• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4. Les systèmes fonciers dans la commune étudiée

4.1. Caractérisation du terrain d’étude

4.1.1. Les sept fokontany étudiés : un bref historique

La commune rurale de Faratsiho, chef-lieu du District du même nom, se situe dans la région Vakinankaratra, région faisant partie des Hautes Terres (Tableau 9).

Tableau 9. Découpage administratif de la région Vakinankaratra

Source : arrondissement administratif

La commune de Faratsiho, située à 1900m d’altitude à 80 km au nord-est d’Antsirabe (dont 47km de piste secondaire) s’étend sur 450 km² et se compose de dix-huit fokontany1.

Le fokontany, c'est l’organisation administrative de base, l'unité administrative de fait qui correspond à peu de choses près au village. Le pays s’est engagé dans un processus de

1 Le terme fokontany peut être traduit par village ; le terme vernaculaire sera utilisé tout au long de ma thèse.

Découpage Administratif

Région District Superficie

(Km2) Communes Arrondissements Administratifs Fokontany Vakinankaatra Ambatolampy Antanifotsy Antsirabe I Antsirabe II Betafo Faratsiho 1 709 3 425 180 2 769 9 107 2 015 18 12 01 20 26 09 14 11 06 20 18 09 161 231 59 204 212 89 TOTAL 6 Districts 19 205 86 78 956

décentralisation, qui débute réellement à partir de 1994 quand les communes sont mises en

place (Rochegude, 2005). Les fokontany, créés en 1973, cessent d’être des collectivités

décentralisées et deviennent, en 2004, «des subdivisions administratives de base au niveau de

la commune »1. (Décret 96-250) (Hermann, 2004).

Afin d’avoir un maximum de recul sur les pratiques de certification2, l’étude a été limitée aux

sept fokontany ayant eu accès dès 2006 au guichet foncier. Le Plan Local d’Occupation

Foncière (PLOF) concernait alors une superficie d’environ 11.300 ha, dont 1.550 ha de rizières et 9.750 ha de cultures pluviales (MCA, 2006). La population totale de ces sept fokontany s’élevait, en février 2009, à 13.827 habitants, dont 7.204 personnes âgées de plus

de 18 ans. Le fokontany de Faratsiho (du même nom que la commune) concentre une forte

densité de population ; il s’agit de la partie la plus urbanisée de la commune (Tableau 10). De

plus, ce fokontany possède des caractéristiques particulières au regard des six autres puisqu’il

s’agit de la zone historique initiale d’occupation.

Tableau 10. Répartition de la population dans les 7 fokontany étudiés

Fokontany Superficie totale ha Population totale Ratio population par ha

Miadanandriana 231,8 667 2,88 Sahomby Firaisana 349,1 872 2,50 Faratsiho 370,5 4495 12,13 Tsaratanana 725,5 2521 3,47 Ambohimandroso 905,1 1790 1,98 Fisoronana 1471 1484 1,01 Marohanina 1061 1998 1,88

Source : élaboré par l’auteur à partir des données issues du guichet foncier (utilisation du PLOF) et de monographies fournies par l’arrondissement (Arrondissement administratif, 2009)

4.1.1.2. Le peuplement de la commune et contrôle de la population

Selon la tradition orale, les ancêtres des habitants actuels de la commune n’étaient pas des

originaires (« mpihavy3»), mais des personnes arrivées d’autres régions (Arivonimamo,

Imerintsiatasika, Maromena, Ambohimandry, Alatsinain’ambazaha, Vakinisisaony). Les

premiers habitants du nord du fokontany actuel de Faratsiho, seraient originaires des environs

d’Ambohimandry (région de Tananarive), et auraient appartenu au clan des « tantsaha ». Les

pères de famille venaient pêcher des « toho » dans la localité en raison de l’abondance des

« horonkely » (sortes d’herbes qui poussaient dans les marais) utiles à la confection des filets de pêche. Le poisson était par la suite troqué contre du riz aux marchés de Tananarive. Puis,

1 Art. 2, Décret 2004-299, J.O. 2898 du 12 avril 2004.

2 Les autres fokontany étaient alors en attente des images satellites ; les parcelles localisées dans ces zones étaient jusqu’en 2008 exclues de la procédure de certification.

certains chefs de famille auraient décidé de s’installer dans la localité. Quelques temps après,

au sud de l’actuel fokontany de Faratsiho, des vakin’ny sisaony seraient arrivés de l’Imerina

aux alentours de Tananarive dans les années 1850.

Dans les Hautes Terres, bien qu’il n’existe pas à proprement parler d’autorité

coutumière, le fokonolona est généralement considéré comme telle.

