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2. Des conceptions différentes sur le rôle de parent

2.5 L’évaluation du temps passé au travail et les aspirations quant à l’augmentation ou la

2.5.5 Les rigidités organisationnelles

Notons que les obstacles à d’autres formules d’aménagement du temps de travail peuvent provenir de l’entreprise elle-même. La peur du précédent, la crainte de provoquer des jalousies ou des envieux à l’intérieur du milieu de travail; il s’agit là de rigidités liées à l’entreprise faisant en sorte que même si les pères et les mères nous ont dit souhaiter une réduction de leur temps de travail; cela n’était pas toujours possible en réalité. De même, les propres structures organisationnelles de l’entreprise où ils oeuvrent font en sorte qu’une réduction du temps de travail est difficilement envisageable. Cela est invoqué notamment dans le cas des hôpitaux. Nous savons que dans les institutions hospitalières, l’organisation du travail met en oeuvre une panoplie de spécialistes afin de prodiguer les soins à la clientèle. On y retrouve des ergothérapeutes, des médecins, des omnipraticiens, des chirurgiens, des physiothérapeutes et des radiologistes, ainsi que de nombreux autres spécialistes dans le domaine des soins médicaux. À cela s’ajoutent bien sûr le personnel des soins infirmiers (infirmiers et infirmières, préposé-e-s aux bénéficiaires) et le personnel de l’entretien ménager. Or, tous ces groupes socioprofessionnels fonctionnent selon un horaire bien déterminé à l’avance afin que les soins adéquats puissent être prodigués aux malades. Pour assurer que ces soins soient donnés et bien donnés adéquatement, il faut organiser le travail de chacun, selon des horaire bien précis. Aussi, réduire le temps de travail de l’un (si aucun remplacement de l’effectif n’est prévu) risque de créer un problème dans la dynamique d’ensemble du fonctionnement de l’institution hospitalière. C’est pourquoi nous parlons de rigidités organisationnelles, faisant en sorte de rendre difficilement possible une réduction du temps de travail. En même temps, c’est ce qui peut expliquer la peur du précédent au niveau du personnel d’encadrement. En effet, si on accorde telle faveur à tel groupe professionnel, ne court-on pas le risque que d’autres groupes professionnels cherchent également à réduire leur temps de travail? Ainsi, les changements sont-ils freinés, car un seul tout petit changement risque de remettre en cause le mouvement d’ensemble de l’organisation du travail.

2.6 La répartition des tâches familiales et domestiques entre les deux conjoints et les difficultés à concilier les responsabilités familiales et domestiques

Nous insistons depuis le début de ce chapitre pour mettre en relief certaines évolutions constatées dans les conceptions et perceptions des pères et des mères interviewées. Qu’en est-il de la répartition des tâches

familiales entre les deux conjoints? Nous dirions qu’encore là, les résultats d’enquête sont fidèles à la réalité observée (variables d’analyse 6 & 7). C’est- à-dire que nous retrouvons des participants (pères) et des participantes (mères) ayant une répartition des tâches familiales et domestiques très traditionnelle dans la mesure où c’est à la femme qu’incombe la majorité des tâches domestiques et familiales, et ce, que ce soit pour l’entretien domestique, le ménage, le lavage, la vaisselle, etc., et plus largement l’éducation et l’élevage des enfants. L’homme s’affairant plutôt à des tâches bien déterminées, que ce soit la préparation de repas, l’assistance aux devoirs des enfants, le transport aux lieux de loisirs, etc.

Mais, nous remarquons aussi que dans les situations où les deux conjoints ont des horaires de travail différents, cela permet un partage des tâches domestiques et familiales plus équitable entre l’homme et la femme. Cela est particulièrement visible dans le secteur de la santé et des services sociaux. En effet, nous entendions des commentaires des pères à l’effet que « ma conjointe travaille de jour, moi je travaille de soir, cela me permet de faire plus de travaux domestiques pendant la journée ». Le fait de bénéficier de temps pendant la journée favorisait ce plus grand partage et était apprécié, par certains pères qui souhaitaient consacrer leur temps libre par la suite à la vie familiale. Or, cela est beaucoup moins apparent dans le secteur de l’éducation. L’implication des pères dans la répartition des tâches familiales et domestiques est moins la conséquence de leur horaire de travail. Leurs tâches sont beaucoup plus délimitées, à savoir la préparation, des repas, des lunchs, etc. Ils ne semblent pas s’impliquer au même titre que le font les pères (santé et services sociaux) travaillant sur des horaires non réguliers.

Présentons les quelques extraits suivants à ce propos : Les pères

ÉDUCATION

« Moi, généralement, je fais tous les repas ».

« Je prépare le souper. Ma femme travaille seulement 4 jours. Donc, le lundi c’est plus elle qui s’en occupe.

« Je fais les lunchs le matin… ».

« Mon épouse s’occupe davantage des repas. J’y participe aussi. Mais moi, c’est beaucoup la vaisselle et l’entretien un peu finalement ».

