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Le rituel du débat politique télévisé 1Qu’est ce que le rituel?1Qu’est ce que le rituel?

méthodologique pour l’analyse de l’ethos dans les débats politiques télévisés

4. Le rituel du débat politique télévisé 1Qu’est ce que le rituel?1Qu’est ce que le rituel?

Le rituel est l’habituel, les protocoles, l’ensemble des rites constituant une société. Selon le dictionnaire d’analyse du discours67, cette notion relève de trois domaines :

l’éthologie animale, où les rituels obéissent à une codification rigide et immuable.

L’ethno-anthropologie (E. Durkheim, M. Mauss….), qui s’intéresse aux grands rituels collectifs, aux cérémonies. Ils possèdent un caractère religieux ou sacré.

 L’analyse des interactions quotidiennes, ou il s’agit de petits rituels qui se déroulent entre les individus ou entre les groupes restreints : manière de se saluer, manière de parler avec un individu familier ou étranger, remerciement, excuse…etc. Ce sont des rituels qui constituent la politesse.

4.2 Les caractéristiques du rituel

Le rituel se caractérise par la codification et la sacralité. D’une part, les rituels de politesse sont des pratiques réglées, qui se produisent dans des situations identiques. Cependant le degré de codification varie d’une société à une autre d’une culture à une autre. Dans les sociétés traditionnelles la codification est stricte (correspondance stricte entre telle situation et telle formule). Alors que dans une société plus « fluide », les règles conversationnelles sont plus souples, laissant une marge importante à l’improvisation individuelle. D’autre part, en posant la différence entre les rituels profanes et les rites religieux, nous pouvons considérer qu’une activité de loisir ou une cérémonie sportive peuvent être dotées d’une signification symbolique forte et mérite le nom de rituel (Rivière, 1995)68

La société algérienne est une société musulmane qui forge un système rituel stricte qui suit la chariaa [Le règlement du coran]. La politesse est liée à la décence, à l’honnêteté, la mesure. C’est une société fondée sur des valeurs partagées. Dans les émissions de télévision ou de la radio, les invités sont obligés de se respecter, de se conduire avec pudeur, et en même temps se montrer coopératif. Sauf que, comme chez tous les êtres humains rusés, ils peuvent user du rituel pour préserver leur face, pour montrer une image de soi positive comme le démontre E Goffman (1978, s’inspirant d’E .Durkheim). Il propose trois types de rituels qui déterminent les fonctions du rituel lui-même : les rituels réparateurs, qui ont pour fonction de tenter de neutraliser une offense (excuse, justification, etc.), les rituels confirmatifs, qui servent à maintenir, de modifier, de faire cesser une relation (les rituels de contact : salutation, présentation), et les rituels de séparation, (rituels de fin de soirée).

67 - Op cite, p 509 68 - Ibid, p 510

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En effet, le rituel dans une société donnée, permet de concilier, dans une situation double contrainte, les intérêts opposés du « territoire » et de la « face » des protagonistes. Aussi le rituel est sécurisant, pacifiant, facilitateur, régulateur, stabilisateur. Même les rituels d’impolitesse sont dotés de vertus positives. W. Labov analyse le fonctionnement de ces rituels et conclu que l’étude du comportement rituel est important dans la mesure où il contribue à l’élaboration d’une théorie générale du discours.

Ce qui est à retenir est que le rituel fait partie de nous, son absence est conçue comme une déchirure dans le tissu social «les micros rituels de la vie quotidienne ne sont pas gestes futiles,

ou indices d’un conservatisme pesant et stérilisateur. Il protège notre moi profond comme ils lui permettent d’entrer en contact harmonieux avec nos proches. (….) ils nous rappellent qu’on n’est humain que parce que d’autre êtres humains nous constituent comme tels » (C. Javeau,

1992 : 70-1)69

4.3 Le rituel du débat politique télévisé

Le débat politique télévisé présente aux hommes politiques une occasion pour épargner les électeurs l’étendu du message politique. Ces émissions de conflit et de confrontation permettent aux chefs politiques de faire valoir aussi bien leurs personnalités que leurs compétences professionnelles. En Algérie, et comme dans bon nombre de pays du monde, on n’a aucune chance de faire une campagne électorale sans passer par les médias. Le débat politique est devenu un rituel de la démocratie. Spécialiste de la ritualisation de la vie politique, l’ethnologue Marc Abélès70 voit dans la présidentielle un « drame rituel ».