Traditionnellement, le fokonolona est « un clan (ou parfois un lignage) de type

patrilinéaire et patrilocal unissant sur un même territoire les descendants d’un même ancêtre dont la tombe constitue le pôle mystique où le groupe vient retrouver sa cohésion » (Condominas, 1961 : 24). Qu’il soit exclusivement familial ou non (dans le cas d’alliance ou d’arrivée de plusieurs ancêtres considérés comme fondateurs du village), la coutume veut que les décisions soient

prises en commun, par consultation du fokonolona. Durant l’époque pré-coloniale,

les habitants du village de Faratsiho (le fokonolona) étaient alors sous l’autorité

d’un « mpiadidy » (chef de village). La promulgation du « code des 305 articles »

en 1885, fait disparaître l’autorité judiciaire du fokonolona. Le passage par les

administrateurs civils est obligatoire bien que le législateur laisse la possibilité de faire appel aux administrateurs locaux si les problèmes ne sont pas résolus. Des

règles issues de ce texte sont consacrées aux obligations du mpiadidy, l’agent

exécutif du fokonolona, qui n’est pas un agent du gouvernement puisqu’il reste un

ray-amen-dreny1 élu par ses pairs (Condominas, 1961). Dès 1888, les antily (gendarmes et policiers) sont remplacés par des gouverneurs et gouverneurs madinika (petit gouverneur, qui seront les futurs chefs de canton sous l’occupation française) et possèdent alors de réels pouvoirs administratifs. Les gouverneurs sont des officiers ministériels, d’état civil, des commissaires de police et gendarmes et de véritables administrateurs civils (Condominas, 1961). La localité de Faratsiho devenant de plus en plus peuplée, le souverain aurait décidé d’y installer Rakotozafy, issu de la famille royale d’Andriamasinavolona, en tant que fonctionnaire de l’administration civile.

Dès les années 1900, l’administration coloniale, dans une logique de mise en valeur, a entrepris la construction du canal de drainage/irrigation principal, ainsi que certains canaux secondaires à Faratsiho (les autres canaux couvrant l’ensemble de la plaine ont été construits par les exploitants eux-mêmes). L’aménagement des marécages en rizières s’est alors développé. Un enquêté arrivé à l’âge de 10 ans en 1940 se souvient que les herbes occupaient encore une grande partie de l’espace. Aujourd’hui les bas-fonds sont entièrement aménagés en rizières, et ces herbes ont totalement disparu. Les axes routiers sont également construits pendant la période coloniale. La route nationale qui relie Antsirabe à Soavinandrina a été mise en service avant la route d’intérêt provincial reliant Faratsiho à Arivanimamo. A cette époque, une dizaine de jours de travail au service de l’État par an (par homme de plus de quinze ans) est obligatoire pour la construction et l’entretien des routes et des canaux. Faratsiho semble être un simple lieu de passage et ne revêt pas un intérêt particulier pour la puissance coloniale

1 Ce terme que nous reprendrons par la suite renvoie aux personnes âgées, aux notables à qui l’on attribue une certaine expérience, connaissance et sagesse.

d’un point de vue économique. La création du village répond à la finalité, semble-t-il, de relier Antsirabe aux zones agricoles plus à l’ouest où les terres étaient très fertiles. A Faratsiho, il n’y avait pas de cultures commerciales, contrairement à Miandarivo (une commune voisine) où la culture de l’arachide a été développée. La puissance coloniale a cependant renforcé le contrôle de la population par la mise en place d’administrateurs intermédiaires.

Pendant la période coloniale, le décret de 1902, inspiré de textes antérieurs tel que le code des

305 articles, explicite l’organisation de l’administration indigène de l’Imerina1. Le

fokonolona y est défini comme étant formé par l’ensemble de la population habitant le quartier et est reconnu comme la cellule administrative de base. Ainsi, concernant la

définition du fokonolona, la notion territoriale prédomine à cette époque (Condominas, 1961 :

109). Le mpiadidy (chef de village) apparaît alors plus comme un fonctionnaire que comme

une émanation de la collectivité ; les ray-amen-dreny (les personnes âgées) ont le droit,

conformément à la coutume2, de représenter le fokonolona auprès du mpiadidy et des autres

autorités administratives françaises ou indigènes de la province. Le chef de canton est la véritable cheville ouvrière de l’administration indigène (Rainibe, 1976, cité par Ramiarantsoa,

1995), le mpiadidy étant quant à lui l’homme le plus proche des populations. Selon Rarijaona,

il revient à ce dernier « de faire respecter les diverses traditions relatives à l’exploitation des

terres, de concilier les membres en cas de différends, d’intervenir dans maintes circonstances en vue d’obtenir la cohésion du groupe » (Rarijaona, 1967 : 38, se basant sur les travaux de Cahuzac). Suite au décret du 28 septembre 1926, le conseil des anciens devient une véritable assemblée indigène restreinte (nommée par le chef de village avec un délégué du canton) (Condominas, 1961).

