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Evolution de la valeur accordée aux actes de vente depuis l’installation du guichet ?

CHAPITRE 6. Les pratiques de sécurisation : entre cadre légal et pratiques locales

6.1. Les transactions foncières et la certification

6.1.3. Evolution de la valeur accordée aux actes de vente depuis l’installation du guichet ?

• Les achats effectués avant 2006

Nos résultats du chapitre 5 indiquent que les parcelles déjà documentées, et ayant le plus faible degré de validation, sont certifiées en priorité. Nous pouvons ici préciser les éléments influençant l’arbitrage effectué par les acheteurs entre les différents types d’actes de vente et la certification.

La demande de certificat peut être induite par l’impossibilité, par le passé, d’avoir un acte de vente authentifié. Certains ménages détenaient (avant l’installation du guichet foncier) un acte

de vente validé uniquement par le chef de fokontany du fait de l’impossibilité d’un

enregistrement au niveau de l’arrondissement pour les raisons suivantes : le vendeur est décédé ou a déménagé, les témoins ne sont pas disponibles pour se déplacer à

l’arrondissement, ou l’acte de vente tamponné par le chef de fokontany n’est plus valable. En

effet, pour le délégué d’arrondissement, la durée de validité de l’acte de vente validé par le

chef de fokontany est d’une année. Après ce délai, le délégué exige que le demandeur

actualise son acte afin d’éviter les problèmes liés au caractère trop ancien de l’acte, au décès

des personnes signataires au changement de chef de fokontany, voire à l’existence d’un

nouvel acquéreur de la terre. Pour le délégué d’arrondissement, « c’est le chef de fokontany

1 Pour seulement 11% des transactions déclarées, le nouvel acquéreur ne connait pas le mode d’acquisition du vendeur ni le document qu’il possède, et dans 70%, il s’agit de femmes enquêtées.

qui connait le mieux, nous, d’ici, on ne peut pas savoir ce qui se passe sur les terres. C’est pour cela que nous avons besoin d’un acte récent ».

A défaut d’acte de vente authentifié validé par une autorité hiérarchiquement supérieure au fokontany, les acheteurs se tournent vers la certification. Les agents du guichet foncier (qui ne devraient même pas en demander selon la législation) acceptent en effet tous les documents,

quelles que soient leurs dates d’élaboration. Selon un enquêté : « je voulais avoir un document

légal mais c’est impossible avec l’arrondissement. Mais j’ai pu demander un certificat, c’est plus simple, le vendeur n’a pas à être là mais ses enfants étaient présents à la reconnaissance locale ».

La décision de recourir à la certification n’est pas exclusivement le fait de particuliers qui n’arrivent pas à obtenir un acte validé par l’arrondissement. Certains ménages possédant d’ores et déjà ce type d’acte ont également certifié leur parcelle. L’avantage pour eux est d’enregistrer et de sécuriser la superficie réelle de leur parcelle. Pour obtenir l’acte de vente authentifié à moindre coût, ils ont sous-estimé le prix et la superficie de la parcelle. L’installation du guichet foncier, dans un contexte de saturation de l’espace, constitue alors une opportunité d’obtenir un document avec une superficie exacte accompagnée de sa cartographie.

Parallèlement, si certains ménages considèrent les actes authentifiés comme des documents suffisamment sécurisants et la certification comme inutile, d’autres préfèrent établir un nouveau document pour augmenter le degré de sécurisation d’une parcelle jugée particulièrement « à risque ». Il ne s’agit pas de sécuriser spécifiquement la transaction, mais de se protéger de tous types de contestations ultérieures.

De façon plus générale et récente, le choix de certifier tout en ayant déjà d’autres documents peut résulter d’une diminution de la valeur accordée aux actes de vente validés par le fokontany ou l’arrondissement. La campagne de sensibilisation réalisée lors de la mise en place du guichet foncier a en quelque sorte pu « dégradé la force » des dispositifs antérieurs pour certains. Selon certains enquêtés, bien que l’acte authentifié relève davantage du fanjakana (puissance publique) que les documents seulement validés par le chef de fokontany, il semble perdre de sa « valeur légale » face au certificat. Dans les termes d’un enquêté : « même l’acte de vente délivré par l’arrondissement, c’est l’ancienne loi, maintenant, c’est le certificat qu’il faut faire, il y a une nouvelle loi du fanjakana. La copie [de l’acte] ne suffit plus pour dire que la terre est à toi » ; sa conjointe ajoutant : « avant il y avait le titre, puis la copie1, et maintenant c’est le certificat, les autres papiers ne valent plus rien !».

Enfin, selon la règle implicite des agents du guichet foncier, monter un dossier de demande de certificat d’une parcelle achetée nécessite d’avoir un acte de vente, idéalement validé par le

chef de fokontany. Mais cette règle est loin d’être systématique et ne semble même plus

pratiquée. D’après nos données, depuis 2006, les ménages n’ont pas établi d’acte de vente dans le but d’obtenir un certificat. Plus de 90% des actes de vente ont été élaborés la même année que celle de l’achat ; les actes de vente élaborés plusieurs années après la transaction et

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après l’arrivée du guichet foncier ne concernent que 8 parcelles et aucune d’entre elles n’a été certifiée (Tableau 29).

