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Chapitre 5. Les déterminants de l’entrée des ménages dans une procédure de certification

5.2. Les capacités des ménages à entrer dans une démarche de certification

5.2.4. Le coût de la certification : une limite de la demande de certificat ?

Un des objectifs de la réforme était de fournir aux populations locales la possibilité de

formaliser leurs droits à « des coûts adaptés au contexte socio-économique des acteurs ». Sur

la base des caractéristiques des ménages enquêtés et des conditions de fonctionnement du guichet foncier, nous discutons dans cette section des contraintes financières et de trésorerie des ménages comme déterminants de la demande de certificats.

5.2.4.1. Le coût de la certification

La mise en place du guichet foncier a impliqué le vote d’une délibération communale fixant le prix du certificat foncier en fonction d’un objectif double : atteindre rapidement un nombre conséquent de demandes en certificats fonciers et maintenir l’équilibre budgétaire du guichet foncier.

Selon l’agent MCA présent lors du lancement du guichet : « pour atteindre les 200 certificats en 3 mois1, il ne fallait pas que ça soit cher, les agents communaux et le maire se sont adaptés. J’étais sous pression du MCA, et ici, il y avait le maire, les conseillers communaux…mais le maire était vraiment compréhensif, on discutait beaucoup le soir et c’est grâce à eux si on a réussi à monter le guichet, on a pu exiger un faible coût du certificat, on a bien expliqué le contexte avec le MCA. Ils ont sorti un arrêté communal fixant un coût du certificat raisonnable à cette époque » (Entretien avec l’agent MCA, juin 2010).

Le coût de la certification varie selon la superficie de la parcelle, et ont évolué entre 2006 et 2011 (Tableau 20).

Tableau 20. Coûts des certificats au guichet foncier de Faratsiho (ariary) Coûts du certificat

selon la superficie de la parcelle

2006 2007 2011 Promotion : 1 mois dans tous les fokontany en 2007,

2009 et en 2010 Parcelles non bâties dans le fokontany de Faratsiho Frais fixes 3000 3000 3000 1500 <30 ares 16000 25000 280002 12500 >30 ares et <50ares 26000 35000 38000 17500 >50 ares et <90ares 38000 45000 48000 22500

>90 ares 5 ar/m2 5 ar/m2 5 ar/m2 2,5 ar/m2

Source : informations fournies par les agents du guichet foncier de Faratsiho (en ariary)

Le demandeur doit s’acquitter de 50% du coût total au moment du dépôt de demande de certificat, le solde restant étant versé au moment de la délivrance du certificat. Les possibilités financières des ménages ont été prises en compte, selon les agents communaux, en distinguant

les parcelles bâties du fokontany centre de Faratsiho des autres types de parcelles de la

commune. Concernant ces parcelles bâties, les coûts s’élèvent à 50000 ariary3 pour une

parcelle de moins de 50 ares, à 80000 ariary pour une superficie comprise entre 50 ares et 1 hectare, et à 8 ariary par mètre carré pour les parcelles d’une superficie supérieure à 1 hectare. Les agents ont réalisé des périodes de promotion. Une réduction de 50% du prix d’une

procédure de certification a ainsi été proposée pendant un mois dans tous les fokontany, en

2007, en 2009 et en 2011.

L’augmentation des coûts des certificats entre 2006 et 2011 témoigne des difficultés de fonctionnement du guichet. Après le retrait des bailleurs de fonds, les agents ne travaillent pas dans les meilleures conditions, leurs salaires sont versés avec plusieurs mois de retard, l’entretien des motos et du matériel informatique n’est pas assuré, les fournitures basiques manquent (papier, stylos, encre, carburant).

1 Il s’agissait du « contrat » de l’agent MCA envoyé sur le terrain au moment de la mise en place du guichet foncier.

2 Soit, l’équivalent de 50 kg de paddy.

Par ailleurs, dès le début 2007, le conseil communal avait voté le versement d’indemnités aux membres des commissions de reconnaissance locale (quatre personnes élues par hameau participant à la validation des droits sur terrain), qui, jusqu’en octobre 2011, n’avait jamais été mis en œuvre. Pour certains membres de la commission de reconnaissance locale, l’absence d’indemnisation prévue par le service communal lors de leur élection commence à faire naître

une certaine lassitude. Dans les termes de l’un d’entre eux : « le jour de la reconnaissance, on

perd au moins toute la matinée ! Moi je ne peux pas aller cultiver alors qu’en échange, la commune ne nous donne rien, alors qu’ils avaient dit qu’on serait payé pour ce travail ! Heureusement, les demandeurs sont compréhensifs et nous donnent souvent un petit quelque chose ». Les demandeurs de certificats ont pris l’habitude de verser un dédommagement à l’ensemble des membres de la commission de reconnaissance locale, agents du guichet foncier compris : une somme variant de 500 à 1000 ariary (soit, environ 2 kilogrammes de paddy, ou parfois un peu de café, voire un repas lorsque plusieurs demandeurs de certificat mobilisant la commission le même jour se regroupent. Les difficultés de fonctionnement du guichet, combinées à l’absence de rémunération des membres de la commission de reconnaissance locale induisent des coûts supplémentaires pour les usagers.