La construction de la route secondaire a favorisé le développement des activités commerciales

et administratives, qui se sont concentrées dans l’actuel fokontany de Faratsiho. Ce fokontany

représente aujourd’hui une bourgade administrative électrifiée et concentre les marchés, les petites épiceries, les écoles et les bureaux administratifs (district, arrondissement, mairie, police). Parallèlement au développement de cette bourgade, des familles pour la majorité

d’origine merina, se sont progressivement installées aux alentours de cette dernière peuplant

les 6 autres fokontany actuels de notre terrain d’étude. Les descendants présents aujourd’hui

appartiennent à la 4ième ou 5ième génération des fondateurs des villages pour les plus âgés.

Dans certaines micro-localités où l’ensemble des descendants est resté au village, il existe une forte pression foncière familiale. Du fait de cette dernière, ainsi que du manque d’opportunités

extra-agricoles, il s’agit d’une zone d’émigration. Plus de 90% des couples sont originaires3

de leur fokontany de résidence, contre seulement 74,6% des résidents de Faratsiho. Ces

1 J.O.M du 30 avril 1902, pp. 7391, 7392. J.O.R.F du 19 mars 1902, pp. 2047, 2049. Reproduit par DUTEIL, pp. 97-105 (in Condominas, 1961 : 239).

2 En 1899, un général intérimaire met en place des mpanoratra, des secrétaires élus : ils deviennent les représentants officiels du fokonolona auprès des autorités administratives. Ce fut un échec car, selon la coutume, les décisions sont prises par consultation de l’assemblée du fokonolona (de plus, des cas d’abus de pouvoir de la part du secrétaire ont été notés) (Condominas, 1961).

fokontany se distinguent principalement selon leurs contextes socio-historiques de constitution du peuplement (modalités d’accès à la terre des fondateurs, nombre de familles d’origines distinctes, nombre de descendants présents sur les lieux). La famille est qualifiée de proche ou d’éloignée. Pour les enquêtés (restitué ici de façon simplifiée), la famille proche fait référence aux enfants et petits-enfants, aux parents (père et mère), aux oncles et tantes (et leurs enfants) tandis que la famille éloignée est constituée de l’ensemble des descendants issus d’un ancêtre commun.

Les enquêtés considèrent le fokonolona comme l’ensemble des habitants de leur fokontany de

résidence. En cas de différends, les protagonistes convoquent le fokonolona afin de rendre

l’affaire publique et de solliciter le témoignage des personnes présentes. La parole des

personnes âgées originaires du fokontany en question tient une place très importante. Chaque

fokonolona est sous l’autorité d’un chef de fokontany. Les chefs de fokontany remplacent les

anciens chefs de village (mpiady) et sont sous l’autorité du maire. La nomination des chefs de

fokontany se fait en deux étapes. Dans un premier temps, le fokonolona (les habitants du fokontany) élit 4 candidats à la suite d’un vote organisé au niveau du fokontany. Cette liste est

transmise au maire ainsi qu’au chef de district qui désignent le chef de fokontany et son

adjoint pour 5 ans. Bien que le caractère décentralisé de cette autorité soit contestable car le

chef de fokontany est in fine nommé, ce dernierreste aux yeux de la population le représentant

du fanjakana (la puissance publique) le plus proche du fokonolona. Selon les termes de

Ramiarantsoa : « Sur le plan de l’administration du territoire, chaque individu relève des

collectivités décentralisées, le fokontany à l’échelle des villages ; papiers officiels et liens avec les autorités sont établis dans ce cadre » (Ramiarantsoa, 1992 : 30).

Depuis la création des fokontany dans les années 1970, chacun d’eux est composé à Faratsiho

de cinq hameaux, délimités essentiellement selon des critères démographiques1. Par hameau,

on compte un homme dit « quartier mobile », élu par les habitants pour une période de cinq ans, représentant de la gendarmerie, chargé de la surveillance du hameau, ainsi que deux andrimasompokolona (littéralement : les yeux du fokonolona) élus, sortes de secrétaires

administratifs chargés d’aider le comité fokontany. Ces autorités locales travaillent avec le

chef de fokontany et son adjoint, et sont sollicités lorsque leur hameau est concerné.

4.1.2. La riziculture au centre de l’économie de la localité

Outline

Documents relatifs