En effet, les débats politiques télévisés relèvent d’un rituel spécifique. Richard Godin compare certaines émissions télévisées à une liturgie républicaine par laquelle se trouve sacralisée l’épreuve de passage constituée par l’élection elle-même (Godin R, 1988). «La soirée électorale constitue, dans cette optique, un catalyseur de l’ordre démocratique et de sa continuité dans le temps, un lieu de ralliement symbolique d’où émane la prise du pouvoir. »71

Par ailleurs, La mise en scène du débat politique télévisé est soumise à différentes formes de ritualisation, c’est un processus rituel qui régit les échanges verbaux entre les interactants. Anne Croll(1992) montre que le rituel d’une émission télévisée peut être mis à jour en fonction du repérage des principes télévisés constants qui régulent les différents échanges. Ces principes dépendent du capital verbal, des modes de prises de parole accordés aux locuteurs, qu’aux thématiques internes de l’émission. A cet effet, la macrostructure d’un débat politique télévisé des présidentiels est présentée sous forme d’un schéma identique, d’un rituel spécifique auquel sont soumis tous les participants à l’interaction.

Par ailleurs, la ritualisation d’un débat télévisé s’accommode avec la narrativité de l’émission. Cette narrativité sur le plateau d’une chaine télévisée permet d’associer à l’appréhension syntagmatique et linéaire qui prévaut notamment dans la lecture des documents

69 - Ibid., p. 512.

70- Le sommet du drame rituel, (http://www.slate.fr/story/54207/presidentielle-debat-televise-second-tour

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écrit, une approche de type paradigmatique qui place chaque rituel ou chacune de ses composantes dans une série à l’intérieur de laquelle il fait sens » (Coulomb- Gully M,: p.43). Donc, le débat politique télévisé fait partie d’une mise en scène installée des affrontements

réglés (ibid., p.43), se dessinant dans un cadre une socioculturel. Godin Richard (1988 : 65)

dégage des débats télévisés électoraux, une méta communication, une mise en scène spécifique, sur laquelle repose un discours symbolique. Cette mise en scène est manipulée par ses acteurs avec des règles de conduite appropriées au rituel. Ceci dit, chaque débat électoral suit un certain processus rituel, sa macrostructure reflète un type de régularité et un schéma rituel spécifique.

Or, le rituel du débat politique télévisé doit suivre les différents contrats de communication dont a parlé P. Charaudeau (1992) et que nous allons expliciter maintenant. 4.4 Le contrat de communication et ritualisation d’un débat télévisé

Tout acte de communication est interactionnel et contractuel. Il faut admettre, comme premier point, que dans toute situation de commination il y a un émetteur et un récepteur qui interagissent l’un envers l’autre par processus d’interprétation. Le deuxième point qu’il faut admettre, aussi, est-ce que cette interaction entre émetteur et récepteur est réalisée dans un contrat ? Il faut qu’il ait une entente entre les deux partenaires sur les normes et les conventions qui peuvent faciliter l’intercompréhension (Charaudeau P, 1992 : p12).

Donc il faut tenir en compte la situation de communication et ses composantes, car le contrat de communication change en fonction des situations de communication. La communication médiatique est un cas très compliqué. Plusieurs types de contrats et de ritualisations caractérisent les débats télévisés.

4.5 Les composantes du contrat de communication

Le contrat de communication est fondé sur l’idée de co-construction du sens de la part des partenaires de ce contrat dans le lieu situationnel et dans le lieu communicationnel (ibidem).Donc, il y a une reconnaissance réciproque du statut légitime attribué à chacun d’eux.

Les composantes du lieu situationnel sont : la composante interactionnel qui traite les formes de présence des partenaires et les formes de transmission. La composante psychosociale traite l’identité personnelle, l’identité sociale et le rôle social des deux partenaires.

Les composantes du lieu communicationnel sont : les modes de prise de paroles, les rôles de paroles dans une situation donnée, les origines des paroles, le temps des paroles, et la répartition des rôles. Toutes ces composantes vont être analysées dans chapitres 4 et 5.

4.6 Le contrat médiatique

La communication médiatique appartient à une situation globale dans laquelle « un support technologique » sert de second canal par rapport au premier canal qui est le langage doublement articulé (ibid., p16). Ce type de communication a une finalité actionnelle « l’information ». Dans ce cadre, le contrat médiatique relie deux instances : une instance de

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production et une instance de réception. Entre les deux instances se superposent deux contrats : un contrat d’information et un contrat de captation.

Le contrat de captation se base sur le principe du sérieux : Il faut que l’information diffusée soit prouvée par des témoignages, des documents. Il faut que l’instance de réception ait confiance à l’instance de production, sur le principe de plaisir : d’où le rôle de la mise en spectacle. Les téléspectateurs doivent être émus par ce qu’ils voient et entendent. Toutes ces idées vont être illustrées dans le schéma suivant (ibid., p.18).

