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Le quatrième mi-mandat

10. Présentation du corpus et choix de transcription 1La chaine télévisée DzairTV

10.5 Méthode de transcription

10.5.1La transcription

D’abord il faut dire que la transcription n’est pas une question évidente. La procédure de transcription est fortement liée aux objectifs de la recherche, selon le corpus choisi et selon l’analyse choisie. Dans le discours parlé, la transcription est significative, distillant et gelant dans le temps les événements complexes et les aspects de l’interaction selon des catégories liées à l’intérêt du chercheur (Edwards, 1993 :3)28.

Par ailleurs la réflexion sur la transcription est née aux Etats Unis dans les années 1960 avec les travaux de Labov, Gumperz et Hymes. Elle s’est accentuée dans les années quatre-vingt avec les différentes recherches en analyse de discours et en analyse des interactions (Bonu, 2002 :7)29. Donc la transcription va devenir une étape capitale pour l’analyse des interactions. Cette mise en forme fondamentale engage une réflexion théorique des données (Bilger, 1999 :181)30. En cela, elle pose certains problèmes que l’analyste doit confronter : le rôle de la représentation graphique, la multifonctionnalité de la communication orale et enfin les limites de la transcription

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10.5.2 La représentation graphique

28-Traduction effectuée par Marion Sandré, p 187: « « The transcript plays a central role in research on spoken discourse, distilling and freezing in time the complex events and aspects of interaction in categories of interest to the researcher ».

29 - Ibid. 30 - Ibid.

Pour analyser un corpus oral, il est nécessaire de lui associer un corpus écrit. Tout le monde est d’accord pour reconnaitre l’impossibilité de travailler sur la langue orale sans disposer d’une représentation graphique (ibidem). La rapidité de l’oral et son instabilité dans le temps empêche l’analyste de réaliser une étude concrète. Cependant le corpus source sera la seule base réelle de l’analyse ; Benveniste évoque l’importance de la représentation visuelle pour parcourir l’oral en tous sens et comparer des morceaux :

« On ne peut étudier l’oral par l’oral, en se fiant à la mémoire qu’on en garde. On en peut pas, sans le secours de la représentation visuelle, parcourir l’oral en tous sens et comparer des morceaux » (Blanche- Benveniste, 1997a :2)31

Ceci veut dire que la transcription en texte est importante mais n’est pas suffisante pour une analyse complète du corpus oral. L’analyste ne peut pas étudier seulement le texte car la vidéo ou l’enregistrement restent, inéluctablement, la référence la plus fiable. Rappelons à ce sujet les propos de Traverso (1999/2005 :23)32 :

«L’existence de la transcription ne dispense pas du retour à l’écoute effective des enregistrements. C’est l’oral qu’il convient d’analyser et non sa transcription (et encore moins sa traduction si le corpus est dans une langue étrangère) »

En effet, la transcription est une étape importante du corpus, elle conserve le plus souvent les marques distinctifs de l’oral (ibidem). Ce à quoi peut se fier le chercheur en toute rigueur. Une transcription fidèle de l’oral est une tâche difficile. Ecouter plusieurs locuteurs parler devient une opération très complexe, dès qu’on en fait une activité systématique d’observation (Blanche Benveniste et Jeanjean, 1987 :93)33.

Effectivement la représentation graphique est d’une utilité extrêmement importante pour le travail d’un corpus oral mais elle reste problématique. Nous avons essayé de réfléchir les différents problèmes de la transcription de l’oral à la fidélité du texte et sa pertinence en tant que reflet du corpus oral source. Cependant d’autres problèmes plus sérieux méritent d’être posés, celui de la multicanalité des interactions.

10.5.3 La multifonctionnalité et l’hétérogénéité de la communication orale

La communication orale est un processus complexe où s’imbriquent des signes verbaux et des signes non verbaux. C’est une pratique sociale qui doit sa fonctionnalité à toutes les conditions de sa production. La description de l’échange oral doit tenir compte non seulement le matériel proprement verbal, mais aussi les données prosodiques et vocales, ainsi que certains éléments transmis par le canal visuel : regards, mimiques, gestes. Car la communication est le produit d’un système vocalique mais aussi du corps (Orecchioni. K. C, 1990 :47)

31 - Ibid 32 - Ibid. 33 - Ibid.