En octobre 2011, malgré le manque de moyens du guichet, 2122 certificats avaient été demandés et 1751 délivrés aux usagers de la commune de Faratsiho (Figure 7).

Figure 7. Nombre de certificats demandés et délivrés par le guichet foncier de Faratsiho (avril 2006-octobre 2011) 0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000 1100 2006 2007 2008 2009 2010 2011 Années Nbre CF demandés Nbre CF délivrés

Source : élaboré à partir de données fournies par le guichet foncier de Faratsiho et le PNF Le pic de demandes observé en 2007 résulte d’une opération promotionnelle effectuée en fin d’année (novembre) et il est suivi en 2008 par un pic de délivrance de certificat en 2008. Les demandes effectuées en 2008 sont pour la plupart issue de l’opération de certification rapide. La différence entre le nombre de demandes et de délivrances de certificats (entre 2122 demandes et 1751 délivrances de certificats) est due, d’une part, au délai d’obtention de ce dernier (plus de 3 mois), mais surtout aux nombreux dossiers non aboutis à la suite de cette opération. La baisse des demandes de certificat est associée à la crise économique et politique de 2009 : les prix des denrées alimentaires de base ayant augmenté, le certificat foncier n’apparaissait plus comme une dépense aussi prioritaire. De plus, les agents du guichet foncier sont bien moins présents et communiquent moins que lors des premières années.

Le coût de la certification d’une telle parcelle revient à environ 13% de la production en riz de d’une parcelle de 8 ares de rendement de 3,2 tonnes de paddy par hectare (en considérant ici la superficie et le rendement moyens des rizières de l’échantillon). La certification constitue une dépense non négligeable pour l’ensemble des ménages. Pour cette raison, ils concentrent leurs demandes de certificat aux périodes des récoltes et des rentrées monétaires (aux

alentours du mois du juin pour la récolte de riz ainsi qu’en novembre/décembre1 pour celle de

la pomme de terre). De même, les agents profitent de cette période de plus forte disponibilité en liquidités pour proposer des promotions.

5.2.4.2. La certification foncière : une exclusion du fait des coûts ?

Une contrainte majeure au recours à la certification est son coût ; 52,3% des parcelles ne sont pas certifiées pour des raisons financières (Tableau 21).

Tableau 21. Raisons justifiant l’absence de certificat Raison justifiant l’absence de certificat Nombre de parcelles

Manque d’argent 482 (52,3%)

Manque d’intérêt 152 (16,6%)

Manque de temps 144 (15,7%)

Pas le droit 85 (9,2%)

Parcelle hors de compétence du guichet 38 (4,1%) Manque de confiance envers le guichet 16 (1,7%)

Total 1193 (100%)

Source : traitements de l’auteur sur les données issues des questionnaires

Les ménages ayant demandé au moins un certificat sur l’une de leur parcelle apparaissent comme étant les plus aisés de la commune.

• Ils sont mieux dotés en équipement agricole : ils possèdent significativement plus de

bétail et de matériel de traction (charrue, sarcleuse, charrette) que les ménages ne possédant aucun certificat.

• Ils pratiquent moins souvent le salariat agricole. Dans la localité, les ouvriers agricoles

sont considérés comme étant dans des situations précaires, dans l’obligation d’accepter un travail journalier, très faiblement rémunéré.

• Ils pratiquent peu les petites activités de service (la différence avec les autres ménages

est significative). Ces activités de service, faiblement rémunératrices, sont souvent considérées comme des moyens de survie et non comme une activité économique à part entière. Elles représentent pour cela un indicateur complémentaire du niveau de vie.

• Ils possèdent une plus grande superficie rizicole et un plus grand nombre de rizières.

• Ils sont plus fréquemment membres d’une institution de micro-finance (bien qu’ils soient peu nombreux en chiffres absolus).

• Ils résident plus souvent dans des maisons dont le toit est en tôle. Le matériau utilisé

pour construire la maison reflète le patrimoine financier du ménage.1.

• Enfin, ils possèdent plus souvent au moins un téléphone, une radio, une télévision

(Tableau 22).

