’investissement dans l’agriculture. Plus de 45% des agriculteurs ne possèdent aucun zébu ; la moyenne étant de 2,7 pour ceux qui en détiennent. Les animaux pâturent sur les collines et sur les rizières après la récolte du riz. Il n’y a pas de

pâturages forestiers communautaires(kijana). Parallèlement à ces formes d’élevages de petite

taille, se développent de nouvelles productions comme la pisciculture. Cette activité s’établit dans des plans d’eau spécialement aménagés dans les bas-fonds ou dans des étangs temporaires au sein des rizières, en contre-saison (la rizi-pisciculture).

4.1.2.2. Diversification des sources de revenus

Les ménages les plus aisés sont ceux pratiquant une activité extra-agricole considérée comme relativement rémunératrice et leur assurant une rentrée monétaire régulière. Les activités telles qu’épicier, boucher, collecteur, infirmier, médecin, enseignant, retraité avec pension, technicien d’agriculture, policier, militaire, seront qualifiées d’activités rémunératrices3. Pour moins de 10% des ménages, l’homme ou la femme est dans cette situation et plus de 40%

d’entre eux résident dans le fokontany centre de Faratsiho. Ces ménages sont également des

riziculteurs et exploitent une plus grande superficie de rizière que ceux ne pratiquant pas une

telle activité extra-agricole4.

D’autres ménages trouvent également un complément de revenu dans des activités non agricoles, qui sont quant à elles faiblement rémunératrices. Certains ménages diversifient leurs activités par la fabrication et la vente de briques, de tapis, de nattes ou de sobika. Ils vont en général chercher les matières premières sur les collines, sans avoir besoin

d’autorisation particulière5. Cet artisanat est écoulé principalement au marché de Faratsiho ou

dans les villages alentour. D’autres ménages ont mis en place de très petits commerces (gargotte) vendant les produits de première nécessité, ou simplement du café et des beignets. Plus de la moitié des ménages sont susceptibles de compléter leur approvisionnement en riz,

1 Le Vakinankaratra est connu comme étant une zone fortement productrice de lait de vache. A Faratsiho, ce n’est pas le cas.

2 Le prix d’une tête de bétail est environ de 500000 ariary (soit plus de 800 kg de paddy), dépendant principalement de sa race, de son âge et de son sexe.

3 Bien que cette catégorie ne soit pas homogène puisqu’elle regroupe des activités indépendantes et salariées, le faible nombre de ménages enquêtés pratiquant ce type d’activité a conduit à les regrouper.

4 24 ares de rizières exploitées contre 18 ares pour ceux qui ne pratiquent pas ce genre d’activité (10%).

5 Il existe une restriction de l’accès à cette ressource : il est fady (interdit, souvent traduit par tabou) de cueillir une certaine espèce d’herbe avant la récolte de riz. A Madagascar, il existe différents fady, souvent spécifiques aux localités.

de façon journalière en période de soudure, grâce aux faibles gains financiers tirés de ces

diverses activités. Les activités telles que artisan, gargotier, charretier, bouvier, ne

fournissant que de faibles revenus, et souvent pratiquées de façon irrégulière, seront qualifiées « d’activités faiblement rémunératrices ».

Le salariat agricole est une pratique courante en milieu rural malgache et dans la majorité des cas, l’ouvrier apporte sa seule force de travail et il est payé à la journée. La possession d’une

charrue augmente la rémunération de cette prestation de service1. Les pics de demande de

main d’œuvre sont habituellement atteints au moment du repiquage et à la récolte du riz. Environ 40% des ménages déclarent ne jamais pratiquer le salariat agricole. Nous considèrerons la pratique régulière du salariat comme un indicateur de faible niveau de vie du ménage tandis que faire appel au salariat est plutôt révélateur d’un bon niveau de vie.

D’après nos observations, l’entraide aux moments des gros travaux agricoles (repiquage, récolte) reste très marginale et limitée à certaines familles, induisant le développement du salariat agricole. Dans la région des Hautes Terres, outres les cérémonies familiales (mariage,

circoncision, exhumation, enterrement…), l’une des formes les plus visibles du fihavanana2

reste l’entraide agricole, particulièrement en période de soudure (Ramiarantsoa, 1992 : 15 ; Ottino, 1998 : 507 ; Gannon et Sandron, 2006 : 8). On peut identifier au moins trois types

d’entraide dans la littérature : mindrana, ou entraide sans réciprocité lors du labour, du

repiquage, de la récolte, le propriétaire offrant le repas (riz avec laoka) ; firimbona ou entraide

avec réciprocité, les participants établissant un calendrier avec les jours et les lieux de travail

et les comptes sont tenus ; mandrafozana ou devoir d’entraide des enfants envers leurs parents

et beaux-parents pendant les opérations agricoles nécessitant beaucoup de main-d’œuvre, les parents offrant les repas du matin et du midi (Ramiarantsoa, 1992 : 15). Plusieurs personnes

âgées lient la diminution du recours aux groupes d’entraide à la fin du fihavanana. Cette

amitié qui, selon eux, apportait respect et entraide dans le passé, tend à se perdre au sein de

nouvelles générations. Selon un enquêté : « avant on travaillait sur un champ puis le

lendemain on allait sur l’autre. Maintenant, on ne peut plus compter sur personne, on ne sait jamais combien d’hommes vont venir ; même si les enfants reviennent nous aider lors des gros travaux, si tu as de l’argent tu payes des salariés pour être sûr que le travail soit fait ».

4.2. Dispositifs d’accès et de transferts des droits, et contenu du faisceau de

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