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Chapitre 2. La réforme foncière malgache : illustration du nouveau référentiel relatif à

2.2. Le lancement de la réforme foncière

2.2.1. Création d’un maître d’œuvre de la réforme

Dans les années 2000, l’idée d’élaborer une nouvelle politique foncière est omniprésente à Madagascar : un atelier sur le foncier est organisé en 1999 à Tananarive, les experts internationaux, notamment de la Banque Mondiale mettent sur le devant de la scène les processus de sécurisation d’une nouvelle forme, la décentralisation est au centre des débats (chapitre 1 et chapitre 2). En 2004, une Unité Technique de Préparation de la Réforme Foncière (UTPRF) est constituée : les différents acteurs (bailleurs, société civile, administrations) se répartissent en groupes de travail afin de définir les orientations de la future Lettre de Politique Foncière (LPF) qui est validée par le conseil gouvernemental en février 2005 et le Programme National Foncier (PNF), organisme coordonnateur de la réforme, est créé en 2005.

L’atelier « Quelle politique de sécurisation foncière pour Madagascar ? Constats, problèmes, expériences et pistes pour le futur », organisé dans la capitale en 1999, confirme l’intérêt pour les problématiques de sécurisation foncière. Une cinquantaine de communications (issues de projets et opérateurs de développement en milieu rural ou urbain, organisations paysannes, associations de maires et sociétés civiles, centres de recherche et universitaires, administrations) a été présentée à cet atelier selon quatre axes1. Cet évènement a conduit, parallèlement à des contestations d’organisations paysannes, à la création d’une plateforme de concertation pour la sécurisation foncière, le SIF (Sehatra Iombonana ho an’ny

1Diversité des situations locales et des problèmes à affronter ; Problématiques foncières liées à des thématiques spécifiques (aménagement des villes, foncier agricole, développement touristique) ; Actions expérimentées et ébauches des solutions envisagées ; Approches et méthodes pour aborder les questions foncières malgaches et définir une stratégie politique.

Fananantany), et à l’idée d’un Programme National Foncier (PNF). Cette plateforme de

consultation pour la réforme foncière (SIF) a donc été créée en 2003, et en 2004, suite à ses premières réflexions, un groupe de travail a été mis en place pour élaborer un cadre général pour une nouvelle politique foncière. Ce groupe de réflexion était composé de responsables d’agences gouvernementales liées au foncier, d’élus locaux, de députés et sénateurs, de chefs de région, de représentants d’organisations paysannes. L’ouverture du débat notamment à la société civile a permis d’échapper au monopole habituel qu’exercent les services fonciers sur la conception de la politique foncière et aux influences de différents lobbys (Teyssier et al., 2010 : 280).

La constitution d’une Unité Technique de Préparation de la Réforme Foncière (UTPRF) est validée : les différents acteurs (bailleurs, société civile, administrations) se répartissent en groupes de travail afin de définir les orientations de la future Lettre de Politique Foncière (LPF), validée par le gouvernement le 3 mai 2005.

La LPF traduit la réforme foncière en programme (i.e. : en actions). Le Programme National Foncier (PNF) est issu de la LPF : cet organisme gouvernemental coordonnateur de la réforme foncière est officiellement lancé en juin 2005. Un observatoire du foncier a également été intégré au PNF puis rendu indépendant en juillet 2009 (Tableau 2).

Tableau 2. Place du PNF relativement au ministère de l’Aménagement du territoire et de la décentralisation1, et aux services fonciers.

Source : entretien avec Émilie Pèlerin, octobre 2011

La réforme foncière a bénéficié d’importants moyens financiers. La mise en œuvre du PNF a été financée par 12 bailleurs de fonds (coopération française, inter-coopération suisse, coopération allemande, union européenne, FIDA, FAO, gouvernement américain à travers le MCA) avec des engagements initiaux estimés à 42 millions de dollars (USD). Le rôle de

chaque bailleur est défini par une charte de partenariat. Le Millennium Challenge

Corporation1, principal bailleur de fonds, s'est engagé à hauteur de 38 millions de dollars. En 2004, Madagascar a été le premier pays à signer une charte avec le Millennium Challenge

Corporation (MCC), qui lui accorde plusieurs dizaines de millions de dollars. Madagascar

obtient les financements de ce programme du gouvernement américain en août 2005. Trois volets du Millenium Challenge Account (MCA) sont définis : volet agro-business, volet financier, volet foncier. Quant aux autres bailleurs de fonds, leur financement provient principalement de programmes déjà existants. Ce financement extérieur, certes important, restait éloigné des besoins de mise en œuvre du PNF qui avaient été estimés par le gouvernement à plus de 190 millions de dollars.

L’état des lieux établi lors des réunions de concertation et de préparation de la LPF caractérise la situation foncière à Madagascar comme étant en crise, cette dernière se manifestant par « une insécurité foncière généralisée » engendrant un « développement des conflits fonciers » (MAEP, 2005). On trouve dans les textes du Programme National Foncier de Madagascar des constats tels que : « le contexte d’incertitude généralisée favorise le développement des

conflits pour la maîtrise du sol, surtout quand la survie d’une famille tient à l’exploitation d’une parcelle »; ou encore dans le rapport du MCA (2006) : « l’insécurité foncière est généralisée et […] on peut relever la dégradation du climat social avec prolifération des conflits fonciers ».

Le cadre légal malgache en vigueur dans les années 2000 – la gestion foncière sous la responsabilité des services des domaines – étant jugé inadapté, les nouvelles recommandations en termes de politique foncière s’accordent alors sur le principe de « bonne gouvernance ». Les ateliers de concertation ont favorisé l’émergence d’une nouvelle orientation : les communes peuvent désormais disposer d’une compétence en gestion foncière, et être dotées à cet effet d’un service permanent, le « guichet foncier communal », chargé de la reconnaissance des droits de propriété privée par la délivrance de « certificats fonciers » (Photographie 1).

1Le programme du MCC poursuivait comme objectif général l’augmentation de l’investissement dans le milieu rural à Madagascar, objectif considéré comme clé de la croissance économique et de la réduction de la pauvreté. Le volet foncier qui s'intégrait dans le PNF visait l’amélioration de la sécurisation foncière et de l’efficacité de l’administration foncière et domaniale dans les zones d’intervention du MCA.

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