En effet, pour analyser toute situation de communication orale, il faut examiner de près les différentes composantes de l’interaction ; autrement dit, il faut se référer à toutes les conditions de sa production, comme le note Mandada (2001 :145, italique de l’auteur)34:

« Ce sont des données situées, imbriquées dans leur contexte d’énonciation et dans les activités au cours desquelles elles ont été produites. Ceci interdit la séparation des formes linguistiques et des activités dans lesquelles elles sont apparues ; au contraire ceci invite à considérer les usages linguistiques comme des pratiques sociales, souvent intégrées dans des activités complexes qui ne se réduisent pas à des échanges verbaux »

C’est grâce à cette réflexion que nous pouvons mettre le doigt sur le genre de discours. Le débat télévisé n’est pas transcrit de la même façon qu’un enregistrement audio. Chaque genre de discours possède un certain nombre de caractéristiques spécifiques à ses conditions de sa production. La vidéo nécessite un texte qui traduit le verbal et le non verbal mais aussi l’appel aux moyens techniques qui gèrent la situation de communication, comme le rappelle Mandada (2001 :145) :

« Un moyen de préserver cette complexité consiste à travailler sur des enregistrements vidéo qui permettent l’étude de la coordination entre la parole et les activités non-verbales […], ainsi que la prise en compte de la manipulation d’objets, d’instruments techniques, de technologies pour la communication (...)»

Ce que nous pouvons retenir est que le verbal et le non verbal fonctionnent en étroite synergie, ils ne peuvent être séparés. Sauf que dans certaines circonstances, ils ne vont pas dans le même sens et ils ne sont pas analysés de la même façon. Par exemple, dans le cas de notre corpus, il n’est pas nécessairement obligatoire d’étudier les comportements communicatifs, ni de porter leur traces dans le texte transcrit. Ce sont les objectifs de la recherche qui délimiteront le choix de la transcription. «Il vaut donc mieux aborder la confection de la transcription muni de la devise ‘’il est impossible, mais aussi inutile de tout noter’’ » Traverso (1999/2005 :23). A cause de la multicanalité de l’interaction, il s’avère impossible de tout transcrire. Certains phénomènes transcrits peuvent être inutiles aux objectifs de l’analyse, d’autres semble être primordiales. Traiter le verbal ou le non verbal dépend en quelque sorte des limités dessinées par l’analyste et par même la transcription elle-même.

10.5.4 Les limites de la transcription

Chaque transcription se heurte à des obstacles en rapport avec la qualité de l’enregistrement, avec l’analyse et en rapport avec le transcripteur.

En premier lieu, lors de la transcription, nous nous sommes confrontés à un problème d’écoute. Nous avions du mal à déchiffrer certains sons et même certaines phrases. Vu que chaque participant au débat possède un rythme de prononciation spécifique en langue française et aussi que le matériel que nous avions utilisé n’est pas trop sophistiqué. Dans certaines séquences, je ne pouvais déchiffrer certains sons.

Donc, l’authenticité n’existe pas. Le texte obtenu après la transcription ne peut transmettre fidèlement le contenu de la situation de communication en direct. Même si la qualité sonore est améliorée, il reste d’autres obstacles qui empêcheront le transcripteur de rapporter la réalité du débat politique télévisé tel qu’il a été produit dans les mêmes circonstances. La personnalité du transcripteur est l’un des critères qui va influencer la transcription elle-même. Sa compétence, ses expériences, sa formation, en sommes sa capacité d’écoute. Tout cela est tributaire des objectifs visés dès le début.

Le troisième obstacle auquel fait face le transcripteur c’est la détermination des objectifs. En fait, c’est sa compétence qui va lui permettre de délimiter le but visé ensuite sélectionner ce qui convient à ce but. Le transcripteur doit être conscient du procédé de filtrage et de son impact sur les théories et les hypothèses de recherche (Ochs, 1979 :44, traduction Marion Sandré)35. La transcription est donc un processus complexe, problématique qui va influencer les différentes décisions prises par le chercheur. Celui-ci doit faire face à plusieurs contraintes qui demandent de sa part plus de vigilance et de rigueur.