Tableau 29. Délai entre la transaction et l’élaboration des différents actes de vente, pour les achats effectués avant 2006 Total Nombre d’actes de vente élaborés l’année de la transaction Nombre d’actes de vente élaborés plus d'un an après l’achat Nombre actes de vente élaboré après 2006 et plus d'un an après l’achat

Acte de vente simple 38 (100%) 36 (94,7%) 2 (de 4 à 23 ans) 0

Acte de vente fokontany 322 (100%) 284 (88,2%) 38 (de 1 à 32 ans) 5 (13,2%) Acte de vente arrondissement 383 (100%) 369 (96,3%) 14 (de 2 à 30 ans) 3 (21,4%)

Total 743 (100%) 689 (92,7%) 54 (de 1 à 32 ans) 8 (14,8%)

Source : traitements de l’auteur sur les données issues des questionnaires

Les relations de confiance justifient les délais entre la transaction et la rédaction d’un acte de vente. Un sous-seing privé peut alors être suffisant pour formaliser le transfert, tout particulièrement si les témoins de la vente sont des contestataires potentiels (les héritiers du vendeur principalement). Le nouvel acquéreur ne considère pas urgente la validation de l’acte par une autorité.

• Les achats effectués après 2006

La proportion des actes de vente validés par le chef de fokontany apparaît en légère

augmentation pour les transactions datant d’après 2006, celle des actes délivrés par l’arrondissement quant à elle diminuant de 44% à 30% (Tableau 30).

Tableau 30. Niveaux de validation des actes de vente depuis 2006

Achat avant 2006 Achat après 2006

Nombre de parcelles Proportion certifiée Nombre de parcelles Proportion certifiée

Pas d’acte de vente 39 (5,5%) 6 (15,4%) 27 (13,7%) 2 (7,4%)

Acte de vente fokontany 298 (42%) 133 (44,6%) 110 (55,8%) 40 (34,4%) Acte de vente arrondissement 373 (52,5%) 133 (35,7%) 60 (30,4%) 31 (51,7%)

Total 710 (100%) 272 (100%) 197 (100%) 73 (100%)

Source : traitements de l’auteur sur les données issues des questionnaires

La plus forte proportion de transactions sans recours à l’écrit (13,7% contre 5,5%) est justifiée par les relations de confiance et surtout par le fait qu’il s’agit d’achats récents (effectués l’année 2010 – année des enquêtes – pour 23 d’entre eux). Le guichet foncier (ainsi que la règle implicite des agents du guichet foncier) n’a pas incité les acheteurs a établir plus d’actes

de vente (ils le faisaient depuis des années), et n’a pas remplacé les procédures de

formalisations locales, les individus continuant de solliciter les chefs de fokontany ainsi que le

délégué d’arrondissement.

Les ménages considèrent l’étape de validation par le chef de fokontany comme partie

intégrante de la procédure d’achat. Dans la perspective des enquêtés, ne pas valider un acte

par le chef de fokontany avant toute autre autorité est considéré comme un comportement

opportuniste, ne respectant pas les normes villageoises établies depuis plusieurs décennies. Selon nos entretiens, cette perception a été renforcée par le discours des agents. Du point de vue des autorités impliquées dans les procédures locales de formalisation des transactions (les

élus au niveau du hameau et du fokontany), il est indispensable d’effectuer les actes de vente.

Pour le délégué de l’arrondissement ainsi que pour le maire, indépendamment de la demande de certificat, élaborer des actes de vente qui seront enregistrés au niveau de l’arrondissement est obligatoire ; évidemment, la suppression de cette étape générait pour leurs institutions une perte de recettes.

Depuis 2006, les acheteurs effectuent de nouveaux arbitrages entre les dispostifs de

sécurisation des transactions. L’implication du chef de fokontany est quasi systématique et le

choix de la poursuite de la formalisation à un niveau supérieur s’opère alors entre le certificat et l’acte de vente délivré par l’arrondissement. Certains acheteurs, relativement aisés et

éduqués souhaitent détenir un acte authentifié ainsi qu’un certificat. Sur 60 achats (post 2006)

documentés par un acte de vente délivré par le délégué d’arrondissement, 55,8% ont été

certifiés. Il s’agit principalement de parcelles achetées par des résidents des fokontany centres

de la commune. Sur 110 achats pour lesquels le nouvel acquéreur a effectué un acte de vente

validé par le chef de fokontany, 30,4% ont été certifiés. Certains ménages, conscients des

coûts d’élaboration de l’acte de vente au niveau de l’arrondissement, demandent seulement un

certificat. Dans les termes de l’un d’entre eux : « maintenant que je sais qu’on n’est pas

obligé de passer à l’arrondissement, je vais demander un certificat directement ; en plus les copies ont moins de valeur qu’avant ».

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