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méthodologique pour l’analyse de l’ethos dans les débats politiques télévisés

1. Quelles disciplines pour quelles méthodologies

1.4 Les approches de l’analyse des interactions

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Pour présenter l’analyse des interactions, il est indispensable de passer par les différentes théoriciens et approches qui ont porté un intérêt spécial pour ce domaine de recherche : les approches ethnosociologiques, l’analysez conversationnelle, et la linguistique interactionniste (les théories de l’énonciation et les actes de langage)

1.4.1 Les approches ethnosociologiques

1.4.1.1 L’approche psychologique et psychiatrique

Cette approche concerne l’école de Palto Alto dont les préoccupations sont d’abord thérapeutiques. Les études menées au sein de cette école concernent le disfonctionnement de la relation conjugale, des enfants schizophrènes (ibid., p58). Dans ce travail, nous mentionnons les travaux d’Howard S. Becker (1985) qui a étudié un dysfonctionnent social particulier, la délinquance. Il a fait une recherche sur les différents types de déviances et élabore ainsi la notion d’outsiders dont nous allons parler dans l’analyse de l’éthos chez les candidats outsiders

1.4.1.2 L’ethnographie de la communication

Cette approche a pour origine les travaux de Hymes, de Gymperz, Sacks, Labov ainsi que d’autres. Son objectif est de décrire l’utilisation du langage dans la vie sociale et plus précisément de dégager l’ensemble des normes qui sous-tendent le fonctionnement des interactions dans une société donnée. Parmi les principes de base de cette discipline, du moins ceux qui importe dans ce travail de recherche, c’est l’attention portée à la compétence et au contexte physique et socioculturel (ibid., p59). Selon A. O. Barry (les bases théorique en analyse du discours, p13), cette compétence s’opère en fonction de quatre dimensions :

la compétence linguistique dont dispose un locuteur appartenant à une communauté de parole particulière

les types discursifs plus au moins codifiés comme les débats, les interviews... etc.

Les règles d’interprétation permettant de conférer une valeur communicative donnée à des itéms linguistiques dans un contexte social déterminé.

Les normes qui structurent l’interaction

Hymes (1984) propose une grille d’analyse du dire et du contexte composé des catégories suivantes : le cadre spatio-temporel de l’interaction communicative, la finalité ou le but et le canal, les normes d’interaction qui permettent de contrôler l’interaction hors des normes linguistiques et les règles d’interprétation qui permettent d’attribuer un sens aux comportements communicatifs dans le contexte de leurs réalisations A.O. Barry (ibidem).

1.4.1.3 L’ethnométhodologie

Ce courant est proche du précédent sauf que certains théoriciens ont pris une autre voie dans la recherche. Les principes de cette démarche interactionniste se résume comme suit : tous

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les comportements observables dans les échanges quotidiens sont « routinisés » ; c’est à dire ils sont contrôlés par des règles et normes implicites reconnues comme telles par soi et par le groupe social auquel on appartient. Aussi, ces normes sont préexistantes aux comportements sociaux et sont en permanente réactualisation et régénération. Cette continuation des comportements sociaux et leurs mouvements progressifs permettent la construction de l’identité sociale.

Ce caractère concret des interactions confère à l’ethnométhodologie la possibilité de mener une analyse fondée sur la démarche déductive, une démarche réalisée à partir de nombreuses observations. Ainsi, n’importe quel domaine de l’activité sociale peut être appréhendé théoriquement par cette science. Dans certains cas, le domaine de l’éducation par exemple, le résultat de la réflexion théorique et le travail pratique de cette approche permettent la réalisation d’une pratique d’intervention dans ses instituions (K. Orecchioni, 1990 : 63)

L’ethnométhodologie va connaitre un grand tournant avec les travaux de Sacks (1984 b, 143)42 qui se situe dans l’analyse conversationnelle que nous allons voir en détail dans les pages suivantes. Les deux branches d’étude des interactions, citées en haut, ne sont pas les seuls à avoir alimenter la réflexion en matière d’interaction sociale. Il y a d’autres travaux en sociolinguistique qui vont marquer l’analyse des interactions, citons les travaux de Labov et surtout de Goffman, dont les travaux apportent des conceptions et des observations à notre travail de recherche.

