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Section II : La masse monétaire et ses agrégats

1. La masse monétaire (phénomène monétaire d’une manière générale)

1.1. Revue de littérature

Si la monnaie joue un rôle dans notre vie économique, les théories sur sa nature exacte ont été nombreuses et ont suscité bien des controverses.

Ces théories monétaires visent à analyser l’influence de la monnaie sur l’activité économique, elles ont examiné les raisons pour lesquelles les agents économiques détiennent de la monnaie. Ces raisons qui peuvent être classées en trois catégories : la conception classique, keynésienne, et monétariste.

Pour la théorie classique, les agents économiques ne désirent la monnaie qu’en vue de réaliser des transactions. Elle suppose que les variables monétaires n’exercent aucune influence sur l’économie réelle, c’est-à-dire que la monnaie est un instrument destiné seulement à faciliter les transactions. Par contre, la conception keynésienne suppose que, la monnaie est une forme de richesse, elle est basée sur la théorie de la préférence pour la liquidité. D’après Keynes, la monnaie est active de sorte que celle-ci joue un rôle très important dans l’économie, elle permet de relier l’économie réelle à l’économie monétaire. Cependant, les travaux de la conception monétariste qui s’inscrivent dans la logique des classiques, aboutissent à des conclusions contraires à celles de Keynes. Ils proposent une nouvelle théorie de la demande de monnaie, de sorte que celle-ci est une nouvelle formulation de la théorie quantitative de la monnaie. D’après Friedman, la monnaie est active à court terme et neutre à long terme.

1.1.1. La conception classique de la monnaie

Dans la conception classique, l’analyse monétaire suppose la neutralité de la monnaie, les agents économiques ne désirent de la monnaie qu’en vue de réaliser des transactions.

La théorie monétaire classique est une théorie fondée sur l’approche dichotomique. D’après D. Ricardo dans son ouvrage intitulé « principes de l'économie politique et de l'impôt, 1817 », cette approche dichotomique permet de diviser l’économie en deux sphères, c’est-à-dire sphère réelle et sphère monétaire, elle considère que la monnaie est neutre, et n’exerce aucune influence sur l’économie réelle. Dans la sphère réelle, l’analyse de la production est gérée par la loi des débouchés de J. B. Say, c’est-à-dire que l’offre créée sa propre demande, cette loi affirme que c’est la production qui offre des débouchés aux produits, et l’échange des produits contre autres produits reste valable dans une économie monétaire, car la monnaie obtenue lors de la vente des produits est tôt ou tard dépensée contre l’achat d’autres produits1. Par contre, dans la sphère monétaire, l’analyse fournit des explications du niveau général des prix grâce à la théorie

1 A. Heertje, P. Barthélemy, et P. Pieretti, "principes d'économie politique", édition de boeck, belgique, 2003, p 101.

30 quantitative1. A cet effet, la monnaie a un rôle unique qui consiste à déterminer le niveau général des prix à travers la théorie quantitative de la monnaie : MV = PT2.

Cette théorie analyse le rapport entre la masse monétaire, et les prix. Elle est basée sur l’existence d’un lien causal entre la variation de la masse monétaire et l’évolution du niveau général des prix3. À ce titre, O. Pfersmann (1998) souligne que, toutes les écoles classiques et néoclassiques démontrent que la monnaie joue un rôle très important sur les prix, leur analyse est synthétisée dans la théorie quantitative de la monnaie4.

Par ailleurs, l’idée fondamentale de cette théorie est que le niveau des prix s’accroit lorsque la quantité de monnaie augmente et diminue lorsqu’elle baisse. Pour cela, la monnaie n’a pas d’effets réels sur l’économie, c’est-à-dire que la monnaie est neutre par rapport aux mécanismes réels de l’économie. Autrement dit, la monnaie n’exerce d’influence que sur le niveau général des prix. Donc, la théorie quantitative considère que les phénomènes réels (tels que la croissance, le chômage, etc.), sont parfaitement séparés et indépendants des phénomènes monétaires (tels que la variation de la masse monétaire, l’inflation etc.)5.

1.1.2. La conception keynésienne de la monnaie

John Maynard Keynes va proposer une approche radicalement différente, celle d’une économie monétaire de production, mettant fin à la dichotomie précédente. La conception keynésienne de la monnaie peut se résumer en trois idées :

Premièrement, Keynes (1936) remet en cause la dichotomie sphère réelle – sphère monétaire au cœur de l’analyse classique, il affirme que la monnaie joue un rôle déterminant à travers l’analyse globale de l’économie. Pour lui, la monnaie est active, elle n’est pas neutre, car elle peut être désirée pour elle-même. Ainsi, cette monnaie joue un rôle très important dans l’économie, elle permet de relier l’économie réelle à l’économie monétaire. Dans ce contexte, Keynes montre que « l’importance essentielle de la monnaie découle essentiellement du fait qu’elle constitue un lien entre le présent et le future »6. A cet effet, la monnaie joue un rôle actif dans l’économie et elle est en mesure d’influencer la production et emploi.