« C’est tout moi qui fait les repas. C’est moi qui s’occupe de tout ça. Ça s’arrête jamais »

« J’arrive chez nous le soir, c’est le souper, les devoirs et les leçons. Après, on regarde un peu la télévision, pis après, on va se coucher.

« Je fais le souper une journée sur deux en temps normal, donc c’est la course avec les enfants ».

SANTÉ ET SERVICES SOCIAUX

« J’en fait un petit peu plus que ma femme parce que (…) les congés dans la semaine … C’est moi qui fait le ménage la plupart du temps. … (Les enfants) Faut dire qu’ils ont beaucoup d’activités. Ça c’est sûr qu’on pourrait toujours dire non. Mais on les a élevé comme ça de participer à plein d’activités ».

« Ma blonde moi, elle me dit pas qu’on est un couple, on est une équipe. Si je travaille à une heure et demi le lundi avant Noël, … le matin, je vais avoir congé, je vais avoir congé, je vais mener ma fille au cégep, je reviens à la maison, tout est ramassé. Si j’ai l’aspirateur à passer, je vais le faire là, sinon il va se faire jeudi, j’ai pris ma journée de congé. Alors, je suis à la maison comme si mon épouse était absente. Alors, … je me tape toutes les tâches . J’attends pas après elle ».

« On s’est organisé pour que nos fins de semaine, étant donné qu’il arrive peu souvent qu’on se tape rien les fins de semaine, donc, le ménage, le lavage, ces affaires là, là. C’est la semaine qui faut que ça se passe. Donc, t’arrives là, le vendredi là, y a plus rien à faire. Là le samedi, dimanche, ils sont à la famille. … Je suis chez moi de huit à midi, bien je peux en faire le maximum de 8 à midi, parce que je le sais que ma conjointe est à l’extérieur, bien elle travaille, pis bon est pas là, elle travaille, pour quoi, moi je le ferais pas là? Pis si une semaine, je m’en suis tapé 100%, bien je m’en taperai 100%. Ça n’a aucune valeur pour moi ça, parce que je le sais que la fin de semaine qui s’en vient, on a plein de choses de planifiés, et que c’est ça qui va être important ».

Il ne s’agit pas d’un partage « naturel » des tâches domestiques et familiales entre les deux conjoints. Dans certains cas cela s’est fait de manière presque obligée puisqu’il était impossible de fonctionner autrement, c’est-à-dire qu’une seule personne dans le couple fasse toutes les tâches domestiques et familiales. Dans d’autres situations, ce partage s’est fait de manière progressive. C’est-à-dire que le conjoint a été amené à prendre en charge certaines tâches domestiques et familiales par la force des choses. Les mères sont très claires à ce sujet :

Les mères

SANTÉ ET SERVICES SOCIAUX

« Nous autres, ça pas toujours été ça. Maintenant, je dirais qu’il fait 85 à 90% là pareil à moi, je dirais là. Mais ça pas toujours été ça. … Je dirais exiger, lui faire comprendre, lui faire voir, il avait une vieille mentalité. C’était pas parce qu’il voulait pas, c’était parce qu’il voyait pas ça ».

« Il fait certaines choses dans le ménage, mais par contre, comment je pourrais dire ça, je gère en lui disant, j’aurai pas le temps de passer à l’aspirateur. je travaille le soir, je travaille demain, pis ça va aller à l’autre. Je lui passe des messages parce que sinon, il le fera pas. Si j’y dis, il va le faire ».

On constate que très fréquemment les tâches sont divisées selon les affinités personnelles de chaque membre du couple. Or, prendre en considération ces affinités aiderait davantage ou favoriserait plus le partage des tâches entre les deux conjoints. Mais le portrait à cet égard n’est jamais découpé finement. Il y a

souvent des tâches qui prennent un caractère d’exception, c’est-à-dire « qu’exceptionnellement, c’est le conjoint qui les réalise ». Cela sera exprimé ainsi par exemple, « moi je ne fais pas la cuisine, c’est mon mari qui s’en charge et puis il aime ça », ou encore « les devoirs et les leçons des enfants je lui laisse », ou encore, « l’extérieur de la maison je ne touche jamais à ça ». Les extraits suivants sont très explicites à ce propos :

Les pères

SANTÉ ET SERVICES SOCIAUX

« La seule affaire que je lui laisse, c’est le lavage. Bien, j’ai un lave-vaisselle. Mais je fais la vaisselle. … Mais elle n’aime pas faire le ménage. … Je fais le ménage. Je tonds le gazon ».

« y a des choses que t’aimes, des choses que t’aimes pas. Tsé, je veux dire, je sais pas moi, le repassage, elle aime pas ça. Bien je va le faire. Mais tsé, je veux dire, c’est pas, mais ça veut pas dire qu’elle n’en fait pas. Mais si un moment donné, on fait quelque chose, je le fais ça … pas autre chose, parce que je sais que moi, elle aime pas faire ça. On partage moitié, moitié ».

Les mères

SANTÉ ET SERVICES SOCIAUX

« Il va préférer faire le repassage que d’aller, tsé là. Fait que tsé on, c’est ça, c’est des choses, il va le faire parce qu’il faut que ça se fasse un moment donné, mais c’est un gars de maison ».