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La plupart des entreprises privées qui amorcent des actions de prévention et de prise en charge de l’hépatite B le font de manière partielle, limitée et façonnée par les contraintes de coûts.

Les stratégies de gestion de la santé en entreprise tendent effectivement à être davantage élaborées en fonction des budgets disponibles et de la pression des assurances que de considérations de santé publique. Autrement dit, si la gestion de la santé est financière, elle n’est pas bioéconomique : celle-ci est davantage portée sur les coûts que sur la coût-efficacité en termes de préservation du capital humain. L’organisation d’une campagne systématique de dépistage constitue le premier pas d’une stratégie globale. Pour autant, les différents coûts afférents freinent les entreprises à s’engager sur ce terrain. Le premier obstacle est lié au coût du dépistage proprement dit. Ce dernier est rarement couvert par les assurances. Un médecin ))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))

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Selon certains spécialistes, la proportion de personnes déjà immunisées à l’âge adulte serait majoritaire en Côte d’Ivoire.

d’entreprise témoignait de la manière dont les enjeux financiers entraînent des compromis, voire des compromissions, avec la santé publique :

« Les personnes adultes, on peut leur proposer le vaccin. Bon là encore, il y a même une autre question qui se pose : avant de faire le vaccin, est-ce qu’il ne faut pas chercher à savoir leur statut ? Scientifiquement oui ! Mais bon, si c’est une masse de gens, c’est toujours coûteux de faire le test, de savoir qui est positif, qui est négatif. » (Médecin entreprise 17)

Le deuxième frein est lié aux éventuels coûts de la prise en charge des personnes dépistées positives (traitements estimés entre 7 à 8 millions de FCFA par patient, examens de suivis, contrôles sanguins, etc.) qui donnent lieu à des estimations budgétaires extrêmement dissuasives. Certains médecins d’entreprises sont dès lors peu désireux de proposer un dépistage systématique qui ouvrirait cette boîte de Pandore. L’un d’eux affirmait :

« Tant que vous laissez les gens, de façon naturelle, se soumettre à un dépistage, vous n’allez pas avoir 10.000 personnes qui ont l’hépatite B. Si vous faites un dépistage, que vous avez 10 personnes, comment vous assurez leur prise en charge ? Vous allez fortement charger l’assurance et à partir de ce moment là, y a un problème. » (Médecin entreprise 29)

La définition de l’existence ou de la non-existence de l’hépatite B est ici appréhendée à partir du point de vue exclusif de l’entreprise et des assurances. Si la maladie n’a pas d’impact direct visible sur l’entreprise, elle n’a alors pas de réalité. L’exercice d’une « médecine d’assurances » est alors un risque important, au sein de laquelle les considérations « sociales » et « citoyennes » affichées pour le VIH/sida sont désormais absentes.

Bien que le VIH/sida ait ouvert une « brèche » pour la prise en charge d’autres pathologies en entreprises, en ayant participé au développement de l’extension et de la qualité de la couverture maladie en entreprises (Chapitre 8), cette ouverture reste limitée. D’une part, nous avons vu que l’utilisation des « fonds sida » pour d’autres pathologies telle que l’hépatite B fait face à des résistances (Chapitre 3) et les assurances santé sont aujourd’hui réticentes à inclure la prise en charge de l’hépatite B dans leur offre. D’autre part, la menace du coût potentiel d’un employé porteur d’une hépatite chronique active B peut conduire à des stratégies de discrimination à l’embauche. A ce stade, je n’ai pas les moyens d’évaluer si cette pratique est étendue à d’autres entreprises, pour autant, elle mérite une attention particulière. Un médecin d’entreprises m’a d’ailleurs confié :

« Donc par rapport aux hépatites, nous d’emblée à la visite d’embauche, on fait ça chez tous les candidats. Ok ? On dépiste. Maintenant ceux… et la charge virale tout ça… Maintenant ceux qui ont des hépatites chroniques… (il chuchote) on les met inaptes ! » (Médecin182)

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2.2. Du VIH/sida à l’hépatite B: de la peur à l’indifférence

En dépit de sa forte prévalence, l’hépatite B est peu visible car méconnue et peu diagnostiquée au sein des entreprises. Des médecins relatent quelques cas d’hépatite virale chronique active qui leur ont donné quelques « sueurs froides ». Etant donné qu’ils ne font pas l’objet d’une identification systématique, ils ne sont donc pas identifiés comme une cause possible d’une éventuelle baisse de productivité. Si l’impact du VIH/sida sur la productivité des entreprises n’a pas été la cause directe de la mise en place de leurs programmes d’accès aux traitements, sa visibilité et son impact en termes de morbidité ont été des éléments déclencheurs. Un médecin d’entreprise faisait part de la différence de représentations de l’hépatite aujourd’hui et du VIH/sida d’hier :

« Mais l’expression du VIH fait beaucoup plus peur aux gens que les hépatites ! Bon, c’est vrai que ce sont des maladies mortelles (la cirrhose, le cancer) mais les hépatites ne vont pas exposer à la diarrhée, amaigrissements, à tousser, à des éruptions esthétiquement… c’est une question. Bon, est- ce que ce sont les entreprises privées qui doivent être devant ? Ça je ne sais pas ! » (Médecin entreprise 17)

Ainsi, alors que la peur liée au VIH/sida a produit des effets délétères en termes de stigmatisation, elle a néanmoins constitué un fort catalyseur de la réponse des entreprises privées. La méconnaissance et l’indifférence actuelle à l’égard de l’hépatite B suscitent davantage de l’immobilisme.

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3. Facteurs d’un engagement pionnier mais

limité des entreprises privées autour de

l’hépatite B

L’engagement des entreprises privées face à l’enjeu de l’hépatite B représente, à l’échelle nationale, à la fois un acte pionnier et limité. Afin de comprendre pourquoi les initiatives des entreprises privées ne se généralisent pas, pour l’instant, à l’espace public, il est nécessaire d’étudier les facteurs de leur engagement et les différents acteurs extérieurs qui ont stimulé leur implication.

3.1. Le développement du marché des hépatites virales

C’est le démarchage de certains « entrepreneurs de la santé » qui a stimulé les initiatives pionnières de dépistage et de prise en charge du VHB au sein de quelques entreprises depuis la fin des années 2000. Deux types d’acteurs ont cherché à accroître ce « marché des hépatites » en entreprises : d’un côté, des acteurs directement engagés dans le domaine des hépatites virales, de l’autre, des « professionnels du VIH/sida » qui ont développé leur offre de services en intégrant l’enjeu de l’hépatite B pour se repositionner au sein du marché de la santé.

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