Deuxièmement, Keynes (1936) considère que la monnaie est une forme de richesse, elle est intégrée par l’intermédiaire du taux d’intérêt et considérée comme une réserve de valeur.

1 O. Hueber, "economie générale ", éditions technip, paris, 2005, p 100.

2 J. Helfer et J. Orsoni, "macro économie", édition vuibert, paris, 1991, p 28.

3 M. Lecarpen et P. Gaudron, "économie monétaire et financière", édition économica, paris, 2011, p 31.

4 O. Pfersmann, "austriaca n°47: théories et théoriciens", publication univ rouen havre, 1998, France, p 97.

5 V. Lelievre et autres, "économie monétaire et financière", édition bréal, paris, 2006, p 96.

6 J. Keynes, "théorie générale de l'emploi, de l'intéret, et de la monnaie", 1936, cité par J. Manory ,"des délices de l'inflation aux affres de la déflation: une lecture keynésienne de la crise", publication univ rouen havre, France, 2009, p 101.

31 Ainsi, la monnaie peut être recherchée pour elle-même et constitue un élément du patrimoine des agents économiques1.

Dans la conception keynésienne, le taux d’intérêt est introduit dans l’analyse de la demande de monnaie qui joue un rôle très important dans le comportement de la demande de monnaie pour la spéculation2. Il est considéré comme un déterminant de la détention d’encaisses. À ce titre, Keynes explique que « le taux d’intérêt est le prix auquel le désir de maintenir la richesse sous forme liquide se concilie avec la quantité de monnaie disponible »3. En d’autres termes, le taux d’intérêt est considéré aussi comme une variable monétaire qui permet de laisser des traces sur les variables réelles de l’économie. Ainsi, A. Heertje (1998) mentionne que, la grande nouveauté de Keynes est d’avoir montré que la monnaie n’est pas neutre, et est capable d’induire des effets réels par l’intermédiaire du taux d’intérêt4.

Troisièmement, Keynes (1936) traite la demande de monnaie comme une théorie de la préférence pour la liquidité. Pour lui, les agents économiques peuvent choisir entre la monnaie et un substitut de la monnaie (titre). De ce fait, la préférence des agents pour la liquidité résulte de trois motifs : précaution, transaction et spéculation5.

Pour le motif de transaction, le motif de transaction traduit « le besoin de monnaie pour la réalisation courante des échanges personnels et professionnels »6. Par contre, le motif de précaution est considéré comme un désir de sécurité, il est détenu par les agents économiques pour faire face à des dépenses imprévues. Cependant, Keynes considère que « le motif de spéculation c’est le désir de profiter d’une connaissance meilleure à que celle du marché de ce que réserve l’avenir »7.

1.1.3. La conception monétariste de la monnaie

Dans la vision monétariste, la monnaie est un élément de richesse (patrimoine) de tout agent économique.

Friedman (1956) a proposé une nouvelle théorie de la demande de monnaie qui est une nouvelle formulation de la théorie quantitative de la monnaie8. Cette théorie dépend de la richesse des individus et des rendements anticipés des autres actifs comparés à celle de la monnaie. La conception monétariste de la monnaie peut se résumer en quatre idées :

1 F. Comber et T. Tacheix, "l'essentiel de la monnaie", édition gaulino, paris, 2001, p 101.

2 Ibid, p 100.

3 J. Keynes, Cité par J. Manory (2009) ,"Op.cit, p 101.

4 A. Heertje, P. Pieretti, et P. Bartheleny, "principe d'économie politique", édition de boeck et larcier, belgique, 1997, p 111.

5 M. Montoussé, "cent fiches de lecture: en économie, sociologie, histoire et géographie économiques", éditions bréal, Paris, 2008, p 69.

6 M. Vaté, Op.cit p 260.

7 J. Keynes, Cité par M. Montoussé (2008). Op.cit, p69.

8 M. Friedman, "la théorie quantitative de la monnaie", 1956, Cité par V. Lelievre, J. Bailly, G. Caire et A Figliuzzi, "économie monétaire et financière", édition bréal, paris, 2006. p 109.

32 Premièrement, l’analyse des monétaristes selon la nouvelle théorie quantitative de la monnaie considère que la monnaie a une incidence sur le niveau général des prix, ils confirment donc la théorie quantitative de la monnaie selon laquelle la monnaie est neutre à long terme et elle n’influence que le niveau général des prix1. Friedman montre que l’inflation provient toujours d’une émission excessive de monnaie, c’est à dire que la croissance de la quantité de monnaie est le premier déterminant du taux d’inflation. Plus précisément, il existe une liaison entre la croissance de la quantité de monnaie et l’inflation, c’est-à-dire qu’il existe un lien direct entre la quantité de monnaie et le niveau des prix2. Donc, l'inflation est principalement causée par l'augmentation aveugle de la masse monétaire.

Cependant, l’évolution de la quantité de monnaie peut affecter l’économie réelle au moins à court terme où le choc monétaire peut avoir des effets sur la production3. Ainsi, l’augmentation de la masse monétaire affecte aussi bien le niveau général des prix et le volume de la production.