Figure 5 : les composantes de la communication médiatique

4.7 Le contrat débat et le contrat médiatique

Tout débat met les participants à l’interaction dans une situation dialogique (ibid., p20). Ils sont présents corps et âme, les uns à côté des autres. Ils utilisent un code commun verbal et non verbal. Ils prennent la parole à tour de rôle en suivant un certain rythme rituel. Ces éléments nécessaires pour la réussite de cette situation de communication, qui est le débat, ne sont pas suffisants pour définir le contrat débat. Car d’autres situations de communication sont dialogiques comme l’interview, la discussion, et d’autres encore.

Pour classer ces différentes situations dialogiques, il faut déterminer la finalité actionnelle du cadre situationnel. Donc, le débat, l’interview, le face à face, l’entretien peuvent appartenir au même groupe puisqu’ils répondent à la même finalité : répondre à des questions et confronter

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d’autres adversaires. Cela n’empêche pas à dire que ces situations d’échanges se caractérisent par des conditions interactionnelles et identitaires différentes comme cela est démontré dans le tableau suivant:

Situationnel Communicationnel

Interactionnel Finalité Identité inter

communication nel Rôles Interview Deux partenaires, échange duel asymétrique Information Journaliste, invité Interviewer prenant la parole pour solliciter, interviewé sollicité Interviewer, questionnant pour inciter l’interviewé à parler, interviewé répondant pour témoigner, expliquer déclarer etc.

Face à fac Deux partenaires, échange duel asymétrique Controverse Même statut Les deux partenaires peuvent être prenants ou sollicité Les deux partenaires peuvent questionner, répondre, expliquer, déclarer, etc. Débat Plusieurs partenaires, organisation des prises de parole Information, évaluation, controverse Divers Enchainement préprogrammé des prises de parole Animateur : présentant questionnant, évaluant, Participant : répondant, évaluant, expliquant, etc.

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Il est clair que les trois situations d’échange ne partagent pas les mêmes caractéristiques. L’interview médiatique se caractérise par la mise en regard de deux partenaires ; le journaliste et l’invité qui peut appartenir à n’importe quel domaine. Le journaliste doit provoquer l’invité à parler à l’aide des questions. Donc, l’invité est amené à témoigner, à expliquer ou à juger.

Le face à face médiatique implique deux partenaires, protagonistes, en position de face à face. Une troisième personne peut animer ce face à face et régule leurs tours de parole. Les participants dans cette situation de communication sont présents pour argumenter.

Dans ce travail de recherche, Le débat médiatique est marqué par la présence de plusieurs invités (plus de deux), associés à une instance de régulation des prises de paroles qui est représentée par l’animateur. Le débat politique « Controverse » est représenté sous forme d’interview et de débat. Il y a quatre interviews débats : avec Louiza Hanoun, avec Abdelmalek Sellal, avec Amara Benyounes, avec Rachid Nekkaz, et enfin avec Lotfi Boumghar. Dans ce cas, l’animateur est considéré comme le représentant des groupes opposants (avec les questions provocatrices). Et deux débats, qui rassemblent plus de deux antagonistes : le débat avec Tarik Mihoubi, Morad Boukhelifa, le débat avec Ali Benouari, Sofiane Djilali, et Abdelhak Mekki. C’est ce qui caractérise notre corpus.

4.8 Le contrat débat télévisé

L’existence de ce contrat implique le type de support par le quel se fait la communication médiatique : la télévision. L’instance de réception ne reçoit pas un débat sur la radio de la même façon qu’un débat sur la télévision ou un débat rapporté sur le journal. Chaque situation possède des caractéristiques communicationnelles et situationnelles distinctives.

Pour déterminer les spécificités de ce contrat débat télévisé, il faut parler du dispositif triangulaire dans lequel on classe cette situation médiatique. La télévision offre aux téléspectateurs la possibilité de suivre visuellement le débat. Cette propriété de visualisation implique que la situation de communication médiatique globale est subdivisée en deux espaces d’échange : situation télévisé (le studio) et situation télvisable, celle que les téléspectateurs reçoivent sur leurs écrans (Nel N, 1990 : 38). Ceci va influencer la façon de voir des interlocuteurs, et leur mode d’argumentation. Ces incidences auront de l’impact dans les deux contrats en jeu.