1.4.1.4 De l’interactionnisme symbolique à la sociologie d’Erving Goffman

L’interactionnisme symbolique dont les héritiers H. Goffman et H. Sacks et E. Schegloff est né vers les années quatre-vingts à l’université de Chicago. Mead le définit comme l’étude des échanges individuels en tant que comportements symboliques qui résultent d’un contexte social d’interaction (A. O. Barry, p 12). L’ambition de l’interactionnisme symbolique est de montrer que l’interaction est l’expression sociale de soi à travers des symboles. C’est cette réflexion qui va nourrir la théorie d’H. Goffman qui va se développer dès 1959. Par interaction il entend :

«Un peu après l’influence réciproque que les participants exercent sur leur actions respectives lorsqu’ils sont en présence physique immédiate les uns des autres ; par une interaction, on entend l’ensemble de l’interaction qui se produit en une occasion quelconque quand les membres d’un ensemble donné se trouvent en présence continue les uns des autres ; le terme de « rencontre » pourrait convenir aussi » (1959/1973 : 23)43.

Son objectif est d’étudier les différentes types d’interactions des plus ordinaires au plus

monstrueuses. Il prend en charge même les rencontres où les personnes se trouvent réunies à un

lieu donné, à un moment donné. Pour mettre à jour le fonctionnement des interactions, il propose d’étudier tout type d’interaction :

« un de nos objectifs est de décrire les unités d’interaction naturelle qui s’élaborent à partir de ces données, depuis les plus petites – telles que la mimique fugace

42- Ibid., p 64

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par laquelle un individu exprime sa position vis-à-vis de ce qui se passe –jusqu’aux plus monstrueuses, telles ces conférences internationales de plusieurs semaines qui sont à la limite de ce qu’on peut encore nommer une manifestation sociale »( Goffman, 1967/1974 :7)44

Goffman s’intéresse aux rapports entre les participants à l’interaction sociale. Il ne suffit pas d’étudier l’individu et sa psychologie mais l’analyse adéquate des interactions verbales s’attache plutôt aux relations syntaxiques qui lient les actions de diverses personnes mutuellement en présence (1967/1974 : 8)45. Ainsi, sa théorie de face incite à prendre en considération la volonté des partenaires de l’interaction de vouloir préserver la face positive et de vouloir effacer la face négative.

Cette nouvelle vision théorique permet d’établir le schéma d’analyse du rituel dans les interactions ordinaires, et de toutes les stratégies que choisissent les locuteurs pour gérer les interactions. Ceci va nous aider à analyser le rituel du débat politique télévisé « Controverse ». 1.4.2 L’approche conversationnelle

L’approche conversationnelle s’est développée avec les études sociolinguistiques considérant le langage comme une activité sociale et une pratique contextualisée. Ce courant est né aux états unis, au début des années 1970 sous l’impulsion d’Harvey Sacks et Emanuel Schegloff, disciples de Goffman à l’université de Californie. Leur objet d’étude est pratiquement les corpus oraux pris dans leur contexte naturel. Selon Gumperz (1989 :61)

« Leurs recherches s’appliquent à isoler les stratégies d’ouverture et de clôturer des conversations, celles qui permettent de continuer les relations sémantiques entre les énoncés, de signaler les apartés et les séquences, celles enfin qui permettent de contrôler et d’orienter le cours de l’interaction »

L’analyse conversationnelle a pour but d’analyser tous les mécanismes qui gèrent la production d’une interaction verbale : les stratégies d’ouverture, de clôture, de continuité, de contrôle et d’orientation des conversations. Selon Gumperz, leur premier souci est de vérifier l’efficacité de l’interaction et les règles qui régissent le cours de l’interaction. AC, représente un véritable moteur de recherche dans l’analyse des interactions, des stratégies discursives des interactants, et des relations interpersonnelles. C’est une étape d’entrée dans l’analyse de notre corpus.