En définitive, on peut dire que dans l’analyse monétaire de Friedman, la monnaie est active sur le court terme, par contre, à long terme, la monnaie est neutre car elle n’a aucune influence sur l’économie réelle.

Deuxièmement, Friedman montre qu’il faut procéder à un contrôle strict de la masse monétaire en circulation dans l’économie. Il faut donc encadrer la masse monétaire offerte pour éviter l’inflation. À cet effet, les banques centrales devraient accroître l'offre de monnaie selon des règles strictes4. Les schémas suivants représentent les deux cas où l’offre de la monnaie est soumise à des règles strictes et des règles non strictes :

La figure suivante représente le cas où l’offre de la monnaie n’est pas soumise à des règles strictes (l’offre de la monnaie n’est pas encadrée) :

Figure 8: L'offre de la monnaie n'est pas soumise à des règles strictes

Source : Schéma élaboré par l’auteur

Tandis que la figure suivante représente le cas où l’offre de la monnaie est soumis à des règles strictes (l’offre de la monnaie est encadrée).

1 Document en ligne : http://www.lemondepolitique.fr/cours/introduction-economie/macroeconomie/theorie-monnaie.html. Date de consultation : 22-04-2016.

2 E. Kesler et O. Sichel, "économie politique contemporaine ", édition armand colin, paris, 2000, p 164.

3 P. Lehmann (2006), Op cit p 94.

4 L. Simon et D. Bellemare, "plein emploi: pourquoi?", édition puq, québec, 983, p 182.

Augmentation de l’offre

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Figure 9: L'offre de la monnaie est soumise à des règles strictes

Source : Schéma élaboré par l’auteur

Donc, il faut respecter une règle monétariste fondamentale : la masse monétaire doit suivre la progression du taux de croissance à long terme de l’économie augmentée du taux d’inflation.

Troisièmement, Friedman introduit le concept de revenu permanent, qui s’oppose à l’idée du revenu courant (revenu court terme). Il a rejeté l’idée de Keynes concernant la demande de monnaie, par les agents, qui est liée au taux d’intérêt et dépend de leur revenu courant. Pour lui, le comportement des agents face à la monnaie est lié à leur revenu permanent. Dans ce sens, d’après M. Friedman (1959)1, « le comportement des agents face à la monnaie n’est pas lié au taux d’intérêt et ne dépend pas, de leur revenu courant, mais de leur revenu permanent. Pour cela, il estime que la demande de monnaie dépend de la notion de revenu permanent qui explique la demande de monnaie ». En effet, l’agent économique ajuste ses encaisses non pas à son revenu actuel, mais à son revenu de longue période qu’il appelle revenu permanent.

Quatrièmement, selon l’analyse de Friedman, la monnaie n’est qu’une forme de détention de richesse de tout agent économique. Elle est étudiée dans le cadre d’une gestion de patrimoine (richesse) opérée par les agents économiques. Cette demande de monnaie, dépend deux séries de variables2 :

- La fonction de richesse totale détenue (W).

- Les prix et le taux de rendement de chaque forme de détention de la richesse.

Pour la fonction de la richesse totale détenue (W), nous reprenons la formulation de G. Jacoud (2006), selon la quelle Friedman considère que la richesse de l’agent économique est détenue sous cinq formes d’actifs patrimoniaux 3:

1 M. Friedman, "the demand for money: some theoretical and empirical results", the journal of political economy, 1959, Cité par P. Lehmann, "la politique monétaire: institutions, instruments et mécanismes", édition lavoisier, paris, 2006, p 77.

2 C. Ottavj, "monnaie et financement de l'économie", édition hachette, paris, 2007, p 140.

3 G. Jacoud, "l'europe monétaire", édition armand colin, paris, 2006, p 139.

Augmentation de l’offre nominale de monnaie Stimulation de l'investissemen t hausse de la production hausse de la demande la croissance économique diminution du chômage

34 1. La monnaie.

2. Les obligations sont des actifs financiers non monétaires dont le « prix » varie.

3. Les actions sont des actifs financiers non monétaires dont le « prix » varie aussi, mais différemment des obligations.

4. Les actifs réels sont les biens mobilier et immobilier détenus par les ménages, ainsi les biens d’équipement détenus par les entreprises.

5. Le capital humain, c’est l’individu lui-même, il est représenté par les capacités personnelles et professionnelles louées contre rémunération.

La formulation de la demande de monnaie peut être représentée selon l’équation suivante1 :

M= L(y,p, re, rb, π*,rm, u) ………. (01) Où :

- re : Le rendement anticipé des actions. - rb : Le rendement anticipé des titres. - Π* : Taux d’inflation anticipé.

- rm : Le rendement anticipé de la monnaie.

- u : les gouts et les préférences des détenteurs de richesse.

D’après cette formule, la richesse ne pouvant être détenue qu’en monnaie, mais aussi en actions, obligations et actifs réel. L’agent économique cherche à déterminer la composition optimale de son patrimoine en tenant compte de sa grandeur globale (W), des prix et rendements relatifs des divers actifs et des gouts et préférences des agents donnés par la fonction d’utilité (u)2.