Tableau 22. Caractéristiques des ménages et certification

Caractéristiques des ménages

Ménages avec au moins un certificat foncier Ménages sans certificat foncier Ménages de l’échantillon avec terres en possession Test

moy e-t moy e-t moy e-t

Possède au moins un vélo ou un téléphone ou une radio 0,57 0,03 0,35 0,04 0,41 0,03 *** Maison dont le toit est en chaume 0,63 0,03 0,83 0,03 0,78 0,02 ***

Maison dont le sol est en terre 0,45 0,03 0,58 0,04 0,56 0,03 ***

Possède au moins une sarcleuse 0,65 0,03 0,47 0,04 0,52 0,03 ***

Possède au moins une charrette 0,46 0,03 0,37 0,04 0,39 0,03 *

Possède au moins une charrue 0,45 0,03 0,34 0,04 0,37 0,03 *

Possède au moins un zébu 0,71 0,03 0,06 0,04 0,62 0,03 **

Pratique régulièrement le salariat agricole 0,34 0,03 0,59 0,04 0,53 0,03 *** Pratique une activité peu rémunératrice 0,37 0,03 0,57 0,04 0,52 0,03 *** Pratique une activité fortement rémunératrice 0,13 0,02 0,08 0,02 0,09 0,02 non Membre d’une institution financière 0,09 0,02 0,02 0,01 0,04 0,01 ***

Superficie rizicole possédée (ares) 27,8 1,9 16 1,2 19,1 1,01 ***

Nombre de rizières possédées 4 0,15 3,1 0,14 3,3 0,11 ***

Nombre de ménages 203 139 342

* p < 0.1, ** p < 0.05, *** p < 0.01

Source : traitements de l’auteur sur les données issues des questionnaires

Dans le contexte local, ces indicateurs simples permettent de différencier les ménages qui, par ailleurs, pratiquent tous une agriculture de type familiale, principalement tournée vers l’autoconsommation.

Le niveau de richesse est déterminant du recours à la certification mais surtout du nombre de certificat possédé. Les ménages qui ont déposé plusieurs demandes sont en effet les plus aisés, disposant d’une entrée financière régulière (extra-agricole) (Annexe 13). Il est cependant

1 Les maisons en dur dans fokontany les plus ruraux appartiennent à des militaires, dans anciens maires, des gros commerçants par exemple. Il s’agit des ménages les plus aisés.

important de noter que des ménages que nous considérons comme les plus pauvres (ne possédant ni têtes de bétail, ni matériel agricole, ne pratiquant aucune activité extra-agricole et exploitant moins de 10 ares de rizières) ont eu accès la certification ; 10 ménages sur 202 sont dans ce cas.

5.2.4.3. Le certificat : une dépense justifiée ?

Selon un agent du guichet foncier, ceux qui n’ont pas de certificat ne sont pas intéressés : « ce

sont des paysans qui n’ont pas de problème, leurs voisins non plus, et ils ne sont pas au courant de litiges fonciers autour d’eux. Ils ne craignent rien ». Cette affirmation ne peut évidemment être généralisée, mais il existe des terrains pour lesquels les usagers jugent que la certification n’est pas nécessaire. D’autres considèrent que la dépense engendrée n’est pas une priorité.

Si certains ménages expriment directement leur manque d’intérêt pour la certification (sur

16,6% des parcelles1), d’autres sont plus réticents à l’exprimer en situation d’enquête

(Tableau 21). Le coût de la certification, évoqué initialement comme une contrainte, apparait – sur la base des entretiens plus approfondis – n’être qu’une réponse polie, masquant en fait l'absence d'intérêt d'une telle démarche pour une parcelle donnée.

L’absence de certification justifiée par un manque financier n’apparaît pas comme significatif entre les ménages possédant au moins un certificat et ceux n’en ayant aucun. Par contre, ces derniers expriment significativement (au seuil de 5%) plus souvent un manque d’intérêt (pour au moins l’une de leur parcelle possédée) pour la procédure de certification que ceux étant entrés dans le programme (Annexe 14).

De nombreux enquêtés justifient l’absence de certification de certaines parcelles par l’assurance de la non contestation de leurs droits (ou de leur garantie le cas échéant). Cela illustre d’ores et déjà l’importance des dispositifs de sécurisation détenus, alors considérés comme suffisants.

Nous avons traité les motivations générales et les contraintes des ménages à entreprendre une démarche de certification. Près de 20% des ménages (de l’échantillon pondéré, représentatif

des 7 fokontany) a eu recours à la certification. Ils ont entre 1 et 15 certificats – 2,5 en

moyenne par ménage – et certifient en moyenne la moitié des parcelles de leur patrimoine (53%). Nous nous intéressons à présent aux déterminants du choix de certifier une parcelle en particulier, au sein d’un patrimoine foncier.

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