Dans le contrat médiatique, l’instance réceptrice n’est pas présente dans le studio. Les téléspectateurs sont libres d’exprimer leur mécontentement, leur satisfaction, ou leurs jugements vis-à-vis des partenaires, mais ne peuvent réagir directement avec l’interaction. Dans le contrat débat, les partenaires savant qu’ils sont regardés mais ils ne peuvent pas garantir l’effet produit de leurs discours sur les téléspectateurs ; « parce qu’il existe dans ce dispositif une autre instance dont le rôle est de mettre en scène l’espace du studio et les participants d’une manière qui lui est propre. C’est à dire autonome. Cette instance spécifique, ce sujet montrant (Lochard G, 1990) dispose de certaines stratégies spécifiques (ibid., p23) :

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Montrer celui-ci à travers tel ou tel paramètre visuel (plan, cadrage, angle, etc.)

Connecter, ou non, ces sujets regardés avec leur paroles, ou en contrepoint avec celle d’autres

participants

Ainsi s’institue dans le débat télévisé « un jeu de monstration » à partir des différents points de vue« scopiques » comme autant de regard montrant qui sont imposés aux sujets regardants : points de vue du regard adressé, du regard personnalisé, du regard anonyme, du regard

« surréel » et du regard « irréel » (Lochard G, 1990).

Ce jeu de monstration apporte des conséquences perturbatrices sur l’interaction verbale. En prenant comme centre de filmage la tête ou les gestes d’un participant, cela peut produire d’autres effets de sens. L’association du dire et du vue peut produire des différents sens et non un seul sens.

Donc, on peut dire que le contrat débat télévisé implique deux autres contrats : le contrat du débat dialogique (dans le studio) et le contrat de la communication médiatique (le débat montré sur l’écran des téléspectateurs), cela est clairement démontré dans le schéma récapitulatif suivant : (Charaudeau P, 1990 :24)

Figure 6 : la situation de communication médiatique

4.9. Les ritualisations des débats télévisés

Contrat débat Contrat débat culturel/politique Contrat débat télévise

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Le débat télévisé, le face à face, l’interview et d’autres sont considéré comme telle que s’ils respectent ces différents contrats. Néanmoins, les émissions télévisées sont soumises à une ritualisation particulière. Chaque situation médiatique possède une certains ritualisation concernant : la finalité, le statut des invités, les thèmes traités, le mode de questionnement de l’animateur, la disposition du plateau etc. Ainsi, l’émission « Controverse », tout en respectant les contrats d’interview (séquence duelle) et de débat (séquence plurielle), avance selon un rythme rituel différent des autres émissions télévisés. Ce rituel va être analysé dans les chapitres 4 et 5.

4.10 Les stratégies de discours dans le débat télévisé

Les stratégies de discours relève du discursif, par opposition au communicationnel et au situationnel. C’est l’étude des comportements langagiers des participants au débat face aux contraintes imposées par le contrat (aspect situationnel et communicationnel).

Dans ce cadre des contraintes du contrat, condition d’émergence et d’organisation du

sens, les participants peuvent jouer différemment avec le scénario imposé par l’instance de

production : les positions, les rôles. C’est à ce moment que chaque participant devient antagoniste et met en œuvre des stratégies discursives suffisantes pour la réalisation de son projet de parole.

Ces stratégies discursives peuvent être au niveau des normes de comportements

situationnels (s’engager dans la discussion ou non, répondre ou ne pas répondre à telle ou telle

question) au niveau de la légitimation de la parole (statut du locuteur, prenant, autorisé ou sollicité) au niveau de l’adhésion (être d’accord ou en désaccord, appartenir ou non au même univers référence, il y a polémique ou non) au niveau de la construction identitaire (leur ethos, la relation entre les différents participants) : voici un schéma récapitulatif (ibid., p 32)

Figure 7 : les stratégies

Incitation information Séduction Persuasion Enonciatif Enoncé Univers de discours Situationnel Communicationn el (Rôles) Engagement Légitimation Adhésion Construction identitaire Effets visés effet possibles Respect ou non des composantes du contrat Choix des comportements langagiers Projet de parole

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En effet, les stratégies discursives sont l’une des composantes principales du débat « Controverse ». Nous allons les élucider dans le chapitre 4. Nous allons observer de plus près leurs variétés, et leur réalisation concrète dans le discours de chaque invité au débat.

Nous avons essayé dans cette première partie du chapitre 1 de dessiner les grandes lignes de notre méthodologie de recherche. Nous avons mis au claire la définition de certaines notions de base pour ce travail : l’interaction verbale, les différentes approches de l’interaction verbale, le genre de discours, le genre débat politique télévisé, le rituel du débat politique télévisé. Certains point ont été bien délimités, d’autres vont être abordés dans les chapitres qui suivent. Par ailleurs, le champ d’étude et la définition du concept clé de notre recherche ethos n’a pas été encore déterminé. Dans les pages suivantes, nous allons expliciter en détail le rapport de « l’ethos » avec l’argumentation, et avec le discours politique.