1.4.3 La linguistique interactionniste

Selon Orecchioni (1992 : 9), la linguistique interactionnelle n’est pas née ex nihilo, elle apparait plutôt en France. C’est le résultat de l’évolution d’une discipline basée sur certains principes :

44 - Ibid. 45 - Ibid.

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 intérêt porté à des unités plus larges qui constitue les grammaires textuelles (J. M. Adam, 1989 : 190-1),

 l’intégration des théories pragmatiques (linguistique de l’énonciation et théories des actes de langage),

 l’unité de base est une séquence de phrases organisées selon les règles spécifiques de cohérence interne (analyse du discours),

 les énoncés sont considérés comme des réalités déterminées par leur conditions contextuelles de production/ réception (l’approche énonciative),

 dire c’est transmettre des informations mais aussi influencer autrui

A partir de ces critères et grâce à la progression des différents domaines de recherche (l’analyse de discours, la linguistique énonciative, et la théorie des actes de langage) se développe la linguistique interactionniste. Premièrement, l’analyse des interactions repose sur les bases théoriques de l’analyse du discours. Ce travail s’inscrit dans cette optique-là, l’alliance de l’AD et de l’analyse des interactions. Deuxièmement, la linguistique interactionniste utilise les théories de l’énonciation, développées par les travaux de Benveniste (1974: 80), qui définit l’énonciation comme la mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation. Le locuteur devient le centre de l’analyse linguistique.

Troisièmement, l’analyse des interactions ne peut pas se passer de la théorie des actes de langage, élaborés par Austin dans son ouvrage, paru en 1962, «How to do Things with Words (traduit en français en 1970 sous le titre Quand dire, c’est faire). Son objectif est d’exposer le rapport d’interdépendance entre la parole et l’action, la parole est une forme d’action. Il différencie alors trois sortes d’actes : l’acte locutoire – « acte de dire quelque chose » (1962/1970:113) –, l’acte illocutoire– « acte effectué en disant quelque chose » (ibid.) – et l’acte perlocutoire – « actes que nous provoquons ou accomplissons par le fait de dire une chose » (ibid. : 119). Ensuite, la théorie des actes de langage est poursuivi par Searle (1969/1972) dans un ouvrage intitulé « Speech Acts ». Son point de vue consiste à montrer« que toute énonciation constitue un acte (promettre, suggérer, affirmer, interroger…) qui vise à modifier une situation »

A partir des années 70 aux USA et aux années 80 en France, apparait petit à petit la linguistique interactionnelle qui est considérée comme « pragmatique du troisième type » (Orecchioni, 1992) qui rend compte de l’usage communicationnel du langage (Armengaud 1985 :113). Cette discipline va récupérer certains acquis de l’analyse de discours et de la pragmatique (rendre compte des unités transphrastiques, reconnaitre l’importance du cadre contextuel, admettre l’acte de langage), et va aménager ces acquis pour les intégrer dans un appareil descriptif apte à admettre que parler, c’est communiquer et communiquer, c’est interagir (ibidem).

Le principe fondamental de l’analyse des interactions est formulé ainsi « tout discours est une construction collective » ou «une réalisation interactive ». Même le discours monologal est

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interactif car selon Goffman (1981), la parole implique une allocution, c’est un acte social qui appel un destinataire. Le « je » appelle un « tu » ou un « vous » dans ce cas-là il s’agit même d’une interlocution et non simplement d’une allocution (ibidem), il s’agit d’un échange, d’une interaction verbale.

Notre analyse nécessite le cadre méthodologique de l’analyse du discours et emprunte les outils aux méthodes interactionniste. L’ensemble des théories présentées ici contribuent d’une manière directe ou indirecte à l’élaboration de la toile de fond de ce travail. En fait, notre méthodologie de recherche s’affirme dans la perspective d’étudier l’éthos dans toutes ses formes discursives et linguistiques dans une interaction verbale.